Sous un ciel égyptien - Tome 2 - Armelle Hanotte - E-Book

Sous un ciel égyptien - Tome 2 E-Book

Armelle Hanotte

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Beschreibung


Ils étaient destinés à se retrouver à travers les époques.

Alors que Becke se complait dans sa bibliothèque, son patron décide de l’envoyer sur le terrain pour étudier le nouveau temple découvert en Égypte. Pour Becke, cette aventure sonne comme une chance de faire ses preuves et de sortir de l’ombre de la notoriété de sa mère. Toutefois, une fois arrivée en Égypte, Becke devra faire face à un adversaire de taille. Alors qu’elle est désignée comme meneuse du projet, Shaï, un jeune homme aussi arrogant que séduisant, s’est imposé chef de chantier. Becke devra alors arriver à trouver sa place parmi tous les hommes de l’équipe, sans compter ses songes étranges qui l’épuisent la nuit. Si seulement elle pouvait comprendre le message que les Dieux essaient irrémédiablement de lui envoyer...

Retrouvez la plume d’Armelle Hanotte qui explore à nouveau les trésors enfouis de l’Égypte, au travers des yeux de la fille de Romane, Becke, en quête de soi.

CE QUE PENSE LA CRITIQUE DU TOME 1

"Ce roman est une pure merveille." - MjeyW sur Babelio
"Quelle belle découverte, l'auteure nous plonge dans cet univers mystique à l'aide de sa plume addictive, la lecture est fluide et fort agréable." koala_bouquine sur Instagram
"Je suis totalement conquise par ce livre, c'est un coup de coeur qui plairait à beaucoup de lecteurs." murmureslitteraires sur Babelio
"J’ai appris énormément de chose sur l’Egypte, et j’ai adoré les citations." audrey_bouquine sur Instagram

À PROPOS DE L'AUTEURE

Armelle Hanotte est une jeune auteure belge. Pour elle, tout a commencé dans une bibliothèque à l’âge de 13 ans. Elle y a découvert son amour de la lecture, mais aussi et surtout son besoin d’écrire, qui ne la quitte plus. Après Calypso et The Beast, elle revient chez So Romance avec sa trilogie Sous un ciel égyptien.

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Partie 1 : Voyage exotique

« Tout être qui est connaissant ne mourra pas de la seconde mort. Ses ennemis n’exerceront aucune influence sur lui et nulle magie ne le retiendra sur terre. »

Textes des sarcophages, chapitre 88

Une vision hors du commun

« Songe à ce jour où tu seras allongé dans ton tombeau. »

Tombe de Thoutmès III

Le soleil frappe sur les dunes de sable, en plein désert égyptien. Le silence persiste dans cet endroit abandonné du monde. Personne ne s’y aventure, ou très peu. Les prédateurs de cet océan asséché s’avèrent redoutables, en particulier le scorpion. Toutefois, ce n’est pas ce qu’Ousir observe. Assis sur le sable brûlant, il fixe un lieu bien étrange.

Alors qu’il n’y a pas un chat dans les environs, et qu’il se trouve à des kilomètres du premier village, il découvre un grand bâtiment aux parois sombres. Les hiéroglyphes gravés ne sont ni dorés ni peints de pigments qui, normalement, sont soigneusement teints par les Égyptiens. Ce temple semble vide de serviteurs et de croyants. Sa forme carrée intrigue le guide qui n’a jamais vu une telle chose. La porte n’est pas accessible, comme invisible. La bâtisse paraît fermée à jamais — ou y a-t-il une clef pour l’ouvrir ?

Les sourcils froncés, Ousir se redresse puis part à sa découverte. Ses pieds nus s’enfoncent dans le sol à chaque pas, comme si ce songe refusait de lui annoncer toute la vérité. Les sensations de brûlure le possèdent et lui arrachent une grimace. Ses lèvres se crispent. Tous les grains, enflammés par les rayons du soleil, se collent à sa peau. Cette douleur est atroce, pourtant, il lui est impossible d’en sortir. Le voilà bloqué dans le sable. Le vent s’élève brutalement. Une tempête s’annonce à l’instant même où l’homme insiste pour toucher ces murs. Il désire à tout prix comprendre sa venue, ce qu’il se trame pendant que la douleur le consume. Le temple dégage un mystère trop ténébreux à ses yeux. Jamais un historien n’a déniché un lieu sacré si sombre et en bon état. Ce n’est pas normal, un secret se dissimule sous ce sable.

