Cobra's Hell - Noemie H.R - E-Book

Cobra's Hell E-Book

Noemie H.R

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Beschreibung

Si Jude avait su qu'une bande de motards allait radicalement bouleverser son existence, elle ne les aurait sûrement jamais laissés entrer dans son bar ce soir-là... Traînée de force dans le monde machiste et violent des clubs de bikers, elle va devoir compter sur son courage et sa force de caractère pour survivre. Au beau milieu de cette guerre des clans, il se pourrait qu'elle trouve en Liam, ce bad boy dangereux mais protecteur, un allié inattendu et diaboliquement attirant... Jude parviendra-t-elle à échapper à ceux qui la poursuivent ? Finira-t-elle par savoir ce que Liam cherche réellement ?

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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À ma mère.

Sommaire

1. JUDE

2. LIAM

3. JUDE

4. LIAM

5. JUDE

6. LIAM

7. JUDE

8. LIAM

9. JUDE

10. LIAM

11. JUDE

12. LIAM

13. JUDE

14. LIAM

15. JUDE

16. LIAM

17. JUDE

18. LIAM

19. JUDE

20. LIAM

21. JUDE

22. LIAM

23. JUDE

24. LIAM

25. JUDE

26. LIAM

27. JUDE

28. LIAM

29. JUDE

30. LIAM

31. JUDE

32. LIAM

33. JUDE

34. LIAM

35. LIAM

36. JUDE

37. JUDE

À PROPOS DE L’AUTEURE

Née dans les Ardennes, Noemie H.R a grandi en dévorant livre après livre. Elle a ensuite déménagé en Meurthe et Moselle où, en 2015, elle a commencé à coucher ses propres histoires sur le papier, faisant prendre vie à de nombreux personnages, souvent largement inspirés de son entourage. Ce n’est que quelques années plus tard, en 2018, qu’a été publié son premier roman.

Noémie aime voyager d’univers en univers pour se perdre dans la fiction et trouver de l’inspiration. Elle y arrive grâce aux séries télévisées qu’elle regarde, particulièrement friande de frissons et de comédie. En tant que grande festivalière, elle s’intéresse également beaucoup à la musique, qui trouve toujours sa place dans ses romans.

Les jours où l’angoisse de la page blanche se fait sentir, elle fait de longues promenades avec ses deux chiens pour retrouver son souffle créatif.

1

JUDE

— Tu comptes rester là à regarder la neige tomber pendant encore longtemps ? Parce qu’on a du pain sur la planche, et le travail ne va pas se faire tout seul.

Max, ce vieux grincheux, se prend toujours pour un dur, mais je sais qu’au fond de lui, c’est un petit cœur tendre. C’est aussi mon patron, le gérant du bar dans lequel je travaille.

— Encore quelques minutes et promis, j’arrive.

La neige tombe et recouvre le sol de son manteau blanc. La fraîcheur de l’extérieur laisse une trace de condensation sur le coin des fenêtres. J’aime l’hiver, il fait ressortir la petite fille qui sommeille en moi. Les boules de neige, les bonshommes de neige, la luge, les lectures au coin du feu… Un soupire de satisfaction s’échappe de mes lèvres.

— Jude ? hurle Max à l’autre bout du bar.

— J’arrive.

D’un pas las, je retourne auprès de Max qui attend, un plateau dans les mains.

— La table trois t’attend depuis plus de dix minutes, j’espère qu’elle ne te donnera pas de pourboire.

Mon sourire s’élargit à la réflexion de mon patron. Il n’a jamais apprécié les énormes dons que les clients peuvent me laisser. Il faut bien avouer que sans eux, je n’aurais pas de quoi payer mon petit appartement minable, alors je fais en sorte d’en avoir le plus possible.

Quand j’arrive à la table numéro trois, quatre jeunes hommes y sont attablés et attendent patiemment leur commande. Quatre vodkas et quatre bières. J’en connais qui veulent se mettre à l’aise ce soir. Pour un samedi soir, il n’y a rien d’étonnant.

Mais, ce soir, comme tous les autres soirs, le bar est presque vide. Le Gun’s Bar n’est pas un établissement très réputé. Il est bâti dans un coin paumé, dans une allée, proche d’un bois, dans la petite ville de Colby dans le Kansas.

D’ailleurs, je n’ai toujours pas compris pourquoi Max avait racheté cette vieille bâtisse.

— Voici votre commande.

— Merci, chérie.

Ce dernier mot n’est pas une marque d’affection, c’est juste une parole rajoutée comme ça, pour impressionner ses copains. Rien de plus.

Comme prévu, le pourboire est grossi de quelques dollars supplémentaires, ce qui fait ressurgir la bonne humeur enfouie en moi.

Je passe devant la caisse en secouant mes billets sous le nez de Max.

— C’est pas vrai !

Mon petit rire enfantin le fait sourire.

— Je ne sais pas comment tu fais, mais je suis certain que j’arriverai à trouver ton secret.

Ce qui est loin d’être difficile : je suis la seule fille dans ce bar, alors à chaque fois qu’un homme entre, je peux être sûre de recevoir une prime généreuse.

