Dans l'ombre de la réalité - Florine Déjardin - E-Book

Dans l'ombre de la réalité E-Book

Florine Déjardin

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Beschreibung

Formée depuis son enfance pour agir dans l’ombre au service du gouvernement, Loé est une véritable arme. Soumise à des pertes de mémoire, elle tue sans la moindre culpabilité. Invincible. Elle est convaincue de l’être. Mais une mission lui échappe, la plongeant vivement dans une réalité qui n’est pas la sienne. Emplie de doutes, et luttant contre tout, même sa propre personne, elle comprend très vite sa nature d’être. Agira-t-elle en conséquence ?
Quels sont les enjeux ? Nous faire prendre conscience que notre perception de la réalité change en même temps que nous, nos souvenirs et notre connaissance du monde qui nous entoure. Nous faire prendre conscience que l’on agit par rapport à ce que l’on sait et à ce que l’on croit savoir. La réalité ? Quelle est-elle ? La nôtre ? Celle que l’on nous donne à voir ? Là est la question. Pourtant, nous sommes tous dans l’incapacité de donner la véritable réalité des choses car il existe toujours une part d’ombre qui nous retient. C’est ce que j’appelle l’ombre de la réalité.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Florine Déjardin :
Étudiante en droit à l’Ecole de Droit de la Sorbonne (Paris 1), j’ai obtenu le diplôme du baccalauréat Littérature. Amoureuse des livres depuis mon plus jeune âge, je suis passionnée par la littérature russe et les romans d’action. Je ne prétends pas être une grande écrivaine, je suis simplement passionnée par l’écriture qui a toujours été un rêve inaccessible à mes yeux. Après plusieurs tentatives, j’ai enfin réalisé un rêve. Écrire ce livre du début à la fin, même s’il est sans prétention et assez court, m’a permis d’en apprendre sur moi et ma façon de voir les choses, mais également de réaliser ce rêve.

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Florine Dejardin

Prologue

Quand on y pense, notre vie est un véritable bordel. Un mélange d’angoisse et de joie perpétuel où s’entremêlent les mystères de la vie. Mais à quoi bon chercher à la comprendre lorsqu’on se retrouve plongé dedans sans même réussir à en dessiner les contours.

Ma vie ne fait pas exception à cette banalité commune. Elle y correspond d’ailleurs, du moins le portrait que je m’en fais est assez similaire. Pourtant, une chose me chagrine. Une chose que je ne peux expliquer. Dans quelle réalité notre vie navigue-t-elle ? Est-ce la réalité telle que nous la connaissons, telle que nous la voyons, et dans laquelle nous évoluons, la vraie ? Ou tout ce qui nous entoure n’est-il qu’un sinistre tableau peint par une société masquant les mystères macabres émanant de sa propre volonté ? Quelle est la réalité ? La réalité. Et peut-on seulement avoir une réponse à notre question, si simple et à la fois si compliquée soit-elle ? Cette chose inexplicable me laisse penser que la réalité dans laquelle nous vivons chaque instant de notre vie n’est pas celle qui devrait être. Mais alors où sommes-nous ? Combien sommes-nous ? Et surtout, qui sommes-nous…

Chapitre 1

— Frappe plus fort, me hurle-t-on.

Pourtant, j’ai beau faire ce qu’on me dit, cela ne reste toujours pas satisfaisant. Un poing s’abat sur ma mâchoire. Ce coup violent me fait tomber à terre et m’assomme. Ma tête tourne, mais je distingue une voix qui continue de me crier dessus.

— Tu es une incapable ! Nan mais sérieusement, tu crois sincèrement qu’on te jettera des fleurs et qu’il te suffira de riposter avec cet effleurement.

Ma tête me fait mal. Je tente d’assimiler les mots que l’homme vient de prononcer, mais mon pouls cogne bien trop fort contre mes parois crâniennes.

— Vous voulez vraiment envoyer cette gamine là-bas ?! continue de rétorquer l’homme.

— Il le faut, lui répond une autre voix masculine.

— Vous savez pertinemment qu’elle ne sera jamais à la hauteur de votre projet.

— Il le faut, pourtant.

