De la tranquillité de l'âme - Sénèque - E-Book

De la tranquillité de l'âme E-Book

Sénèque

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Beschreibung

Principal conseiller de Néron dont il a été le précepteur, en charge des affaires de l'Empire, Sénèque se tient à l'écart des intrigues de cour et préfère se consacrer à la rédaction de traités philosophiques. Il dédie La Tranquillité de l'âme à Sérénus, jeune homme venu à Rome faire carrière, mais heurté par la rudesse des moeurs du pouvoir : troublé, irrésolu, Sérénus ne parvient pas à recouvrer son équilibre psychologique. Sénèque lui enseigne le stoïcisme et lui prodigue force conseils afin qu'il trouve la paix intérieure grâce à une véritable thérapie de l'âme. Au travers de son expérience exceptionnelle, Sénèque cherche à prolonger l'expérience de vie de tout un chacun en la débarrassant des fausses croyances qui l'encombrent sans lui apporter de richesse supplémentaire. Il nous aide ainsi à évaluer ce qu'est une vie vraiment vécue et un bonheur à portée de main davantage qu'un bonheur imaginé...

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Sommaire

Chapitre I

Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

Chapitre V

Chapitre VI

Chapitre VII

Chapitre VIII

Chapitre IX

Chapitre X

Chapitre XI

Chapitre XII

Chapitre XIII

Chapitre XIV

Chapitre XV

Chapitre XVII

I

[1,1] « En portant sur moi-même un examen attentif, cher Sénèque, j’y ai trouvé quelques défauts apparents, exposés à tous les yeux, et que je pouvais toucher du doigt ; d’autres moins visibles, et cachés dans les replis de mon âme ; d’autres qui, sans être habituels, reparaissent par intervalles : ceux-là, je les appelle les plus fâcheux de tous, ennemis toujours changeant de place, épiant toujours le moment de vous assaillir, et avec lesquels on ne sait jamais s’il faut se préparer à la guerre ni se reposer en paix.

[1,2] « Il est toutefois pour moi un état habituel (car, pourquoi déguiserais-je quelque chose à mon médecin ?), c’est de n’être pas franchement délivré des vices qui étaient l’objet de mes craintes et de mon aversion, sans toutefois en être réellement atteint. Si je ne suis pas au plus mal, je suis du moins dans un état douloureux et désagréable : je ne suis ni malade, ni bien portant.

[1,3] N’allez pas me dire que, de toutes les vertus les commencements sont faibles, et qu’avec le temps elles acquièrent de la consistance et de la force. Je n’ignore pas que les avantages qu’on ne recherche que pour la montre, tels que la considération, la gloire de l’éloquence, et tout ce qui dépend des suffrages d’autrui, se fortifient avec le temps ; tandis que les vertus, qui donnent la véritable force, et les qualités, qui n’ont pour plaire qu’un éclat emprunté, ont besoin du cours des années, dont l’action imperceptible empreint les unes et les autres d’une couleur plus prononcée : mais je crains que l’habitude, qui consolide toutes choses, n’enracine plus profondément chez moi le défaut dont je me plains. Le long usage des bonnes comme des mauvaises pratiques conduit à les aimer.

[1,4] « Mon âme, ainsi partagée entre le mal et le bien, ne se porte avec force ni vers l’un ni vers l’autre ; et il m’est moins facile de vous exposer mon infirmité en masse qu’en détail. Je vous dirai les accidents que j’éprouve ; c’est à vous de trouver un nom à ma maladie.

[1,5] J’ai le goût le plus prononcé pour l’économie, j’en conviens ; je n’aime point l’appareil somptueux d’un lit, ni ces vêtements tirés d’une armoire précieuse, que la presse et le foulon ont fatigués pour leur donner du lustre, mais bien une robe de tous les jours, peu coûteuse, qui se garde et se porte sans crainte de la gâter.

[1,6] J’aime un repas auquel une troupe d’esclaves ne mette ni la main ni l’œil ; qui n’ait point été ordonné plusieurs jours d’avance, et dont le service n’occupe point une multitude de bras ; mais qui soit facile à préparer comme à servir, qui n’ait rien de rare ni de cher ; qui puisse se trouver partout, qui ne soit onéreux ni à la bourse, ni à l’estomac, et qu’on ne soit pas forcé de rendre par où on l’a pris.

