Diwarh'ya - Tome 1 - Stéphane Ribera - E-Book

Diwarh'ya - Tome 1 E-Book

Stéphane Ribera

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Beschreibung

Mille ans après notre ère. Des hors-la-loi cherchent à découvrir qui est à la tête du Ram Fractal, un état totalitaire qui règne sur la Terre et ses colonies planétaires. Activement recherchés par l’autorité ainsi que par d’autres groupuscules aux intérêts divers et opposés, ils traversent la Galaxie peuplée de rebelles déterminés, pirates sanguinaires, marchands mafieux sans scrupules, fanatiques religieux, robots implacables, mutants inquiétants, et autres créatures aussi hétéroclites que surprenantes. Mais à l’aube d’un conflit intergalactique avec les forces sinistres du Ram Fractal, l’étau se resserre autour d’eux. Conflit, où seuls ceux sachant maîtriser leurs peurs et cultiver leurs différences survivront.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Passionné par le spectacle d'un ciel étoilé depuis sa plus tendre enfance, c'est en 2017 que Stéphane Ribera décide de se lancer dans une aventure un peu folle : raconter, au travers d'une saga romanesque, l'épopée d'une bande de barjots qui écume les océans cosmiques en quête d'aventure et de vérité. C'est alors qu'il débute la saga Diwarh'ya qui sera plébiscitée par les amateurs de science-fiction, comme « une future référence de la littérature ».

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Stéphane RIBERA

DIWARH´YA

1. L´ÂGE NOIR DE LA TERRE

Roman

Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par

Les Éditions La Grande Vague

Site : http://editions-lagrandevague.fr/

3 Allée des Coteaux, 64340 Boucau

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-38460-055-7

Dépôt légal : Novembre 2022

Les Éditions La Grande Vague

AVANT-PROPOS

À l’origine, Diwarh’ya n’était pas un roman, c’était un jeu de rôle.

Pas un jeu de rôle informatique… un vrai ! Un jeu de rôle papier, dans la lignée de Donjons & Dragons et d’autres qui foisonnaient à l’époque (L’appel de Cthulhu, Mega, Runequest, Traveller, Space Opera, Aftermath, Cyberpunk).

Créé en 1982, Diwarh’ya a eu plusieurs titres : « 2980 ou l’Âge noir de la Terre », puis « Stryker », « Cobra role playing », « Mad Max », « Human Destructor » et enfin, Diwarh’ya.

Avec mon pote David Delombre (le coauteur des règles du jeu), nous pensions éditer ce jeu de rôle qui comportait des centaines de pages d’informations, de descriptions, de personnages, de véhicules et d’équipement. Nous étions adolescents, la tête remplie de rêves et d’illusions ; le projet est resté dans un carton. Puis au fil du temps, il a toutefois servi à agrémenter quelques parties qui entretenaient la nostalgie des années 80.

Jusqu’en 2017 où j’ai redécouvert un texte, qui servira de prologue. Au début, j’avais écrit une petite nouvelle introductive qui présentait l’univers du jeu. À sa relecture, je me suis dit : « Ce serait cool de raconter la suite… ». Et voilà, j’avais mis le doigt dans l’engrenage de l’écriture.

Aujourd’hui, vous tenez entre vos mains le résultat de cette nouvelle passion.

Pour une meilleure immersion, outre le who’s who et le lexique présents en fin d’ouvrage, vous pouvez consulter et télécharger des cartes sur le site qui reprend l’univers du roman, à l’adresse ci-dessous.

Diwarhya.com\Le monde\Atlas galactique + La Terre et la Lune

Bonne lecture !

Stéphane RIBERA

Pour Brigitte,

qui est partie danser avec les étoiles.

PROLOGUELe 1er janvier 2251

Jackson, Amérique unie, 17 h 30.

Les sirènes se mirent à hurler longuement pour la troisième fois de la journée et semèrent à nouveau l’affolement, la panique et l’effroi dans la population de cette ville de deux cent mille habitants, plus connue sous le nom de « Carrefour du Sud ».

La première fois, très tôt dans la matinée, la stridente mélodie avait déjà déchiré la triste monotonie de l’aube tandis que plusieurs missiles à fragmentation provenant d’un sous-marin furtif passaient les défenses disséminées le long de la côte du golfe du Mexique. Deux missiles s’abattirent sur La Nouvelle-Orléans. Un troisième avait continué sa course plus au nord et touché la banlieue sud de Jackson, détruisant ainsi plusieurs maisons, un petit immeuble et un supermarché sous lesquels était encore ensevelie une cinquantaine de personnes que les services de secours s’évertuaient à extraire.

