Contes et légendes du Portugal - Paulo Correia - E-Book

Contes et légendes du Portugal E-Book

Paulo Correia

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Beschreibung

Une anthologie de contes traditionnels du Portugal.


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Couverture

Page de titre

INTRODUCTION

Situé à l’extrême-ouest de l’Europe et partageant la Péninsule ibérique avec l’Espagne, l’espace géographique qui délimite aujourd’hui le territoire portugais fut occupé depuis le paléolithique par diverses sociétés humaines. Les civilisations celte, romaine, germanique, musulmane et juive y laissèrent leur empreinte. Le Portugal existe comme nation depuis le XIIe siècle et, depuis la reconquête aux Arabes le siècle suivant, il a conservé jusqu’à aujourd’hui les mêmes frontières. Lieu de rencontre culturelle entre divers peuples, ce fut également un pays qui garda une population rurale majoritairement analphabète jusqu’au dernier quart du XXe siècle. Ces facteurs contribuèrent à ce que le pays conservât une riche littérature orale, maintenue en vie encore de nos jours. Contrairement aux pays industriels qui déracinèrent leurs populations rurales par de massifs exodes vers les villes, et aux pays protestants qui valorisèrent l’alphabétisation, le Portugal rural, catholique et analphabète incita le peuple à garder foi en sa mémoire et à transmettre de génération en génération les contes, légendes et autres textes de tradition orale. Ce processus historique favorisa aussi la survivance d’éléments culturels anciens, issus par exemple des traditions gréco-romaines, arabes ou séfarades.

Cette anthologie de contes et de légendes qui paraît aujourd’hui est une contribution afin de révéler au grand public les narrations étiologiques de l’espace culturel européen, en vue d’études comparatives, car, par définition, la littérature orale se compose de variations de récits nés de cultures diverses.

Les histoires de ce recueil proviennent de l’ensemble du territoire continental portugais, des Açores, mais aussi de la communauté portugaise du Canada. Les plus anciennes furent recueillies et publiées lors d’un premier regain d’intérêt pour le sujet, allant de la fin du XIXe siècle à la fin de la première guerre mondiale. Font partie de ce premier mouvement les folkloristes José Leite de Vasconcellos, Teófilo Braga, Ataíde Oliveira, José Silva Vieira, Francisco Martins Sarmento, José Diogo Ribeiro, A. C. Pires de Lima et Maria da Conceição Dias. Leurs travaux de retranscription furent publiés dans des revues ethnographiques comme la Revista Lusitana et la Revista do Minho, avant d’être réunis dans un livre, à titre posthume pour la plupart. Fruit d’une longue période politique dictatoriale, où le folklore était enseigné dans les écoles, le Portugal post-révolution des Œillets vit renaître un intérêt pour la collecte et l’édition de textes folkloriques, surtout à partir des années 1980. Ce travail, bénéficiant de moyens techniques modernes d’enregistrement, est beaucoup plus fidèle aux récits oraux que les études du début du siècle. Notons les anthologies d’Alexandre Parafita, d’António Fontinha et d’Idália Custódio, remarquables par la quantité et la qualité des textes recueillis. Et, bien entendu, les archives avec des collectes inédites de tradition orale faites par les élèves de l’Université de Lisbonne (CTPP) et de l’Algarve (CEAO) sont plus que précieuses.

