Calypso - Tome 1 - Armelle Hanotte - E-Book

Calypso - Tome 1 E-Book

Armelle Hanotte

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Beschreibung

Le cœur brisé, elle lui lance une malédiction intemporelle...

Calypso, légendaire sirène, pensait avoir trouvé l'amour de sa vie en cet humain… Alejandro. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il puisse la trahir. C'est pourtant ce qu'il a fait... En se vengeant, elle déchaîne sur elle la colère des Dieux.
Joséphine est fascinée par l'histoire de la sirène maudite et rencontre, au cours d'une croisière sur l'île de Calypso, Itzel qui semble lire en elle comme dans un livre ouvert. Deux femmes extrêmement différentes dont les destins semblent pourtant étroitement liés...

Plongez dans la nouvelle série d'Armelle Hanotte, Calypso, et redécouvrez la quête de vengeance de cette héroïne mythique, sous le regard de Joséphine et du charmant Itzel...

EXTRAIT

Pas de chance pour Calypso, car les Dieux n’approuvèrent pas ce qu’elle imposa à Alejandro. Ils punirent donc la jeune sirène en espérant qu’elle comprenne la leçon. Les Dieux lui enlevèrent toute beauté et vie, pour qu’elle ne devienne que poussières d’or afin que quiconque qui la verrait au loin sur son bateau, ne distinguerait qu’une lumière forte et non une jolie femme. Et comme le pirate et son équipage furent emprisonnés dans cette boucle, Calypso fut dans l’impossibilité de trouver le sommeil et de vivre à jamais avec ce qu’elle avait fait. À cause de la colère, la sirène réalisa qu’elle avait tout perdu, et tout cela, pour l’Homme.
— C’est étrange, non ? me dit Itzel avec un air perplexe.
— Non ! Le livre contient les légendes d’Hawaï et celles sur Calypso se rejoignent toutes. Elle a été trahie. Je comprends parfaitement son choix, déclarai-je en souriant. Toutefois, certains écrits se contredisent sur la réaction et la vérité d’Alejandro. Apparemment, il aurait été contraint d’épouser cette blonde suite à une mutinerie. Ce qui expliquerait pourquoi il aurait simulé une colère folle. Peut-être que les autres pirates voulaient assassiner la sirène. Ainsi, ils prenaient le trésor et s’installaient à vie sur l’île. Cela me semblerait logique… Oh, et as-tu vu aussi la page cent cinquante-trois ? On parle d’une sorte d’alliance offerte par Alejandro. Elle détiendrait un amour véritable !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Une romance qui nous permet de nous évader!" - AlexiaHenricksen sur Babelio
"Quelle belle plume. Quelle belle façon de raconter une histoire ! C'est proche du coup de coeur tout cela et je ne peux que conseiller de se laisser tenter, vraiment ça en vaut le détour! " - Manon-95 sur Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

Armelle Hanotte est une jeune auteure belge. Pour elle, tout a commencé dans une bibliothèque à l’âge de 13 ans. Elle y a découvert son amour de la lecture, mais aussi et surtout son besoin d’écrire, qui ne la quitte plus depuis.

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Au gré des vagues, de la mer et de l’eau, je navigue au cœur de l’océan et de ses mystères pour y laisser mes souvenirs anciens.

Chapitre 1

Joséphine

Ce fut sous un temps ensoleillé que je quittai la Belgique pour me rendre à Hawaï. Le vent doux effleurait ma peau, me réchauffait. Je me risquais enfin seule à l’autre bout du monde. Depuis ma plus tendre enfance, j’avais voyagé avec mes parents en Amérique du Nord, des USA au Canada, en passant par Hawaï. Nous avions été charmés par la culture locale et la beauté de la nature. Je me souvenais encore de ces balades sur la plage, de mes pieds sous le sable brûlant, de cette chaleur accablante et de l’ambiance festive de nos escapades, dans ce qui nous avait semblé le bout du monde. Jamais je ne m’étais sentie aussi bien qu’à l’étranger. Et puis, j’étais si petite à l’époque. Tout avait paru beau et innocent à mes yeux. Je n’avais pensé qu’au présent, à jouer, à m’amuser… Je ressentais encore la puissance des vagues sur mon corps, le goût salé de l’eau et les grains de sable étalés sur ma peau. Mon enfance avait été si joyeuse.