Le ciel bleu est vide de nuage. Aucun faucon n’accompagne le guide dans son rêve, ou plutôt son cauchemar. Où sont passés les dieux ? Pourquoi souffre-t-il ainsi alors que rien n’est réel ? Son cœur bat la chamade, l’angoisse coule dans ses veines. Son rythme cardiaque s’accélère. La terre tremble, et soudain, tout paraît avalé par le temple. Il engloutit le sable. Le sol se met à bouger de façon violente, à tel point qu’Ousir en perd l’équilibre. Un cri s’échappe de sa bouche. Son corps est traîné par la force de ce phénomène qui tourne autour du lieu comme un tourbillon. Tout est hors de contrôle pendant que la tempête approche. Rien n’a de sens, à part ce temple en plein milieu de ce désert. Sa noirceur n’indique rien de bon, à part une malédiction. Une force invisible l’a pris au piège.

Ousir tente, par l’intermédiaire de ses bras musclés, de fuir cette puissance. Néanmoins, la bâtisse est bien décidée à tout absorber. Les dunes ne sont plus, le ciel s’assombrit. Même les scorpions et les serpents n’y échappent pas. La peur le prend aux tripes. Son estomac se noue, pris par des nausées. Après maintes tentatives, il est trop tard, le temple a choisi de l’engloutir à son tour.

Subitement, tout est noir. Le paysage a disparu. Il n’est plus en Égypte. Le guide tombe dans un gouffre sans fond. Son hurlement lui écorche les cordes vocales, sa gorge s’enflamme. Où est-il ?

Inquiétude dans le foyer

Ousir se réveille en sursaut, des sueurs froides sur le front. Sa respiration est haletante. Il est huit heures du matin. Romane est à ses côtés, éveillée. Elle l’observe d’un air grave, se demandant bien ce qui le met dans cet état. Ce dernier ne comprend pas la signification de son rêve. Il sent encore le sable sur ses chevilles, le soleil sur sa peau, l’effroi resserrant son estomac. Perplexe, il fixe le plafond. Son esprit est tourmenté par cette nuit agitée. Ousir n’a jamais vécu un songe si effrayant et étrange. Il a cru y rester l’histoire d’une seconde avant de reprendre conscience. Néanmoins, l’heure de sa mort n’a pas encore sonné.

— Qu’y a-t-il ?

La question de sa femme le sort de ses pensées. Tant de questions envahissent son esprit, troublé.

— J’ai fait un cauchemar… C’était étrange.

Elle s’approche de lui puis passe son bras sur son torse nu. Cela fait bientôt huit ans que Becke a quitté la maison. Leur unique fille bat de ses propres ailes maintenant. Âgée de vingt-six ans, elle a étudié l’archéologie longtemps avant de s’éclipser sur Bruxelles. Ses parents, eux, sont restés à Mons. Toutefois, depuis qu’elle est partie, ils ne sont plus pareils. Ousir s’inquiète bien plus vite pour sa fille, tandis que Romane est sur le qui-vive, comme si leurs âmes savaient qu’une aventure se préparait.

— Comment ça ?

Dans la lueur de son regard, l’angoisse se lit. Romane a bien changé depuis son voyage en Égypte. Elle s’est affirmée et ses bouquins spirituels sont dans les meilleures ventes à chaque sortie. Cette dernière s’est enfin acceptée comme elle est. Dans le passé, son manque de confiance l’a empêchée de voir la réalité en face, celle de son ex et de son infidélité.

— Je n’ai même pas les mots… Il y avait un temple noir, très sombre. Je n’aime pas ce qu’il dégageait.

Sa femme se relève, le dos collé contre le mur. Ousir, lui, arbore toujours cet air songeur. Il réfléchit à une solution. S’il a vu ça et ressenti une telle brutalité, il doit bien y avoir une raison. Le hasard n’existe pas, il n’y a que le destin. Le guide se rappelle chaque détail. Ces parois ténébreuses, ces signes inscrits sans la moindre égratignure. Le temps ne l’a pas endommagé. Ce bâtiment est intact, comme neuf. Aucune colonne ne le tenait sur pied. Seule sa forme carrée se distingue du désert. Isis, la déesse et femme d’Osiris, n’était pas représentée, ni le scarabée. Ousir en vient à se demander si ce lieu sacré appartenait vraiment à l’Égypte.

— Ce n’est peut-être qu’une impression, tu sais. C’est normal parfois de faire de mauvais rêves…

Romane essaye de le rassurer comme elle peut. Son amour pour lui n’a pas changé malgré les années passées. Le lien qui les unit se renforce toujours. Ils sont en constante évolution. Leurs âmes ont encore envie d’expérimenter, d’apprendre de nouvelles choses. Toutefois, l’auteure est perplexe devant le discours de son mari. Comment croire en un signe alors qu’ils ont regardé un film d’horreur dans la soirée ? Une histoire qui portait sur les momies ? Cela serait logique qu’il ait eu des cauchemars à la suite du visionnage.