[1,7] J’aime un échanson grossièrement vêtu, enfant de la maison ; j’aime la lourde argenterie de mon père, honnête campagnard, laquelle ne se recommande ni par le travail ni par le nom de l’ouvrier ; je veux une table qui ne soit ni remarquable par la variété des nuances, ni célèbre dans la ville, pour avoir appartenu successivement à plus d’un amateur, mais qui soit d’un usage commode, sans occuper d’un vain plaisir les regards de mes convives, sans exciter leur convoitise.

[1,8] « Mais tout en aimant cette simplicité, mon esprit se laisse éblouir par l’appareil d’une jeune et belle élite qu’on dresse aux plaisirs du maître, par ces esclaves plus élégamment vêtus, plus chamarrés d’or que dans une fête publique, enfin par une nombreuse troupe de serviteurs éblouissants de magnificence. J’ai également plaisir à voir cette maison où l’on marche sur les matières les plus précieuses, où les richesses sont prodi- guées dans tous les coins, où tout, jusqu’aux toits, brille aux regards, où se presse un peuple de flatteurs, compagnons assidus de ceux qui dissipent leur bien. Que dirai-je de ces eaux limpides et transparentes qui environnent en nappe toute la salle des festins, et de ces repas somptueux, dignes du théâtre où ou les sert ?

[1,9] Moi, qui ai poussé jusqu’à l’excès ma longue frugalité, le luxe vient m’environner de tout son éclat, de tout son bruyant appareil. Mon front de bataille commence à plier ; et contre une telle séduction, il m’est plus facile de défendre mon âme que mes yeux. Je m’éloigne donc, non pire, mais plus triste ; et dans mon chétif domicile, je ne porte plus la tête si haute ; une sorte de regret se glisse secrètement dans mon âme, enfin je doute si les objets que je quitte ne sont pas préférables : de tout cela rien ne me change ; mais rien qui ne m’ébranle.

[1,10] « Il me plait de suivre les mâles préceptes de nos maîtres, et de me lancer dans les affaires publiques ; il me plaît d’aspirer aux honneurs, non que la pourpre et les faisceaux me séduisent ; mais pour avoir plus de moyens d’être utile à mes amis, à mes proches et à tous mes concitoyens. Formé à l’école de ces grands maîtres, je suis Zenon, Cléanthe, Chrysippe ; si aucun d’entre eux n’a gouverné l’Etat, il n’est aucun ainsi qui n’y ait destiné ses disciples.

[1,11] « Survient-il quelque choc pour mon esprit peu accoutumé à lutter de front, survient-il quelqu’une de ces humiliations qu’on rencontre à chaque pas dans la vie, ou bien quelque affaire hérissée de difficultés, et sans proportion avec le temps qu’elle a pu demander, je retourne à mon loisir ; et, comme les chevaux, malgré leur fatigue, je double le pas pour regagner ma maison.

[1,12] J’aime à renfermer ma vie dans son véritable sanctuaire. Que personne ne me fasse perdre un jour, puisque rien ne peut compenser une si grande perte ; que mon âme se repose sur elle-même ; qu’elle se cultive elle-même ; qu’elle ne se mêle de rien qui lui est étranger, de rien qui la soumette au jugement d’autrui ; que, sans aucun souci des affaires publiques ou privées, elle se complaise dans sa tranquillité.

[1,13] « Mais lorsqu’une lecture plus forte a élevé mon âme, et qu’elle se sent aiguillonnée par de nobles exemples, je veux m’élancer dans le forum, prêter à d’autres le secours de ma voix sinon toujours avec succès, du moins, avec l’intention d’être utile ; de rabattre en plein forum l’arrogance de tel homme que la prospérité rend insolent.

[1,14] « Dans les études, je pense qu’il vaut mieux assurément envisager les choses en elles-mêmes, ne parler que sur elles, surtout subordonner les mots aux choses, de manière que, partout où va la pensée, le discours la suive sans effort où elle le mène. Qu’est-il besoin de composer des écrits pour durer des siècles ? Voulez-vous donc empêcher que la postérité ne vous oublie ? Né pour mourir, ne savez-vous pas que les obsèques les moins tristes sont celles qui se font sans bruit. Ainsi, pour occuper votre temps, pour votre propre utilité, et non pour obtenir des éloges, écrivez d’un style simple ; il ne faut pas un grand travail à ceux qui n’étudient que pour le moment présent.

[1,15] Oui, mais lorsque par la méditation s’est élevé mon esprit, il recherche la pompe des expressions ; comme il a dressé son vol plus haut, il veut aussi rehausser son style, et mon discours se conforme à la majesté de la pensée : oubliant les règles étroites que je m’étais prescrites, je m’élance dans les nuages, et ce n’est plus moi qui parle par ma bouche.