Contes et légendes du Brésil - Paulo Correia - E-Book

Contes et légendes du Brésil E-Book

Paulo Correia

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Beschreibung

Une anthologie de contes traditionnels du Brésil.


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Couverture

Page de titre

INTRODUCTION

Le Brésil est le plus grand pays d’Amérique du Sud, et le cinquième en termes de superficie dans le monde (environ 47 % du territoire sud-américain). Il est aussi le sixième pays le plus peuplé, avec plus de 200 millions d’habitants. Seule contrée en Amérique où l’on parle principalement le portugais, c’est également le plus grand pays de langue lusophone au monde. De plus, suite à la forte immigration venant des quatre coins du globe, la nation brésilienne est l’une des plus multiculturelles. Historiquement, sa découverte par les navigateurs portugais au XVIe siècle transforma radicalement tant son paysage naturel qu’humain. La baisse de population, l’acculturation, le cloisonnement des indigènes natifs et la diaspora forcée liée à l’esclavage de milliers d’Africains, ont créé un pays métissé dans lequel les composantes européennes, africaines et indigènes ont interagi entre elles.

Les mythes étiologiques sont très présents dans les récits oraux des différentes ethnies indigènes. Toutefois, ils font partie d’une tradition autre que celle des histoires regroupées dans ce recueil. Pour délimiter un corpus pour ce livre, nous avons essayé de trouver des contes et des légendes étiologiques d’un Brésil multiculturel mais ces derniers ont de forts éléments européens, notamment dans l’utilisation de l’imaginaire du christianisme catholique et celle de la langue portugaise. Ainsi ceux qui racontent ces histoires sont des hommes et des femmes qui appartiennent surtout aux communautés paysannes blanches et métisses. Géographiquement, ils habitent, en grand majorité, vers la côte atlantique du Brésil.

Du fait de sa position géographique dans l’hémisphère Sud et de son appartenance au continent américain, le ciel nocturne brésilien présente des constellations très différentes de celles observées dans l’hémisphère Nord. Les contrastes se révèlent également dans son orographie, dans sa faune et sa flore. Tout ceci contribue à ce que les personnages de ces contes bénéficient de cette diversité. Le fleuve Amazone, l’un des plus grands au monde, capte l’attention populaire, tout comme ses affluents. Des zones arides, comme celles de la région du Nordeste qui a accueilli dès le début des colons européens, ont amené leurs habitants à créer des récits étiologiques pour expliquer la cause de ses longues sécheresses.

Chez les hommes, le christianisme, religion dominante, tend à forcer certaines explications sur des réalités sociales polarisées, telles que les différences entre les sexes ou les races cohabitant dans le même espace au quotidien. Ce n’est pas par hasard que l’on retrouve de nombreuses histoires expliquant certaines différences anatomiques (entre l’homme et la femme ; entre l’homme blanc, l’homme de couleur et l’Indien). On retrouve souvent la création dualiste entre Dieu et le diable dans ces textes, aussi bien qu’une position machiste et ethnocentrique, issus, en grande partie, de l’idéologie catholique et du régime esclavagiste des colons européens. D’autres communautés, comme les gitans et les « Espagnols » y figurent également. De plus, certains métiers traditionnels, donnant naissance à des archétypes sociaux, comme les pêcheurs, les forgerons, les charpentiers et les lavandières, sont sujets à explication. Enfin on retrouve des textes expliquant l’existence de la mort, de la misère ou de l’envie dans le monde, mais moins répandus qu’au Portugal.

Il est assez habituel dans le champ des contes et des légendes étiologiques d’avoir un grand nombre de textes dédiés aux animaux et aux plantes. Comme signalé plus haut, le Nouveau Monde se distingue par une diversité zoologique et botanique remarquable. À cette pléiade d’animaux inexistant en Europe, les colons vont rajouter, pendant cinq siècles, des animaux domestiques provenant de leur pays d’origine, dont en grande partie du Portugal. La plupart des bêtes de ces histoires était connue en Europe : le chien, le chat, le rat, l’âne, la mule, le porc. D’autres, originaires des continents américain et africain, vont s’ajouter : le tyran-quiquivi, le vanneau-téro, le troglodyte familier, le cassique ou encore l’urubu.