Mes yeux se posent sur mes mains endolories. Des entailles sillonnent ma peau. Je rétracte mes mains. Je me redresse à quatre pattes. Je tente de calmer mon souffle pour qu’il retrouve un rythme normal. Une larme coule le long de ma joue et s’écrase sur le sol. Ma respiration reste rapide et saccadée. Il faut que je me lève ! Lève-toi ! Des pas se précipitent vers moi. Si je ne me lève pas, je suis finie. Bon Dieu lève-toi, je t’en supplie ! L’homme arrive à moi, me soulève brusquement. Debout sur mes deux pieds, je me mets en position de combat devant l’homme, non sans peine. Mes jambes tremblent. Je vais tomber, je le sais. Ce n’est plus qu’une question de temps. Avant même qu’il n’assène son coup, mon corps s’effondre lourdement contre le sol. Et c’en est fini pour moi.

Chapitre 2

Une brève secousse me ramena à moi. En un instant je me retrouvai debout, et ce malgré la douleur qui perçait dans ma tête. Je ne devais pas abandonner. Il ne le fallait pas. Un coup partit sans même que j’eusse le temps de maîtriser ma main et alla projeter mon adversaire contre le mur. Le temps qu’il se remette, je tentai de résister à la douleur qui me suppliait de décrocher. Non, il ne faut pas ! Sinon je suis finie. Je dois en venir à bout et terminer le sale travail qui m’a été confié.

Après avoir refoulé cette douleur, mon esprit se focalisa à nouveau sur l’homme qui s’élançait maintenant vers moi. Pas assez rapide malheureusement. Il se jeta sur moi et nous envoya sur une table qui se brisa en deux sous nos poids. À terre, cet adversaire redoutable essaya de m’immobiliser en me bloquant les jambes. En vain. Mon genou alla frapper avec force son entrejambe. Un hurlement déchira le silence qui nous entourait. Je me dégageai de lui, me relevai et lui offris un coup dans le tibia. Tout le monde a un talon d’Achille. Et à vrai dire, celui des hommes n’est jamais bien difficile à deviner.

Mon adversaire toujours à terre, je dégainai mon arme et la pointai sur lui. Son regard croisa le mien lorsqu’il comprit ce qu’il adviendrait de lui. Oui, j’allais le tuer. Pourquoi devais-je le tuer ? Je n’en connaissais pas la raison. Je savais simplement que je devais l’achever. C’étaient les ordres.

L’homme me supplia de l’épargner. Mon esprit ne prit même pas la peine d’examiner ses mots. Aucune émotion ne fit surface en moi face à cette scène. Était-ce la banalité de l’action qui m’avait ôté tout remords et toute culpabilité ? Peu importe, il fallait que je lui colle une balle dans la tête. Et sans la moindre hésitation, j’appuyai sur la détente pour libérer la balle qui vint se loger dans la tête de l’homme. Il s’éteint sur le coup et son corps tomba mollement sur le carrelage. Rien. Je ne ressentais absolument rien.

C’était terminé.

Épuisée par ce rude corps à corps, je pris une chaise qui avait survécu à cette violence. Je m’assis et, la tête entre mes mains, je fermai les yeux afin de faire le vide dans mon esprit. J’ai cru avoir perdu lorsqu’il m’a frappée à la tête. Mais j’étais forte. Cette force qui m’a animée et cette vengeance que j’ai prise sur le passé m’ont requinquée au plus haut point. Lorsque j’étais à terre, je savais que je devais résister et trouver un moyen d’atteindre ce point si sensible chez la gent masculine. Oui, c’est vraiment un moyen plutôt facile de vaincre l’adversaire, mais qui a dit que les missions devaient comporter des combats avec un dénouement atteint avec dureté finalement. Aller au plus facile, voilà ce qui m’avait été appris durant plusieurs années. Telle était ma stratégie.

Certes, ma formation et ma stratégie me permettaient de vaincre sans mal la personne qui m’avait été désignée. Mais elle ne comprenait pas que cela. À chaque fin de mission, il me fallait me débarrasser de ma victime. Mes supérieurs m’avaient formée à cela pour éviter toute fausse note qui aurait permis de remonter jusqu’à moi et jusqu’à eux. Cela, il n’en était pas question car cela aurait été un véritable scandale. C’est pourquoi on m’a appris minutieusement comment rendre poussière un corps sans vie.

