Bricole-moi chéri ! - Jacques Alisier - E-Book

Bricole-moi chéri ! E-Book

Jacques Alisier

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Beschreibung

Pour satisfaire les exigences amoureuses de sa délicieuse compagne, Jules Fabre ne s’attendait pas à un travail si éreintant. Et lui qui ne rêvait que de bonheur paisible !... Est-il donc si difficile d’aimer au quotidien, et de vivre simplement à deux, tranquilles ?...
Bientôt, l’étrange folie dans laquelle l’ardente jeune femme n’a de cesse d’entraîner son amant conduit le couple, à travers une effroyable quête initiatique, jusqu’aux confins de la destruction et de la mort.
C’est une tranche de vie à deux bien saignante que Jacques Alisier nous sert dans ce roman incisif, véritable danse d’amour et de guerre, pas de deux violemment érotique, et grotesque comme un tango fatal.
Cependant, sous l’humour noir, le comique grinçant et l’obscène cruauté de cette parabole au burin et à l’emporte-pièce, affleure une réflexion plus subtile sur la confrontation des sexes et des rôles, l’obscure demande que le masculin et le féminin s’adressent l’un à l’autre, et, en définitive, sur la poignante difficulté d’aimer.
Car cette délirante farce psychanalytique reste avant tout un troublant roman d’amour

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Bricole-moi, chéri !

Du même auteur

Aux éditions du Seuil

L’Ardoise

roman

La dame hors de saison

roman

Jacques Alisier

Bricole-moi, chéri !

L’impossible chantier

Roman

Publishroom Factory

www.publishroom.com

Copyright © 2022 Jacques Alisier

Tous Droits réservés.

ISBN : 978-2-38454-238-3

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies

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faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement

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Avertissement

C’est ici une facétie, lecteur… Juste une sotie burlesque, une farce ! Une bouffonnerie délirante, dont le premier propos est de dilater un peu la rate à qui le jugera bon pour sa santé.

Presque une blague, donc, en première intention. (Histoire de rire un peu de l’amour, qui tant nous turlupine, nous fait souffrir, nous affole… et, quelquefois, nous illumine.)

Cela dit, aimable lecteur, si me voilà ainsi réduit à brandir au-dessus de ma tête, en guise de paratonnerre, la pauvre pancarte : « Souriez ! » ou « Riez ! », c’est vraiment par tremblante précaution, et sans grand espoir d’échapper à la foudre.

En effet, je ne serais pas surpris qu’un teigneux moraliste, dans un soudain accès de vertu, vienne me taxer de misogynie, accusant cet opuscule maigrichon de constituer un encouragement pendable à la violence conjugale, un éloge des coups et blessures en couple ou en famille, et, pour finir, un appel à la trucidation domestique !

C’est pourquoi, par avance, je proteste ici de ma haute moralité, et déclare solennellement sur l’honneur que, comme tout être humain bien éduqué, je trouve très laid d’assassiner son prochain. Fût-il un peu agaçant. Fût-il même une épouse.

Qu’il soit donc bien clair une fois pour toutes que je ne félicite pas les tortionnaires de compagnes. Ni les ratatineuses de conjoints. Et que je n’encourage personne à les imiter. Ces horreurs et ces souffrances, malheureusement répandues, n’ont rien à voir avec le propos rigolard du présent ouvrage, et sont tout à fait hors de mon sujet.

D’ailleurs, je ne sache pas que les auteurs des violences faites aux femmes se recrutent en masse parmi les amateurs de littérature humoristique !... Surtout quand il s’agit de flirter avec l’humour le plus sain, le plus inoffensif, et, finalement le plus candide : l’humour noir.

Une étude scientifique de l’université médicale de Vienne, publiée dans la revue Cognitive Processing le 18 janvier 2017, note justement l’existence d’une corrélation significative entre un goût prononcé pour les blagues bien « noires », et un QI élevé, une faible agressivité et une excellente humeur !