La clochette de l’entrée retentit, un couple d’une soixantaine d’années vient s’installer directement au comptoir. Ce sont des habitués, ils viennent chaque samedi soir. La première fois qu’ils sont venus, je me suis demandé pourquoi un couple aussi âgé venait spécialement ici. Puis Max m’a expliqué qu’ils étaient amis avec les anciens propriétaires, et qu’ils lui avaient promis qu’ils seraient toujours là. Un peu comme un mariage, « jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Je suis totalement d’accord, c’est glauque, mais après tout, chacun fait ce qu’il veut.

Mon patron leur sert deux whiskys, comme d’habitude.

Max les aime bien, ils discutent souvent ensemble, et pas qu’un peu, ça dure souvent des heures et je suis obligée de servir au comptoir plus la salle.

Le bruit d’un moteur qui ronronne vient perturber le calme paisible de la salle.

D’un coup d’œil à l’extérieur, je constate que la neige a redoublé d’efforts et tombe en gros flocons blancs, pourtant ce qui m’intrigue, ce n’est pas l’hiver qui s’impose dans notre paysage, mais les lumières vives des phares qui viennent éclairer le parking presque vide. Jamais il n’y a eu autant de monde sur celui-ci qu’en ce moment. Une boule d’angoisse se forme au creux de mon estomac. J’ai comme un mauvais pressentiment. L’instinct féminin.

— Écarte-toi de la fenêtre, Jude.

La voix grave de Max ainsi que le bruit d’une arme que l’on charge me font faire deux bonds en arrière. Son fusil pointé vers la porte d’entrée, l’air sévère, Max est prêt à défendre son territoire.

D’un pas tremblant, je me précipite derrière le comptoir afin de me protéger en cas d’attaque.

Il ne s’est jamais rien passé ici, donc on ne peut pas dire que je sois vraiment prête à ce qu’une fusillade commence. Le cœur battant, j’essaie de retrouver mon calme et de ne pas montrer ma peur aux clients présents, qui ne cessent de me fixer. Comme si j’y étais pour quelque chose.

Les moteurs se coupent à l’extérieur, le parking maintenant plongé dans le noir reste silencieux. La porte s’ouvre et des rires retentissent. Max a toujours son arme pointée sur ses nouveaux visiteurs et, quand ils le voient, les quatre hommes s’arrêtent net. Le premier écarte les bras pour protéger les trois derrière lui.

Il m’est impossible de distinguer la silhouette des étrangers, la lumière est beaucoup trop tamisée pour que je puisse voir quoi que ce soit.

L’homme parle avec mon patron, mais il m’est impossible d’entendre ce qu’ils se racontent. Peu à peu, les épaules de Max se détendent, puis il abaisse son fusil. Il invite les quatre hommes à entrer.

Ils ne sont pas comme les personnes qui fréquentent généralement l’établissement. Ils sont habillés de vestes en cuir, de jeans noirs et de paires de bottes, mais ce sont loin d’être des rockeurs. L’écusson qui recouvre le dos de leur veste est un énorme cobra prêt à avaler une tête de mort : si j’en crois ce que je vois, c’est un club de motards. À notre époque je ne savais pas que ça existait encore.

Max revient doucement vers le bar, pendant que les quatre hommes s’installent à une table au fond, dans l’obscurité.

— Fais attention à eux quand tu iras prendre leur commande. Ils ne sont pas sains d’esprit, je le sens.

Je dois dire que je me suis toujours fiée aux ressentis de Max, il n’est pas du genre à mettre les gens de côté, et encore moins à les juger sans raison. S’il pense qu’ils sont dangereux, alors je le crois sur parole.

Peu à peu, l’ambiance redevient chaleureuse, et les clients retrouvent l’usage de la parole. Une femme met de la musique sur le juke-box vintage qui n’a pas servi depuis des années. Je dois dire que le son aussi est d’origine, mais qu’il y a ce petit quelque chose, dans la chanson Atomic de Blondie, qui donne envie de remuer son popotin.

Travailler dans une atmosphère aussi joyeuse est vraiment ce qu’il y a de mieux. Mais au moment où je me dirige vers la table dans le fond de la pièce, mon estomac se noue. Je dois me ressaisir avant d’avoir les mains qui tremblent et la voix qui s’enroue. Un dernier coup d’œil en direction que Max qui m’encourage vivement à y aller, et je me lance. Un pas, puis un autre, peu à peu, j’arrive à reprendre confiance en moi.

Les quatre hommes discutent à voix basse, les visages rapprochés, et les épaules voûtées. L’un d’entre eux relève la tête et quand il m’aperçoit, il se repositionne normalement sur son fauteuil et tous se mettent à rire.

J’essaie de rester moi-même et de ne pas faire attention à ce changement de comportement.

— Bonsoir, messieurs, que puis-je vous servir ?

Tour à tour je regarde les quatre visages tournés vers moi, sans trop les dévisager.

Leur petit groupe est formé d’un homme d’âge mûr, légèrement rondouillard, avec très peu de cheveux, voire pas du tout. Il porte sur la poitrine un écusson indiquant « Président ». Deux autres sont extrêmement jeunes et se ressemblent comme deux gouttes d’eau avec leurs chevelures longues et blondes, j’en conclus rapidement qu’ils sont jumeaux. Ils sont apparemment des « Prospects », mais j’ignore à quoi correspond ce grade. Et enfin, le dernier le vice-président, doit avoir environ 25 ans, comme moi. Il est plutôt grand, brun, et musclé à souhait. Le gris de ses yeux est perçant. Ils sont tellement intenses et intimidants que j’en oublie de noter ce que les trois hommes désirent boire. C’est seulement quand le grand brun ouvre la bouche que je me reconnecte à la réalité.