— Non ! Je l’ai senti, c’est un message… Les sensations m’ont vraiment paru réelles !

Il se redresse puis plonge son regard dans celui de sa bien-aimée. Les deux parents ne sont plus allés en Égypte depuis une dizaine d’années. Le pays leur manque ainsi que ses mœurs et ses paysages. Cependant, Ousir croit dur comme fer que le film et ses envies n’ont aucun rapport avec cette nuit. Il y a une autre explication à ce phénomène.

Le guide explique donc tout ce qu’il s’est passé sans oublier un détail. Son esprit s’attarde sur la couleur du bâtiment, inhabituelle, voire inexistante, chez les temples égyptiens. Le peuple aimait beaucoup l’or, les couleurs et ses représentations. Il a travaillé pendant longtemps au service de l’état égyptien. Si ça existait, il le saurait.

— Ce n’est pas normal, tu comprends ? Mon cœur sent qu’un évènement se trame, mais lequel ?

Romane pose sa main sur le visage de son mari. Elle esquisse un sourire et leurs lèvres se rencontrent. Cette matinée commence avec un nouveau mystère à résoudre.

— On règlera ce souci plus tard, d’accord ? Tu viens de te réveiller et tu as les idées encore floues… Viens déjeuner et on se repenchera dessus.

Il approuve d’un mouvement de tête bien qu’il navigue en eaux troubles. Son âme lui chuchote de se fier à son intuition qui, elle, affirme ses doutes. Un phénomène va se produire dans les jours à venir et les dieux ont choisi de le prévenir. Maintenant, il faut découvrir pour quel prétexte, quelle raison. Néanmoins, sa clairvoyance ne paraît plus aussi bonne. Quelqu’un sème le trouble dans son cœur — ou un dieu. Ousir est prêt à parier que Seth y est pour quelque chose, cependant, il n’en a aucune preuve. Ce n’est qu’une hypothèse. Il est la seule Divinité à pouvoir imposer le chaos dans son esprit. Cela ne l’étonnerait pas que ce soit un mauvais tour de sa part. Les dieux sont très joueurs, en particulier celui-ci, envieux et jaloux.

Pendant que Romane quitte la chambre pour préparer leur déjeuner, Ousir est en pleine réflexion. Le guide réclame la protection de Netphys, déesse de la protection pour qu’il puisse avancer en toute tranquillité. S’il entame des recherches sur ses visions, d’autres connaissances s’éveilleront en lui, et parfois, elles peuvent être douloureuses. Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas toucher dans cet univers. Si le bien existe, le mal aussi. Les personnes ont tendance à l’oublier. C’est donc d’un pas nonchalant qu’il rejoint sa femme.

Avant de quitter la pièce, Ousir jette un dernier regard vers sa table de nuit, où un cadre de leur fille est posé. Becke est devenue une si belle jeune femme. Chaque jour, son père prie Horus pour que l’oiseau l’accompagne sur son chemin et la guide. Cependant, cette fois-ci, c’est différent. Cette fois, le guide ressent que leur vie va être bousculée par un évènement. Pourvu que Becke aille bien…

Des livres à perte de vue

Becke

La salle est plongée dans un silence de mort. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici ni quelle heure il est. Les lampes du plafond m’éclairent suffisamment pour lire mon parchemin. Mes yeux scrutent chaque détail, chaque trait fin gravé sur le papyrus.

Mon travail me passionne et absorbe toute mon énergie. Mes paupières commencent à être lourdes. Cela fera bientôt un mois que j’inspecte d’anciens objets et écriteaux. Coincée sur cette chaise, face au bureau, la bibliothèque est mon endroit favori. Je raffole de cette odeur, celle des vieux livres qui n’attendent qu’à raconter leur histoire. Ce lieu est dissimulé derrière les gros buildings de la capitale, il tranche la modernité avec son style vintage. Personne n’étudie ici, à part les spécialistes, car l’endroit est réservé aux égyptologues. Nous sommes très peu dans le milieu et, surtout, dans l’équipe de monsieur Delencre, qui travaille pour l’État égyptien. Après des années d’études, j’ai enfin été diplômée avec une grande distinction. Ma mémoire n’a aucune limite. Toutes mes lectures et mes documentaires sont ancrés dans mon esprit. À la suite de ma proclamation, j’ai aussitôt pris mon envol. Mon père, très protecteur, l’a mal vécu. Au fond de moi, je n’ai jamais bien compris pourquoi il essayait tant de me protéger, cependant, la petite fille que j’étais a toujours aimé ce côté chez lui. Ma mère l’a épousé suite à sa fameuse croisière. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où j’ai entendu cette histoire, maintenant connue dans le monde entier. Son succès m’a valu ma place au sein de mon équipe.

