Coup de foudre par delà les différences - Lucien Aymard - E-Book

Coup de foudre par delà les différences E-Book

Lucien Aymard

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Beschreibung

Deux adolescents se rencontrent dans des circonstances rocambolesques. Elle, enfant de noble, fait chuter le garçon, fils de paysan, sur le trottoir face au parvis de l'église. Pour cause de différente de classe, le père de la fillette pose des interdits. Va naître immédiatement une attirance l'un pour l'autre. La seule manière de renouveler la rencontre sera la sortie de la messe dominicale. Dès lors, on suit la vie des deux personnages au travers de leur scolarité jusqu'à la réussite de leurs études, leur passage par des épreuves frustrantes et des éloignements. Chaque occasion de se retrouver fortifie leur complicité amoureuse, si bien qu'ils vont vivre des hauts et des bas jusqu'à l'exercice de leur métier. C'est à cette dernière époque qu'ils vont enfin être définitivement réunis grâce en particulier à l'indépendance qu'a pu acquérir la jeune fille. Le dénouement explique le besoin de sévérité extrême du père et la libération de la fille de son joug. La fin de l'intrigue se déroule autour de Perpignan.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Né à Béziers en 1945, Lucien Aymard est très rapidement entré dans la vie active après la réussite à un concours d'entrée à la SNCF. Il a bénéficié de promotion sociale interne pour terminer cadre dans l'entreprise. Son parcours a été jalonné de nombreuses affectations entre Cerbère et Marseille avec des incursions à Paris, occasion de beaucoup de voyages propices développer l'imaginaire.
Il cultive le paradoxe d'être à la fois matheux et amoureux de la langue française au point de se lancer dans l'écriture pour le plaisir de jouer avec les mots. D'abord biographiques puis politico sociaux, il a choisi d'orienter ses écrits vers une littérature qui alliait l'esprit cartésien du matheux et le romanesque de l'amoureux de la langue française, le polar, occasionnellement il prend plaisir à diversifier les genres.

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Lucien AYMARD

Coup de foudre

Par delà les différences

INTRODUCTION

Couiza, village de mille deux cents âmes dans l'Aude, blotti autour du château des ducs de Joyeuses entouré de coteaux couverts de vignes et de forêts est bâti dans la vallée de l'Aude au confluent des rivières Saltz et Aude. Tous les habitants se connaissent, enfin, presque tous. En effet, à quelques kilomètres vers le sud, perché sur un petit promontoire, trône le château de Belvières, grande propriété viticole ancestrale d'un vicomte du même nom. La demeure, une gentilhommière du début du dix-neuvième siècle, est construite en pierre de taille au milieu d'un immense terrain engazonné arboré de pins parasols. Son aspect imposant et la présence d'une tour crénelée l'ont propulsé au rang de "château" à l'initiative de la population locale. La bâtisse est entourée d'un mur dont le sommet est couvert de tessons de bouteille et d'un profond fossé de deux mètres de largeur. Sa hauteur de trois mètres présente une seule ouverture face au perron du bâtiment occupée par une grille de la même. Les De Belvières vivent en quasi autarcie. Parfois une limousine entre, emmenant des visiteurs qui repartent le jour-même. La famille élève deux enfants : le garçon, Audon, fait ses études au séminaire français de Rome et ne rend que très rarement visite aux siens. La fille Clothilde, de huit ans sa cadette, est éduquée par une préceptrice, pour la dispenser de cours scolaires jusqu'à son entrée en quatrième au lycée Saint Joseph à Limoux. Elle y suivra un enseignement jusqu'au baccalauréat littéraire. Il est rare de les apercevoir. Eléna leur cuisinière, une maitresse-femme à la limite de l'obésité, est chargée de faire les provisions et de confectionner les repas. On n'aperçoit le couple et leur fille qu'à la sortie de la messe solennelle dominicale où une Jaguar noire aux vitres teintées les conduits. Clothilde, fillette aux cheveux blonds longs et bouclés, aux yeux vert menthe, toujours vêtue dans le style petite fille modèle, espiègle, prend un malin plaisir à faire le tour du véhicule en riant aux éclats. Le chauffeur la poursuit avant de la soulever pour la déposer sur le siège arrière près de sa mère. Cette pantomime est immuable depuis que la gamine a commencé à marcher correctement. Le vicomte est un homme austère, autoritaire, sempiternellement vêtu de noir, porteur d'un chapeau de type "Fédora". Son regard est caché derrière de grosses lunettes teintées à monture d'écaille. Ses phrases à l'adresse de la fillette et sa maman, tout comme ses paroles au chauffeur, sont une succession d'onomatopées péremptoires. La vicomtesse, également vêtue de noir, est toujours coiffée d'un chapeau genre capeline. Ses yeux marrons reflètent la bonté. Elle est souriante envers les personnes qui la regardent et esquisse un salut de la tête à ceux qui lui disent bonjour. Contrairement à son mari, elle rit des pitreries de Clothilde au sortir de l'église.

