Au milieu des hommes - Ligaran - E-Book

Au milieu des hommes E-Book

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Extrait : "On ne rencontre pas certains êtres hideux ou haineux dont les instincts font horreur sans se demander pourquoi ce sont ceux-là qui ont une âme et les chiens qui n'en ont pas. C'est sans doute pour les passions à grand spectacle que les romanciers ont imaginé les déclarations et les aveux ; l'amour n'en a pas besoin : la femme qu'on aime le voit, le sent, le sait ; il ne lui déplaît pas qu'on le lui dise, mais cela n'est jamais nécessaire."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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En ce petit livre sont consignées, sous forme de notes, les réflexions que, dans mon voyage à travers le monde, m’ont suggérées les femmes et les hommes, y compris, parmi ces derniers, ceux qu’on appelle des sots. La plupart des vérités étant aussi dures à entendre qu’elles sont utiles à savoir, il est sage de ne les distribuer qu’à doses très mesurées. L’enchaînement des idées et les longues dissertations ne valent point, en pareil cas, la brusquerie des transitions.

Éveiller les souvenirs des uns, raviver les sentiments des autres, constater çà et là nos erreurs et nos fautes, sans oublier toutefois de rendre hommage à nos bons instincts, tel est le but que je me suis proposé. Rien de nouveau n’était à découvrir ; mais bon nombre des choses qui se passent dans la vie et dans les cœurs demandent à être reconnues ou rappelées.

Un livre qui ne fait ni rire ni pleurer doit au moins servir à faire penser. La leçon la plus saisissante, l’observation réellement nécessaire, c’est celle, comme dit Montaigne, qui nous peint et qui nous pince.

Les hommes et les femmes

On ne rencontre pas certains êtres hideux ou haineux dont les instincts font horreur sans se demander pourquoi ce sont ceux-là qui ont une âme et les chiens qui n’en ont pas.

*

C’est sans doute pour les passions à grand spectacle que les romanciers ont imaginé les déclarations et les aveux ; l’amour n’en a pas besoin : la femme qu’on aime le voit, le sent, le sait ; il ne lui déplaît pas qu’on le lui dise, mais cela n’est jamais nécessaire.

*

Quand je saurai à qui vous avez éprouvé le besoin d’annoncer sans retard la bonne nouvelle qui vous arrive, je connaîtrai le meilleur de vos amis.

*

Quel est l’œil exercé qui pourra découvrir ce qu’il y a d’ironie, de dédain ou de sourde colère dans le regard oblique et rapide que jettent sur leurs toilettes réciproques deux coquettes qui se rencontrent dans un salon ou se croisent dans la rue ?

*

Il y a des visages répugnants, mais ils sont extrêmement rares ; hors de là, un homme intelligent et bon ne peut pas être laid.

*

Ce qui met le plus en péril le bonheur et la vertu des femmes, c’est la flatterie. Soyez beau garçon ou homme d’esprit, cela n’est pas inutile ; mais, avant tout, soyez habile flatteur : les qualités qui brillent en vous ne vaudront jamais, pour les séduire, les charmes que vous découvrez en elles.

*

Il faut aimer l’âme d’une femme pour que sa figure plaise toujours.

*

La plus grande preuve d’estime qu’on puisse donner à un homme, c’est de croire à son désintéressement.

*

Si votre père a fait de bonnes ou de grandes choses, pensez souvent à lui et tâchez de l’imiter. Prêtez l’oreille à la voix qui vous crie de porter noblement son nom ; c’est celle que les hérauts d’armes faisaient entendre aux chevaliers dans les tournois : « Souvenez-vous de qui vous êtes fils et ne forlignez pas. »

*

Le bon sens des femmes, quand il persiste, quand il résiste aux entraînements du monde et aux extravagances de la toilette, est le plus solide des bons sens.