La deuxième fois, il était environ quinze heures quarante et cela s’était finalement avéréêtre une fausse alerte. Par mesure de sécurité, Roger avait quitté son bureau du centre-ville et s’était rendu dans l’abri antiatomique de la banlieue nord. C’était un homme d’une trentaine d’années, plutôt grand avec son mètre quatre-vingts et affublé d’une démarche un tantinet dégingandée. Son visage ovale au regard vif était entouré de cheveux châtains mi-longs et légèrement ondulés. Une barbe de quelques jours lui donnait un air ostensiblement négligé, pourtant, on sentait chez lui un raffinement certain.

Les places dans les abris étaient limitées et coûtaient relativement chermais Roger, d’humeur pessimiste, avait préféré utiliser la plus grosse partie des économies qu’il possédait pour retenir une place dans une des « cryptes de survie » de sa ville, au cas où…

Par ces temps difficiles où les tensions internationales étaient à leur summum depuis plusieurs mois, ces solutions de survie étaient très à la mode. Et puis il y avait eu cette tragédie ; il avait perdu sa femme l’année passée dans un accident de la circulation et il ne pensait pas qu’il pourrait y survivre.

Mais, après une sévère dépression et une longue réflexion sur lui-même, il s’était finalement résolu à vivre coûte que coûte.

Il se trouvait toujours dans l’abri, avec une dizaine d’autres personnes, lorsque les sirènes retentirent à nouveau. Il était cinq heures trente de l’après-midi ce premier janvier de l’année 2251. Le premier janvier, oui, le jour de l’An. Mais la veille, il n’y avait eu aucune fête ; cela faisait plusieurs années que les hommes ne faisaient plus la fête, ils préparaient la guerre totale et vivaient dans la hantise qu’elle se déclare.

Il était dix-sept heures trente et le soleil était bas sur l’horizon, flottant imperturbablement dans un ciel bleu : un bleu pur et immaculé comme on en voyait rarement. Dans la salle principale de l’abri, Roger et les autres locataires qu’il connaissait à peine, fixaient un large écran mural de télévision et n’étaient pas très loquaces. Hormis les chaînes d’information en continuqui déversaient un flot incessant d’informations déprimantes, les programmes habituels avaient été coupés pour faire place à un communiqué spécial. Sur l’écran mural de deux mètres de diagonale, on pouvait contempler une vue aérienne de la super mégalopole de San Francisco telle qu’elle était cinq minutes auparavant. Une des plus grandes agglomérations terrestres baignait dans le soleil d’un doux après-midi d’hiver...

L’écran s’illumina soudain d’un flash aveuglant tandis qu’une voix off commentait avec des mots qui semblaient irréels :

« Mesdames et Messieurs, nous venons d’apprendre à l’instant que suite à la formidable bataille aérienne qui s’est déroulée en milieu d’après-midi, un bombardier lourd japonais a réussi à passer la ligne de défense nord-américaine et a largué une bombe à hydrogène plasmique d’une puissance de trente mégatonnes de T.N.T. sur San Francisco. »

Sur l’écran, un immense champignon nucléaire enflait interminablement. Là-bas, le ciel était devenu d’une couleur rouge sang. Le commentateur continuait de parler d’une voix froide :

« Les images que vous pouvez voir sont retransmises depuis notre satellite de surveillance Spot δ-7. Il semblerait, d’après les premières estimations, que les neuf dixièmes de San Francisco et de son agglomération soient détruits... »

Le nuage commençait à se dissiper lentement et il était alors possible de mesurer l’étendue des dégâts. Ce qui était avant une ville tentaculaire n’était plus désormais qu’une gigantesque plaque de matière vitrifiée. La proche périphérie ressemblait à un désert de cendres et plus loin apparaissait un interminable champ de ruines.

« Il semblerait que l’onde de choc dégagée par la bombe ait déclenché une importante activité sismique dans la région de San Andréas. Les sismographes enregistrent les prémisses de puissants tremblements de terre sur toute la côte ouest. »

Roger, qui se trouvait à trois cents kilomètres au nord de La Nouvelle-Orléans, avait l’impression de sentir la terre frémir sous ses pieds. Les gens, à ses côtés, lançaient des regards inquiets autour d’eux. Àl’image de la ville en ruines, succéda celle d’un homme d’une soixantaine d’années au visage grave et fatigué ; Vince Ryan, le président du bloc nord-américain. Ses yeux trahissaient une angoisse indescriptible.

« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, c’est avec une grande tristesse et une immense amertume que, comme vous, je viens d’apprendre la destruction de San Francisco. Le gouvernement japonais a aujourd’hui pris une terrible décision et la guerre que mène depuis plusieurs années notre nation vient de prendre une nouvelle tournure que je n’avais jamais osé croire possible. Nous en sommes malheureusement arrivés à un point de non-retour. J’ai donc, Mesdames et Messieurs, et ceci en consultation avec mes généraux, décidé d’entamer des représailles massives contre le Japon. Ne perdez surtout pas espoir et que Dieu nous vienne en aide. »

Le commentateur réapparutà l’écran tandis qu’en incrustation diverses fenêtres repassaient en boucle : l’explosion atomique, les navires de la flotte pacifique qui intensifiaient le feu et les robots de combat qui embarquaient dans les transports de troupes.

« Ce flash est maintenant terminé, nous reprendrons l’antenne dès que nous aurons de nouveaux détails. Nous vous conseillons de vous rendre aux abris les plus proches dans les plus brefs délais. Un couvre-feu devrait être instauré dans quelques heures. »

Dix minutes de publicités abrutissantes suivirent le journal et la suite du programme fut assurée par un jeu télévisé d’une débilité désarmante. Les neuf personnes qui se trouvaient avec Roger n’échangèrent aucune parole. Elles continuèrent à fixer l’écran d’un regard livide où tout espoir s’était éteint.

Le lendemain, après une nuit extrêmement agitée durant laquelle sept personnes avaient rejoint l’abri en annonçant des nouvelles de plus en plus alarmantes, Roger fut le premier à se lever et son premier réflexe fut de mettre en route la télévision. Il était presque six heures. Le générique d’un journal d’information se fit bientôt entendre et un commentateur aux traits tirés prit la parole. Le son de l’émission réveilla le reste des occupants.

« Mesdames, Messieurs, bonjour et bienvenue dans notre édition du morning. Ce matin, l’actualité est largement dominée par la guerre que livre notre pays aux Japonais. Àla suite de l’attaque lancée hier par les Nippons sur San Francisco, le gouvernement nord-américain a répliqué d’une manière énergique. De nombreux missiles nucléaires ont été lancés sur l’archipel nippon. Dans la nuit, plusieurs attaques ont été menées de part et d’autre sur les îles du Pacifique. La quasi-totalité de la flotte engagée dans le combat semblerait avoir été détruite. On ne compte plus les pertes, qu’elles soient civiles ou militaires, car... »

Il s’arrêta soudain de parler et regarda son écran de contrôle. Il posa sa main droite sur son oreillette et, durant quelques secondes, sembla absorbé par ce qu’il entendait.

« Veuillez m’excuser, je reçois actuellement un message prioritaire émanant des forces armées nord-américaines. »

Il reprit, le visage blanc de terreur :

« On vient d’apprendre que trois missiles nucléaires américains ont, il y a de cela deux heures, touché le bloc sino-russe et que les dégâts y sont incommensurables. Le parlement suprême russe vient de déclarer qu’il est prêt à utiliser tous les arsenaux nucléaires de son armée, contre notre pays et l’Europe unie qui, depuis quelques semaines accumule victoire sur victoire dans la guerre des Balkans. On ne sait pas encore si... »

L’image se brouilla soudain et l’abri trembla légèrement, ce qui réveilla les dernières personnes endormies.

— Merde ! Y a plus d’image, fit le voisin de Roger en essayant sans succès de changer de chaîne.
— Que se passe-t-il ? demanda nerveusement une jeune femme.

Roger se tourna vers elle.

— Je crois que c’est la fin, dit-il lentement, la guerre totale est déclarée...

Une autre femme, qui venait d’arriver derrière eux, éclata soudainement :

— Non ! Non ! C’est pas possible ! Non !!!

Son cri se répercuta dans tout l’abri puis mourut lentement. Un homme, dans un coin de la pièce principale, se laissa glisser contre le mur, s’assit et se prit la tête dans les mains tandis qu’une vieille dame s’écroulait au sol, perdant connaissance. Deux jeunes enfants, comprenant qu’il se passait quelque chose de grave, se mirent à pleurer et se réfugièrent dans les bras protecteurs de leur mère qui, elle-même, ne put réprimer ses larmes.