Il va sans dire que cette famille est scrutée par les habitants du village, elle est l'objet de ragots et de quolibets. Les commères font des gorges chaudes du moindre geste ou des moindres paroles du couple. Probablement l'aversion génétique qu'entretiennent les paysans à l'encontre de la noblesse, vieille rancœur datant du moyen âge pas complètement éteinte surtout lorsque ces derniers montrent ostensiblement la différence de classe.

La gamine pâtit de la situation. Les enfants de son âge qui ne la connaissent pas, et pour cause, sont enclins à l'ignorer, voire se gausser sur son passage. Il faut dire à leur décharge que la tenue vestimentaire qui consiste en une robe fleurie et un canotier orné d'un ruban bleu terminé par un gros nœud, ne correspond pas à la mode telle que les jeunes l'imaginent. Indifférente, elle grandit sans amertume dans le seul environnement qu'elle connaît, celui de la noblesse de ses parents, sans se préoccuper de savoir si le titre de vicomtesse lui échoira un jour.

1 - LA RENCONTRE

Ce premier dimanche de juin, le rituel qui prévaut pour Clothilde lors de la sortie de l'office va tourner en gag. Elle part vers l'arrière de la voiture, regarde le chauffeur qui s'est élancé à sa poursuite. Lorsqu'elle retourne la tête, il est trop tard pour éviter la collision avec le jeune garçon qui arrive face à elle. Il vient de chez des amis de la famille, cultivateur, chercher une bouteille de Blanquette de Limoux et une boite de six œufs. Il transporte ces objets dans un filet à provisions en coton. La chute est aussi violente qu'inattendue, ses genoux sont sanguinolents, son coude gauche râpé. La bouteille éclate contre l'angle du trottoir et les œufs dégoulinent autour de la boite. Le gosse pleure. Le vicomte a assisté à la scène. Il suit le chauffeur qui porte secours à l'enfant et lance à sa fille :

⸺ Clothilde, présente tes excuses à ce garçon et file dans la voiture, nous règlerons les comptes en rentrant à la maison.

Elle se plante devant le gamin, le regarde droit dans les yeux et le toise. Il a un visage angélique, de grands yeux bleus très clair, des cheveux bruns coupés court, son teeshirt bleu est maculé de sang, ses genoux sont écorchés. Elle s'exécute :

⸺ Excuse-moi, je ne l'ai pas fait exprès.

Son père la reprend immédiatement :

⸺ Ce n'est pas excuse-moi mais je te présente mes excuses qu'il faut dire, et surtout attendre la réponse. Recommence.

⸺ Oui, père. Puis, s'adressant au garçon : je te prie de m'excuser.

Dans un sanglot, le gamin lui répond :

⸺ Pour moi, ce n'est rien, mais en arrivant chez moi, ça va chauffer."

Le père se retourne ensuite vers ce dernier et le questionne d'une voix soudain radoucie :

⸺ Quel est ton nom et où demeures-tu ?