Dans chaque maison il était possible de trouver de quoi faire disparaître un défunt. La première chose que je dus chercher fut le drap qui recouvrirait la victime de mon acte. Je me levai de la chaise et en toute logique, j’entrepris de fouiller à l’étage. Sans aucun remords, je parcourus l’étage de pièce en pièce afin d’y dénicher le linceul. J’avais déjà cherché dans deux pièces, en vain. En sortant de la deuxième, mon regard fut attiré par une chambre au mur rose bonbon. Curieuse, j’allai d’un pas décidé à la découverte de cette pièce si attirante. En entrant, mes yeux se posèrent sur une chambre qui semblait être celle d’une petite fille âgée tout au plus de 7 ans. De nombreuses Barbie jonchaient le sol. Et ce qui attira mon regard fut une photo trônant sur le petit bureau de bois. J’attrapai celle-ci et la regardai sans ressentir le moindre sentiment. Pour tout autre que moi, cette photo aurait inspiré une peine poignante pour cette petite fille et la femme qui se tenait aux côtés de l’homme auquel j’avais retiré la vie froidement. Pour moi, rien. Tout était vide. Mon âme ne ressentait rien. Elle était tranquille et sereine. Avais-je une âme seulement ? Ou était-ce une envie inaccessible ? Peu importe, tout en moi n’était que du vide. Et rien ne pouvait y changer. La raison ? Mon enfance. Ma vie en fait. Tout avait été conçu pour que rien ne m’atteigne, pas même les conséquences de mes actes sur une fillette innocente et naïve.

Assez discuté. Je me perdais dans mes pensées alors qu’un cadavre patientait en bas dans l’attente d’être brûlé. Je sortis de la chambre et passai à la chambre parentale où je trouvai dans l’armoire le drap qu’il me fallait. Je l’attrapai et me dirigeai en bas d’un pas pressant. Je jetai le drap sur le divan et allai jusqu’au garage où j’espérais trouver le nécessaire. Fouillant çà et là, je finis par dénicher un rouleau de scotch épais, un bidon d’essence ainsi qu’une pince assez imposante. Je retournai auprès du défunt. Sans même réfléchir à la façon j’allais m’y prendre, je saisis la pince et commençai à lui arracher les dents que je rangeai dans une de mes poches. Une fois cette tâche effectuée, je roulai le corps dans le drap lui servant de linceul et l’enroulai de scotch. Puis je m’empressai de rassembler tous ces outillages et les emmenai dans ma voiture que j’avais garée juste à la sortie du garage. Je retournai au corps et le soulevai, non sans peine, jusqu’à la voiture où je le balançai dans le coffre tel un vulgaire objet totalement démuni d’humanité.

Retournant dans la demeure, je n’eus pas besoin de chercher bien longtemps avant de mettre la main sur un bidon de javel bien rempli. J’attrapai à la volée une brosse aux poils durs ainsi qu’un pot de peinture blanche et un pinceau, puis je me dirigeai vers l’endroit où la balle avait causé des dégâts. C’était plutôt propre de mon point de vue. Des éclaboussures de sang venaient parachever la couleur murale. Je déversai un bon litre sur le sol et frottai frénétiquement, sans relâche. Je fis de même pour le mur. Dieu merci j’avais fait un travail propre. Les traces sur le mur furent vite masquées. En un instant j’eus tout remis à sa place et je laissai derrière moi un silence sépulcral.

Rouler. Il fallait rouler. Bon Dieu, démarre ! Roulant à vive allure, je voyais à peine défiler les noms de sorties. Mais cela ne m’était pas indispensable car je savais exactement où aller. Où séjournerait le cadavre qui sommeillait dans mon coffre. Plusieurs minutes s’écoulèrent, puis je bifurquai dangereusement vers un accès restreint. La forêt. Quelle belle idée ! Je me garai après m’être enfoncée profondément dans un chemin escarpé. En contrebas, un ruisseau au courant violent s’élançait sans crainte. Je sortis le défunt du coffre et le déposai brutalement au sol. Je posai à son côté le bidon d’essence que je déversai par la suite sur le drap. Après avoir réparti rapidement l’essence, je pris une allumette que je trouvai dans ma poche ; il faut toujours avoir une allumette sur soi, ça peut toujours servir. Celle-ci s’enflamma instantanément au frottement de la pierre. Mon regard se plongea dans la danse qu’entreprenait la flamme. Et délicatement, avec un regard froid et vide d’une quelconque humanité, je lâchai l’allumette sur le corps noyé d’essence. Dans une valse lugubre, les flammes rongèrent le corps et le réduisirent en cendres. À l’aide d’un sac plastique, je ramassais les restes de l’homme que j’avais tué et allai les déverser dans le ruisseau qui les emporta rapidement.