Soudain, la porte de la salle se ferme, en émettant un bruit sourd au travers des étagères. Les lumières en tremblent. Ce bâtiment est aussi vieux que l’indépendance belge, entretenu avec soin par l’État. La bibliothèque regorge d’anciens bouquins presque oubliés. Toutefois, la fouineuse que je suis ne peut s’empêcher de lire les titres. Je traverse une nouvelle rangée par jour.

Mes collègues sont impressionnés par ma détermination, mais ce papyrus est impossible à déchiffrer. Le temps s’écoule ainsi que la deadline, mais ma recherche ne parvient pas à sa fin. Bien au contraire, car une nouvelle information se dévoile chaque semaine. Maman a beau me conseiller de me rendre dans le pays d’origine, je reste perplexe, comme si je craignais l’Égypte. Ma mère est très confiante sur cette terre, puisque selon elle, tous les secrets y résident. Comment vous dire que ses visions me paraissent effrayantes ? Jamais je ne pourrais vivre ça sans me tordre l’estomac ! Cela frôle presque l’hallucination et le délire… Que feriez-vous vous si vous étiez en face de Seth ou de Osiris ? Leur prestance m’intimiderait. Et, avec mes craintes, il me serait impossible de prononcer le moindre mot.

Alors que j’ai le Savoir, maman a le Cœur ; là est notre différence. J’use beaucoup de mes connaissances tandis qu’elle écoute ses ressentis. Nous sommes si différentes et à la fois similaires. C’est étrange de se sentir loin de sa mère. Ses lecteurs s’attendent à ce que je sois aussi connectée qu’elle aux dieux. Cela vous étonnerait si je vous annonçais que je n’ai ni rêve ni vision étrange ? Pendant mon adolescence, j’ai très mal vécu cette absence de message. Tout le monde pensait que je lui ressemblerais, et dès mes études universitaires entamées, ils se sont rendu compte que mon âme n’avait pas les mêmes vibrations. La tristesse m’a consumée longtemps avant que je ne me reprenne en main. Néanmoins, cette impression d’être rejetée persiste. Je me sens incomprise dans ce monde où ils attendent beaucoup de moi, en particulier un travail parfait sur l’Égypte, puisqu’ils me croient en connexion avec les dieux. En travaillant sur le papyrus, je vois ma main filer sur mon bloc de feuilles. Mes notes s’allongent de plus en plus. Les hiéroglyphes sont très compliqués à analyser et à traduire. Selon les historiens, trois mêmes symboles peuvent signifier plusieurs phrases.

Soudain, une personne s’assied à mes côtés. Son parfum chatouille mes narines. Ses mains tatouées viennent dissimuler ma vue. Aeden.

— Qu’est-ce que tu fais là ? chuchoté-je, les yeux écarquillés.

Mon meilleur ami ne vient jamais à la bibliothèque. Il n’apprécie pas cet endroit sombre ni ce silence qui, pourtant, m’apaise. Ça a le don de l’agacer, et puis il aime tant bavarder. La bibliothécaire a fini par lui interdire l’accès pendant un an avant qu’il ne calme ses ardeurs. Nous sommes les seuls individus dans la salle sur toute la rangée de tables disponibles et par conséquent vides.

— Il est bientôt dix-huit heures, la bibliothèque va fermer.

Étant dans la lune, je n’écoute qu’à moitié ce qu’il raconte. Que je sois concentrée ou non sur mes études, mon esprit a tendance à s’évader dans un autre monde. Ma concentration s’atténue au fur et à mesure que les heures défilent. Mon regard se perd sur son visage d’ange. Aeden est l’un de mes seuls amis. Maman a longtemps cru que je l’aimais en secret avant que je ne lui annonce son penchant pour les hommes. De toute façon, je n’ai jamais vu en lui un amour fusionnel, plutôt une relation entre un frère et une sœur. Tandis que mes pensées divaguent, il me ramène à la réalité puis répète son avertissement. Si je ne me grouille pas, la bibliothécaire me mettra à la porte.

— Tu rigoles ?

— Non… Ce n’est pas fini ?

Il fixe mon travail avant d’y jeter un coup d’œil. Nous avons suivi la même formation sur l’Égypte ancienne. Mon meilleur ami est un grand fan de ma mère. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés, sur le sujet de son livre. Ensuite, Aeden s’est détaché de ce préjugé que l’on me collait sur le front. Il connaît tous mes secrets, et je connais les siens. Mon meilleur ami sait à quel point la célébrité de ma mère m’a brisée. Mon nom reste dans son ombre. Je ne suis pas Becke Batrawi, mais la fille de Romane Desablin.