— Et maintenant ? demanda quelqu’un tandis que deux autres personnes tentaient de ranimer la grand-mère, qu’allons-nous faire ?
— Suivre les directives de survie, répondit Roger en regardant ses mains qui tremblaient légèrement.

Ils connaissaient tous le principe, car ils avaient suivi des séances d’information lors de la réservation de leur place en crypte de survie. L’opération était toute simple. Il y avait une salle spéciale dans l’abri : la salle de cryogénie qui recelait vingt caissons de cryogénisation avancée. Il suffisait de prendre place dans les coffres et de s’y endormir pour des semaines, des mois ou des décennies en attendant que les capteurs du système d’analyse atmosphérique détectent un air à nouveau pur et qu’ils déclenchent la réouverture des sarcophages du futur.

Ils se dirigèrent tous vers la salle où les vingt caissons les attendaient. Il s’agissait de longues caisses oblongues faites en matériaux plastiques. Elles avaient une teinte légèrement bleutée et présentaient une partie transparente où l’on pouvait discerner l’intérieur du caisson capitonné bardé de capteurs. Une lumière diffuse régnait dans la pièce silencieuse. Sur chaque sarcophage, il y avait un nom. En tout vingt noms différents.

Un des occupants activa un gros interrupteur qui se trouvait près de la porte, ce qui fit apparaître un clavier tactile mural. Après l’enregistrement des instructions, les vingt caissons commencèrent à s’ouvrir en dégageant une fine vapeur. La personne qui tapotait sur le clavier déclencha un compte à rebours et dit aux autres en tentant un timide sourire :

— Bon ! Tous au dodo. Dans trente minutes, le système de cryogénisation se mettra en route. Il faut qu’on soit prêts.

La mort dans l’âme, ils s’allongèrent tous et actionnèrent le système de fermeture de chaque caisson. Des masques intégrés se plaquèrent sur leurs visages. Les couvercles se refermèrent un à un dans des petits bruits de compression et quinze minutes plus tard, un gaz emplit les caissons. Roger et ses compagnons s’endormirent doucement et une couche de givre recouvrit peu à peu toute la pièce.

*

Il y eut un déclic et Roger ouvrit les yeux. Il faisait très frais et il frissonna. Il était dans son caisson, immobile, et pendant une fraction de seconde il se demanda où il se trouvait. Très vite pourtant, ses souvenirs lui revinrent... la Grande Guerre, les destructions, la fuite et les cryptes de survie.

Sur sa droite se trouvait un voyant lumineux au centre d’un petit écran tactile. Il retira son masque à oxygène et effleura le bouton. Un sifflement suivi d’un long bruit de décompression se fit entendre, puis le couvercle s’ouvrit d’un coup sec.

Il se redressa et s’adossa contre la partie supérieure du caisson. Il avait les bras et les jambes tout engourdis. Il bougea ses membres afin d’évacuer cette désagréable sensation de fourmillement qui le mettait mal à l’aise.

La pièce était emplie d’un épais brouillard au travers duquel une faible lumière filtrait. Après un moment d’adaptation, il se leva et s’avança vers le pupitre de l’ordinateur central.

Il s’aperçut alors que ce dernier était hors d’usage.

Il prit une longue inspiration et ne trouva pas l’air de la pièce à son goût : trop javellisé, pensa-t-il. Il décida donc de le renouveler ; le système d’aération interne étant, quant à lui, toujours opérationnel.

La température remonta légèrement et le brouillard givrant s’évacua. La pièce était de nouveau bien éclairée et il parla tout haut.

— Pourquoi suis-je le seul à avoir été réveillé ?

Il s’approcha alors du caisson qui était situé tout près de lui. La partie transparente du couvercle de fermeture était recouverte d’une fine buée. Il passa sa main dessus et ce qu’il vit le paralysa. Derrière la vitre reposait ce qui avait été autrefois une jeune femme pleine de vie et d’énergie. Dorénavant, ce n’était plus qu’un squelette totalement décharné dont le crâne orné de deux orbites vides semblait le fixer avec une effroyable horreur.

Roger détourna son regard de cette vision atroce et remarqua alors que seul son sarcophage était orné de ses voyants lumineux : tous les autres caissons étaient éteints. Sentant son sang se glacer, il resta immobile quelques instants puis finit par aller s’adosser contre un mur et se laissa glisser au sol. Il resta assis comme cela pendant de longues minutes. Ou bien peut-être étaient-cedes heures...

