Contes - Leblanc Maurice - E-Book

Contes E-Book

Leblanc Maurice

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  • Herausgeber: Bauer Books
  • Kategorie: Krimi
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2019
Beschreibung

Ces Contes ont paru dans Le Gil Blas entre 1892 et 1897, sauf L'ami de la logique, paru dans La Revue franco-américaine, en juin 1895. Extrait : Coignard se taisait. L'insuccès de sa première démarche l'empêchait de recourir à la justice. Il supportait tous les affronts, taciturne. Puis une fois, ils se rencontrèrent dans un chemin creux. 

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table des matières

Chapitre 1 La visite

Chapitre 2 Le Haï

Chapitre 3 Cent sous

Chapitre 4 M. et Mme Jumelin

Chapitre 5 L’échafaud

Chapitre 6 La confession de tante Lydie

Chapitre 7 Le pari

Chapitre 8 Un effroyable mystère

Chapitre 9 L’indestructible illusion

Chapitre 10 Spleen

Chapitre 11 Le Cocotte

Chapitre 12 Elle

Chapitre 13 Le salut

Chapitre 14 Le saint d’argent

Chapitre 15 Gloire aux saints

Chapitre 16 Le correspondant

Chapitre 17 L’importun

Chapitre 18 L’ami de la logique

Chapitre 19 La goutte de sang

Ces contes ont paru dans Le Gil Blas entre 1892 et 1897, sauf L’ami de la logique, paru dans La Revue franco-américaine, en juin 1895.

Chapitre 1 La visite

Chapitre 1La visite

Le major dit au fourrier qui conduisait à la visite des réservistes de la troisième batterie : — Faites déshabiller vos hommes, pendant que j’examine ceux de la deuxième.

Le fourrier commanda :

— Déshabillez-vous.

Les réservistes obéirent. Charles Ramel défit le dolman et le pantalon dont on l’avait affublé la veille, les déposa sur un lit avec les vêtements de ses voisins, mais garda ses flanelles et son caleçon, car il grelottait, étant chétif et de santé médiocre.

On se trouvait dans une salle de l’infirmerie, vaste et froide. Les fenêtres grillées donnaient peu de lumière. D’ailleurs, il pleuvait dehors, une pluie glaciale d’automne, que chassaient des bourrasques de vent.

Quelques lits couverts d’effets s’alignaient contre les murs. Au centre, devant une table où un maréchal des logis inscrivait les décisions du major, des hommes nus formaient un demi-cercle. Le médecin les appelait un à un, les examinait de face et de dos, jugeait leurs réclamations, et les renvoyait. Une odeur forte viciait l’atmosphère.

Des corps défilèrent, étranges et disparates. De courtes jambes frêles portaient de gros bustes lourds. Des bras descendaient jusqu’aux genoux. Des pieds accidentés s’attachaient à des mollets tortueux. Et il y avait des êtres d’un jaune d’iode, d’autres d’un blanc de cierge, d’autres d’un rouge de viande saignante.

Quelques-uns se lamentèrent. Il se présenta particulièrement un pauvre garçon, maigre et pâle, qui gémissait. Il crachait le sang, prétendait-il. Le major ricana :

— Prouvez-le, mon ami. En attendant vous ferez comme tout le monde.

Charles eut un sursaut. Parfois son mouchoir se teintait de rose, quand il l’appliquait le matin contre sa bouche. Et une vilaine toux lui arrachait les poumons.

Fils de veuve, il n’avait point fait de service militaire. Mais la loi l’obligeait à une double période sous les drapeaux. Il comptait néanmoins être réformé pour faiblesse de constitution. L’attitude du major lui parut de mauvais présage.

Une voix impérieuse le secoua. Le fourrier l’apostrophait :

— Eh bien, qu’est-ce que vous fichez, vous ? Vous ne pouvez pas vous déshabiller ?

En toute hâte il enleva ses derniers vêtements, et il resta debout, misérable et la peau frissonnante. Ses dents claquaient.

Et soudain, en face de lui, parmi les hommes de sa batterie, il aperçut l’amant de sa femme – nu.

Leurs regards se croisèrent. Paul Brancourt le reconnut. Ils semblèrent se défier un instant, tous deux l’air agressif. Puis Paul, réprimant un sourire, tourna la tête, mit les mains sur ses hanches et se campa en une pose hautaine.

C’était un beau gars, de stature élevée et de visage mâle. Sa large poitrine respirait librement. Il avait un aspect souple et fort. Sous sa peau très blanche saillaient des muscles puissants. Il émanait de lui une telle sensation de beauté plastique que ceux qui l’entouraient, ouvriers ou paysans à l’intelligence grossière, en subissaient le charme, et le considéraient avec une curiosité inconsciente, comme un être à part, d’une matière et d’une forme autres que les leurs.