Il y a moins d’histoires sur le monde végétal, mais certains reviennent fréquemment, montrant ainsi leur importance, telles que celles sur l’origine du manioc, par exemple, une racine comestible qui fut la base de l’alimentation d’un grand nombre de communautés indigènes, ainsi que celle des colonisateurs et des esclaves noirs. Dans ce pays qui a été, dès les premiers temps de la colonisation, le terrain d’une monoculture intensive, celle de la canne à sucre, on ne pouvait manquer l’explication de l’un de ses dérivés les plus célèbres : la cachaça, ou eau-de-vie de canne.

Les contes et légendes étiologiques réunis dans ce recueil ont été collectés depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours. L’intérêt pour ces textes s’est accru à partir des années 1940 et l’on a vu un grand nombre de publications entre les années 1970 et 1990. Mais c’est surtout au XXIe siècle que l’on s’est intéressé à ces légendes : ces deux dernières décennies, il y a eu autant de parutions à ce sujet qu’en deux siècles. À certains auteurs classiques, tels que Sílvio Romero, Câmara Cascudo et Lindolfo Gomes, se sont rajoutés des grands noms en ce qui concerne la recherche en culture populaire, comme Waldemar Fernandes, Altimar Pimentel, ou, plus récemment, Marco Haurélio. Nous espérons à l’avenir que surgissent, dans ce pays aussi grand qu’un continent où il y a encore tant à découvrir, des nouveautés éditoriales et des archives dans le domaine des récits étiologiques.

Paulo Correia

CIEL ET TERRE

1. La création du monde

Quand Dieu créa le monde, il ne fit pas tout d’une seule fois, non, car c’était beaucoup de travail, même pour lui qui pouvait tout faire.

Il s’y mit petit à petit : il fit la terre, des nuages de tailles et couleurs différentes, il fit la lune avec ses quatre phases bien distinctes : pleine pour ravir les amoureux, croissante pour – comme l’on peut se douter –, aider les plantes dans leur épanouissement et ainsi de suite.

Il fit l’arc-en-ciel, les étoiles, et beaucoup d’autres choses très belles qui, aujourd’hui encore, ornent le monde, comme les fleurs, les oiseaux et les papillons, les quatre saisons et tout ce qui pouvait lui venir à l’esprit. Il lui suffisait de penser à quelque chose pour la créer instantanément…

Il façonna ensuite les animaux. De la vase informe, il modela le lion, lui donna un aspect souverain et une vaste crinière, et en fit le roi des animaux. Avec l’argile qui lui restait dans les mains, il créa la fourmi de la taille d’un tout petit rien. Puis, comme ce travail l’amusait beaucoup, il fit une énorme bête, aux grandes pattes, aux oreilles tombantes et à la trompe étrange, un animal un peu difforme mais très sympathique. Pour que l’éléphant ne se sente pas trop différent des autres, il en créa un autre très grand avec deux bosses qui puisse, lui, marcher dans le désert. Chaque bête était différente des autres : elles avaient leurs attributs et une fonction bien définie sur terre.

Il créa tous les animaux que nous connaissons, les uns après les autres : le singe, qui se révéla de suite très intelligent et malicieux ; le chien, ami de l’homme ; le bœuf et la vache, qui aideraient l’homme dans ses tâches quotidiennes et lui donneraient leur lait.

Fatigué après tant de travail, il moula une grosse poignée de vase pour faire un gros animal qui se mit de suite à grogner et à fuir en courant avant que Dieu ne puisse le terminer.

