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RÉSUMÉ : Dans "De la brieveté de la vie" et "De la tranquillité de l'âme", Sénèque, philosophe stoïcien de l'Antiquité romaine, nous offre une réflexion intemporelle sur la condition humaine. Ces deux dialogues, bien que distincts, s'entrelacent pour éclairer les préoccupations universelles de l'existence. Dans "De la brieveté de la vie", Sénèque s'adresse à Paulinus, un haut fonctionnaire, pour l'inciter à prendre conscience de la fuite du temps. Il soutient que la vie n'est pas intrinsèquement courte, mais que nous la gaspillons par des préoccupations futiles. Sénèque exhorte à une vie de sagesse, où l'on choisit de vivre pleinement chaque instant, en se concentrant sur l'essentiel. En parallèle, "De la tranquillité de l'âme" explore comment atteindre la paix intérieure malgré les tumultes extérieurs. Sénèque dialogue avec son ami Serenus, offrant des conseils pour surmonter les désirs excessifs et les angoisses. Il prône une vie de simplicité et de modération, où l'équilibre et la réflexion mènent à la sérénité. Ces textes, d'une grande profondeur philosophique, invitent à une introspection sur nos propres vies, soulignant l'importance de la sagesse stoïcienne pour naviguer dans le monde moderne. L'AUTEUR : Sénèque, né Lucius Annaeus Seneca vers 4 av. J.-C. à Cordoue, est l'un des plus éminents philosophes stoïciens de l'Empire romain. Fils d'un rhéteur renommé, il fut éduqué à Rome où il développa un intérêt précoce pour la philosophie. Sénèque devint une figure centrale de la politique romaine, servant comme conseiller sous l'empereur Néron. Cependant, sa carrière fut marquée par des rivalités politiques et des exils. Malgré ces turbulences, il écrivit abondamment, laissant une oeuvre philosophique majeure. Ses écrits, dont des tragédies et des traités moraux, explorent la condition humaine, la vertu et la sagesse. Sénèque prônait une vie basée sur la raison et la maîtrise de soi, des principes stoïciens qu'il appliquait à ses propres expériences de vie. Accusé de comploter contre Néron, il fut contraint de se suicider en 65 ap. J.-C. Son héritage perdure, influençant des générations de penseurs et de philosophes. Ses oeuvres demeurent des références essentielles pour comprendre le stoïcisme et sa pertinence dans le monde contemporain.
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Seitenzahl: 113
Veröffentlichungsjahr: 2020
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DE LA BRIÈVETÉ DE LA VIE
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De la tranquillité de l'âme
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La plupart des mortels, Paulinus, se plaignent de l'avarice de la nature : elle nous fait naître, disent-ils, pour si peu de temps ! ce qu'elle nous donne d'espace est si vite, si rapidement parcouru ! enfin, sauf de bien rares exceptions, c'est alors qu'on s'apprête à vivre, que la vie nous abandonne. Et sur ce prétendu malheur du genre humain la multitude et le vulgaire ignorant n'ont pas été seuls à gémir : même des hommes célèbres s'en sont affligés et n'ont pu retenir leurs plaintes. De là cette exclamation du prince de la médecine : Lavieestcourte, l'art estlong. De là aussi Aristote fait le procès à la nature et lui adresse ce reproche, si peu digne d'un sage, que libérale pour les animaux seulement, elle leur accorde cinq et dix siècles de vie, tandis que l'homme, né pour des choses si grandes et si multipliées, finit bien en deçà d'un si long terme.
Non : la nature ne nous donne pas trop peu : c'est nous qui perdons beaucoup trop. Notre existence est assez longue et largement suffisante pour l'achèvement des œuvres les plus vastes, si toutes ses heures étaient bien réparties. Mais quand elle s'est perdue dans les plaisirs ou la nonchalance, quand nul acte louable n'en signale l'emploi, dès lors, au moment suprême et inévitable, cette vie que nous n'avions pas vue marcher, nous la sentons passée sans retour. Encore une fois, l'existence est courte, non telle qu'on nous l'a mesurée, mais telle que nous l'avons faite ; nous ne sommes pas pauvres de jours, mais prodigues. De même qu'une ample et royale fortune, si elle échoit à un mauvais maître, est dissipée en un moment, au lieu qu'un avoir médiocre, livré à un sage économe, s'accroît par l'usage qu'il en fait ; ainsi s'agrandit le champ de la vie par une distribution bien entendue.