Mais cette fois-ci, j’étais plus âgée, plus mature et je pouvais enfin visiter sérieusement les lieux. De l’Aloha Tower à la vallée des temples, je ne pourrais que m’émerveiller. Cette île renfermait tant de trésors naturels et de secrets.

L’embarquement terminé, tout le monde installé, le bateau démarra et ce fut alors les derniers au revoir pour tous les passagers. Les personnes restées au sol affichaient leur plus beau sourire, heureux pour leurs proches.

Pensive, je regardais l’horizon en imaginant retrouver cette terre précieuse à mes yeux. Aucun nuage ne parsemait le ciel. Le beau temps me suivrait jusqu’à bon port.

Les cheveux virevoltants, je priais pour qu’il existe toujours cet hôtel magnifique au bord de la mer. Tout me paraissait si magique à cet instant précis. J’avais tout préparé dans les moindres détails pour que ce voyage s’annonçât parfait. L’excitation au creux du ventre, je nous observais nous éloigner de la terre ferme. Je sentais la chaleur me réchauffer le corps. Oui. Je partais enfin.

Ma mère était si fière de moi, fière de ce que j’étais devenue : une femme indépendante, libre et confiante. Grâce à mes expériences passées, j’avais pris de l’assurance. J’osais enfin tenir tête, dire ce que je pensais et, surtout, être moi-même dans cette société oppressante.

Brusquement, le ferry émit un bruit de tonnerre pour signaler son départ, et l’odeur de la mer vint me chatouiller les narines, mêlée aux effluves nauséabonds de pétrole. Je grimaçai, dégoûtée, puis m’éclipsai à l’intérieur. Il me fallut traverser de multiples couloirs et escaliers avant de trouver mon étage. Les murs teints de blanc et le sol recouvert d’un tapis vert, je m’imaginais bien dans une de ces séries espagnoles. J’étais si excitée, joyeuse que j’en avais l’estomac noué.

Quand j’arrivai en face de ma porte, je sortis les clefs de ma poche pour ouvrir lentement. J’aimais cet effet de surprise, d’inconnu. C’était si alléchant, si amusant ! J’étais seule, seule dans une aventure où j’espérais trouver l’amour. J’avais vingt-cinq ans et j’étais toujours célibataire. Mes parents me poussaient à choisir un chemin pour avancer dans la vie, mais j’étais déterminée à voyager avant tout. Récemment diplômée en tant qu’avocate, j’avais éprouvé le besoin de m’envoler ailleurs, de souffler, de me retrouver pour évacuer de mon quotidien et de ma charge de travail. Lors de cette croisière, j’espérais rencontrer un homme qui m’accepterait tel que j’étais. Cela faisait des mois que je pensais à l’amour. En particulier après avoir vu toutes mes connaissances du lycée mariées. La serrure lâcha la pression, je compris au son qui émana de la porte qu’elle était enfin ouverte.

En entrant dans la pièce, je fus stupéfaite par le luxe qu’offrait l’agence de voyages. Un lit double moelleux aux draps dorés, une salle de bain espacée à la décoration tropicale, et ce qui me plut davantage, un énorme miroir à ma droite attaché aux portes de l’armoire noire. Je m’empressai de déposer mes valises et de vérifier si je n’avais rien oublié.

Mes bagages vidés, je découvris qu’il me manquait l’appareil photo que mon père, Alan, m’avait offert pour mes dix-huit ans. Déçue de l’avoir oublié, je continuai mes fouilles et fus soulagée en apercevant mon maillot de bain. Je n’avais pas zappé le principal, ce qu’on prenait absolument en partant en vacances, en particulier sur une île. Vêtue d’une robe fleurie à manches longues, je m’observais dans le miroir. Je ne faisais pas une taille trente-six, mais je me sentais bien dans ma peau. Aux formes légèrement volumineuses, je remarquai encore mes cicatrices sur le poignet ; droites, parallèles et grosses. Cela faisait un moment que je réfléchissais à me faire tatouer pour les dissimuler sous l’encre ébène. Je ne voulais plus les voir ni repenser à cette adolescence dans un lycée à mauvaise réputation. Peut-être que ce voyage allait me permettre de sauter le pas.