*

Les hommes vertueux ont sur ceux qui sont riches, supérieurs ou haut placés un avantage considérable : ils ne font pas d’envieux. Beaucoup de gens voudront avoir votre fortune, votre talent ou votre place : aucun n’enviera votre patience, votre courage, votre droiture ou votre générosité. Qui de nous a entendu dire à quelqu’un : « Est-il heureux, notre voisin, d’être si simple, si bon, si dévoué ! »

*

La différence entre les femmes et les anges vient surtout de ce que ces derniers n’ont pas de système nerveux.

*

Il n’y a qu’un point sur lequel les hommes ont presque tous autant d’esprit les uns que les autres, c’est l’intérêt.

*

Vous reconnaîtrez l’homme d’un véritable mérite à la bonne grâce avec laquelle il proclamera le mérite d’autrui.

*

L’homme qui serait assez ferme de caractère, assez solide dans ses principes pour fixer nettement, au début de sa carrière, les conditions morales de son existence, et pour se dire d’avance : « Il y a certaines fautes que je ne commettrai jamais », aurait bien des motifs de vivre en paix. Sans doute, il serait un peu comme les autres le jouet des évènements ; mais les grandes lignes de sa vie une fois tracées et toujours respectées lui assureraient, même à travers les orages, ce repos de conscience qui constitue à l’âme humaine le seul fonds sur lequel elle puisse asseoir le bonheur.

*

Élevez constamment votre âme, fortifiez votre esprit, faites le bien aussi souvent que le bien sera possible, et vous aurez dans le cœur, pour chaque jour de la vie, une bonne part de joie. Si vous regardez de près les mécontents, vous ne trouverez guère parmi eux que des âmes basses, des têtes vides et des cœurs étroits.

*

J’ai vu des généraux couverts de gloire, des orateurs pleins d’éloquence et d’habiles diplomates ; j’ai vu des artistes de talent, des savants illustres et des écrivains de beaucoup d’esprit ; j’ai vu aussi, en grand nombre, des gens du monde très aimables et très distingués : ce que j’ai vu moins souvent, c’est un homme en équilibre. J’entends par là un homme dont les diverses forces composantes, – le goût, le ton, l’esprit, la tenue, la bienveillance, l’affabilité, l’éducation et la bonté, – donnent pour résultante un homme aimable et bien élevé, en qui rien ne choque, à qui rien d’agréable ne manque, et qui sait, en toute occasion, se tenir, se conduire et séduire.

*

L’homme riche, lorsqu’il a de l’esprit, est d’autant moins vain qu’il est plus riche ; il laisserait croire autrement qu’il ne doit qu’à sa fortune d’être ce qu’il est.

*

Si vous avez quelque fierté dans l’âme, ne commettez de fautes graves qu’envers vous-même. Il serait possible, si vous étiez coupable envers les autres, qu’on ne voulût pas vous punir ; mais le pardon exclut presque toujours l’estime : ne vous exposez pas à cette humiliation.

*

Quand vous verrez un homme très occupé de découvrir les défauts des autres et de mettre tout ce qu’il a d’esprit dans le dénigrement, soyez assuré que son intelligence est médiocre, qu’il n’a pas le cœur haut placé, et qu’il aurait fort à faire s’il se livrait sur lui-même à ce triste exercice.

*

L’égoïsme des célibataires est d’autant plus regrettable qu’ils auraient le droit, sans préjudice pour personne, de répandre des bienfaits. Ce droit n’appartient pas aussi complètement aux pères de famille : ce qu’ils donnent aux malheureux, ils l’ôtent à leurs enfants.

*

La jalousie, chez les femmes, a pour cause l’amour-propre plus souvent que l’amour. Les femmes ne dédaignent pas d’être aimées, mais elles tiennent surtout à être préférées.

*

Certains maris effacent beaucoup trop leurs femmes ; ce sont des égoïstes ou des butors qui croient que la femme n’a d’autres missions que de les servir. Il y a, par contre, des femmes qui annulent trop leurs maris. On a tort des deux côtés. Dans une maison bien ordonnée, il faut que chacun ait sa part et son rôle ; il est mauvais que les parts soient absorbées ou les rôles renversés ; ce n’est jamais au profit réel de personne.