— Et pour moi ce sera un soda, dit-il d’une voix rauque qui me donne une bouffée de chaleur.

Déconcertée, je secoue légèrement la tête.

— La musique est trop forte, c’est possible de me répéter votre commande ?

L’un des jumeaux éclate d’un rire sadique qui emplit mon dos de frissons. Puis, chacun leur tour, ils m’indiquent la boisson qu’ils veulent. Trois bières et un soda.

— Très bien, c’est noté, dis-je en mettant un point sur ma feuille.

— Et par la même occasion, ramène-nous ta petite chatte sur un plateau, ajoute le deuxième prospect.

Mes yeux s’ouvrent en grand devant l’audace de ce jeune homme. Le vice-président lui donne une tape derrière la tête avant de rire avec lui. Charmant, mais connard à la fois.

Sans relever, je retourne vers le bar où Max m’attend de pied ferme. Je lui donne la commande sans rien dire. S’il y a bien une chose que je déteste, ce sont les grossièretés, et ce gamin n’est qu’un mal élevé.

— Si quelque chose ne va pas avec ta table, tu m’en informes.

Je hausse maladroitement les épaules.

— Je peux régler ça, ne t’inquiète pas pour moi.

— Justement, j’ai plus peur pour ce qu’ils peuvent faire à mon établissement que pour toi. Tu sais te défendre, tu es une battante, mais mon bar, moins.

Les mots de Max me vont droit au cœur.

La porte de secours est entrouverte et quelques flocons rentrent par celle-ci, l’air frais me fait du bien.

Une petite chose délicate et très poilue vient se frotter et passer entre mes jambes. C’est alors que j’ai une illumination. Ce n’est pas l’idée du siècle, mais elle me fait sourire.

Max m’informe que ma commande est prête et que je peux l’apporter à la table du fond. D’un pas décidé, je l’apporte aux quatre hommes. Sans un mot je dépose leurs verres ainsi que leurs bouteilles devant eux.

— Je reviens tout de suite, dis-je avant de m’éloigner

Attrapant la boule de poils, je demande à mon patron de me donner un plateau avec un couvercle. En faisant bien attention à ce que l’animal puisse respirer, je l’enferme quelques secondes sous la cloche.

Quand j’arrive à la hauteur de la table des motards, le jumeau face à moi se mord les lèvres en me regardant de haut en bas.

Bonjour la lourdeur.

— J’avais oublié votre plat. Ma petite chatte sur un plateau.

Puis, dans un geste théâtral, j’ouvre le couvercle et le chat bicolore de Max saute sur l’homme habillé de cuir en renversant tous les liquides sur la table.

Le silence se fait de nouveau autour de nous. Plus aucun son ne sort du juke-box, et les clients me regardent comme si j’étais devenue folle.

— Et bon appétit bien sûr.

2

LIAM

La soirée avait pourtant bien commencé, nous avions radié les Fox de notre territoire. Je dois dire que nous n’avons pas fait grand-chose, nous leur avons simplement fait peur en tirant deux coups de feu dans les airs avec une petite menace, et hop, ils ont déguerpi en prenant leurs jambes à leurs cous. De vraies femmelettes. Alors, avec Félix et les deux prospects nous avons décidé d’aller fêter notre victoire dans le plus vieux bar du coin. C’est une vieille bâtisse toute défraîchie, presque à tomber en ruines.

Nous savons très bien que la population a peur de nous, mais de là à nous accueillir avec un canon de fusil pointé directement sur nos visages, je mentirais si je disais que c’était une bonne surprise.

La plupart des gens de la ville ne nous connaissent pas, mais ceux qui savent qui nous sommes ne nous apprécient pas, ce que je comprends parfaitement. Nous ne sommes pas du même monde. Chacun ses lois, chacun son mode de vie, et par-dessus tout, chacun son peuple.

Félix a gentiment déclaré à l’homme armé que nous n’étions pas là pour créer un remue-ménage dans son bar, et qu’il n’avait pas à nous craindre. Chose totalement fausse, bien entendu, puisque nous sommes une source de problèmes.

Sauf que nous ne sommes pas les seuls à chercher les ennuis. La serveuse a l’air pas mal dans ce genre, elle aussi. Sérieusement, qui aurait pu prendre au mot les paroles du prospect, Sonny, et nous livrer une chatte sur un plateau d’argent ? Il faut bien avouer que l’envie de rire m’a pris, mais si je m’étais laissé aller, Félix m’aurait fait la remarque une paire de fois et il m’aurait aussi privé de brebis pendant un bout de temps, alors j’ai préféré rester de marbre.

Le regard que Sonny me lance n’annonce rien de bon. C’est un prospect, mais il s’autorise bien trop souvent à dépasser les limites, alors qu’il ne devrait pas.

— Hey, ma jolie ! crie-t-il à travers le bar alors que la blonde en question retourne à son travail.

Cette dernière ne réagit pas. Elle ne fait pas partie du club, donc elle ne connaît pas nos règles et elles ne s’appliquent pas à elle. Mais cela, Sonny a dû l’oublier, encore une fois.

— Oh ! Tu n’as pas le droit de me tourner le dos et de m’ignorer ! hurle-t-il cette fois-ci.