Il regardait les murs qui l’entouraient, et plus il les fixait, plus il se disait qu’il y manquait quelque chose. Ce n’est qu’au bout d’un instant qu’il réalisa ce qu’il aurait voulu y voir : une fenêtre, un coin de ciel bleu, un rayon de soleil filtrant à travers des rideaux.

— Je dois sortir ! dit-il à haute voix.

Il se releva prestement, ouvrit le sas menant à la salle commune et s’y engouffra. La salle s’alluma dès qu’il y posa le pied. Il se dirigea vers le poste de télévision puis vers l’ordinateur, mais tous deux étaient inutilisables, car le générateur de courant était hors service. Pourtant, il y avait de la lumière et le système de ventilation fonctionnait normalement.

Il marcha en direction de l’ascenseur et appuya sur le bouton d’appel. Il attendit un moment, mais l’ascenseur ne daigna pas se présenter.

Après de longues minutes, il dut se rendre à l’évidence, l’ascenseur était hors d’usage. Je n’ai plus qu’à prendre les escaliers, se dit-il. Cinquante étages, ça va être dur !

Il ouvrit manuellement le sas qui se trouvait sur sa droite et se retrouva dans la cage d’escalier. Il faisait très sombre et il dut retourner chercher une lampe avant d’entamer la montée. Il en profita pour prendre ce qui restait de pastilles nutritives et quelques objets de survie indispensables. Il prit trois trousses de secours ayant appartenu aux autres occupants ainsi qu’une vieille casquette qui traînait là et enfourna le tout dans un gros sac à dos.

Il n’avait pas de smart montre sur lui et la montée n’en parut que plus longue. Les niveaux s’égrenaient peu à peu :

-50, -40, -30, -20.

Il avait machinalement commencé à compter les marches puis, au bout d’un moment, il s’était embrouillé dans son décompte, vers quatre cent soixante.

-15, -10… -6, -5, -4, -3, -2, -1 et enfin, zéro. Il s’assit sur la dernière marche, épuisé. Il se trouvait dans l’antichambre d’accueil de l’abri. Il tourna légèrement la tête sur sa droite et dirigea le faisceau de sa lampe torche vers une double paroi métallique : la porte d’entrée de l’abri. Que peut-il y avoir derrière ? se demanda-t-il. Fait-il jour ou nuit ? Ma ville a-t-elle été détruite ?

Il se releva, se dirigea vers la porte et enclencha le système d’ouverture. Rien ne se passa : plus de courant, le passage ne pouvait pas s’ouvrir. Roger appuya de nouveau sur le bouton, puis appuya encore car il n’y avait pas d’ouverture manuelle. Enervé, il donna un grand coup de pied dans le panneau d’aluminium brossé. Un bruit sourd se fit entendre. Il se laissa une nouvelle fois tomber par terre, désespéré.

Il se mit alors à pleurer de rage.

— C’est pas possible ! Je vais crever dans ce putain d’abri ! cria-t-il en jetant sa lampe contre la porte.

Elle rebondit et tomba au sol en soulevant un petit nuage de poussièrequi brilla dans le faisceau lumineux. Il regarda la torche pendant quelques minutes et une idée lui vint à l’esprit. Il se releva, ramassa sa lampe, prit sa petite sacoche dans laquelle se trouvaient des outils basiques et entreprit de démonter le bouton de la porte. Il réussit bientôt à mettre à nu certains fils conducteurs. Dénichant ceux qui, une fois alimentés en courant, devaient déclencher l’ouverture de la porte, il les coinça et éteignit sa lampe. Il démonta cette dernière et en retira les piles de cinquante-cinq volts qui l’alimentaient.

Il était à nouveau dans le noir total. Il tenait les deux batteries dans une main et les appliqua contre le premier fil. De l’autre main, il saisit le deuxième et fit contact. Il y eut une étincelle, Roger reçut une légère décharge et le sas d’accès s’ouvrit. Une vague de lumière inonda l’entrée et il fut complètement ébloui ; il mit sa main devant ses yeux et ne la retira qu’au bout d’une trentaine de secondes.

*

Il sortit de l’abri et inspecta rapidement les environs. Le soleil était haut dans le ciel, presque au zénith et la chaleur était étouffante. Autour de lui s’étendaient du sable à perte de vue et quelques gros rochers.