— Ce hiéroglyphe me pose un problème. Aucun livre ne parle de ce signe, ou du moins, de ce qu’il en reste.

Le papyrus n’est plus en si bon état. Par chance, la qualité de la photo est correcte. Le signe a été effacé par le temps. Il ressemble à un oiseau, mais lequel ? Mon ami m’apporte son aide. Tandis qu’il travaille à l’université, derrière un bureau, je rêve de partir en excursion. Un archéologue n’est pas fait pour avoir les mains propres. Je désire tant être sur le terrain, toucher la terre, le sable, et dénicher de nouveaux trésors.

— C’est étrange… Quand tu regardes la photo de loin, le symbole semble clair, mais quand tu t’en rapproches, c’est flou.

— Oui, et je ne peux pas tirer de conclusion tant que je ne suis pas certaine !

La bibliothécaire nous fusille du regard puis siffle un chut. De toute manière, nous sommes les seuls dans la pièce. Aeden se recroqueville sur sa chaise, quand un sourire se dessine sur mes lèvres. Tu as le caractère de ton père, répète souvent ma mère. J’ai la tête sur les épaules, je suis bornée, et il n’est pas rare de m’entendre crier. Je suis une femme qui sait ce qu’elle veut, et là, tout de suite, tout ce que je souhaite, c’est terminer ce travail. Dans un mois, il est censé être rendu au chef de l’équipe. Trente jours pour décrypter un hiéroglyphe semblent larges, cependant, les contacts qui peuvent m’aider ne sont pas disponibles.

— On ferait mieux de laisser ça à demain. Il est tard, et tu ne trouveras plus rien aujourd’hui.

Sur ces mots, Aeden me vole mon bouquin puis se dirige vers l’allée C où je l’ai emprunté. Une étiquette avec une lettre est collée sur chaque roman. À force, nous nous sommes habitués au classement et aux rayons. Je connais sur le bout des doigts la bibliothèque, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la gérante n’est pas une bonne amie. C’est à peine si elle supporte ma présence.

Je suis déçue de ne pas avoir progressé sur les écrits. Cette traduction ne sera jamais terminée à temps. Je croise les bras, et une mine boudeuse ne quitte plus mon visage. Mon meilleur ami me force à sortir de là, attrapant mes affaires. Il les range dans mon sac sans observer ma réaction. Aeden sait à quel point je tiens à cet endroit comme maman tient à l’Égypte.

— Dépêche-toi ! Je n’ai pas envie d’avoir des ennuis au boulot, murmure-t-il.

Je me lève tandis que la rancœur s’insinue en moi. Quand aurai-je mon moment de gloire ? Quand sortirai-je de cette ombre qui assombrit tout mon univers ? Mes collègues s’impatientent à chaque article rédigé par mes soins. Dès la première erreur, ils n’hésiteront pas à se moquer. C’est bien un désavantage d’avoir des parents reconnus dans la littérature. C’est pour cette raison que je sens la rancœur persister au fond de moi. Elle git alors que la colère se prépare à exploser. Mon âme ne trouvera la paix qu’après avoir eu son histoire. C’est comme si ma vie se résumait à celle de ma mère.

Néanmoins, hors de question de pénaliser mon meilleur ami. Je suis têtue mais pas stupide. D’un pas décidé, nous nous dirigeons vers la porte de sortie. Les différentes allées défilent sous mon regard. Tant de livres, tant d’écrits immortalisés par l’encre. C’est incroyable de se dire que des siècles ont passé et que les bouquins sont toujours sur pied. Lorsque nous quittons le bâtiment, des bourrasques glaciales nous frappent. Des frissons me parcourent le corps, hérissant mes poils et faisant trembler tous les membres de mon corps. Aeden pointe du doigt sa voiture avec laquelle il me dépose chaque matin. Nous habitons à cinq cents mètres l’un de l’autre. Ce dernier passe me prendre tous les jours pour m’amener au boulot.

— Quel temps de chien ! râle-t-il.

Mes cheveux sont en bataille. Il est impossible de rester coiffée avec un vent si brut. La Belgique est bien réputée pour son climat humide et ses averses violentes. Des nuages gris parsèment le ciel. La pluie ne devrait plus tarder.