En définitive, c’est donc l’esprit tranquille — et libre de toute basse flatterie, lecteur affûté ! — que je te livre sans ouvre-boîte cette petite psychofarce innocente, dont je te souhaite la meilleure, la plus fine et la plus sentimentale lecture possible. Un peu au-delà, peut-être, de la bonne grosse plaisanterie ?…

J. A.

« Venez demain matin, je vous expliquerai de quoi il s’agit » 

Lacan

PREMIÈRE PARTIE

C’est au supermarché qu’il vit Félicité pour la première fois. Dans son Caddie, il avait aligné une boîte de thon, un camembert, une baguette de pain et des spaghettis.

Tout de suite, il sut qu’il l’intéressait : sous ses longs cils noirs, elle n’avait pu cacher un regard appuyé vers le contenu de ce chariot de célibataire.

Comme elle-même n’avait jeté dans le sien que du lait, des yaourts, une salade et quelques jolis fruits de saison, immédiatement, dans les allées du grand magasin, il se sentit le cœur plein d’espoir. « Bon sang ! se dit-il, soudain aiguillonné, il ne s’agit plus de faire l’imbécile. Assez perdu de temps ! »

Comme un écervelé, Jules Fabre venait de jeter ses meilleures années en pâture à quelques agitées de passage, qui n’en avaient fait qu’une bouchée. À trente-sept ans sonnés, il était bien résolu à changer de cap : les folles hystériques, qu’il avait tant aimées, il les envoyait vraiment à tous les diables ! Il était l’heure, pour lui, de se montrer un peu raisonnable, de trouver l’amour sans complications et de vivre enfin heureux. Tout simplement.

Et casé.

Pour elle aussi, ça devait commencer à sentir le roussi ; c’est du moins ce qu’il se dit pour se donner du courage. D’ailleurs, au passage, un peu trop ébloui par la belle, avait-il bien vu ? Pas si sûr… Peut-être, après tout, n’avait-elle déjà plus le pelage lustré de la panthère toute neuve… (Ni ses griffes acérées !) Lâchement, il tenta de s’en persuader.

Peine perdue. De toute évidence, Félicité était une jeune femme absolument adorable, débordant de charme, de vigueur et de vitalité animale. Cela crevait même les yeux, et voilà bien, justement, ce qui l’effrayait…

C’est qu’il ne se voyait pas du tout en dompteur, Jules, surtout face à un félin superbe feulant dans la cuisine… Bien que plein d’allant et d’énergie lui-même, il estimait avoir droit désormais à un peu de tranquillité, comme tout le monde. Alors, les folles passions, les turbulences et les complications sentimentales… Rideau ! Ter-mi-né !

Tout ce délirant cinéma pour finir, une fois de plus, en eau de boudin ? Ou, pire encore, en une sale histoire ? Merci bien. Sans façon. Quant à l’amour vache, malheur, même plus en peinture !

Dans la vie à deux, ce qu’il recherchait désormais, Jules, c’était le calme et la paix. Folles agressives et sacs d’embrouilles sur pattes, s’abstenir… L’élue de son cœur, il la voulait ravissante et amoureuse (cela va sans dire !), mais gentille, raisonnable, équilibrée… Et bien résolue, avant tout, à construire un bonheur simple et sans histoires…

Les derniers temps, quelquefois, il lui arrivait même de se rêver douillettement en petit mari béat, avec une délicieuse petite femme, douce, souple et moelleuse. Juste une gentille petite femme. Pas une star.

Ah… Et puis… une bonne petite cuisinière, surtout.

Était-ce trop demander ? Après tout, pour si charmante qu’elle fût, la donzelle en question avait certainement fait ses comptes, elle aussi… Quand la trentaine approche, une jolie femme n’a pas besoin de calculette ; au-dessus du lavabo, le compteur à rides se charge de lui susurrer chaque matin des remarques désobligeantes :

« Hé ! Poulette ! Sans vouloir t’effrayer… Rien remarqué, là ?... Et là ?... Eh bien, dis donc !… »

Des inquiétudes de ce genre, pensait Jules, même tout à fait injustifiées, finissent toujours par assagir la plus guerrière. Tôt ou tard, elles rappellent la plus hautaine à des prétentions mesurées…

« Puma ! Puma ! Puma ! Le meilleur et le moins cher, c’est Pumaaa ! », chantonnaient suavement les haut-parleurs du grand magasin.