Félix ne semble pas avoir l’intention de bouger le petit doigt, alors je vais devoir m’en charger.

— Ferme-la un peu, on n’est pas au club, ici.

La colère lui monte à la tête, son visage devient rouge et sa mâchoire se contracte. Pourquoi faut-il toujours qu’il se mette dans cet état quand je le contredis ? Et le pire dans tout cela, c’est que je sais exactement comment ça va finir.

— Ne te mêle pas de ça, Liam, elle ne nous respecte pas, je vais lui montrer qui on est.

Sonny, suivi de son frère jumeau Harry, se lève et d’un pas décidé, fonce vers la blonde. D’un coup d’œil vers Félix, je constate qu’il ne compte toujours pas bouger. Très bien, puisque c’est comme ça, je m’en occupe.

Les clients ont les yeux braqués sur les jumeaux qui s’en prennent à la serveuse. Les bras croisés sur la poitrine, elle attend qu’ils finissent leur discours. Je n’ai pas l’impression qu’elle a peur, mais plutôt qu’elle s’ennuie, ce qui me fait sourire. Finalement, cela n’aurait servi à rien que je me lève puisqu’elle a l’air de savoir se défendre contre ces deux gringalets.

Je reste en retrait derrière les deux imbéciles qui veulent faire le spectacle dans cet établissement public. Ils n’ont donc rien compris à ce qu’on essaie de leur apprendre : les règlements de comptes se font à l’extérieur, dans un endroit isolé, loin de toute civilisation.

Sonny s’approche dangereusement de la jeune femme, qui ne bouge pas d’un centimètre. Comment cette sublime créature peut-elle être aussi têtue que les deux prospects réunis ? Soit elle ne tient pas à sa vie, soit elle a vraiment du cran. Harry s’en approche à son tour. Il est grand temps que j’intervienne.

Alors que je fais un pas vers la scène que tout le monde observe, un coup de fusil retentit. La tension est à son comble, les clients se cachent sous leur table, c’est là que je vois la peur irradier des yeux verts de la blonde. Le vieillard qui nous a accueillis dans son bar pointe l’arme vers les jumeaux. D’instinct, je me place entre les duos.

— Stop ! On ne va pas s’entretuer, c’est un simple malentendu. On va partir de votre établissement, mais avant, vous allez poser cette arme tranquillement.

L’homme aux cheveux gris me regarde fixement avant de revenir sur son employée. D’un signe de tête, elle lui montre que tout va bien. Doucement, il baisse son arme, canon vers le sol. C’était moins une.

Sonny et Harry affichent un sourire triomphant, puis en l’espace de quelques secondes, Sonny attrape la serveuse et lui place un couteau sous la gorge.

— Wow, mec, qu’est-ce que tu fous ?

— Elle se moque de moi, je vais lui montrer ce que c’est le respect, dit-il en appuyant son arme plus fort contre son cou.

— Dépêche-toi de lâcher cette femme.

Machinalement, mes poings se serrent. Je n’ai pas pour habitude de me battre contre mes semblables, sauf lors de nos soirées pour s’endurcir, mais dans cette situation, rien ne m’en empêche.

— Tu enfreins le règlement, Sonny !

— Alors quoi ? Parce que tu es le vice-président du club, tu te crois tout permis, Liam ? Cette brebis a eu un comportement intolérable. Elle doit être punie. C’est la loi.

— Ce n’est pas une brebis, et ce n’est pas sa loi. Maintenant, pose ton arme et lâche-la.

Harry pose sa main sur le bras de son frère. C’est le plus calme des deux, mais quand ils sont ensemble, plus rien ne les arrête.

— Tiens-toi prêt à lui trancher la tête, lui dicte Harry sèchement.

Quelle mouche les a piqués ?!

— Faites pas les cons ou vous serez virés à tout jamais des Cobras.

— C’est ça, ta menace ? C’est tellement enfantin.

Sa main s’attarde sur la gorge de sa prisonnière, qui laisse une larme couler le long de sa joue. Il faut que je fasse quelque chose, ils ne peuvent pas tuer cette femme ici, en présence de témoins, c’est beaucoup trop dangereux pour le club.

Dans mon dos, j’entends le fusil se redresser.

— Lâchez-la tout de suite ! hurle le propriétaire de bar.

— Vas-y tire, vieux grincheux !

Il charge l’arme avant de la pointer directement sur la poitrine de Sonny. Je dois intervenir avant qu’ils n’aggravent les choses.

— Très bien. Vous l’aurez voulu.

Je vois rouge, la colère m’envahit. Brutalement, je me jette sur Harry et lui porte les plus gros coups de poing que je peux. Ils ne veulent pas écouter mes mots, alors c’est mon poing va les faire entrer dans leurs petites têtes. Il est hors de question que je me fasse manipuler par deux prospects qui sont avec nous depuis à peine deux mois.

Du coin de l’œil, je vois Sonny qui lâche la serveuse pour s’attaquer à moi. Son couteau plonge sur le côté de mon ventre, sous mes côtes. Ma rage est tellement intense que je ne sens pas la douleur, ni le sang qui jaillit à travers mon t-shirt. L’un des clients vient se mêler à notre dispute en essayant de nous séparer. Avec son poids plume, il n’arrive à rien faire.

— Je vais appeler la police si vous ne partez pas d’ici, maintenant !