À peine eurent-elles été balayées par le torrent, je remontai vers ma voiture afin de tout ranger pour ne laisser aucune trace. Ma mission était enfin terminée. Une de plus. Du moins je crois. À vrai dire, comment puis-je en être sûre ?

Avant même de me laisser submerger par mes pensées, j’attrapai mon téléphone et composai le numéro. Une voix masculine décrocha en prononçant « C’est fait ? » Je n’eus qu’une chose à répondre « C’est fait ».

Chapitre 3

15 Orange Street. 15 Orange Street. 15 Orange Street. Merde, c’est où ça déjà ? Foutue mémoire. Heureusement, je faisais partie de ces gens qui ont la chance d’avoir un GPS. J’entrai l’adresse que la voix masculine m’avait donnée. Après lui avoir confirmé que tout avait été fait comme il l’entendait, il m’avait ordonné de le rejoindre au point de rendez-vous qu’il avait fixé à cette adresse qui, bien qu’inconnue, me semblait si familière. Pourquoi ? Aucune réponse, aucune image ne jaillit de mon esprit. Que je hais cette mémoire.

Après une bonne quinzaine de minutes, la voix du GPS m’indiqua que ma destination se trouvait à quelques mètres seulement. Je m’arrêtai sur le bas-côté. J’aperçus alors en face de moi l’enseigne du bar dans lequel cette voix intrigante m’attendait sûrement déjà. Bramley’s Bar. La devanture annonçait l’atmosphère qui régnait à l’intérieur. En rentrant, je ne fus pas surprise d’avoir vu juste. Sombre mais classe, suranné avec une pointe de modernité. Plutôt agréable pour un rendez-vous, même professionnel. Mes yeux parcouraient rapidement chaque détail, chaque tissu qui pouvait dessiner l’architecture de ce bar, mais ils finirent par se poser sur une silhouette toute vêtue de noir. Elle me fixait ? Elle me fixait, oui. Je m’approchai d’un pas assuré dans sa direction, imperturbable. Je m’arrêtai devant elle sans dire un mot. Son visage révélait un homme d’une quarantaine d’années. Le silence régnait mais il m’invita, d’un geste de la main, à prendre place en face de lui. Je tirai la chaise en bois sombre verni et m’assis. Une serveuse vint jusqu’à nous pour prendre notre commande, ce qui brisa le silence. L’homme commanda un café. Quant à moi, rien ne me faisait envie et je fis un signe à la serveuse pour l’en avertir.

À l’instant même où mes lèvres s’entrouvrirent, l’homme prononça des mots.

— Bonjour Loé.

— Bonjour.

Jusque-là tout allait bien.

— Merci d’être venue.

Je n’écoutai pas la suite. Son visage m’était bien trop familier et pourtant, il m’était impossible de mettre un nom dessus. Impossible. Ta mémoire te joue des tours, concentre-toi sur ce qu’il dit, allez.

— Pardon. Vous disiez ? demandai-je.

— Tu as fait du bon boulot. L’individu que tu as assassiné sur mon ordre aurait pu nous nuire gravement si tu n’étais pas intervenue, dit-il en prenant une goutte de son café fumant, bien trop chaud.

— Ça n’a pas été très dur d’en venir à bout. Il se battait comme une fille.

Ironie du sort, j’en suis une également. Mais à vrai dire j’entendais le mot « fille » comme une petite fille sans défense, telle celle que j’avais aperçue sur la photo.

Encore une fois, ses mots se perdirent au loin. Ma mémoire prit le dessus.

— Loé, si tu veux être celle que nous désirons, il faut que tu y mettes du tien.

— C’est ce que je fais, dis-je en me levant pour attraper un paquet de glace dans le congélateur.

— Ce n’est pas suffisant, insista-t-il sur un ton froid.

— Il frappe comme une brute. J’essaie d’être à la hauteur, mais il me faut plus de temps.

— Dans ce cas tu redoubleras d’efforts. Je l’avertirai que tu doubleras tes heures d’entraînement.

— C’est ça ouais. Faites donc.

J’applique le sachet de glaçons sur ma mâchoire encore douloureuse. Cela déforme mon visage durant un instant. L’homme se tient en face de moi, imposant. C’est à peine si j’ose le regarder, mais je trouve la force en moi de croiser son regard et de le retenir.