*

Les femmes qui vivent en mauvaise intelligence avec leur conscience ont une disposition naturelle à prendre pour elles tous les méchants propos qui se répandent ; c’est toujours à elles qu’on fait allusion, c’est dans leur jardin que tombent toutes les pierres.

*

Lorsque je reçois, sur la voie publique, une forte poussée d’un de mes frères en J.-C., je voudrais avoir la consolation d’être sûr que le plaisir qu’il éprouve est en proportion du déplaisir que je ressens.

*

Vénus était une bête ; je ne l’ai pas connue, mais j’en suis sûr. Elle a plus que les autres femmes la pureté des contours et l’harmonie des formes, j’y consens ; mais elle ne m’intéresse pas, elle ne m’émeut pas ; elle est pour quelques instants le plaisir de mes yeux, c’est pourquoi je la tolère en marbre ; elle ne répondrait, vivante, à aucune de mes aspirations ; elle ne serait pas charmante pour assez longtemps.

*

On peut poser comme axiome que la femme toute seule, à l’état de nature, sans protection et sans secours, vaut le double de l’homme placé dans les mêmes conditions.

*

Si vous ne tenez pas à être cruel, ne parlez jamais des charmes de l’esprit et de la grâce devant une femme qui a mis tout son espoir dans les traits de son visage.

*

Rendez-vous bien compte des indignations, des accès de colère de la femme qui s’écrie avec mépris à propos d’une autre femme : « C’est une misérable ! » – Il doit y avoir quelque chose là-dessous.

*

Dans une assemblée où l’on travaille en commun, l’homme supérieur à ses collègues est d’autant plus obligé d’être doux et bienveillant qu’il a déjà sa supériorité à se faire pardonner.

*

Ceux-là seuls aiment la solitude qui vivent avec de grandes pensées ou de grandes afflictions.

*

Des goûts simples, une bonne femme et de bons enfants, l’amour de l’étude et du foyer, que faut-il de plus pour passer doucement une existence qui peut avoir bien des charmes sans qu’on ait recours, pour la remplir, aux misères de l’ambition ?

*

On calomnie l’humanité en prétendant qu’il n’y a pas d’amis : il est encore des cœurs droits et désintéressés, et lorsqu’ils se rencontrent, ils ne tardent pas à se reconnaître.

*

Attendez, pour juger d’un homme et de son caractère, qu’il ait reçu le coup de massue du sort. Il aura courage et vertu s’il se résigne à subir ce qu’il n’aura ni prévu ni mérité.

*

Ne comptez sur vos amis que si vous en avez peu. L’amitié perd en profondeur ce qu’elle gagne en étendue. L’image est vraie jusqu’au bout : les témoignages d’affection qui se répandent partout et sur tous cessent d’être agréables à quelques-uns et gênent le plus grand nombre. On ne se dévoue ni ne se confie à tous ceux qu’on rencontre ; lorsqu’on a tant d’amis, on n’en a pas un. « L’amitié est bien bête de compagnie, disait Plutarque, mais non pas bête de troupeau. »

Pythagore avait exprimé la même pensée en disant : « Ne touche point à plusieurs dans la main. »

*

Nous aimons le père qui nous pardonne nos fautes ; nous aimons mieux celui qui nous en a préservés.

*

Les hommes qui méprisent leurs semblables sont suspects ; ils doivent avoir, sans le dire, de très bonnes raisons pour se mépriser eux-mêmes. Quelque clairvoyants, quelque observateurs que nous soyons, il n’y a guère qu’un cœur que nous connaissions bien, dans ses replis les plus cachés, c’est le nôtre. Or s’il existe, et je le crois, un fonds commun dans l’humanité, c’est surtout en étudiant son propre cœur qu’on apprend à connaître le cœur des autres.

*

Telle femme qui a de belles et de bonnes qualités n’est pas toujours celle avec qui nous pouvons traverser les épreuves de la vie ; ce qui a manqué dans beaucoup d’unions malheureuses, ce n’est pas la vertu, c’est la sympathie.