⸺ Je m'appelle Corentin Francard et j'habite sur la place de la mairie. Ma maman ne va pas être contente que j'ai tout cassé.

⸺ Ne t'inquiètes pas mon garçon, je vais t'accompagner chez toi et je règlerai le différend avec tes parents.

Aussitôt dit, le vicomte se fait conduire chez les Francard.

Chemin faisant, il apprend que l'enfant a le même âge que sa fille, qu'il est en classe de quatrième au collège de Couiza jusqu'en troisième et poursuivra ses études à partir de la seconde au Lycée Saint Joseph à Limoux. Son père est régisseur au domaine viticole de "La Malerogne" à deux kilomètres à peine du château de Belvières. Sa mère est employée à la poste du village. Il a une sœur,

Céline, de six ans son ainée qui va intégrer le service des douanes à Bordeaux Mérignac au mois de septembre.

Ils arrivent devant la demeure à deux étages des Francard. La façade blanche présente une porte d'entrée et cinq fenêtres, dont trois à l'étage, protégées par des moustiquaires de couleur verte comme les volets de bois laqué. Le vicomte frappe à la porte. La mère ouvre, interloquée à la vue de son fils accompagné de l'homme. Elle s'adresse à Corentin :

⸺ Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu as vu dans quel état tu es ? Et les œufs et la bouteille, qu'en as-tu fait ? Ton père va te donner une bonne leçon quand il reviendra.

Elle a posé ses questions sans prendre sa respiration si bien que le vicomte n'a pas pu intervenir. Il profite de la fin de la dernière phrase pour s'adresser à la maman :

⸺ Madame Francard, ne vous en prenez pas à votre fils, c'est un accident provoqué par ma fille. Elle est entrée en collision avec lui alors qu'il marchait tranquillement sur le trottoir. Il n'y a pas de quoi vous énerver, je vais vous rembourser les courses. De votre côté, soignez les écorchures de votre fils.

⸺ Mais, monsieur, la bouteille devait servir à fêter l'anniversaire de ma fille et les œufs à confectionner une crème anglaise.

⸺ N'ayez pas d'inquiétude, je vous fais apporter très rapidement par mon chauffeur les provisions détruites.

⸺ Merci de faire quelque chose.

⸺ Je vous l'ai dit, vous aurez vos produits, dussè-je aller les chercher à Limoux. Encore une fois, madame, je vous prie de nous excuser et je vous salue.

Le vicomte note le numéro de téléphone des Francard puis rejoint son véhicule stationné une centaine de mètres plus loin. Il parle au chauffeur. La voiture s'éloigne.

La maman, soigne les écorchures de Corentin pendant qu'il lui décrit la scène en détail.

Au bout d'une demi-heure, le téléphone sonne. Le vicomte appelle madame Francard :

⸺ Le chauffeur viendra à treize heures apporter les produits. Je me suis permis de vous faire livrer une bouteille de Moët et Chandon en plus pour excuser les désagréments occasionnés par ma fille.

⸺ Je vous remercie, monsieur le vicomte, il ne fallait pas ajouter de bouteille supplémentaire. Les enfants font tous des bêtises.

⸺ Oui, mais nous nous devons de leur donner des leçons. Au revoir madame Francard.

Le dimanche suivant, Corentin, à qui la jeune fille a "tapé dans l'œil", se plante à la sortie de la messe, derrière la voiture stationnée dans l'attente de la famille De Belvières. Bien lui en prend, la gamine qui le repère va vers lui et entame la conversation :

⸺ Comment t'appelles-tu ?

⸺ Corentin Francard, et toi ?

⸺ Moi, c'est Clothilde. Tu sais, dimanche dernier je n'ai pas fait exprès de te bousculer. Mon père m'a dit que tu t'étais fait gronder sérieusement. Je te demande pardon.

⸺ Ne te fais pas de soucis, j'ai l'habitude de me faire engueuler, c'est la mode chez moi. Où vas-tu à l'école ?