À notre connaissance, c’est la première fois qu’un livre dédié exclusivement aux récits étiologiques portugais est publié. Sélectionnés dans diverses anthologies, ces contes et légendes sont peu édités. Ces histoires varient beaucoup dans leur contenu, entre le discours oral et le texte littéraire écrit, entre la croyance et la fiction. Leur point commun est le fait d’expliquer le pourquoi de la nature, du cosmos, de l’univers humain et de ses inventions culturelles, de la géologie, des lieux, des animaux et des plantes. Traditionnellement, on les connaît comme des « histoires des origines du monde », « histoires de quand Notre-Seigneur et saint Pierre parcouraient le monde », ou encore « histoires de quand les animaux parlaient ». Il s’agit de narrations qui expliquent la genèse des choses et qui utilisent une poétique qui tient à la fois du conte religieux et de la fable. D’un côté, il existe un nombre appréciable de versions qui mettent en scène des personnages de la tradition biblique comme Dieu, Jésus, saint Pierre, saint Marc, saint Joseph, Salomon, le diable, saint Martin, saint Antoine, la Vierge, etc. Les récits traitent de la création et de la transformation des choses sous le prisme de sanctions de la part de personnages sacrés. L’infraction à la morale chrétienne donne lieu à une punition (malédiction) et son respect à une récompense (bénédiction). Le cycle de la Fuite en Égypte en est l’exemple parfait. Dans certains contes, les bénédictions ou les malédictions tombent sur des animaux, des plantes et même des professions, révélant ainsi leur caractère d’allégorie exemplaire. La création peut être le fruit d’une compétition entre Dieu et le diable (ou saint Pierre), accentuant la dichotomie Bien/Mal dans la catégorisation des créatures. Tout ceci est ancré dans un cadre conceptuel influencé par une idéologie et des valeurs chrétiennes, avec toutefois des traces païennes. D’un autre côté, il y a des histoires sans personnages sacrés et où les animaux, le plus souvent dotés de parole, interagissent seuls. De ces récits « primitifs » apparaît une explication, certes souvent naïve, du comportement des bêtes. Un autre trope utilisé dans les cosmogonies est celui de la personnification des éléments célestes comme le soleil et la lune, mais aussi des animaux, des plantes, du vent, des fleuves ou de la terre. Il existe même des vestiges de gigantomachies dans des textes où les créateurs sont des géants. Épisodiquement, des personnages historiques et maures apparaissent.

Par ailleurs, la grande majorité des légendes sur la nature tourne autour des animaux (principalement domestiques) et des plantes. Elle explique leur comportement et leurs caractéristiques morphologiques, et cherche, à travers celles-ci, à représenter symboliquement les qualités morales. Dans les étiologies liées aux inventions culturelles, il existe au Portugal quelques histoires sur l’origine de certains ponts, la plupart romains, dont la création est attribuée au diable.

La culture portugaise marque de son empreinte certaines thématiques, comme, par exemple, la création de la femme, qui dépeint une misogynie issue d’une tradition chrétienne patriarcale. Les caractéristiques anatomiques qui différencient les deux sexes sont traitées de manière humoristique. Des faits abstraits comme la vieillesse, la misère, la mort, le mal, l’ingratitude, l’injustice, la honte, sont abordés dans des narrations pour fournir une explication de leur existence. Fruit d’un certain ethnocentrisme, le regard sur l’« autre » est bien présent, qu’il s’agisse des Noirs, des Gitans, des Galiciens, ou bien des figures d’autorité. Du fait de son histoire et de sa position géographique, le Portugal est un pays où l’« autre » revêt des caractéristiques particulières. Les Noirs sont familiers car ils furent colonisés pendant des siècles, tout comme les Gitans qui vivent parmi les Portugais. Le voisin espagnol (le Castillan) est historiquement une menace, contrairement au Galicien qui, malgré le fait qu’il soit un étranger, est beaucoup plus proche des Portugais en raison de sa langue et sa pauvreté malheureuse. Quant aux figures de l’autorité (douaniers, policiers, prêtres), ils n’échappent pas aux moqueries des classes populaires.

Nous avons tenté de classer un grand nombre de versions, en recourant à la classification internationale actuelle du conte traditionnel (23 types ATU), aux classifications de l’ancien catalogue international de 1961 (4 types AT) et également aux catalogues régionaux avec des contes étiologiques collectés, comme l’hongrois (1 type Honti), le flamand (22 types Meyer), le mexicain (1 type Robe), l’espagnol (5 types Ca-Ch et 1 Robe) et le portugais (4 type Car-Co).

Paulo Correia

ENTRE CIEL ET TERRE

1. L’homme sur la lune

Un dimanche, un homme taillait des ronces dans son potager. Notre-Seigneur, déguisé en homme du peuple, lui apparut alors et lui demanda :

– Tu tailles des ronces un dimanche, un jour saint ?

Et l’autre lui répondit :

– Eh bien, personne ne me voit dans ce coin caché.

Notre-Seigneur rétorqua :

– Si c’est cela, je vais t’envoyer là où tu seras vu de tous.

Puis il congédia le paysan sur la lune. Voilà pourquoi on peut voir un homme avec un baluchon de ronces sur le dos les jours de pleine lune.