Pourquoi nous plaindre de la nature ? Elle s'est montrée généreuse. La vie, pour qui sait l'employer, est assez longue. Mais l'un est possédé par l'insatiable avarice ; l'autre s'applique péniblement à d'inutiles labeurs ; un autre est plongé dans l'ivresse, ou croupit dans l'inaction, ou s'épuise en intrigues toujours à la merci des suffrages d'autrui, ou, poussé par l'aveugle amour du négoce, court dans l'espoir du gain sur toutes les terres, sur toutes les mers. Dévorés de la passion des armes, certains hommes ne rêvent que périls pour l'ennemi, ou tremblent pour eux-mêmes ; ceux-ci, pour faire aux grands une cour sans profit, se consument dans une servitude volontaire. Ceux-là, sans nul relâche, ambitionnent la fortune d'autrui ou maudissent la leur. Le plus grand nombre, sans but déterminé, sont les jouets d'un esprit mobile, irrésolu, mécontent de soi, qui les promène de projets en projets. Quelques-uns ne trouvent rien qui leur plaise et où ils doivent diriger leurs pas : engourdis et baillants, la mort vient les surprendre ; tant cette sentence, échappée comme un oracle de la bouche d'un grand poète, est à mon sens incontestable :
De notre vie, hélas ! la plus grande partie
Est celle où nous vivons le moins.
Tout le reste n'est point vie, mais durée. Les vices sont là qui assaillent ces hommes de toute part, qui ne souffrent pas qu’ils se relèvent, qu'ils portent en haut leur regard, pour voir où luit la vérité : ils les tiennent plongés, abîmés dans d'immondes désirs. Jamais loisir de revenir à soi : si parfois le hasard les gratifie d'un peu de calme, comme sur une mer profonde, où les vagues roulent encore après la tempête, leur agitation persiste, les passions ne leur laissent jamais de repos.
Je ne parle là, penses-tu, que de gens dont chacun avoue les misères. Vois les heureux autour desquels la foule s'empresse : leur prospérité les suffoque. Que de riches auxquels pèsent leurs richesses ! Que d'hommes dont l'éloquence ardente à s'étaler, à fournir chaque jour sa carrière, arrache le sang de leurs poumons! Combien sont pâles de leurs continuelles débauches ! Combien immolent complètement leur liberté au peuple de clients qui déborde autour d'eux ! Parcours enfin tous les rangs, des plus humbles aux plus élevés : l'un assigne, l'autre comparaît ; l'un est accusé, l'autre défenseur, un troisième est juge : aucun n'est à soi-même, tous se consument pour ou contre un autre. Demande ce que font ces hommes, dont les noms chargent la mémoire des nomenclateurs ; voici tous leurs traits distinctifs : l'un s'emploie pour celui-ci, l'autre pour celui-là, aucun pour soi-même. Et l'on en voit se plaindre, avec une indignation bien folle, du dédain de leurs grands patrons qui, lorsqu'on veut les aborder, n'ont pas un moment à donner ! Oses-tu bien accuser la morgue d'autrui, toi qui jamais ne trouves un moment pour toi-même ? Cet homme du moins, quel qu'il soit, si hautain de visage, t'a regardé enfin ; il a prêté l'oreille à tes discours, il t'a admis à ses côtés ; toi, tu n'as jamais daigné t'envisager, ni te donner audience.