Le Seigneur l’appela :

– Reviens, cochon, il te manque une queue. Tous les animaux en ont une, tu finiras eunuque, reviens !

Mais le cochon ne répondit pas à l’appel et ne cessa de courir. Dieu, avec un peu d’argile, modela alors un court fil tordu et lui jeta au loin. Voilà pourquoi le cochon a une queue si différente, en forme de vis…

Comme Dieu était fatigué, il se coucha et laissa ses tâches au jour suivant.

Il se réveilla au premier chant du coq, à qui il avait attribué la mission de réveiller les hommes pour aller au travail. Il se souvint que les hommes et les bêtes avaient besoin de se nourrir et il créa donc les plantes, les arbres donnant des fruits, les herbes qui serviraient également de remèdes et les céréales pour nourrir les animaux des champs.

Il créa les poissons pour les mers, rivières et lacs, et des oiseaux de tous types et de toutes tailles, du petit colibri à l’énorme autruche. Il leur attribua la mission de chanter pour rendre heureux ce monde qu’il peuplait peu à peu.

Soudain, il se souvint qu’il avait façonné des hommes avec des qualités et des défauts. Beaucoup étaient forts, courageux et travailleurs et d’autres étaient paresseux. Pour compenser ces défauts et protéger ceux qui n’aimaient pas travailler, il utilisa un petit reste d’argile, la transforma en une fane terminée par une petite feuille verte et la lança en l’air. Elle tomba au sol, développa des racines, s’épanouit et devint un pied de patate douce, une plante qui ne demande pas beaucoup de travail.

Voilà pourquoi aujourd’hui, quand quelque chose est très facile, on dit au Brésil que « c’est comme de la patate douce », créée pour rendre la vie des hommes plus aisée.

2. La légende des sept étoiles (La Pléiade)

Il était une maison où vivait une famille avec sept enfants. Le père avait quitté la mère, et elle se retrouva seule à élever et prendre soin de ses enfants. Mais elle était très pauvre, et n’avait pas de quoi subvenir à leurs besoins.

Elle sortait toujours pour chasser. Attraper quelque chose, tuer un oiseau, ramener un peu de nourriture à la maison, n’importe quoi. Un jour que la mère était partie à la chasse, les enfants sortirent pour jouer dehors et trouvèrent une carcasse d’animal et la ramenèrent chez eux. Je ne pense pas que c’était du renard, ou d’une bête qui y ressemble, ou même une bête des bois.

L’os n’avait pas de viande, on pouvait dire que la côte était même bien nue. La carcasse n’avait vraiment pas grand-chose. Ils la ramenèrent chez eux et commencèrent à se battre. Ils se disputèrent à propos de la carcasse, en tournant autour d’elle, en tournant encore et encore, si bien qu’ils se mirent à monter, monter, monter jusqu’à être tous les sept au ciel. La mère revint et cria :

– Où sont mes enfants, où sont mes enfants, où sont mes enfants ?

Et ces derniers répondirent :

– Ils sont partis en volant, volant, tournoyant sur eux-mêmes, et ils viennent te dire qu’ils partent au ciel pour devenir des étoiles.

Voilà la légende des sept étoiles, de ces enfants qui montèrent au ciel car ils avaient rongé cet os d’animal trouvé dans la forêt.

3. L’origine du fleuve Solimões*

Il y a très longtemps, la lune était promise au soleil qui voulait l’épouser. Or, s’ils parvenaient à se marier, si le mariage avait lieu, ce serait la fin du monde. L’amour ardent du soleil brûlerait le monde et la lune, de ses larmes, inonderait la terre. Pour cette raison, ils ne pouvaient se marier. La lune éteindrait le feu ; le feu ferait évaporer l’eau. Ils décidèrent alors de se séparer, la lune d’un côté et le soleil de l’autre. La lune pleura nuit et jour, et ses larmes coulèrent sur la terre jusque dans la mer. La mer s’irrita et la lune ne put mêler ses pleurs avec les eaux marines qui, dès lors, coulent une partie de l’année vers le haut et le reste de l’année vers le bas. De plus, les larmes de la lune donnèrent origine à notre fleuve Amazone.