*

Les femmes qui se rencontrent dans le monde échangent des paroles si expansives et se donnent de tels témoignages d’intérêt, qu’il serait impossible à une âme droite et sincère de mettre en doute leur amitié. Cela dure ainsi tant qu’elles sont en présence les unes des autres ; qu’elles se séparent, et aussitôt elles se déchirent. On dirait, c’est une femme qui l’a remarqué, que chacune, au départ, a laissé sa caricature à l’autre.

*

Les mères sont tendres et dévouées ; elles seraient parfaites si elles réfléchissaient. Il en est qui diraient volontiers à l’enfant atteint par une tuile : « Comment as-tu fait, petit malheureux ? »

*

Prêtresse de la vie, sainte initiatrice de l’humanité, la femme, dans ma pensée, dans mes rêves les meilleurs, est l’ange gardien de la famille, le bon génie du foyer domestique. Je me plais à la voir, selon la parole de l’apôtre : « Sa parure doit être la vie cachée du cœur, la pureté inaltérable d’un esprit doux et paisible. »

*

Les hommes ont, disent-ils, tous les dons en partage : la force, l’esprit, le courage et le reste ; et on les voit rampants, lâches, hébétés, prêts à tout sacrifier devant une femme dont le seul mérite est d’être belle.

Si l’homme disait à la femme : « Je vous suis supérieur par les grandes qualités qui me distinguent ; c’est moi que l’intelligence, le savoir, le génie ont fait le maître du monde », – la femme serait en droit de lui répondre : « Que m’importe, si je suis la maîtresse du maître ? Qu’ai-je à faire de vos grandeurs puisqu’elles s’humilient toutes devant la mienne ? Que valent votre gloire, vos vertus et votre prestige, puisque, le jour où j’y consentirai, je verrai tout cela rouler à mes pieds ? Qu’est-ce que votre honneur lui-même, dont vous êtes si fier, lorsqu’il tient à la robe d’une femme ? »

Depuis le jour où le vaillant Hercule a filé aux pieds de la belle Omphale, c’est là ce que la plupart des romans et des drames ont eu pour but de prouver.

*

À quoi bon prétendre dépasser les forces de l’homme en lui proposant d’aimer ceux qui le haïssent ? Ne compte-t-on pas déjà beaucoup sur sa vertu en lui demandant de ne pas leur nuire ?

*

Les hommes qui veulent changer leur position consentiraient rarement à changer leur personne ; ce serait là pourtant, dans la plupart des cas, le seul moyen d’améliorer leur sort.

*

Mme V… a beaucoup d’esprit ; ce qui le prouve surtout, c’est que, depuis trente ans qu’elle est mariée, elle n’a pas fait sentir une seule fois à son mari qu’elle en avait plus que lui. Elle forme les projets, il les réalise, et l’honneur du succès revient toujours au chef de la famille. Dans la direction des affaires aussi bien que dans l’éducation des enfants, elle a tout prévu, tout suivi avec une patiente sagacité, et quoique le mari ait été absorbé par les occupations extérieures, c’est lui encore qui semble avoir présidé à l’intelligente organisation de la maison comme au bien-être de la famille. Mme V… emprunte l’autorité qu’elle exerce sur le petit monde qui l’entoure à son esprit de justice, à sa douceur pénétrante, à l’habitude de ne jamais hausser le ton ; c’est presque à voix basse qu’elle donne ses conseils et ses ordres. On soupçonne à peine sa présence dans le modeste domaine où elle se meut, et cependant tout s’anime à son souffle, tout vit de sa pensée.

Le mari, homme de sens, a compris qu’il n’avait point à intervenir dans le gouvernement de la maison ; il a assuré ainsi la marche régulière de toutes choses, il a aidé en ne contrariant pas. Le fruit de son travail a suffi pour que l’aisance ne cessât pas de régner dans le ménage, même aux jours difficiles, parce que sa femme lui avait apporté en dot l’ordre et l’économie, deux qualités que j’estime valoir, pour une durée de trente ans, cent mille francs chacune.