Et une souffrance bizarre montait en l’âme de Charles Ramel. Il ne pouvait détacher les yeux de ce corps maudit. Irrémédiablement, ils étaient rivés à ces lignes vigoureuses, ils s’accrochaient aux bras nerveux, aux jambes nobles, aux chevilles minces. Et, en même temps, une multitude d’idées tristes s’abattaient sur lui.

Tout de suite le hanta le souvenir de sa femme. Il se rappela sa tendresse pour elle, sa foi naïve, son bonheur, puis la lettre de Paul Brancourt découverte par hasard dans un livre de messe, puis les aveux de Suzanne, ses larmes, ses menteuses paroles de repentir, la grâce féline de ses gestes. Et il se remémora la scène du pardon, le morne voyage à travers l’Italie, l’interminable hiver à Naples. Depuis, lâchement, il s’efforçait de ne rien surprendre. Les retards, les mines fatiguées, les bouderies, les querelles, il excusait tout. Les femmes ne sont-elles pas coutumières de fantaisies irraisonnées ? Mais, au fond, il savait l’implacable vérité, le lien d’amour que rien ne brisait entre Suzanne et Paul.

Et la cause de son martyre se trouvait là, à quelques pas de lui, c’était cet homme qu’il ne pouvait pas ne pas voir en sa nudité radieuse. Une colère le cingla. Il serra les poings, prêt à se ruer sur son rival. Il eût voulu l’abattre, écraser cette silhouette dont il sentait l’attitude insolente.

Surtout, une jalousie atroce lui tordait le cœur. Cette peau, les lèvres de sa femme s’y collaient éperdument. Pas une place qu’elle n’eût marquée d’un baiser. C’était comme un tissu de caresses qui s’appliquait aux formes mêmes. Cette bouche connaissait la bouche de Suzanne et son haleine d’enfant. Ces mains, la chair de Suzanne les avait imprégnées de son parfum tiède, le gonflement de ses jeunes seins les avait arrondies, ses pieds s’y étaient réchauffés. La veille, peut-être, ce corps frissonnait sous de petits baisers menus, à peine appuyés, des baisers de sa femme ; peut-être aussi se crispait-il, mordu par des dents rageuses, les dents de sa femme, dont il s’imaginait distinguer les traces encore fraîches !

Des visions plus nettes l’assiégèrent. Il les aperçut réellement nus, tous deux. Les hideuses évocations que subissent les époux trompés, la présence de l’amant les lui infligea avec une intensité d’autant plus effroyable. À voir ces bras, il devinait leur enlacement impérieux et doux. Autour de ce cou, Suzanne se suspendait. Ces jambes se mêlaient aux siennes. Cette peau touchait sa peau, d’un contact absolu.

Il fit un effort suprême pour tourner la tête. Partout le couple se dessinait, identique. Il céda, revint à Paul, mais cette fois sa souffrance fut aiguë au point de lui arracher un sanglot. Malgré lui, malgré la honte qu’il en ressentait, invinciblement, ses yeux se mouillaient…

Ses jambes fléchirent. Il s’assit sur le rebord du lit, le regard toujours fixe, comme agrippé. La possession de sa femme par un autre se matérialisait, et il éprouva dans toute son horreur la sensation précise de leur étreinte.

Des mots lui éraflèrent la gorge. Il eût voulu crier pour que cet homme s’en allât et que s’évanouît l’abominable spectacle. Ses mains se joignirent, se tendirent presque en un geste de supplication. Et des minutes, des minutes infinies passèrent, où il dut contempler, en face de lui, l’amant de sa femme, nu.

À la fin, sa douleur trop excessive s’adoucit. La vilenie de son obsession l’écœura. Il baissa la tête.

Alors il se vit, lui. Il se vit pour la première fois, tel qu’il était, malingre et grotesque. Ses os crevaient la poitrine. Les côtes s’étageaient en cercles distincts avec des vallées et des trous et des ressauts. Les cuisses, toutes fluettes, formaient un arc et aboutissaient à des genoux dont la boîte bombait comme une grosse boule isolée. Et il avait une vilaine peau terreuse qui semblait toujours sale.

Une grande confusion l’emplit. Inquiet des sarcasmes que son pauvre corps devait susciter, il souhaita de le vêtir, de cacher sa laideur aux yeux d’autrui, à ses propres yeux, même. Il en avait pitié comme d’une chose vilaine, déformée, en dehors des conditions normales.

Toute sa rage jalouse se dissipait, il ne lui restait plus qu’un désespoir sans bornes. Il observa ses camarades. Comme lui, certains étaient mal proportionnés, trop gras ou trop maigres. Il les plaignit. D’autres attendaient, fiers inconsciemment de leurs lignes. Il les envia, mais d’une envie apaisée, dépourvue d’amertume.

Enfin, il se tourna vers Paul Brancourt. Le major l’examinait.