4. La légende de la rivière Ivaí

Voici la raison pour laquelle ce fleuve est aussi tordu et possède autant de courbes, dont une en forme de fer à cheval.

Les habitants racontent qu’un jour, un être divin demanda à une femme de marcher en tête sans regarder derrière elle, près des rives du fleuve Ivaí. Cette dernière ne respecta pas sa promesse et la courbe de la rivière représente donc son « coup d’œil ».

5. La raison de la sécheresse dans le Ceará

En des temps très anciens, les Cearenses se fâchèrent avec Jésus et décidèrent de l’expulser du Ceará. Ils préparèrent à cette fin une jangada (radeau de bois) et y installèrent le saint et des vivres qu’ils jugeaient nécessaires pour la longue traversée que le Christ allait entreprendre. Ils larguèrent les voiles et poussèrent le saint vers la mer, en direction du Portugal, d’où il était venu.

Lors de ce voyage éprouvant, le Bon Jésus, très éloigné des plages du Ceará, « entre la mer et le ciel », eut soif. Ses persécuteurs, par oubli ou à propos, n’avaient pas pourvu la jangada d’eau. Il n’y avait pas une seule goutte de ce précieux liquide.

Mort de soif, transi de douleur, le Bon Jésus proféra alors ces mots :

– Cearenses mauvais et ingrats, vous aussi n’aurez pas d’eau quand vous aurez soif !

Le vent de l’Est, qui passait par là, recueillit les paroles du saint en détresse et, balayant tous les nuages de notre ciel, apporta la première sécheresse dans le Ceará.

6. Madame Labismina

Il était une fois une reine, mariée depuis longtemps, qui n’avait pas d’enfants malgré son fort désir, si bien qu’un jour, elle fit ce vœu :

– J’accepterai même si Dieu fait de cet enfant un serpent.

Après quelque temps, elle tomba enceinte et accoucha d’une petite fille ayant un serpent enroulé à son cou. Cela ne plut guère à la famille, mais on ne pouvait retirer le reptile. Tous deux grandirent ensemble, et la petite fille devint l’amie du serpent. Quand elle était plus jeune, elle avait l’habitude de se promener au bord de la mer, et là le reptile la laissait et se précipitait dans les vagues. La petite princesse pleurait jusqu’au retour de l’animal, qui s’enroulait à nouveau à son cou pour qu’ils puissent retourner au palais. Personne n’était au courant. Un jour, le serpent entra dans la mer et n’en sortit pas. Il avait cependant averti sa sœur de ne pas hésiter à l’avertir si elle se retrouvait un jour en danger. Le serpent se prénommait Labismina et la princesse s’appelait Maria. Des années plus tard, la reine tomba malade et mourut. Avant de trépasser, elle retira un anneau de son doigt et le donna au roi en proclamant :

– Quand vous vous remarierez, cela doit être avec une princesse qui portera l’anneau sans que celui-ci ne lui soit trop serré ou trop large.

Au bout d’un certain temps, le roi voulut se marier et fit essayer la bague aux doigts des princesses de tous les royaumes, mais il n’en trouva aucune qui portait l’anneau comme le recommandait la reine. Seule restait la princesse Maria, sa fille. Le roi l’appela et enfila l’alliance à son doigt, ni trop serré ni trop large. Il avoua alors à Maria qu’il allait l’épouser, et comme on ne peut contredire les ordres d’un roi, la jeune fille en éprouva un fort dégoût et passa son temps à se lamenter. Elle retourna à la plage, cria le nom de Labismina et le serpent apparut. Maria lui raconta son histoire et le reptile répondit :

– N’aie pas peur, dis au roi que tu ne te marieras avec lui que s’il t’offre une robe de la couleur de toutes les fleurs des champs.