Dans le monde, Mme V… a le même tact que dans sa famille. Elle laisse parler son mari, elle l’écoute avec attention, et grâce à une pantomime discrète, à un mot qu’elle intercale à propos, il ne dépasse jamais la mesure. Lorsqu’elle était jeune fille, Mme V… parlait très peu et regardait beaucoup ; ses grands yeux limpides et expressifs semblaient donner des réponses : elle se rendait compte en silence, se formait des idées et faisait provision de l’expérience d’autrui. Elle avait déjà de la finesse, cette qualité si éminemment féminine ; elle en a acquis davantage au contact du monde ; elle est piquante sans être mordante ; elle n’attaque pas, mais elle se défend bien ; elle défend surtout les autres : ceux qu’elle aime avec ardeur, ceux qu’elle plaint avec charité.

*

L’ami que d’abord on aime le plus, c’est celui qui flatte nos passions ; l’ami qu’on aime le plus longtemps, c’est celui qui les combat.

Ce qu’il y a de rassurant dans les injustices dont nous sommes victimes, c’est l’air dégagé des amis qui en prennent philosophiquement leur parti.

*

Le jour de la vie qui marque la plénitude du bonheur d’une femme, dans son orgueil comme dans son cœur, c’est celui où elle se dit pour la première fois : « Je suis aimée ! »

*

Que de gens réputés d’un grand mérite ne doivent ce mérite qu’à l’habileté qu’ils ont de cacher leurs défauts et leurs fautes ! Combien d’autres que l’on prend pour des savants et dont l’art consiste à ne pas se laisser approfondir ! La considération ne va pas toujours au plus digne, elle va souvent au plus adroit.

Si les hommes, à l’heure de la mort, étaient appelés à dire la vérité sur leur compte, il faudrait leur demander, non s’ils avaient l’estime de leurs semblables, car les hypocrites sont experts à la capter, mais s’ils avaient leur propre estime.

*

Rester esclave quand on peut être libre, dégagé de toutes préoccupations mesquines, de tous soucis, c’est une folie qui ne serait pardonnable que si la vie avait une très longue durée. Alors seulement il serait permis de goûter de l’esclavage pendant quelques années, parce qu’on aurait le temps de goûter un peu de tout.

*

Le meilleur et le plus sincère des hommes est celui qui ne se dissimule ni les sottises qu’il a faites, ni celles qu’il a dites, et qui se rend en même temps le témoignage de n’avoir à se reprocher ni une méchanceté ni une bassesse. Il n’a pas toujours été maître de son esprit, mais il peut répondre de son caractère et de son cœur.

*

L’homme vit beaucoup pour lui-même, la femme vit surtout pour les autres ; c’est par là qu’elle est humainement au-dessus de nous.

*

Ceux qui n’ont ni lutté ni souffert n’ont rien mérité. L’estime des autres et le contentement de soi-même appartiennent aux hommes qui, tentés par la passion, ont été retenus par la conscience.

*

André est un petit homme trapu qui ne s’émeut pas hors de propos. Il prend le temps comme il vient, le monde comme il est, et laisse couler l’eau. Très sérieusement, très exclusivement préoccupé d’atteindre son but, il suit pas à pas, sans rien précipiter, mais sans jamais reculer, le chemin qu’il s’est tracé d’avance et qu’il mesure sans effroi. Il ne vit pas dans le pays des chimères : un chat pour lui est un chat, une femme n’est pas un ange, et il ne se fait d’illusion ni sur lui ni sur les autres. Exact et sensé, il étudie avec soin, sans rien négliger, en regardant au fond et sous leurs divers aspects les questions qui l’intéressent. Tous les exercices, tous les devoirs, toutes les occupations de sa vie sont marqués au même coin : conscience et ponctualité. Il flâne quand l’heure est venue de flâner, il donne alors aux bibelots la part d’amour qu’il leur a réservée ; mais, lorsqu’il a un but, il ne s’arrête pas en route. N’accordant d’ailleurs à toute chose qu’une mesure très réglée d’enthousiasme, il se laissera moins que beaucoup d’autres succomber à la tentation.