De nouveau le vieux tire une balle en l’air. Les deux prospects me lâchent et partent en courant vers la sortie. D’un pas las, Félix, lâche comme il est, les suit. Sympa, ils me laissent seul ici…

Impossible de les suivre, la douleur qui se réveille m’empêche de faire les quelques pas qui me séparent de la porte du bar. Un genou à terre, je promets que je me vengerai. Depuis quand on abandonne un gars blessé sur le plancher d’un bar ?

Un bruit de moteur de moto se fait entendre. Le bar retrouve son calme, et les clients reprennent leurs discussions.

— Ça va aller ?

L’adrénaline redescend, et la blessure me fait un mal de chien. J’essaie de ne pas grimacer, mais c’est trop tard.

— OK. Tu vas venir avec moi.

Les cheveux blonds de la serveuse effleurent mon visage. Elle attrape mon bras et le passe au-dessus de ses épaules, puis elle tire pour me hisser sur mes jambes. C’est un échec.

— Max, viens me donner un coup de main, s’il te plaît.

Le vieux grincheux s’approche de moi et me fixe droit dans les yeux.

— Il ne mérite même pas notre aide.

— Max !

— Je le fais pour toi, Jude, pas pour lui.

Le vieillard, Max, m’aide à me remettre sur pieds. La douleur est insupportable. Quels malades ces jumeaux, si j’avais su, je ne les aurais même pas recrutés…

Lentement, ils me dirigent vers une pièce derrière le comptoir du bar.

— Très bien, on va l’asseoir sur la chaise, et je vais chercher la trousse de secours.

La serveuse, Jude, si j’ai bien compris son prénom, m’abandonne avec Max. Il n’a pas l’air content, et je peux le comprendre. Une bagarre entre les membres d’un même club, c’est quelque chose qui n’arrive jamais, du moins c’est ce que je pensais. Nous aurions dû retourner au club au lieu de traîner dans ce bar. Rien de tout cela ne se serait produit.

Le patron du bar s’approche une nouvelle fois de mon visage. Il sait qu’il est en position de force, avec mon entaille je n’arrive à rien faire.

— Tu es en train de salir mon bureau avec ton sang. Je te promets que si toi ou ton équipe remettez les pieds dans mon bar, je n’hésiterai pas à utiliser mon fusil, et cette fois-ci, ce ne sera pas pour tirer en l’air, mais en plein dans ta poitrine, dit-il en accentuant son geste, appuyant au centre de ma cage thoracique avec son doigt. J’espère que c’est bien clair !

La porte s’ouvre et la blonde réapparaît, une boîte arborant une croix rouge dans sa main droite. Elle la pose sur la table non loin de moi, et l’ouvre. Elle s’approche de moi avec du coton et du désinfectant.

— Soulève ton t-shirt, que je te désinfecte ça.

— Ça va aller, je vais me débrouiller tout seul.

Je me redresse à vive allure pour quitter la pièce, mais la douleur me prend de nouveau, si lancinante que je retombe directement sur le siège.

— Parfois il faut laisser les autres s’occuper de soi et arrêter de faire son gros dur.

— Tu perds ton temps avec lui, Jude.

— Sors de la pièce, Max, les clients t’attendent.

Sans broncher, il sort de la pièce en allumant la lumière. Celle-ci m’éblouit puis très vite, mes yeux s’adaptent à la lumière et j’arrive enfin à bien voir à quoi ressemble cette femme qui a tenu tête aux prospects.

Ses cheveux blonds encadrent un visage fin, avec de jolies pommettes roses, des yeux d’un vert intense et des lèvres très généreuses.

— Oh, la vache !

J’enfonce mes dents dans mes joues pour ne pas crier.

Sans que je m’en rende compte, mon t-shirt a été soulevé, et le coton imbibé de désinfectant est pressé contre ma blessure.

— C’est profond, il faut aller à l’hôpital pour te recoudre.

— Ça ira comme ça, je n’ai pas besoin de ça, je vais rentrer.

Lorsque je me redresse, le sang sort en grande quantité.

— Il ne m’a pas loupé, le salaud !

Un microsourire s’affiche sur son joli visage.

— Tu t’es bien défendu, dit-elle.

— Tu leur as bien tenu tête aussi.

Le coton touche encore une fois ma plaie. Je me retiens de sauter de ma chaise.

— Je dois avoir du fil et une aiguille, je vais te refermer ça avant que ça ne s’aggrave.

— Rassure-moi, tu as déjà fait ça auparavant ?

Pas de réponse.

— Blondie, tu as déjà recousu quelqu’un ?

Ses mains s’arrêtent.

— Blondie ? répète-t-elle.

Je hausse les épaules, ce qui m’arrache une grimace de douleur. L’entaille s’écarte pour laisser passer quelques gouttes de sang supplémentaires.

— Ce n’est pas la musique qui passait tout à l’heure ?

Ce n’est pas vraiment une question, je sais très bien que c’était le nom du groupe, et je trouve que ça lui va bien.

Elle attrape sa trousse de secours, et en sort une aiguille et du fil. Sans répondre à ce que je lui ai demandé. Elle s’attarde sur ses ustensiles de torture, et prépare son matériel. Une fois que c’est fait, elle retourne vers moi, pique ma peau, puis fait passer son fil.

— J’ai été animatrice en centre de loisirs, les petits bobos, ça me connaît.

— Mais tu n’as jamais fait ça ?