⸺ Je suis en quatrième, interne au Lycée Saint Joseph à Limoux.

⸺ Jusqu'au BAC ?

⸺ Oui, et toi ?

⸺ En quatrième au collège à Couiza jusqu'en troisième.

⸺ Où iras-tu pour la seconde ?

⸺ Au Lycée Saint Joseph à Limoux, comme toi.

⸺ Tu seras interne toi aussi ?

⸺ Non, mes parents ne veulent pas. Je rentrerai tous les soirs.

⸺ Quelle chance !!!

Le vicomte qui dialoguait avec le prêtre s'aperçoit que les deux enfants sont en grande discussion sous les yeux du chauffeur. Il s'adresse à lui :

⸺ Pierre, comment pouvez-vous laisser ces enfants s'entretenir sans intervenir pour ramener Clothilde à la voiture ?

⸺ Monsieur le vicomte, ils ne faisaient que parler de leur scolarité.

⸺ Peu importe, ma fille n'a pas à discuter avec ce gamin. Cela suffit avec leur rencontre maladroite dimanche dernier. Revenez.

⸺ Bien, monsieur le vicomte, je vous demande pardon, je conduis tout de suite votre fille auprès de votre épouse.

Il prend la jeune fille par la main et la conduit vers le véhicule. A ce moment-là, la petite blonde lâche une phrase qui interpelle Corentin :

⸺ Il m'emmerde le vieux… puis s'adressant à Corentin …On se revoit dimanche ?

⸺ Pas de problème je serai devant l'église.

Le chauffeur fait mine de ne rien avoir entendu et poursuit son chemin entraînant la gamine avec lui.

Le gamin reste là, comme subjugué par cette créature dont il ne sait rien si ce n'est l'attrait qu'elle exerce sur lui. Il se sent comme aimanté par ce visage souriant, ce regard profond qui l'hypnotise et ces longs cheveux blonds comme les blés. Du haut de ses quatorze ans, il se dit qu'il aimerait bien l'embrasser. Il regarde, l'air triste, s'éloigner la voiture. De la vitre arrière, sort le bras de Clothilde faisant un geste de la main en guise d'aurevoir. Il reste là jusqu'à ce que le véhicule disparaisse au croisement de la rue et de l'avenue plus bas. Ne pas pouvoir s'approcher d'elle le contrarie au plus haut point. Il voudrait pouvoir échanger quelques mots, savoir comment ils peuvent se rencontrer, jouer avec elle, "fréquenter" comme disent les ainés.

Il retourne chez lui tout triste et se confie à sa mère :

⸺ Tu sais, maman, je ne comprends pas pourquoi le vicomte empêche Clothilde de parler avec moi. Tu crois que c'est à cause de mes habits qui ne sont pas luxueux ?

⸺ Non, Corentin, les vêtements ne sont pour rien dans cette façon d'agir. Nous ne sommes pas du même monde et le vicomte ne veut pas que sa fille noble se rapproche de gens du peuple comme nous.

⸺ Mais, c'est dégueulasse ! Ils ont quoi de plus que nous ces nobles ? Ils mangent, dorment, se douchent et vont aux WC comme tout le monde.

⸺ Tu as raison, mon fils, sauf qu'ils n'ont pas la même nourriture, dorment dans des draps de soie, ont des salles de bain de rêve et pour les waters, utilisent du papier spécial où on ne passe pas le doigt à travers.

Corentin monte dans sa chambre et va passer sa rage devant un jeu vidéo.

De son côté, assise auprès de sa mère, la fille boude tête baissée. Son père se retourne et de l'habituel ton péremptoire s'adresse à elle :

⸺ Clothilde, je t'ai déjà dit que je ne voulais pas que tu parles à ces garçons du village. Ce ne sont que de bons à rien, des va-nu-pieds et des chenapans. Ils se chicanent dans la rue avec trop de vulgarité.