2. Saint Christophe sur la lune

Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ parcourait le monde en compagnie de saint Pierre, il lui arrivait de passer la nuit chez un homme appelé Christophe, un fidèle disciple des préceptes divins. Un jour, Pierre supposa :

– Ô mon Divin Maître, ce Christophe est un homme bon et saint qui, par ses bonnes œuvres, rejoindra certainement le Royaume des Cieux !

– Oui, répondit le Seigneur. Si jusqu’à sa mort il ne dévie pas du droit chemin, ni n’offense les lois divines.

Toutefois, il arriva qu’un dimanche, en allant à son jardin, Christophe vit que des lapins lui rongeaient ses haricots et d’autres plants. Pour boucher l’entrée de ces rongeurs qui abîmaient le fruit de son labeur, il prit une faucille et coupa quelques broussailles avec lesquelles il fit une petite botte plantée sur un bâton. Le fagot sur le dos, il alla couvrir le trou où se faufilaient les animaux. Au même moment, apparurent Jésus et Pierre. Le Christ, voyant le paysan avec son petit faisceau, dit :

– Tu vois, Pierre ? Christophe ne pourra pas aller au ciel car il ne respecte pas la Loi de Dieu, qui interdit le travail le dimanche, jour du Seigneur.

Christophe, tombant des nues, se prosterna immédiatement aux pieds de Jésus, et lui implora pardon du péché qu’il venait de commettre sans réfléchir. Jésus lui affirma que Dieu lui pardonnait car il savait que ce n’était pas l’intention du fidèle d’offenser le Tout-Puissant, qu’il s’agissait seulement d’un oubli. Malgré tout, pour que les hommes se souviennent à l’avenir qu’il ne faut pas travailler le dimanche, Christophe fut envoyé sur la lune, avec une gerbe de paille sur le dos, pour l’exemple.

Dès lors, quand la lune est pleine, on voit une ombre qui ressemble à un homme portant sur le dos une botte de ronces sur un bâton. C’est saint Christophe, chargé d’un fétu, car il a travaillé le dimanche !

3. Au commencement du monde

On raconte à propos de la beauté du Soleil et de la Lune que les astres se disputaient pour savoir qui était le plus beau : le Soleil, parce que la Lune le surpassait, était jaloux et lui jetait de la boue, du sable et de la terre au visage ; la Lune répliquait en faisant de même avec des aiguilles et des épingles. Voilà pourquoi la Lune a des tâches et le Soleil des rayons, qui nous piquent les yeux quand on les regarde. Le Soleil récupéra alors un peu de cendre et la jeta sur la Lune, la troublant un peu. Cette dernière, jalouse du Soleil, lui jeta du sel, mais cela ne fit qu’accentuer la beauté de l’astre alors que la boue qu’elle reçut se transforma en un masque qu’elle porte encore aujourd’hui.

4. La bataille entre le Soleil et la Lune

La Lune était plus belle que le Soleil. Ce dernier voulait l’épouser, mais la Lune ne répondait pas à ses avances. Rancunier, il lui jeta alors de la cendre au visage, et elle lui répondit avec des aiguilles à coudre. La Lune perdit donc de son brillant, et le Soleil se retrouva criblé de rayons. On dit que lors des éclipses, c’est le Soleil qui poursuit encore sa bataille avec la Lune.

5. La Lune, fille du Soleil

On racontait que la Lune était la fille du Soleil. De temps en temps, quand elle se comportait bien, son père la laissait sortir, toute pimpante et éclatante. Elle était très belle : une Pleine Lune. Malheureusement, à trop de vanités, elle en devenait désagréable. Son père la grondait alors, et la congédiait dans un de ses quartiers, le Dernier Quartier. Quand elle persévérait à mal se comporter, il la renvoyait dans un autre, le Premier Quartier.

– Mais parfois, elle se cachait. Pourquoi se dissimulait-t-elle ?

– Parce que son père la battait. Pour ne pas en recevoir davantage, elle disparaissait. C’était la Nouvelle Lune.

6. L’arc-en-ciel

La légende de l’arc-en-ciel est vieille comme le monde. Tel le loup-garou, il s’attaquait aux enfants qui ne se comportaient pas bien ou qui ne mangeaient pas leur soupe. S’ils approchaient ou traversaient un arc-en-ciel, ils étaient alors enlevés et dévorés. C’est ce qu’on nous disait quand nous étions petits.