— Tu l’as dit…

Avant qu’il n’allume le moteur, la pub d’un panneau publicitaire attire mon regard. L’agence Tui propose une croisière sur le Nil avec des réductions. Un rictus moqueur m’échappe. Est-ce un hasard ou le destin qui me montre une prochaine étape ? Non… C’est ma mère qui s’est rendue sur le Nil. Osiris a bien dû prévoir une autre quête en lien avec mon âme, n’est-ce pas ? Dans le doute, j’efface ces pensées de mon esprit. La publicité a aussi attisé la curiosité d’Aeden, lui qui croit comme un fou à la destinée. Nous débattons alors sur une future destination de voyage. Notre rituel est de découvrir un nouveau pays par an. Après avoir visité la République-Tchèque, l’Espagne, le Royaume-Uni et le Portugal, nous hésitions entre la Grèce ou l’Égypte. Vous connaissez évidemment mon choix. Quant au sien, il porte sur la Grèce. Au fond de moi, j’espère suivre une quête aussi folle que celle de maman, un voyage inoubliable qui en met plein les yeux. Ma passion pour l’ancienne Égypte m’apportera peut-être ce dont mon âme a toujours rêvé — sa propre aventure.

Envie de voyage

Becke

Le trajet est plus long que prévu. Des embouteillages bloquent le trafic dans les rues de Bruxelles. Les voitures sont coincées dans un carrefour duquel nous sommes loin d’en sortir. Un soupir glisse entre mes lèvres. Je pose mon bras sur l’accoudoir. Comme si la journée ne pouvait pas être pire… Ce travail n’avance pas, et l’aventure dont je rêve est loin de se construire.

— On pourrait visiter Athènes et ensuite voir pour une belle croisière en Égypte ? Je n’ai pas envie de visiter ce pays si je n’ai pas un sou pour les souvenirs.

Aeden souhaite que la croisière soit le voyage de sa vie, pas une petite escapade de jeunes adultes. Et puis, il désire reproduire le même chemin que ma mère avait emprunté avec son ex-futur époux. Mon meilleur ami a beau être célibataire, il est certain que le destin lui réserve un prince charmant. Ce dernier croit beaucoup aux superstitions. Quant à moi, je préfère ne pas m’y attacher. Les dieux égyptiens me suffisent, en espérant qu’ils existent vraiment. Papa a beau me l’assurer, je ne possède aucune de leur particularité. Parfois, j’ai l’impression d’être différente — voire un peu trop quand je vois ma famille. Cette différence crée de l’amertume, bloquée au fond de ma gorge, ce qui explique mon irritabilité à leur égard.

— Je ne sais pas. Là, il faut à tout prix que ma traduction soit faite dans le mois. Dès qu’elle sera clôturée, on en reparlera.

Ma voix est tranchante. Ces bouchons m’agacent, cependant, mon ami essaye de me rassurer. Il sait à quel point je deviens nerveuse avec le retard. Mon corps perd le contrôle et mes journées changent de dynamique. Je vis la nuit et non le jour. Mes recherches semblent plus fructueuses sous les rayons de la lune, avec trois tasses de café à côté.

— Calme-toi, tu vas la finir. Qu’est-ce qui te fait tant douter, hein ? Ma Becke est une battante qui écrase toutes les personnes sur son passage.

Il a raison. Ma personnalité impulsive a le don d’effrayer mon entourage, surtout mes amis — pour le peu que j’en ai. On me compare souvent à un taureau qui fonce dans le tas dès qu’il est en colère. Cette scène est hilarante sauf quand je suis à cran.

— Parce que, cette fois-ci, je manque de temps. Comment découvrir en trente jours un signe alors que la photo est floue et qu’aucun spécialiste n’est disponible avant octobre ?

L’été est là. Bientôt, nous serons en congé et je pourrai souffler. Mes parents et leur optimisme me manquent. Notre conversation prend alors une autre tournure, celle de ces historiens prétentieux qui ne répondent jamais aux mails. Aeden qui, lui, bosse sur son cours ne digère pas cette situation. Bientôt, il remplacera un enseignant de l’université de Bruxelles, un chercheur en égyptologie. Ce dernier s’amuse à supprimer toute sa boîte mail sans même vérifier qui sont les destinataires. Mon ami est donc coincé à patienter deux longues semaines avant de le tenir au téléphone.

Cette discussion nous permet alors de prendre notre mal en patience pour sortir des embouteillages. Enfin, nous soufflons, soulagés. C’est l’un des désavantages quand on souhaite vivre dans la capitale et rouler aux heures de pointe. En deux temps trois mouvements, il se gare en face de mon appartement.

— On se retrouve semaine pro, comme d’habitude ? propose-t-il d’un sourire.

Le weekend est la seule pause que je m’accorde. De toute façon, connaissant mes parents, ils viendront bientôt me rendre visite. Cela fait un bail qu’on ne s’est plus vus.