Elle tire sur le fil afin de rapprocher les deux parties de ma peau.

— Jamais.

3

JUDE

Liam. Ce n’est pas un prénom pour un biker. J’aurais plus imaginé quelque chose d’un peu plus viril, plus robuste, plus méchant. Avec son physique musclé, sans parler des abdos que j’ai pu voir sous son t-shirt, de ses yeux gris clair et de ses cheveux bruns coupés court, je n’aurais pas pu rêver mieux comme premier client à soigner.

Il faut avouer que je lui dois beaucoup. S’il n’était pas intervenu, je serais certainement morte à cette heure-ci. Quelle idée j’ai eu de tenir tête à des gars pareils ? J’ai mes raisons : ils m’ont cherchée les premiers, et j’ai voulu leur montrer de quoi j’étais capable. Je n’aurais certainement pas dû, mais c’était plus fort que moi.

— Ça va me laisser une marque ?

— Certainement, je ne suis pas médecin, il fallait aller à l’hôpital pour avoir un meilleur résultat.

Liam grimace à chaque fois que je pique sa peau pour passer l’aiguille. Je ne sais pas si je fais ça bien, mais je dois admettre que je suis satisfaite du résultat. C’est régulier et propre. Le sang ne coule plus. Maintenant, je croise les doigts pour que cela ne s’infecte pas.

Je désinfecte une nouvelle fois et nettoie tout le sang séché autour de la plaie.

— C’est bon, tu peux rentrer chez toi.

— Il n’y a pas un motel proche d’ici où je pourrais passer la nuit ? Histoire de reprendre des forces. Tu pourrais m’y déposer, et je m’arrangerais pour récupérer ma moto demain.

Un motel ? Dans les environs ? Je ne suis pas certaine qu’il ait vu que nous étions dans un coin abandonné.

— Non, rien de tout ça.

Liam se lève de sa chaise avec beaucoup de difficulté. Il lui est impossible de tenir debout plus de trente secondes. Il me fait mal au cœur. Je sais que beaucoup de personnes ont du mal à comprendre que je puisse venir en aide aux autres si spontanément, mais je pars du principe que c’est donnant donnant, s’il m’a aidée, je me dois de faire la même chose.

J’hésite un instant, mais lui propose quand même la deuxième option à laquelle il n’a pas pensé :

— J’ai un canapé chez moi, tu pourras aussi te doucher et te réchauffer.

Mon bon cœur me perdra certainement.

La porte du bureau s’ouvre avec fracas. Max n’est vraiment pas content de cette soirée, elle a été une vraie catastrophe, mais au moins, ça a mis de l’animation.

— C’est fini maintenant, tu sors d’ici, tu as assez profité de mon établissement comme ça !

Je l’adore, mais parfois il m’exaspère.

— Max !

— Ne te mêle pas de ça, Jude, rentre chez toi, tu as fini ton service.

— Très bien, soupiré-je.

J’attrape mon manteau sur le portemanteau, puis drape mon écharpe autour de mon cou.

— Allez, lève-toi, on s’en va.

J’agrippe le bras de Liam pour le passer sur mes épaules.

— J’espère qu’il ne rentre pas avec toi, Jude ! dit le vieux grincheux.

— Écoute Max, tu es en colère, et qui sait ce dont tu es capable. Il va venir dormir sur mon canapé avant de rentrer chez lui. Ne t’en fais pas pour moi.

J’avance doucement pour qu’il puisse suivre mon rythme, mais sa douleur a l’air si intense qu’à chaque pas, il grimace en lâchant discrètement un juron entre ses dents.

— Jude ! hurle Max quand nous passons la porte du bar.

— À demain, Max.

* *

Mon appartement n’a rien d’exceptionnel. Il est très petit et on s’y sent vite à l’étroit. Il dispose d’un salon qui ne fait qu’une seule pièce avec la cuisine, d’une salle de bain et d’une chambre. Il est très coloré avec ses murs violets, son canapé rouge et ses meubles gris.

— Tu vis seule ?

J’abandonne mon invité sur une chaise dans ma minuscule cuisine.

— Non.

Ce qui est faux. Qui d’autre peut bien vivre ici avec moi ? Mais je me protège, peut-être que si je lui dis que je ne vis pas seule, il ne va pas faire de bêtises, et il restera bien sagement dans son coin à attendre qu’une personne qui n’existe pas nous rejoigne.

— Comment faites-vous pour vivre à plusieurs dans ce trou à rats ?

Je l’invite et il ronchonne encore.

— On fait comme on peut. La salle de bain est au fond du couloir, je vais te chercher une couverture et un oreiller.

Il traverse la pièce tant bien que mal, ses bottes traînant sur le sol en vinyle. Je m’attarde un peu trop sur son fessier qui m’a l’air bien ferme, puis il s’arrête avant d’ouvrir la porte. Je détourne le regard avant qu’il s’aperçoive que je le matais.

— Blondie ?

Encore ce surnom débile.

— Ouais ?

Liam attend que je le regarde avant de continuer. Il sourit légèrement, et secoue la tête.

— Merci.

Puis il entre dans la salle de bain.

Son sourire est chaleureux, réconfortant, il donne l’impression que l’on peut lui faire totalement confiance.

Je m’assois sur le canapé qu’il va emprunter. Je suis épuisée. La soirée a été mouvementée, mais ça faisait longtemps que cela n’était pas arrivé.