La douleur m’avait brisée, détruite pendant toute mon adolescence. Par chance, un psychologue suivait mon évolution, m’empêchait de sombrer une seconde fois dans les ténèbres. Je me rappelais chacune des insultes, des critiques, des rires à mon égard. Ils avaient été sans pitié avec moi. À cette époque, j’encaissais chaque coup, trop timide pour en parler à mon entourage, jusqu’au jour où la colère prit trop de place dans mon cœur. Je me souviendrai toujours de cette fois où j’avais porté plainte et où toute moquerie cessa. Ma guérison représentait ma victoire, ma propre vengeance envers ces crapules. Cette manière de surmonter chaque épreuve me permettait de m’affirmer, de savoir qui je suis.

Au bord des larmes, j’enfouis ces mauvais souvenirs, puis me souris dans la glace. Hors de question de gâcher mon séjour pour des étudiants qui avaient été trop stupides pour s’attaquer à mon physique. Maintenant que les affaires étaient rangées et les valises placées sous le lit, je m’emparai du livre acheté plus tôt dans une petite boutique du ferry. Sur cette couverture douce figurait le titre en or sur un fond de couleur bleue : La légende d’Hawaï.

Passionnée par les superstitions et tout événement paranormal en général, je m’installai sur le lit pour dévorer cette nouvelle lecture. Petite, ma mère me racontait tous les soirs une histoire fantastique pour m’endormir. Je passais des mensonges de sorcières aux gloires de dragons, sans oublier la soif de pouvoir des vampires. Grâce à cette habitude, je m’étais découvert un hobby, l’histoire des légendes. Évidemment, je n’en connaissais pas autant que je le souhaitais, manque de temps. Toutefois, je ne refusais jamais une bonne lecture sur ce sujet, ou un documentaire. Les endroits étranges pouvaient être expliqués par n’importe quel scientifique, comme les châteaux hantés, le côté mystérieux de l’histoire resterait à jamais gravé dans mon cœur. La triste réalité de la vie m’oppressait. En tant qu’avocate, j’entendais énormément de faits aussi atroces les uns que les autres : le viol, les vols, les meurtres. Cette passion symbolisait ma seule échappatoire.

Je fus alors absorbée par l’histoire dès les premières lignes. Celle d’une femme maudite à errer sur l’île où son homme l’abandonna des siècles plus tôt :

Alors que Calypso se promit de l’attendre patiemment sur cette terre promise, son âme-sœur, l’homme qu’elle aimait plus que tout, la quitta pour voguer de mer en mer, indéfectiblement attiré par les trésors dispersés de par le monde. Atterrée par ce nouveau départ, Calypso l’admira une dernière fois, tandis qu’Alejandro gagnait le large avec son équipage, puis disparaissait à l’horizon. Ils avaient échangé un baiser passionnel. Chaque instant pouvait être le dernier, ultime bataille ou dispute entre pirates. Forte de ses dons, qu’elle dissimulait à son bien-aimé dans la crainte de se voir rejetée, la belle Calypso savait pourtant qu’il n’échapperait pas à son regard. D’un simple toucher dans le large, elle pouvait localiser Alejandro, l’apercevoir telle une ombre. Une année entière s’écoula, puis une deuxième. Le temps défilait, mais jamais Calypso n’avait pu combler l’absence de cet homme et le vide qu’il creusait dans son cœur. Sa vie entière ne se résumait plus qu’à errer sur son île sans parvenir à noyer son chagrin, amoureuse d’un aventurier aussi beau que mystérieux…

Bien qu’elle s’était promis de ne plus se servir de la magie, elle plongea tout de même sa main dans l’eau de la mer et ferma les yeux. En inspirant profondément, elle se faufila au large d’Hawaï et revit l’homme qu’elle aimait, naviguant près de l’Angleterre. Calypso fut si heureuse de revoir son ombre qu’elle en pleura et remercia les Dieux. Cependant, sa joie fut de courte durée, en particulier quand Alejandro embrassa tendrement une autre femme. Sa colère fut si ardente, si puissante qu’elle réussit à maudire cette âme damnée. Sa force, son magnétisme et sa détermination percutèrent les deux tourtereaux. Malheureusement, la femme mourut sous la haine de la créature et périt.