Ne crois donc pas qu'on te doive rien pour de tels offices : lorsqu'en effet tu les rendais, c'était, non par désir de te donner à autrui, mais par impuissance de rester avec toi. Quand les plus brillants génies qui furent jamais s'uniraient en ce point, ils ne pourraient s'émerveiller assez d'un tel aveuglement de l'esprit humain. On ne laisse envahir ses champs par qui que ce soit ; au plus mince différend sur les limites, on a recours aux pierres et aux armes ; mais sur sa vie on laisse empiéter qui le veut ; bien plus : soi-même on introduit les usurpateurs. Vous ne trouvez personne qui veuille partager son argent avec vous : entre combien de gens n'éparpille-t-on pas son existence ? Sévères économes de nos patrimoines, s'agit-il de dépenser le temps, nous sommes prodigues à l'excès du seul bien dont il serait beau d'être avare. Volontiers prendrais-je dans la foule des vieillards le premier venu pour lui dire : « Te voici arrivé au dernier période de la vie humaine ; cent ans ou plus pèsent sur ta tête : voyons, rappelle ton passé, fais-lui rendre compte. Dis ce que t'en a dérobé un créancier, une maîtresse, un plaideur, un client, tes querelles conjugales, l'ordre à maintenir parmi tes gens, tes courses officieuses par la ville. Ajoute les maladies qui furent ton ouvrage, et tout le temps que tu laissas stérile, tu te verras plus pauvre d'années que tu n'en supputes. Repasse en ta mémoire combien de fois tu as été fixe dans tes projets ; combien de jours ont eu l'emploi que tu leur destinais ; quel usage tu as fait de ton être ; quand ton front est demeuré calme et ton âme exempte de trouble ; quelle œuvre dans un si long espace a été par toi menée à fin ; que de gens ont mis ta vie au pillage quand toi tu ne sentais pas ce que tu perdais ; combien les vaines douleurs, les folles joies, les avides calculs, les conversations décevantes ont absorbé de tes moments : vois le peu qui t'est resté de ton lot ; tu reconnaîtras que tu meurs trop jeune. »
D'où vient donc tout le mal, ô hommes ? Vous vivez comme si vous deviez toujours vivre ; jamais il ne vous souvient de votre fragilité. Loin de mesurer la longueur du temps écoulé, vous le laissez perdre comme s'il coulait à pleins bords d'une source intarissable ; et peut-être ce jour que vous sacrifiez à tel homme ou à telle affaire est le dernier de vos jours. Vous craignez tout, comme de chétifs mortels ; et comme des dieux vous voulez tout avoir. Rien de si ordinaire que d'entendre dire : « A cinquante ans je quitterai tout pour la retraite ; à soixante ans je prendrai congé des emplois. » Et qui donc te garantit que tu dépasseras ce terme ? Qui permettra que les choses aillent comme tu les arranges ? N'as-tu pas honte de ne te réserver que les restes de ton existence, et de destiner à la raison le seul temps qui ne soit bon à rien ? Qu'il est tard de commencer sa vie à l'époque oh elle doit finir ! Quel fol oubli de la condition mortelle que de remettre à cinquante ou soixante ans les projets de sagesse, que de vouloir entrer dans la carrière à un âge où peu d'hommes ont poussé la leur ! Vois comme il échappe aux plus puissants et aux plus élevés d'entre les humains des paroles de regret, des vœux pour ce repos qu'ils préconisent, qu'ils préfèrent à toutes leurs prospérités. Ils voudraient bien par instants descendre de leur faîte, s'ils le pouvaient impunément : car lors même qu'au dehors rien ne l'attaque ou ne l'ébranlé, toute haute fortune tend à crouler sur elle-même.