L’arc-en-ciel se tenait entre deux fleuves et leur subtilisait de l’eau pour les nuages. Voilà pourquoi il n’apparaissait que les jours de pluie.

7. Le vent

Le vent était un homme qui, lorsqu’il passait quelque part, se faisait poursuivre par les autres. Quand on l’attrapait, on le frappait car il faisait beaucoup de mal autour de lui : il soulevait la poussière et les jupes des femmes, il lançait de la terre aux yeux des gens, il jetait les objets par terre et les vêtements en l’air.

Il rencontra Dieu et lui demanda de le délivrer de ce destin. Et le Seigneur lui accorda ce vœu et fit en sorte qu’on ne le vît plus ; en effet, seules les poules noires peuvent l’apercevoir.

8. La légende de la terre

Au commencement du monde, quand l’homme creusait la terre, cette dernière ouvrait la bouche et hurlait. L’homme se plaignit à Dieu, et celui-ci gronda la terre :

– Tais-toi, car de toi sortira toute création que tu avaleras.

9. Les forgerons de Penela

Aux alentours de Penela, il y a deux monts très élevés et de forme plus ou moins conique. La croyance populaire veut que deux frères forgerons y établirent leurs forges, chacun sur un mont. Comme ils n’avaient qu’un seul marteau, ils devaient s’en servir l’un après l’autre.

Les sommets des monts étaient à deux kilomètres de distance. Quand Melo (le premier des forgerons) avait besoin du marteau, il allait jusqu’aux portes de sa forge et criait pour que Jerumelo (ainsi s’appelait le second) pût le lui lancer. Ceci arrivait à chaque fois qu’ils travaillaient.

Les deux forgerons étaient des géants, et avaient donc assez de force pour l’envoyer aussi loin.

Un jour, Jerumelo se fâcha avec son frère et lui jeta le marteau avec une telle violence que, se cassant dans les airs, le fer tomba sur le versant du mont Melo et fit jaillir une source d’eau ferreuse, et le manche en bois de zambujo1 se planta dans la terre à deux kilomètres de là. Naquit à cet emplacement un arbre, qui donna le nom à un village, Zambujal, et qui se trouve à quatre kilomètres des monts.

Au sommet du mont Melo, on peut voir encore quelques ruines de la forge de l’un des deux frères.

10. Le géant Gratuão

Il existe à Romariz le mont Castelhão. La légende qui suit narre sa naissance. Le géant Gratuão luttait contre les autres géants. Un jour, il ressentit une grande douleur au ventre, comme un serrement. Profitant d’une pause dans le combat, il décida de défaire son pantalon. Il mit un pied dans la vallée de Vilanova, un autre sur le mont Crasto, il se pencha un instant et poum ! apparut le mont Castelhão, avec le fleuve de l’Igreja serpentant vers la gauche.

11. Le rocher de la vieille

En allant vers la ferme du Jardin, dans le village de Sendim, en tournant à droite après le Polameiro, on peut trouver quelques rochers aux formes étranges qui intriguent quiconque passe par là.

On dit que la pierre n’a pas toujours existé. Un jour, une vieille dame revenait de la montagne avec du bois sur la tête. Fatiguée, elle s’assit à cet endroit et fut frappée soudainement d’un sortilège. Une étincelle venant du ciel lui tomba dessus. Un grondement ébranla le village entier et une fumée, aussi blanche que la neige et chaude que le feu, jaillit de là. Curieux, les personnes qui vivaient ou se trouvaient près des lieux accoururent et restèrent bouche bée, surpris et étonnés, devant la statue de pierre. La vieille dame était devenue un rocher et personne, jusqu’à présent, ne fut capable de défaire le sort. De temps en temps, on dit que l’on entend des cris venant de la montagne et que certaines flammes apparaissent ici et là.

12. Tage, Douro et Guadiana

Il était une fois trois frères qui s’appelaient (et s’appellent toujours) : Tage, Douro et Guadiana. C’étaient les fleuves les plus importants du Portugal.

Un jour, ils décidèrent de faire la sieste et parièrent que le premier qui se réveillerait et arriverait à la mer serait le vainqueur.