⸺ Mais, père, Corentin est un gentil garçon, il a accepté mes excuses pour l'avoir bousculé et m'a même dit qu'il ne m'en voulait pas, ça pouvait arriver à tout le monde.

⸺ Bien sûr, il est gentil parce qu'il sait que tu es issue de la noblesse.

⸺ Père, je m'en moque de la noblesse, je ne vois presque jamais de fille ou de garçon de mon âge et quand l'un d'eux vient chez nous, il ne daigne pas jouer avec moi. Si c'est ça la noblesse, bonjour les dégâts.

⸺ La noblesse est la condition dans laquelle tu es née, c'est ainsi, tu n'y peux rien et tu devras suivre ses règles au long de ta vie. Tu as tout ce qu'il faut pour jouer, tu n'as pas besoin de compagnie. Ne te plains pas, bien des enfants de ton âge voudraient vivre dans les conditions qui sont les tiennes.

⸺ C'est bon, père, sachez que ma condition ne me convient pas. J'aimerais parfois être libre de mes mouvements et pouvoir sortir à ma guise. Désormais je vais m'enfermer dans ma chambre et je jouerai à ma convenance. Je ne descendrai plus que pour prendre mes repas.

⸺ Fais cela et je te punirai.

⸺ Peu m'importe, je me sens déjà punie, alors un peu plus ou un peu moins, ça m'est complètement égal.

Le père est interloqué par une telle réponse. Il n'a pas le temps de prononcer un mot, la mère prend part à la conversation :

⸺ Enfin, Clothilde, tu n'as pas à répondre ainsi à ton père.

⸺ Bien mère, je fais amende honorable.

⸺ Et toi, Léopold, tu devrais lui laisser un peu plus de liberté. Que diable ! Papoter avec un garçon de son âge n'est pas une violation de la culture nobiliaire que je sache. Elle ne fait aucun mal et non seulement elle ne transgresse pas nos règles, mais la traiter de cette manière ne peut que la butter contre celles-ci.

⸺ Je regrette Léonie, ne vous en déplaise, je suis le chef de famille chargé à ce titre de l'éducation de mes enfants. Ma fille comme mon fils n'ont pas à se comporter comme de vulgaires va-nu-pieds.

⸺ C'est sûr, votre fils vous comble. Il est le futur ecclésiastique que vous avez souhaité qu'il soit. Avez-vous la certitude qu'il est heureux de la condition dans laquelle vous l'avez plongé ?

⸺ Certainement, c'est le choix qu'il a fait.

⸺ Un choix que vous lui avez suggéré sous forme d'obligation.

⸺ Cessons cette querelle désobligeante pour notre fille et Pierre qui n'a pas à connaitre une seule facette de nos vies.

Un ange passe… Un silence pesant règne dans la voiture jusqu'à l'arrivée au château de Belvières. Dès l'arrêt du véhicule, Clothilde ouvre la portière, descend et se précipite dans sa chambre dont elle claque violemment la porte puis se jette en larmes sur son lit. Elle ressent un grand malaise, le sentiment que son père ne la comprend pas, qu'il fait tout pour la rejeter. Elle pense parfois qu'il n'est peut-être pas son père tant il est distant. Elle se sent plus proche de Pierre, le chauffeur, toujours aux petits soins pour elle, qui la protège et lui pardonne toutes ses fantaisies avec un sourire bienveillant.

Toute la semaine dans son internat du Lycée Saint Joseph, elle a parlé de sa rencontre avec ses copines de classe. Elle s'est sentie sur un nuage. Elle avait eu l'occasion de parler à ce garçon que son père voyait comme un va-nu-pieds. Elle éprouvait, pour la première fois, un sentiment jusque-là inconnu, une attirance inexplicable vers ce sourire et ce regard qui lui coupaient ses moyens quand il parlait. Certaines de ses copines de classe et d'internat, un peu plus délurées que la moyenne, lui ont suggéré, avec force détails, qu'elle était amoureuse et qu'il faudrait embrasser le garçon.