Condamné à errer sur les océans aussi vides que le néant, Alejandro se repentit de sa trahison et de ses mensonges, mais il était trop tard. Calypso, au cœur brisé, à l’esprit déchaîné, essaya de retrouver l’amour. Toutefois, les Dieux furent si irrités par son désir de vengeance qu’ils la punirent à leur tour. Cette dernière, à la beauté époustouflante et à la douceur d’un enfant, fut aussi condamnée. Elle dut vivre à tout jamais sur cette île qu’elle détestait avec un vide en son cœur. Personne ne pourrait la combler ou même l’aider.

Aujourd’hui, la légende raconte qu’elle serait encore vivante, mais sur un seul côté d’Hawaï. Le côté le plus dangereux où rôdent plusieurs animaux exotiques. D’ailleurs, un homme passa sa vie à étudier notre terre et la légende de Calypso. Il en créa même un poème pour les amateurs de Contes & légendes.

Quelle était l’apparence de Calypso ?

À la queue dorée et aux cheveux châtains, elle envoûtait n’importe quel être humain d’un regard, d’un chuchotement, d’un baiser. Évidemment, la jeune sirène…

En pleine lecture, je fus perturbée par une personne frappant à la porte. Soupirant face à cette intrusion, je criai un « oui » et celle-ci entra, intimidée par ma voix.

— Excusez-moi, je cherche la chambre trois cent trente-huit, me dit un homme d’une trentaine d’années vêtu d’un simple tee-shirt blanc et d’un jeans troué. Je n’ai pas l’habitude de prendre le ferry, c’est une première pour moi. Je me sens un peu perdu…

Je levai les yeux au ciel et lui montrai du doigt, depuis l’entrée de la pièce, le fond du couloir vers la droite. Il suffisait juste de lire les chiffres sur nos portes, bon sang. Pourquoi les personnes ne prenaient-elles pas le temps d’analyser correctement l’environnement dans lequel elles se trouvaient ? Toutefois, son physique ne me laissa pas indifférente. Ce bel inconnu possédait les mêmes traits de visage que Johnny Depp, en plus jeune évidemment. Il était à croquer, cependant, je fis l’impasse sur cet aspect pour garder une distance entre nous.

— Ah oui, merci… Pardonnez-moi du dérangement. En fait, je m’appelle…

— Non, non, non. Je n’ai pas besoin de votre nom ni de vos excuses, je suis occupée. Bonne journée, le coupai-je d’un ton froid.

Je savais très bien que je paraissais difficile en traitant les hommes de cette manière, mais quiconque interrompait ma lecture subissait ma colère ! Je me pressai de retourner dans mon lit, puis repris donc avec appétit ce que racontait le livre. Le poème était à la page suivante, accompagné d’une belle illustration représentant Calypso en larmes, assise sur un rocher. Le thème me paraissait sombre, triste. L’image en elle-même reflétait des couleurs froides comme le bleu, le vert, le gris. Le visage de la jeune sirène était dépité, à croire que l’artiste l’avait vu en temps réel pour exprimer toute sa tristesse. Les nuages sombres envahissaient le ciel sur cette illustration. Quant à Calypso, les cheveux posés sur ses épaules, elle pleurait toutes les larmes de son corps.

Je la touchai du doigt, admirant sa beauté, et m’extasiai devant ses traits, en rêvant d’avoir des cheveux aussi beaux, soyeux, tout comme des lèvres aussi pulpeuses. Bien qu’elle soit attristée sur cette image, sa beauté rayonnait toujours autant.