Le Guadiana se réveilla en premier. Il se frotta les yeux, vit que ses frères dormaient à poings fermés, sourit et se mit tranquillement en route. Il partit des terres d’Espagne, arriva au Portugal, et choisit de belles plaines et de jolies rives pour sa promenade. Ses eaux claires baignèrent d’agréables villages et, rencontrant sur le chemin quelques camarades de route, elles grossirent tout doucement, de telle sorte qu’il était possible de naviguer jusqu’à la ville pittoresque de Mértola. Puis le fleuve continua jusqu’aux terres enchanteresses de l’Algarve et se dirigea vers le Grand-Océan jusqu’à Vila Real de Santo António.

Le Tage se réveilla ensuite. Fâché de ne pas voir son frère, il partit plus rapidement, sans réfléchir à son trajet. Voilà pourquoi ses rives ne sont pas aussi belles.

Venant d’Espagne, il parcourut en trombe de nombreuses terres du pays. Il rencontra également de nouveaux compagnons, qui furent d’une grande aide. Arrivé à Vila Velha de Rodão, il était enfin navigable. Puis, harassé de son voyage, il se coucha aux pieds de Lisbonne, se traînant encore jusqu’à l’embouchure de la mer.

Le troisième, le Douro, se réveilla en dernier. Regardant autour de lui et ne voyant aucun de ses frères, il se mit en colère. Depuis l’Espagne, par monts et par vaux, il détala à toutes jambes, sans opter pour un chemin ou un raccourci en particulier. Il fit déborder des précipices, et s’écrasa dans des gorges pour dépasser les deux autres. Dans sa lancée exaltée, il entraîna avec lui quelques affluents.

Il arriva finalement à Porto, révolté et écumant de rage. Il était si essoufflé qu’il continua plus avant et ne s’arrêta qu’à la Foz où il se jeta violemment dans l’Atlantique. Depuis, comme punition pour sa paresse, ses rives sont pierreuses et tristes et ses eaux presque toujours troubles.

13. La légende de la fontaine aux Amours

Quand D. Afonso Henriques vint dans l’Alentejo, pour la bataille d’Ourique, il s’arrêta avec son armée à São Teotónio. Un prince chrétien tomba amoureux d’une princesse maure et tous deux se fréquentèrent en cachette. Malheureusement, le père de la jeune fille, un véritable tyran, découvrit leur idylle. Il emmena alors le prince jusqu’à une falaise à Zambujeira et, sous les yeux de la princesse, le poussa. Puis il abandonna sa fille sur les dunes. Celle-ci ne mangeait plus et ne faisait que pleurer la mort de son prince. Elle versa tant de pleurs qu’elle dépérit. Ses larmes furent alors absorbées par les dunes et ainsi naquit la fontaine des Amours.

14. Le fleuve Minho

Le Minho hurlait beaucoup. À la naissance de l’Enfant Jésus, la Vierge s’enfuit avec lui. Elle arriva au bord du fleuve pour le traverser, et implora :

Rio Minho, pas un mot !

Ne me réveille pas l’enfant !

Puis le Minho se tut. Et depuis lors, il ne crie plus, sauf quand il veut manger ou noyer des gens. Il faut alors lui jeter un chat ou un chien pour le contenter. Et ça le satisfait, pour sûr !

15. La Mer, le Vent, l’Étoile polaire, la Lune et le Soleil

La Mer voulait gouverner, mais le Vent l’en empêchait en se déchaînant de telle sorte que tout ce qui naviguait se noyait, ou en s’arrêtant tout simplement de souffler. Tout cela contrariait bien la Mer. Elle alla voir l’Étoile polaire pour lui demander de parler à la Lune si cette dernière pouvait convaincre le Vent de la laisser gouverner. L’étoile fit la requête mais l’astre répondit qu’elle se refusait à cela car le Vent était colérique et instable mais qu’elle intercéderait en sa faveur en parlant à son frère, le Soleil. Ce dernier chercha des excuses en répétant que le Vent était beaucoup trop impétueux, colérique et dangereux, qu’il entrait et sortait quand bien lui semblait. Finalement, il consentit à la supplique mais c’était peine perdue. Le Vent ne céda pas sa liberté de souffler quand et où il le désirait. Les choses ne changèrent donc pas et la Mer ne put gouverner que lorsque le Vent le consentait.