Ainsi fit la princesse, et le roi se retrouva très embêté mais l’avertit qu’il partait à sa recherche. Cela lui prit du temps mais il y parvint. La princesse devint très triste et retourna voir sa sœur qui lui suggéra :

– Dis-lui que tu ne l’épouseras que s’il te donne une robe de la couleur de la mer avec tous les poissons.

Maria réitéra sa demande et le roi fut encore plus ennuyé. Cela lui prit beaucoup de temps mais il la trouva. La jeune fille demanda à nouveau conseil à Labismina qui lui proposa :

– Dis-lui que tu ne l’épouseras que s’il te trouve une robe de la couleur du ciel avec toutes les étoiles.

Elle fit cette requête auprès du roi, qui se désespéra mais lui fit la promesse de lui offrir cette robe. Cela lui prit encore plus de temps que les autres fois, mais il y arriva. Quand le roi lui donna la dernière robe, la princesse pensa être perdue et courut vers la mer, où elle embarqua dans un bateau affrété par Labismina, pendant que le roi recherchait les tenues. Le serpent conseilla sa sœur d’embarquer, et de rester dans le royaume où le navire s’arrêterait car elle pourrait épouser le prince de cette contrée. Avant le mariage, elle devrait l’appeler par trois fois, afin de le transformer en une princesse lui aussi. Maria suivit ses conseils. Elle débarqua dans le royaume où s’arrêta le bateau. Comme elle n’avait pas de quoi vivre, elle demanda un travail à la reine, qui la chargea de garder et de s’occuper des poules du roi. Peu de temps après, il y eut trois jours de fête dans la ville. Tout le monde au palais comptait y assister, sauf la gardeuse de poules. Toutefois, le premier jour des réjouissances, après le départ de tous les invités, elle se peigna, revêtit sa robe couleur des champs avec toutes les fleurs, demanda un carrosse à Labismina et alla à la fête. Tout le monde se retrouva bouche bée devant une fille aussi belle et riche, mais personne ne savait qui elle était. Le prince, fils du roi, s’éprit d’elle. Avant la fin de la fête, la princesse partit, revêtit ses vieux haillons, et retourna s’occuper des poules. Une fois au palais, le prince demanda à la reine :

– Avez-vous vu, mère, la belle jeune fille qui est apparue aujourd’hui à la fête ? Je voudrais tant l’épouser ! Elle ressemblait à la gardeuse de poules…

– Ne dites pas cela, mon fils, cette pauvre fille aurait des vêtements si fins et coûteux ? Allez en bas pour constater à quel point elle est sale et dépareillée.

Le prince alla voir la servante et lui dit :

– Gardeuse de poules, j’ai vu aujourd’hui une fille qui te ressemblait lors d’une fête.

– Mon prince, mon seigneur, vous vous moquez de moi… Qui suis-je ?

Lors d’une nouvelle fête, elle y assista discrètement revêtue de sa robe couleur de la mer avec les poissons, et dans un carrosse encore plus somptueux. Le prince tomba encore plus amoureux mais ne savait pas de qui. Le troisième jour, même rengaine, et la gardeuse de poules porta la robe couleur du ciel avec toutes les étoiles. Le prince était si enthousiasmé de la voir qu’il s’approcha d’elle et lui jeta dans les bras un bijou qu’elle conserva. De retour au palais, le jeune homme tomba malade d’amour et s’alita. La reine demandait à tout le monde de lui apporter du potage, mais il ne cessait de refuser. À la fin, il n’y avait plus que la gardeuse de poules. La reine lui ordonna de donner de la soupe au prince. Maria répondit :

– Que nenni ! Ma reine, ma maîtresse, vous plaisantez ? Qui suis-je pour qu’un prince accepte une soupe venant de mes mains ? Par contre, je peux lui cuisiner une soupe qu’on lui ferait porter.