Calypso désirait être réellement aimée et ne pas suivre le chemin des sirènes habituelles, soit dangereuses, chasseuses et sans-cœur. D’ailleurs, l’un des auteurs les plus connus au monde écrivit un poème sur sa situation, sur la malédiction de Calypso. Le voici :

Sur une île,

Elle était belle,

À la recherche de son idylle.

Jusqu’au jour où elle le trouva,

Au loin sur un bateau,

Alors l’amour se créa,

Elle n’avait jamais rien vu d’aussi beau.

Calypso coincée sur cette terre,

Attendit son retour,

Perdue dans les mers.

Mais trahison il y eut,

Maudit est-il,

Comme elle le voulut.

Condamné à errer dans l’océan,

Aussi vide que le néant.

Un amour aussi destructeur,

Ne peut que briser.

Pourtant aussi douce qu’une fleur,

Calypso fut piégée.

Impressionnée par l’originalité de cette auteure, Brindtmay, je notai le nom dans les mémos sur mon téléphone portable et repris plusieurs fois ses phrases. Elles m’intriguaient, m’ensorcelaient par leurs simples rimes. Je me sentais si lourde en pensant à cette créature et à son sort, si étourdie, émoustillée, mais à la fois triste. Un écrit ne m’avait pas mise dans un état aussi embarrassant. Je clôturai ma lecture et pensai longuement au sort que les Dieux lui avaient infligé. Cela me semblait injuste et illogique. Pourquoi la femme serait-elle en tort ? Calypso lui avait rendu la monnaie de sa pièce en l’obligeant à errer dans ces océans ! Je ne supportais pas l’infidélité des hommes ni leurs mensonges… Je m’identifiais tellement bien à cette jeune sirène, car sans mentir, j’aurais eu exactement la même réaction : la colère. Évidemment, je ne comprenais pas pourquoi celle-ci l’avait tuée, toutefois, sa haine irréversible envers Alejandro était compréhensible. Sans savoir pourquoi, je ressentais une drôle de sensation s’installer dans mon cœur, comme si j’étais reliée à cette histoire. Des picotements m’envahirent, me traversèrent le corps, puis se concentrèrent au cœur. Angoissée, je refoulais cette sensation pour me diriger vers la salle de bain. Je refusais d’écouter mon intuition ou simplement mes sens, car les sens peuvent vous tromper sans crier gare.

Sous la douche, mon agacement ne me quitta pas une seconde, qui au contraire, s’intensifia. La légende me trottait dans l’esprit. Elle me paraissait trop loufoque, trop injuste pour être réelle. Heureusement, l’eau chaude me faisait un bien fou, me calmait, néanmoins, je n’en oubliais pas mon ressenti. Bon Dieu, pourquoi étais-je dans tous mes états ?

Chapitre 2

Calypso

Assise au soleil sur le sable brûlant, je sentis ma peau s’enflammer. Cette peau qui n’était plus que poussières d’or. La poussière, tel en avait été le sort des Dieux à mon égard quand ils décidèrent de me transformer en cendres, préférant me bloquer sur cette île que de me laisser ma liberté. Je haïssais ces lieux plus que tout, car le seul homme que je pus aimer avait posé l’œil sur moi juste pour cet amas de terre au centre de l’océan…

Voulait-il la contrôler ? En être le chef et y ramener des milliers d’hommes ? Je n’en savais rien, mais c’était ce que je croyais, car je n’avais pas quitté une seule fois cet endroit. Mes rêves de voyage avaient avorté avant même d’exister, parce que tout m’interdisait d’abandonner Hawaï, fragile écrin d’un trésor inestimable aux yeux des hommes : une nature d’une beauté à couper le souffle, une biodiversité exceptionnelle, impressionnante oasis de paix au cœur d’un océan dompté par les pirates ou parcouru par des aventuriers impétueux. Un paradis sur Terre, un enfer portant dès lors que je fus maudite.

Alors que je repensais au passé, mes doigts s’enfoncèrent dans le sable, repliés. Un vieux réflexe qui me possédait depuis notre rupture. Cette technique me permettait de calmer mes pulsions, d’y voir plus clair. J’inspirai et expirai dans le but de me calmer. Cela ne rimait à rien de s’énerver. Alejandro aussi devait certainement souffrir.