— Je te préviendrai, d’accord ? Peut-être que je dénicherai des explications via internet…

Oui, j’ai beaucoup d’espoir. Nous savons tous que Google n’est pas le meilleur ami de l’égyptologue. On y trouve toutes sortes d’âneries, passant par l’imagination folle des fans et celles des films hollywoodiens. Mais bon… l’espoir ne fait-il pas vivre ?

— Super, bonne soirée, petit scarabée.

J’esquisse un sourire puis je claque la portière. Sa bonne humeur calme mes ardeurs. J’ai tendance à vite m’énerver pour un rien. Papa dit souvent que je suis venue au monde pour apprendre la patience. Ses mots me font bien rire, car quand on y pense, la patience est un mot que mon esprit ne connaît pas. Il m’arrive d’être pressée, d’avoir le feu au cul et d’amener tout le groupe dans cette pression du travail.

La porte se referme sur mon passage, me voilà enfin dans mon cocon. Plus personne ne peut me déranger. J’ai déménagé à Bruxelles dès mes études terminées dans un appartement typique de la ville. La décoration dans les pièces jongle entre l’ancienne Égypte et mon amour pour les bouquins. Il y a des livres dans chaque recoin, des piles sur les tables et les meubles. Être ordonnée en tant qu’archéologue est compliqué. La plupart du temps, notre chez-nous ressemble à un site, entre les vêtements sales d’un côté, le matériel au centre et la chambre renversée. Nous demander d’être organisés est une grande épreuve et puis le bordel persiste même dans ma tête. Comment voulez-vous garder un appartement propre en sachant cela ?

D’un pas lourd, je me dirige vers le frigo à moitié vide. Des fruits fraîchement coupés et les légumes sont disposés sur les plaques. Tant pis, mon ventre se contentera de ça ce soir. Je n’ai plus le cœur à manger ni à cuisiner de toute façon. Ce papyrus envahit mes pensées, ses hiéroglyphes aussi. Ses pigments m’impressionnent tout comme la finesse de l’écriture de l’époque. C’est un autre monde, soit une autre méthode.

Tandis que mon estomac profite du peu d’aliments que j’ingurgite, mon téléphone portable vibre. La sonnerie envahit la cuisine. Je me rue sur celui-ci, lâchant ma cuillère qui s’écroule à terre. Papa. Pourquoi appelle-t-il ? Plusieurs questions se bousculent dans mon esprit avant de décrocher. Quand mes parents me sonnent, ils ont toujours une idée derrière la tête. Avec l’âge, je me suis habituée. Cependant, pourquoi papa ? C’est toujours maman qui fait le pas.

— Allô ?

Ma respiration se coupe. L’angoisse m’envahit l’histoire d’une minute. Ma plus grande peur serait de les perdre, car même si je me sens différente, un lien nous unit, en dehors du lien familial, et il est inexplicable.

— Ma chérie ? Tu vas bien ?

Son ton est si vif. J’entends la voix de maman derrière la sienne. Le calme de l’appartement m’oppresse. Pendant que je réponds à sa question, ma main attrape la télécommande. La télévision s’allume sur le JT. Cela fera l’affaire.

Le sofa est occupé par une tonne de feuilles, je les bouscule avant de m’asseoir. L’épuisement se fait ressentir. Mes paupières peinent à rester ouverte.

— Oui, et toi ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? fais-je, perplexe.

J’aperçois mon visage dans le miroir en face de moi. Je balaie alors la pièce du regard. Le salon comporte un simple divan, la télévision et des montagnes de cartons que je n’ai jamais déballés. Devant ce fourbi est posé le long miroir dans lequel je me regarde. Ma chevelure brune est attachée en un chignon, n’aimant guère mes crolles. Mon teint est pâle, autrefois basané. Les poches sous mes yeux soulignent ma fatigue. Ce travail me tue à petit feu. Après tout, je suis faite pour travailler sur un chantier, pas décrypter tous les vieux papyrus oubliés et dont personne ne souhaite s’occuper.

— Non, tout se déroule bien à Mons. Comment ça va le boulot ? Rien de neuf ?

Trop d’interrogations. La rapidité de ses réponses me surprend. Il me cache quelque chose, j’en suis certaine. Ce n’est pas dans ses habitudes de me questionner autant. Et puis, papa a toujours aimé me raconter ses petites folies de la semaine. Depuis mon départ, mes parents lisent beaucoup et se renseignent pour retourner en Égypte. Maman aimerait visiter plusieurs parties fermées au public pour sa prochaine histoire. Papa continue de me parler d’un air pressé. Je reviens donc à la réalité. L’inquiétude se distingue dans sa voix. Il s’est produit un évènement assez grave pour qu’il m’appelle si vite.