La reine accepta et la servante prépara le bouillon. À l’intérieur du bol, elle déposa le bijou offert par le prince à l’église. Quand celui-ci plongea sa cuiller et vit le joyau, il sauta hors de son lit, fou de joie. Il annonça qu’il allait bien, et qu’il voulait épouser la fille qui gardait les poules. On l’appela, et quand elle apparut, elle était fin prête, habillée comme lors de la fête. Ce ne fut que joies et banquets, et la princesse Maria se maria avec le prince. Toutefois, elle oublia d’appeler Labismina, qui ne se transforma pas en princesse. Voilà pourquoi aujourd’hui encore, la mer rugit et fulmine de temps en temps.

7. Comment apparut le démon

Le vent était un homme qui, lorsqu’il passait quelque part, se faisait poursuivre par les autres. Quand on l’attrapait, on le frappait car il faisait beaucoup de mal autour de lui : il soulevait la poussière et les jupes des femmes, il lançait de la terre aux yeux des gens, il jetait les objets par terre et les vêtements en l’air.

Il rencontra Dieu et lui demanda de le délivrer de ce destin. Et le Seigneur lui accorda ce vœu et fit en sorte qu’on ne le vît plus ; en effet, seules les poules noires peuvent l’apercevoir.

HOMME ET SOCIÉTÉ

8. Adam et Ève

Quand Dieu créa le monde, il fit également un couple appelé Adam et Ève. Le Créateur leur demanda de s’occuper d’une ferme, mais les prévint qu’il ne fallait pas manger le fruit du cognassier, fruit du péché. Adam, grand gourmand, ne résista pas et arracha le fruit. Ève le vit porter le coing à la bouche, et courut vers lui afin de lui prendre le fruit, mais Adam l’avait déjà croqué. Il allait l’avaler lorsque sa femme lui serra la gorge et l’empêcha donc de le digérer. Le fruit ne remonta pas, ni ne descendit : il resta coincé et devint ce nœud que tous les hommes ont depuis dans leur gorge. Une fois le péché commis, Dieu dit à Adam qu’à partir de cet instant, comme châtiment, il devrait travailler pour vivre. Adam prit alors une pioche et se mit à cultiver le sol. Toutefois, à chaque fois qu’il portait un coup, la terre gémissait. Il décida de prendre une hache et couper un arbre pour avoir du bois, mais dès qu’il frappait avec l’outil, du sang coulait.

Apeuré, Adam alla voir le Créateur qui lui conseilla d’avoir une conversation avec la terre pour qu’elle se calme, car tout ce que la terre créait, elle se chargeait de le manger. Adam parla avec la terre et suivit les recommandations de Dieu, et depuis ce jour, il n’y eut plus un seul pleur ou gémissement. En effet, l’homme grandit, grandit, et mange tout ce que la terre produit, avant d’être englouti par cette dernière en compensation. Voilà comment la terre cessa d’être vierge.

9. La légende de l’homme et de la femme

Les gauchos, habitants de Rio Grande do Sul, à la Frontière, racontent de nombreuses histoires sur comment Dieu a créé l’homme et la femme.

a) L’une rapporte que Notre Seigneur créa les deux êtres humains avec de la glaise et laissa l’œil du soleil les sécher : l’homme jaillit, la femme se fêla.

b) Une autre dit que Dieu, bon tanneur, coupa du bout de son couteau deux moitiés de cuir pour façonner l’homme et deux autres pour créer la femme.

Il les saisit et se mit à coudre avec du fil et une aiguille les deux parties de l’homme, mais au milieu des jambes, là où se terminaient les points de couture, il lui resta un bout de chute de cuir… Quand il dut coudre les deux moitiés de la femme, au contraire, il lui manqua du tissu et ne put coudre une partie, celle entre les jambes.

Ceux qui comprennent et croient en ses choses disent que l’on peut voir sur les bourses de l’homme la trace des coutures et que les deux moitiés sont bien différentes.