— Ne nous considère pas comme tes ennemis, Loé. Tout ce que nous voulons, c’est que tu sois plus forte. Que tu sois invincible. Une arme invincible.

— Bien. Alors je ferai en sorte de ne plus vous décevoir, Thomas.

Non ! Ma mémoire ne me joue aucun tour. Je sais qui se tient en face de moi. Pourquoi ai-je mis autant de temps à le découvrir ? Et pourquoi m’est-il apparu comme un inconnu ?

— Thomas ? demandai-je avec hésitation.

— Oui ?

— C’est vous.

Il me jeta un regard intrigué, mais comprit tout de suite pourquoi cette question m’était venue à l’esprit.

— Je comprends, ne t’en fais pas.

— C’est juste que… enfin, ma mémoire…

— Tes troubles de la mémoire sont toujours aussi fréquents malgré les médicaments que je te fournis ?

Une chose était sûre, je ne m’étais pas trompée de personne. Thomas était l’un de ces hommes qui avaient supervisé ma formation, du moins, il me semble. Alors comme cela, il me fournissait des médicaments ? Donc j’imagine que je le vois fréquemment.

— Ça persiste. Je me souviens de très peu de choses, seulement quelques bribes. Ça m’apparaît parfois. Mais je ne peux pas l’expliquer, ça ne dépend pas de moi.

Il entreprit une fouille dans chacune des poches de sa veste jusqu’à en sortir un petit flacon. Les fameux médicaments. Il l’ouvrit et en sortit une pilule qu’il me donna.

— Prends ça ce soir avant d’aller dormir. Ça devrait t’aider.

— Merci, répondis-je avec gratitude.

Il me concéda un signe de tête en échange de mon remerciement. Mais une question vint emplir mon esprit. Pourquoi ne pas me donner toute la boîte ? Il devina ma question, comme lisant dans mes pensées avant même que je ne puisse la lui poser.

— Tu m’excuseras de ne pas te donner la boîte entière, mais ce genre de petite pilule peut être bénéfique comme peut aggraver ton cas si tu en prends trop, ce qui s’avère une tentation compréhensible lorsque l’on veut régler ce genre de troubles.

Au moins j’avais ma réponse. Mais une chose inexplicable vint s’ajouter à la satisfaction de sa réplique. Pourtant justifiée, elle ne me paraissait pas certaine, en ce sens que lui-même ne paraissait pas convaincu. Quelque chose d’autre se tramait, mais quoi ? Thomas coupa court à ma réflexion.

— Bien, tu devrais rentrer chez toi maintenant. Te reposer te ferait du bien, m’affirma-t-il en posant sur la table sa tasse de café qu’il venait de vider d’une traite.

Chez moi ? Avais-je un chez-moi ? Assurément, s’il me le dit. Mais quel était-il ? Où se trouvait-il ? Je revins sur ce que j’avais dit. Ma mémoire était vraiment insupportable. Mon regard fixe le laissa perplexe. Mais je décidai de lui soumettre ma confusion.

— Je… À vrai dire, je ne savais même pas, il y a une minute encore, que j’avais de quoi me loger.

— Assurément, me répondit-il comme si c’était évident.

Il sortit un calepin de sa poche, en déchira une page et enclencha le bout d’un stylo, ce qui fit sortir la mine. Il inscrivit quelques lignes et me tendit le papier.

— Tiens. Voilà ton adresse.

Le morceau de papier indiquait « 49 Kingsgate Avenue, Broadstairs ». Je ne pus m’empêcher de prononcer ces quelques mots.

— J’imagine que ce n’est pas la première fois que je vous pose cette question, si ridicule soit-elle.

— Non, effectivement, répondit-il sans hésiter avec un rictus qu’il tenta de dissimuler, mais qui ne m’échappa pas pour autant.

Il se leva, enfila sa veste, me salua et s’en alla, tandis que je restai assise là, le morceau de papier entre les doigts et la pilule au creux de ma paume.