— Non, rien… Je traduis les écritures, ça ne change pas.

Le silence s’abat sur nous. Ces blancs n’ont rien à faire dans notre conversation. Où est donc passé mon père ? Son attitude commence à me troubler. Il n’est pas si tendu quand il m’appelle. Bien au contraire, papa est jovial et très bavard. Son attitude me détend dès que nous discutons ensemble.

— Et maman ?

Ainsi, ma voix brise la tension entre nous. Papa me propose de me la passer. Sans avoir le temps de répliquer, ma mère est à l’autre bout du téléphone. Je lui demande s’il est dans son assiette. D’après ses mots, tout va à merveille, mais au fond de moi, je sens que quelque chose ne va pas. Nous bavardons une petite heure sur ma recherche actuelle et la sienne, sans qu’elle me révèle trop de détails. Quand maman coupe l’appel, j’ai le cœur lourd. Mon père a un comportement différent et ce n’est pas normal. Ils oublient que je ressens leurs vibrations et donc leurs problèmes.

Ma soirée se déroule donc sous ce mystère qui plane sur ma tête. Papa n’est pas bien, mon job n’avance pas, et j’ai l’impression que je ne vivrai jamais mon aventure. Où est mon prince charmant, ou plutôt, mon prince d’Égypte ? N’y a-t-il pas un beau Medjaÿ sur son chameau prêt à délivrer sa princesse du désert ? Peut-être ai-je moi aussi trop d’imagination…

Où suis-je ?

« On dansera les danses sacrées devant la porte de ton tombeau et les prêtres diront des paroles qui réjouiront ton cœur. »

Tombe de Thoutmès III

Lorsque j’ouvre les yeux, il fait sombre sous les feuillus des palmiers, dissimulant les rayons de la lune qui, elle, brille de toute sa splendeur. La fraîcheur de la nuit me donne froid. Ma peau est gelée. Des frissons traversent mon corps, hérissant mes poils. La brise vient se coller contre moi, intensifiant cette sensation glaciale. Mes membres tremblent comme jamais. Pourquoi fait-il si froid ? D’ailleurs, qu’est-ce que je fais là ? Je me recroqueville, tentant de me protéger de ce vent.

Mes idées se remettent en place, ma vue se précise et mes sens s’éveillent. De multiples dattiers sont à perte de vue. Ils ont envahi les lieux. Leurs feuilles me plongent dans les ténèbres. Une atmosphère lourde règne dans cet endroit mystère. Je m’y sens oppressée. L’ambiance est tendue, ce silence et cette place ne me rassurent guère. Comment mon corps a-t-il atterri ici ? Rien de tout cela n’est logique ! J’étais dans mon lit, tranquillement endormie et me voilà dans… dans quoi ? L’herbe haute camoufle ma position au cœur de cette oasis. Elle arrive à la hauteur de mes genoux lorsque je me relève, toutefois, mon corps manque de perdre l’équilibre. Le sol sableux, dont des petits grains chatouillent mes pieds nus, me surprend. Je me rattrape de justesse grâce au tronc d’un palmier. Lorsque je pose ma main dessus, je peux sentir sa paroi rugueuse. Les bourrasques de vent se lèvent et le bruit des feuilles entrecoupe ce silence pesant.

J’avale avec difficulté ma salive. Suis-je tombée dans un de ces songes étranges que maman a vécus ? Tout semble si réel ici, entre le paysage et les sensations. Mes jambes sont alors caressées par les plantes végétales qui ne résistent pas à la force du vent. Mon cœur bat à tout rompre. Non, non, il m’est impossible d’y croire. Rien de tout cela ne devrait se passer… Peut-être est-ce un simple cauchemar, rien de plus ?

Je lève les yeux vers le ciel étoilé. Les lumières scintillent auprès de la lune. Je tente par tous les moyens de me calmer, tout d’abord par une concentration sur ma respiration. En vain, l’effroi me prend aux tripes. L’angoisse s’insinue dans mes veines quand la peur recouvre mon cœur. Il bat à cent à l’heure, je peux ressentir et entendre ses pulsations. J’en ai le souffle coupé. Suis-je censée avancer, progresser ? Je réfléchis : qu’est-ce que maman avait écrit ? Elle n’avait qu’à observer les scènes, abritée par les temples. Cependant, l’oasis, tombée sur moi, me dévore. Quel sort s’acharne donc sur ma vie ? Si tu pouvais cesser de jouer aux cartes avec moi, Rê, je t’en saurais gré ! Mes pensées se dirigent aussitôt vers Nephtys. Protège-moi de mes craintes, je t’en supplie.