Tout de suite, il ressentit une admiration involontaire et un peu douloureuse. Et des idées nouvelles, qu’il ne songeait pas à analyser, entrèrent de force dans son esprit. De la comparaison que le hasard lui imposait, il concluait nécessairement à son infériorité. Il comptait parmi les faibles et les désarmés, son rival parmi les forts et les beaux, parmi ceux que la nature a choisis pour perpétuer l’espèce. Dans la lutte d’amour, il était voué à la défaite. Son rôle lui commandait de s’effacer, de disparaître. S’il était blessé, il n’avait à s’en prendre qu’à lui. Pourquoi entamer un combat inégal en épousant une femme toute de luxe et de passion ?

Il la comprit. Il comprit que les désirs et les caresses de cette exquise créature devaient aller vers ce mâle superbe. Sa chair, à elle, réclamait une chair jeune et savoureuse, et non sa chair, à lui, malsaine et flétrie. L’union de son corps et du corps de Suzanne était indigne, monstrueuse même. Mais qu’elle se donnât à cet amant était juste et légitime.

Une résignation attristée le pénétra. Il se sentit bon, généreux, indulgent, sans colère ni haine. Et du fond de son être rasséréné, il excusa la faute de sa femme, il excusa toutes ses fautes futures.

On l’appelait. Il se dirigea vers la table, tremblant de froid, honteux de sa nudité ridicule. Il courbait la tête, pris d’une timidité subite, comme d’une pudeur de vierge.

En l’apercevant le major fit : « Oh, oh ! » avec une intonation si railleuse que Charles s’arrêta interdit, les bras ballants.

Le médecin prononça :

— Vous n’avez rien à réclamer ?

Instinctivement, Charles leva les yeux vers Paul Brancourt. L’autre le contemplait, toujours ironique.

Alors il ne se souvint plus de sa poitrine malade, ni de ses membres débiles, ni de son sang appauvri. Une poussée d’orgueil le redressa. Il n’en voulait certes pas à son vainqueur. Mais devant lui, il se refusait à confesser sa misère et sa disgrâce. Et il répondit fermement, sans penser aux conséquences de sa réplique :

— Non, monsieur le major, ma santé est bonne.

Chapitre 2 Le Haï

Chapitre 2Le Haï

Pour manger ses petits revenus, François Herledent choisit la commune de Yainville, parce qu’elle est « peu conséquente ». À son désir d’« être enfin quelque chose », il offrait ainsi une chance de réalisation.

Toute sa vie, François Herdelent avait subi l’amère souffrance de passer inaperçu. Entre lui et le bonheur, cet obstacle s’élevait, infranchissable.

À l’école, ses camarades le délaissaient. Il restait en dehors de leurs jeux, de leurs complots, de leurs rires. En classe, ses maîtres ne s’occupaient pas de lui. À la maison, ses parents l’oubliaient.

Au sortir de pension, on l’envoya comme apprenti chez un quincaillier. Il n’y fit rien. Le patron ne s’apercevait pas de sa présence.

Son père et sa mère moururent. On négligea de le mander à leur lit de mort. Il comptait si peu !

À l’aide de quelques sous hérités, il acquit un fonds de quincaillerie. Mais son commis accapara toute l’autorité. Les clients ne s’adressaient qu’au subalterne. Le maître s’effaçait.

Il se maria, fut trompé, ce qui – chose triste – n’accrut pas son importance. Sa femme n’eut point pour lui plus d’égards, et les amants, loin de le cajoler, s’installaient, commandaient, buvaient son vin, caressaient son épouse, sans même songer qu’ils lui devaient au moins quelque gratitude.

Et femmes, rivaux, clients, parents, professeurs et camarades n’agissaient nullement de parti pris, en vertu d’une répulsion ou d’un plan méchamment combiné. Non. Le motif de l’immuable conduite, observée vis-à-vis de François, résidait en François lui-même. Il imposait l’indifférence.

Il possédait un visage quelconque, sans la bizarrerie d’un nez trop fort, ni le charme d’un nez bien fait. Ses gestes manquaient de vivacité, et de lenteur également. Il n’était point spirituel, mais point trop bête non plus. Il n’attirait l’attention ni par un excès de grosseur ni par un excès de maigreur. En un mot, l’ensemble de sa personnalité morale et physique exigeait qu’on l’ignorât, comme un objet inutile et sans valeur. Il n’était rien. Et, torture inimaginable, il le savait.

Souvent, des révoltes intérieures le secouaient. Il voulait « se montrer ». Il tentait d’« être quelque chose », bon, mauvais, insolent, charitable, courroucé. On le regardait, puis on tournait la tête d’un air distrait. Et il retombait dans son silence, dans son néant.

Sa femme trépassa. L’enterrement le mit en vedette. Des gens le plaignirent. Il exagéra son chagrin pour augmenter la compassion. Au cimetière, il feignit l’évanouissement. On l’entoura. Il eut là quelques douces minutes.

De cet incident naquit un espoir. La déveine – il appelait ainsi la cause de son obscurité – renonçait peut-être à le poursuivre. C’est alors qu’il vendit son fonds et qu’il vint s’établir à Yainville. Dans ce cadre modeste, indubitablement il resplendirait.