*

Conseil de prudence à donner à une jeune femme : Ne point interroger l’homme qu’elle épouse sur l’état de son cœur dans le passé. Mensonges ou serments sont toujours sans profit et ne causent que des malheurs.

*

Plaire, tel est le mot qui résume l’existence des femmes, même les plus modestes ; c’est à cela que visent tous leurs efforts. Elles sont même sensibles aux hommages de ceux qu’elles dédaignent le plus. Si petit que soit un ruisseau, il a toujours quelque mérite lorsqu’on peut s’y mirer. Les femmes emploient à se rendre séduisantes toutes les ressources d’une industrie aussi féconde que variée ; souvent même on les voudrait plus difficiles sur le choix des moyens.

*

Les femmes, telles que Dieu les a créées, vaniteuses et sensibles, sont destinées à ne s’entendre qu’avec les hommes. Entre elles, ce sont des nuages chargés d’électricité ; combien ne se rencontrent ou ne s’attirent que pour faire un éclat ou pour se repousser !

*

Les goûts, les habitudes, les sentiments d’un homme subissent une transformation profonde le jour où une femme intervient dans son existence. L’amitié a deux grands ennemis : l’amour et le mariage. Une femme aimée tient lieu de beaucoup de choses ; il y a même des moments dans la vie où elle tient lieu de tout. L’ami, même le meilleur, n’est pas toujours le bienvenu lorsqu’il tombe inopinément dans une fête intime où tout peut être joie sans lui. Il vient, comme il venait autrefois, faire part de ses impressions et de ses rêves à celui qui le comprend, qui partage ses émotions, et il compte trouver toujours le même accueil, le même intérêt, le même sourire. Il se trompe. Certaines joies ne doivent pas être troublées, les doux entretiens ne veulent pas être interrompus. « Où il y en a deux, qu’un troisième ne vienne, » dit le proverbe russe.

Sentiments, idées, relations, tout demeure sans doute ; rien n’est changé dans ces deux cœurs qui se sont bien compris, d’accord ; mais d’autres émotions, plus vives et plus douces, ont réclamé leur place, et, en s’installant au foyer, elles ont transformé l’existence. Le centre de gravité est déplacé ; l’amour, ce despote, va ramener les enfants perdus de la pensée dans un seul groupe de quiétude et d’harmonie, et rattacher désormais à des sentiments à la fois plus sérieux et plus tendres tout ce qui doit préparer un riant avenir.

*

Une femme n’est une femme, dans la belle et noble acception du mot, que par la pudeur et la tendresse. Que reste-t-il de ses charmes à celle qui se vend ? Qu’est-ce que l’amour sans l’émotion ? Qu’est-ce que la femme sans l’amour ?

*

Il y a une certaine timidité qui convient à la femme dans tout le cours de la vie : elle doit s’appeler, si elle a un nom, la pudeur du caractère.

*

Quand vous entendrez dire d’un homme que tout le monde l’aimait, qu’on ne lui connaissait pas d’ennemi, que c’était le meilleur garçon du monde, vous pouvez être à peu près sûr qu’on parle d’un être insignifiant, sans valeur, sans caractère, sans mérite d’aucun genre, et qui n’aimait personne.

*

Quoi de mieux, dans notre atmosphère de bonheur relatif, que de vivre selon ses goûts et de se montrer tel qu’on est ? Il n’y a de gens solides que ceux qui suivent ces principes ; on les retrouve après des années ce qu’ils se sont montrés le premier jour. Ne forçons pas plus notre nature que notre talent. Prétendre être autre chose que ce qu’on est, se surfaire et, partant, se contrefaire, voilà ce qui gâte tout. Soyons simplement, pour nous-mêmes et pour notre gouverne avec les autres, des gens de bon sens et de bonne volonté. Un homme n’est pas plus un pantin qu’un singe ; c’est une erreur de croire qu’il faut être hors d’haleine pour être gai, hors d’équilibre pour être poli.

*