Chapitre 4

Je me tenais devant l’allée qui menait à une petite maison cachée par une mince végétation agitée. J’entrais en terre inconnue, lentement, découvrant l’endroit où je me réfugiais apparemment chaque soir. Mes yeux ne s’éparpillèrent pas sur l’extérieur, très peu attrayant, manquant cruellement de verdure. J’arrivai rapidement devant la porte d’entrée. Les clés dans ma poche se turent dans un dernier cliquetis qui m’invita à les saisir. Les insérant dans la serrure, je déverrouillai enfin la porte derrière laquelle se trouvait un véritable mystère. Mystère ? En fin de compte, je n’aurais pas dit cela pour qualifier l’atmosphère terne qui y régnait. Tout comme l’extérieur, l’intérieur n’avait rien d’exceptionnel. Il était très épuré. Murs blancs, très peu de meubles, absolument aucun bibelot. C’était inconditionnellement vide, tout comme mon âme. Tout compte fait, cet intérieur était assez représentatif de ma personne. En concluant cela, je me sentis tout de suite plus à l’aise.

Ma veste voltigea dans la pièce. Je déposai mon arme sur une petite table basse et retirai le couteau qui logeait dans ma chaussure pour le déposer à côté de ma fidèle compagne. Mes chaussures allèrent se loger précipitamment dans un coin de la pièce principale. Mon corps alla trouver du réconfort dans la volupté du sofa. Il s’y étala lourdement pour y ancrer chacune de ses courbes.

D’une main leste, je saisis la télécommande pour allumer le petit écran plat qui se trouvait juste en face. Au bout de quelques secondes seulement, je tombai sur une chaîne de la région sur laquelle une journaliste parlait de la disparition d’un père de famille sans histoire. Son portrait apparut soudainement aux côtés de la narratrice et malgré ma mémoire défaillante, il ne me fallut pas longtemps pour reconnaitre ce visage. L’homme que j’avais froidement abattu dans son salon puis que j’avais fait brûler. Non, il n’avait pas disparu, bien au contraire. Mais qui l’eût cru ? Qui pouvait bien en vouloir à un « père de famille sans histoire » ? Moi. Une tueuse impitoyable à qui on avait ordonné d’effectuer un tel acte. Un tel acte ? Quelle importance pour moi ? Aucune. De ce dont je me souvenais, cela avait toujours été dans ma nature. Cet instinct de tueuse avait toujours été là, au plus profond de moi. Mes supérieurs l’avaient simplement réveillé d’un sommeil insondable. Rien. Jamais rien ne m’avait perturbée, du moins dans mes souvenirs. Aucune émotion n’avait entravé ce pour quoi je suis née : tuer, car je suis une arme. Une arme invincible.

La journaliste laissa place à une vue dégagée sur la maison qui fut l’enveloppe de cette scène funèbre. Une ombre m’intrigua. Une ombre petite, frêle. Elle était figée. Figée aux côtés d’une silhouette mince et bien plus grande. Cette mémoire n’était vraiment pas croyable. Je l’avais reconnue. La petite fille de la photo. Sa pâleur me laissa perplexe. Ses yeux n’exprimaient en aucun cas la gaieté que j’avais pu entrevoir sur la photo qui trônait sur son bureau. Pressentait-elle la fin tragique à laquelle son père avait été destiné ? Même si ce n’était pas le cas, ça en avait tout l’air. Ce fut à ce moment-là. Oui, ce fut à ce moment précis qu’une chose inconnue me submergea. Qu’était-ce au juste ? Je ne sus le qualifier. Tout ce que je pus décrire c’est cette sensation qui encerclait mon cœur. La sensation de regretter. Regretter mon acte qui avait détruit cette famille. Cet acte froid qui avait brisé cette petite fille innocente. Je sentis mon cœur se serrer. Que m’arrivait-il ? C’en était trop. Mon doigt coupa d’un geste l’écran.

Je me levai, déboussolée par mes pensées fugaces. Il fallait que je me ressaisisse. Ressaisis-toi ! Je devais changer l’attraction de mes pensées. Un paquet de cigarettes apparut dans mon champ de vision. Ma main s’empressa de l’attraper et je sortis l’une des cigarettes d’une main tremblante. Bon Dieu, ça ne me ressemblait pas. Ce n’était pas moi. Non. C’est impossible. Je suis une tueuse. Je suis invincible. Une arme invincible. Coup de chance, un briquet logeait aux côtés du paquet. Je le pris et l’enclenchai. Une flamme fit son apparition et vint grignoter le bout de ma cigarette que je portai à mes lèvres. La fumée valsant doucement m’enivra et mes pensées s’envolèrent au rythme de celle-ci.