Nous avions été châtiés ensemble par des forces qui nous surpassaient. Mon physique avait changé au fil des siècles. Femme au cœur pur et à la peau douce, les Dieux m’avaient enlevé toute beauté ! En plus de n’être que poussières, mes doigts formaient des griffes si pointues que je pouvais m’en servir comme une arme.

Même mon regard n’était plus le même. La lueur dans mes yeux, envoûtante, soumettait quiconque osait pénétrer ces lieux, placés sous mon contrôle depuis une éternité. Et que dire de ma chevelure ? Devenue aussi solide qu’un fouet, elle ne ressemblait plus guère qu’à un amas de lianes entremêlées, loin, bien loin de la crinière soyeuse et brillante qui glissait autrefois entre mes doigts.

Depuis ce malheur, je méprisais mon corps. Au fil du temps, la colère grandissait en mon cœur, me contrôlait mon esprit, possédait mes sens. Je la sentais me consumer. La haine, si présente, si ardente, enveloppait mon âme et m’empêchait de vivre. Je ne pouvais raisonner sans imaginer la mort de cet homme.

Je priai pourtant les Dieux afin d’assouvir ce désir de vengeance, mais rien n’y fit. Je me disais parfois qu’un jour viendrait où nous aurions un face à face, Alejandro et moi, où nous réglerions nos comptes, où la bataille finale aurait enfin lieu. Celle qui représentait notre envie la plus chère, la vengeance.

En observant l’horizon, j’intensifiais ma tristesse et ma souffrance envers la vie que je subissais ici-bas. J’aurais tant aimé mourir en apprenant la vérité. Alejandro ne m’avait jamais aimée comme je l’avais fait. Ma naïveté et mon innocence furent mes plus grosses faiblesses.

Il me manipula, moi, mes sentiments, mon corps, pour arriver à ses fins. Je revoyais son sourire lorsque nous étions à deux, entendais une nouvelle fois ses compliments aussi beaux que les mélodies des sirènes. Et nos baisers échangés chaque soir réchauffant mon cœur étaient incomparables à l’amour que ressentaient de simples hommes…

Juste à y réfléchir, je sentis l’amertume et la colère monter en moi. Je frappai du poing contre le sable, mais ma main se décomposa l’histoire d’une seconde. Saletés de cendres dorées, maudit amour damné.

Fulminante, je me vis haïr chaque être vivant et le dédaignai, lui, par-dessus tout. Les animaux aux alentours fuirent dans la forêt, apeurés par mon comportement. Je me permis alors une chose que je souhaitais depuis toujours : je hurlai. Je hurlai à en perdre la voix, à en arracher les parois de ma gorge.

Pourquoi étais-je donc tombée amoureuse d’un imposteur ? Pourquoi devais-je ainsi subir ce châtiment ?

En criant, j’ouvris chacune de mes blessures passées et ravivai une douleur indescriptible. Aussi trompeuses que la rose, mes propres épines s’attachèrent aux mauvais souvenirs, aux émotions et aux sentiments abjects. Je maudissais ce monde et ses habitants ainsi que cette loi d’attraction qui me foudroyait.

Tout cela à cause de lui, de cette pourriture !

Fuis. Fuis Alejandro. Oh oui, continue à suivre cette boucle du temps dans laquelle je t’ai emprisonné. Toi et ton équipage que je pris tant de plaisir à torturer. Peu importe ce qu’il t’arrive : si tu t’échappes, je te retrouverai et te ferai à nouveau mon prisonnier.

Chapitre 3

Joséphine

Après avoir installé toutes mes affaires à leur place, je décidai de m’octroyer une petite pause-café au restaurant à l’étage du dessus. Levée de bonne humeur, cette journée s’annonçait prometteuse.

Mon portefeuille sous les bras, je quittai ma chambre en prenant soin de la fermer à clef. Le calme régnait dans les couloirs, car tout le monde s’amusait dans la piscine ou bronzait au soleil.