Sur ce paisible fond sonore, et cet encouragement à l’emplette sage et pondéré, Jules rentra un peu le ventre, respira un bon coup, et décida de tenter sa chance avec la belle au Caddie.

Quand ils se furent croisés, à la hauteur des épices et des tagliatelles aux œufs, lâchement, il continua sans se retourner, car elle l’avait fort troublé… Et, sous des dehors mâles et rugueux, Jules était un peu timide.

Mais au bout de l’allée, avec une légère accélération cardiaque, il tourna brusquement vers les biscottes et le café soluble, et, franchissant deux travées, pressa le pas jusqu’à une promotion de salsifis en boîte. Là, un peu essoufflé, à Dieu vat ! il prit encore à gauche, avec le ferme espoir de tomber sur elle, juste après les olives, les câpres et les cornichons.

Or, à gauche encore, en tête de gondole, passé les cornichons, rien.

Il en éprouva immédiatement un pincement de déception. Normalement, cette femme aurait dû se trouver là… Dans le rayon des légumes et des fruits. C’est en tout cas ce qu’il avait prévu. Du reste, vers quelle autre destinée la belle aurait-elle bien pu diriger ses pas ?... Le textile et les vêtements, peut-être ?

Peu enclin à la fantaisie, Jules ne raffolait pas des surprises et des contretemps. Chaque chose en ce monde ayant pour lui une place assignée, il aimait bien que chacune fût à sa place, très exactement.

Au travail, on le considérait d’ailleurs comme un homme soigneux, sérieux et méthodique, qualités qu’il poussait presque jusqu’au scrupule. Un homme tout à fait réglé, de surcroît : honnête, assidu, ponctuel, et sur qui l’on pouvait compter en toute occasion ; un homme d’ordre, en quelque sorte…

Ce qui n’est pas exactement la même chose, il faut bien l’admettre, qu’un homme raisonnable, ou incapable de folie. Cela, depuis belle lurette, il l’avait appris à ses dépens, en diverses occasions de sa vie amoureuse. Et il lui en cuisait encore.

Aussi s’inquiéta-t-il un peu de se sentir si fort désappointé, juste à cause d’une femme à peine croisée… Une inconnue, attirante, certes, mais seulement aperçue, et dont il n’avait retenu, en définitive, qu’un très joli détail, délicieusement érotique :

Une magnifique bouche rouge, dans l’allée des épices, des aromates et des condiments…

« Prudence ! se dit-il soudain, dans un brusque accès de méfiance… Attention, danger ! » Tout à coup, les désastres du passé lui revenaient en mémoire, un à un, déroulant la liste de ses pauvres toquades et autres lamentables histoires de cœur… Une foule de voyants affolés se mirent bientôt à clignoter dans sa cervelle en alerte, où retentissaient aussi tous les signaux sonores de l’alarme et du branle-bas !

Et, l’instinct de conservation maintenant en éveil, il se sentit saisi d’un doute affreux : malgré son expérience et ses bonnes résolutions, était-il vraiment à l’abri d’une nouvelle folie ?

Sur ce, comme pour s’angoisser davantage, il s’avisa soudain que, sans même y prendre garde, il venait juste de faire in petto ce pari à tout le moins bizarre… pour ne pas dire parfaitement loufoque :

« Si cette femme est là, derrière les cornichons, c’est LA femme de ta vie ! »

Or, tandis qu’il s’ébahissait de cette involontaire divagation, tout en poussant son chariot dans l’allée des ampoules électriques, des piles et du matériel de bricolage, il prit bientôt conscience d’être suivi par de petits couinements. Il se retourna. Elle était là ! Dans le rayon de l’outillage.

Ravissante, poussant vers lui son Caddie presque vide dont une roue grippée l’avait trahie, elle s’avançait tranquillement. Mademoiselle semblait se passionner pour les douilles à baïonnette, et les tournevis à pointe cruciforme ; aussitôt, il fit halte et feignit de s’absorber dans la contemplation d’une boîte de douze fusibles.

En réalité, à la dérobée, il observait du coin de l’œil les petites manières de la belle.