Le divin Auguste, à qui les dieux avaient plus prodigué qu'à personne, ne cessait d'invoquer le repos, de demander qu'on le déchargeât de l'empire. Tous ses discours revenaient toujours à ce point, qu'il espérait pour lui le repos. Il charmait ses travaux de l'illusoire mais douce consolation qu'un jour il vivrait pour lui-même. Dans une lettre au sénat, où il annonçait que sa retraite ne serait pas sans dignité et ne démentirait point sa gloire passée, je trouve ces paroles : « Mais cela serait plus beau à effectuer qu'à mettre en projet ; toutefois le désir d'atteindre à un moment si désiré m'entraîne à tel point que, l'heureuse réalité se faisant attendre, j'en puise quelque avant-goût dans le plaisir de vous en parler. » Le repos lui semblait chose si précieuse, que, ne pouvant le posséder en effet, il l'anticipait par la pensée. L’homme qui voyait tout relever de lui seul, et qui faisait la destinée des hommes et des peuples, ne songeait qu'avec la plus vive joie au jour où il dépouillerait sa grandeur. Il avait éprouvé combien cette fortune dont l'éclat remplissait toute la terre coûtait de sueurs et cachait d'anxiétés secrètes, lui qui, d'abord contre des citoyens, puis contre ses collègues, enfin contre ses proches, réduit à lutter par les armes, avait rougi de sang la terre et la mer ; lui qui, promené par la guerre en Macédoine, en Sicile, en Égypte, en Syrie, en Asie et sur presque tous les rivages, n'avait tourné contre l'étranger que des légions lasses de civils massacres. Tandis qu'il pacifie les Alpes, qu'il achève de dompter ces races enclavées dans l'empire, dont elles troublaient la paix, tandis qu'il recule nos frontières au-delà du Rhin, de l'Euphrate, du Danube, au sein même de Rome s'aiguisent contre lui les poignards de Muréna, de Cépion, de Lépide, des Ignaties. Il n'a pas encore échappé à leurs embûches, que sa fille et une foule de jeunes nobles, liés par l'adultère comme par un serment, épouvantent sa vieillesse fatiguée et lui font craindre pis qu'une nouvelle Cléopâtre avec un autre Antoine. Il tranchait ces ulcères avec les membres mêmes ; d'autres renaissaient à l'instant. Comme en un corps trop chargé de sang, toujours il y avait éruption sur quelque point. Auguste donc soupirait après le repos : dans cet espoir, dans cette pensée ses travaux devenaient moins lourds. Tel était le vœu de celui qui pouvait combler tous les vœux.
Cicéron, ballotté entre les Catilina et les Clodius, ses ennemis déclarés, et les Crassus et les Pompée, ses équivoques amis, vogue au hasard sur le vaisseau de l'État qu'il préserve un moment du naufrage où lui-même enfin va périr : le calme ne le rassure point et la tourmente l'accable. Que de fois ne maudit-il pas son fameux consulat exalté par lui-même non sans sujet, mais sans mesure ! Sur quel ton lamentable il s'exprime dans une lettre à Atticus, après la défaite de Pompée, dont le fils réchauffait encore en Espagne un parti vaincu : « Tu me demandes, dit-il, ce que je fais ici. Je vis à demi libre dans mon Tusculum. » Puis retours sur le passé qu'il déplore, plaintes du présent, désespoir de l'avenir. Cicéron s'est dit à demi libre ! Mais certes jamais le sage ne descendra à cette humiliante qualification : jamais de demi-liberté pour lui, toujours liberté pleine et entière. Indépendant, roi de lui-même, placé plus haut que tous, rien pourrait-il dominer cet homme qui domine la Fortune.
Livius Drusus, homme énergique et véhément, après avoir ressuscité les plans subversifs et les funestes motions des Gracques, fort d'un immense concours venu de toute l'Italie, sans prévoir l'issue de cette lutte qu'il ne pouvait mener à fin ni n'était libre de quitter une fois engagée, maudissait, dit-on, une vie agitée dès ses premiers ans, et s'écriait : « Je suis le seul qui, même enfant, n'aie pas eu un jour de congé. » Et en effet, encore pupille et sous la prétexte, il osait déjà recommander des accusés aux juges et interposer son crédit dans le barreau avec tant d'efficacité que plus d'un jugement fut notoirement arraché par lui. Où ne se fût pas emportée une si précoce ambition ? On pouvait le prédire : c'est à d'énormes catastrophes publiques et privées que devait aboutir une audace si prompte à se faire jour. Il s'y prenait tard pour se plaindre de n'avoir pas eu un jour de congé