Avant que Liam ne sorte de la salle de bain, je lui prépare de quoi dormir sur le canapé. Il n’est pas très confortable, mais ça lui suffira pour cette nuit.

De petits jurons se font entendre de la salle de bain, puis la douche se met à couler, et les jurons se transforment en cris. Heureusement que je n’ai pas de voisins de palier. Les pauvres, on pourrait croire que j’ai mis un film d’horreur et que je suis terrorisée devant les scènes morbides. Ça me fait sourire. Comme quoi, les bikers ne sont pas tous comme dans les films, il y en a qui sont douillets, mais aussi protecteurs. J’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi Liam m’a défendue. Il aurait très bien pu me laisser entre les mains des deux autres types, peut-être même qu’il aurait pu participer. Il aurait très bien pu prendre la place de celui qui a voulu me trancher la gorge et le faire réellement. Mais il n’a rien fait de tout ça. Il s’est rangé de mon côté sans même me connaître. Un frisson parcourt mon corps en repensant à cette scène. J’ai cru que j’allais mourir sous les yeux de Max.

En sortant de la salle de bain, Liam est torse nu. Ce n’était pas prévu dans le contrat qu’il devait se balader à moitié à poil chez moi !

— Tu aurais pu t’habiller.

— J’ai emprunté ta machine à laver, mes affaires étaient pleines de sang.

Je n’avais pas remarqué.

— Et en temps normal, je dors nu.

Sa poitrine est recouverte d’un tatouage identique à l’image présente sur sa veste. Certainement l’emblème de son club. Je m’accorde un second regard de haut en bas sur son corps avant de détourner le regard.

Les mots de mon agresseur me reviennent en mémoire.

— C’est quoi, un prospect ? Et qu’est-ce qu’une brebis ?

Liam la main passe dans ses cheveux avant de me répondre.

— Les prospects sont des apprentis, pour faire simple. Et dans mon univers, les brebis sont des femmes qui sont là pour nous satisfaire… sexuellement.

— Comment ça ?

Il souffle avant de me répondre franchement :

— Ce sont des prostituées, si tu préfères.

— Oh.

Le prospect m’a comparée à une fille de ce genre. Est-ce que j’ai l’air physiquement de ressembler à ça ?

La nausée me monte dans la gorge. Alors ce sont de vulgaires objets, rien de plus. C’est honteux de prendre les femmes pour des jouets. Est-ce qu’elles ne servent réellement qu’à ça ? Ou alors c’est simplement pour me faire peur ? Parce que ce n’est pas de la peur que je ressens, mais de l’écœurement.

Je pars avant d’en apprendre plus et d’être totalement dégoûtée.

— Bonne nuit, Liam, dis-je en prenant la direction de ma chambre.

— Bonne nuit, Blondie.

* *

Le lendemain matin, quand je sors de ma chambre, le salon est désert et le canapé, vide. Liam est parti. Pas de mot de remerciement, rien.

Je ne regrette pas de lui avoir rendu service, ma mère m’a toujours appris à aider les autres, et malheureusement pour moi, ce n’est pas toujours bien. Mais je me doutais qu’il n’allait pas rester pour déjeuner en tête à tête avec moi. Son club l’attend.

D’ailleurs, mes parents aussi m’attendent. Tous les dimanches midi, nous mangeons ensemble avant que j’aille ouvrir le bar pour la soirée.

Depuis quelques jours, ils s’obstinent à vouloir que je reprenne mes études pour pouvoir faire le métier de mes rêves. Sauf que je n’ai pas de métier en vue, et être serveuse ne me déplaît pas. Certes, je ne ferai pas ça toute ma vie, mais je dois avouer que j’aime beaucoup le contact avec la clientèle.

J’ai quitté le cocon familial il y a quelques années, maintenant. Je voulais prendre mon indépendance, et laisser plus d’intimité à mes parents. Bon, d’accord, c’était surtout pour mon bien-être. J’avais besoin de changer d’air, de respirer un peu plus. Et être chez ses parents à 22 ans, ce n’était pas normal pour moi. Alors j’ai pris mon envol. Je me suis trouvé un boulot où je n’avais pas besoin de stresser quotidiennement, et où je n’avais pas la pression de mon boss sur le dos.

Même si Max est protecteur, il est vraiment cool comme patron.

— Chérie, tu me passes le sel s’il te plaît ?

Assise au bout de la table chez mes parents, je souris à la conversation animée de mon père. Il nous explique sa journée interminable de la veille où sa voiture est tombée en panne et où il a dû prendre le vélo pour aller au travail, son retard à sa réunion, sa clé USB oubliée dans la voiture, et enfin, sa chemise éclaboussée par la sauce tomate à l’heure du déjeuner. Mon père est quelqu’un de très maladroit, mais ça nous fait toujours beaucoup rire.

Mon frère, Jules, sur ma droite, rit aux larmes à son scénario improbable. Parfois, je me dis que je suis dans une maison de fous. Puis je me rends compte que nous sommes tous fous, c’est pourquoi je ris avec eux. Mes parents ne se sont pas foulés sur nos prénoms, quitte à en oublier un, autant changer la lettre de l’autre.

— Comment se passe le boulot ? me demande ma mère.

— Bien.

— Max va bien aussi ?

— Il est un peu ronchon en ce moment, mais ça lui passera.

C’est une conversation que nous avons tous les dimanches. Je ne suis jamais très bavarde pendant les repas de famille. Je préfère observer et écouter les conversations. C’est très rare que j’intervienne.

Je ne suis pas timide, je préfère simplement garder ma vie pour moi plutôt que la déballer à tout le monde. Je trouve cela inutile.

— Max m’a appelé hier soir, annonce mon père.

Mon nez se lève de mon assiette.

Max et mon père sont amis depuis des années. C’est aussi pour cette raison que j’ai eu mon poste rapidement.

— Il a dit qu’une bagarre avait éclaté dans le bar et que tu étais partie avec un homme blessé que tu ne connaissais pas.

Quelle balance !

— C’est faux, je connais Liam depuis longtemps, sinon il ne serait pas reparti avec moi.

Mon frère hausse un sourcil aussi blond que les miens. C’est la seule chose que nous avons en commun. Il a les yeux bleus où je les ai verts, il est plus grand que moi de quelques centimètres, je suis plus intelligente.

Sauf sur ce coup-là, ce n’est pas très intelligent de ma part de mentir à ma famille, mais c’est pour une bonne raison. Mon père me ferait la morale si je lui disais que j’avais fait dormir un inconnu chez moi. Par contre, ma mère me comprendrait, elle est comme moi, un peu trop le cœur sur la main.

— Pourtant il avait l’air paniqué au téléphone. Je lui ai dit que tu savais ce que tu faisais, et qu’il n’avait pas à s’inquiéter.

— Tu as bien fait.

Ce n’est qu’un demi-mensonge, finalement.

4

LIAM

Le trajet pour retourner au parking a été long et compliqué. La douleur a été insoutenable, et c’était pire quand je suis monté sur ma moto. J’ai bien cru que j’allais faire demi-tour pour retourner chez Jude.

Quand je rentre au club, l’une des nouvelles brebis vient m’accueillir, ses bras autour de mon cou, prête à m’embrasser. Mais je n’ai vraiment pas envie de m’amuser, je veux juste aller me coucher. Le canapé de Jude m’a cassé le dos.

Mais avant cela, je dois retrouver Félix et les deux prospects pour m’expliquer avec eux. Il est hors de question de laisser cette affaire en suspens ou de l’oublier complètement. Je ne comprends pas ce qui s’est passé.

Les marches pour aller au bureau de notre président sont interminables. Je m’arrête deux fois pour reprendre mon souffle et m’appuyer contre la barrière. J’ai vraiment besoin de repos et d’un antidouleur.

Je ne prends pas le temps de signaler ma présence et entre dans le bureau en ouvrant grand la porte.

— C’était quoi, ça ? dis-je sans prendre la peine de le saluer. Depuis quand on laisse un membre blessé au sol ? Ça ne fait pas partie des règles que tu nous as imposées !

Félix, dans son siège en cuir noir, se redresse afin de me faire face.

— Tu vas être président, Liam, il faut savoir te défendre seul. Ce ne sont pas des prospects qui vont te donner un coup de main, bien au contraire, tu auras du fil à retordre.

— Où sont-ils ?

— Disparus après que je les ai virés du club. Ils ont pris une direction différente à la sortie du bar, impossible de savoir où ils sont partis.

— Je vais leur faire la peau, dis-je en tapant du poing sur son bureau.

— Va plutôt rejoindre Brianna, elle t’attend pour te soigner.

— Non, merci.

Brianna est la brebis que tous les membres s’arrachent. Elle est venue me rejoindre une fois dans ma chambre, c’était bien la seule et unique fois. Je ne recommencerai plus jamais, c’était loin d’être une partie de plaisir pour moi. Les filles qui ont beaucoup trop confiance en elles, ce n’est vraiment pas mon truc.

Nous avons parlé du trafic d’armes que les Fox faisaient, ils ont le monopole sur toute la ville, ce qui me choque le plus c’est que c’était censé être nous. Comment ont-ils fait pour l’avoir ? Est-ce qu’ils essaient de nous devancer ? S’ils comptent prendre notre ville pour leur terrain de jeux, ils vont être servis, parce que j’espère bien qu’ils vont retourner chez eux au lieu de venir nous chier dans les bottes.

Mon sommeil n’a pas été réparateur chez Jude, bien au contraire. Ce soir encore, j’ai du mal à fermer l’œil à cause du raffut que les autres font. Les dimanches, généralement, ce sont des soirées assez hot, les brebis se lâchent et nous font de magnifiques strip-teases. Je suis régulièrement dans les premiers à les observer, il n’y a rien de plus beau que le corps d’une femme nue, ses formes généreuses et sa peau lisse, mais ce soir je n’ai pas envie de m’amuser avec eux. J’ai tellement mal qu’il m’est impossible de me lever. Alors je reste allongé sur mon lit, la lumière de la lune passant à travers mes rideaux, et éclairant un minimum ma chambre plongée dans le noir. La solitude me fait du bien.

Je sombre dans un sommeil profond.

— Hey mec, réveille-toi, on a un souci dehors, il faut que tu voies ça !

Sam me sort brusquement de ma torpeur. La douleur s’est légèrement estompée, mais ça ne m’empêche pas de reprendre un antidouleur.

Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’il est déjà sorti et frappe comme un demeuré à la porte voisine.

Qu’est-ce qui peut bien le mettre dans un