Là où il avait connu une grande ville avec des collines boisées et une grande rivière, il n’y avait plus que du sable et plusieurs escarpements rocheux où s’accrochaient désespérément quelques buissons épineux ainsi que d’épars cactus. La seule chose qui semblait humaine dans ce désert, c’était cette petite structure métallique à demi ensevelie à côté de laquelle il se trouvait, au sommet d’une dune de sable chaud.

Un peu plus au sud, en contrebas d’une marche rocheuse, sinuait le lit d’un petit ruisseau asséché. Sur le versant opposé de la ravine émergeaient, par-delà une petite falaise, les sommets d’anciens bâtiments en ruines.

Heureusement que l’entrée de la crypte était au sommet d’une colline, pensa-t-il. J’aurais pu me retrouver totalement enterré vivant. Mais comment est-ce que le paysage a pu changer à ce point ?

Le soleil était haut dans le ciel et devait se trouver approximativement au sud. Roger décida donc arbitrairement de partir vers le nord, mais seulement lorsque l’astre du jour se trouverait plus bas sur l’horizon, car pour l’instant il faisait trop chaud. Il se reposa à l’ombre dans l’entrée de l’abri puis, lorsqu’il le jugea bon, vissa la casquette sur son crâne et se mit en route.

Il marcha longtemps, très longtemps, puis, finalement, le soleil se coucha et le bleu du ciel fit place à la noirceur du soir. Il continua son périple durant une bonne partie de la nuit et, de temps en temps, il levait la tête pour regarder les étoiles. Ce n’est qu’au bout d’un certain moment qu’il aperçut, parmi les constellations qu’il connaissait, trois points très brillants dans le firmament, ressemblant énormément à des étoiles, mais dont l’éclat surpassait de loin celui de toutes les autres. Par ailleurs, le nombre de satellites était particulièrement important.

Lorsque le soleil pointa à l’horizon, Roger s’arrêta de cheminer. Ayant repéré un petit escarpement rocheux à l’ouest, il s’y dirigea lentement. Il s’allongea sur le sol en s’abritant à l’ombre et s’endormit rapidement.

Lorsqu’il se réveilla, le soleil venait de se coucher et les premières étoiles luisaient déjà dans le ciel. Il reprit sa route et durant deux jours et deux nuits, il continua son périple. Il souffrait de quelques brûlures au visage et sur le cou, mais c’était encore supportable. Au bout du troisième jour, le paysage commença à changer.

Le sol devint peu à peu plus rocailleux et le jour d’après, la transition fut plus nette. Il était arrivé dans une région très vallonnée où la végétation était clairsemée. C’est alors qu’il entendit un son aigu qui se rapprochait de lui. Il se retourna mais ne vit rien ; le son venait de derrière les dunes et se rapprochait de plus en plus. Il finit par apercevoir un avion qui filait dans sa direction. Je suis sauvé ! pensa-t-il au fond de lui-même.

Mais au fur et à mesure que l’avion se rapprochait, ses contours se précisèrent et il sembla dérouté. Ce n’était pas un avion en fait. Cela ressemblait plutôt à un vaisseau spatial, comme ceux qu’il avait pu voir lors des premières missions de colonisation massive du système solaire, qui avaient débuté en 2175. Il commença tout de même à agiter les bras pour alerter l’engin, mais celui-ci passa rapidement au-dessus de lui sans l’apercevoir. Ses tuyères firent un bruit de tonnerre en passant à sa verticale. Il obliqua vers le nord-ouest et Roger décida de suivre cette direction.

Il était contrarié ; les occupants du vaisseau ne l’avaient pas remarqué. Mais en fin de compte, il se surprit à penser que cela valait peut-être mieux ainsi...

Il marcha une journée de plus et, à la nuit tombée, tenta d’escalader le versant abrupt d’un plateau qui se trouvait sur sa route. Ce n’est qu’une fois arrivé en haut qu’il entreprit de se restaurer et de se reposer. Il avait encore dix pastilles nutritives, mais ses capsules d’eau énergétique allaient bientôt commencer à lui faire défaut. Il s’endormit difficilement et son sommeil fut agité par des cauchemars.

Le lendemain, il fut brusquement réveillé par un bruit de moteur. Il se redressa brusquement et aperçut au loin un hélicoptère massif à la forme particulière, qui, tel un bourdon butineur, volait en zigzag au ras de l’horizon. Ce dernier disparut rapidement derrière une colline et Roger se mit à accélérer le pas dans sa direction. Après cinq minutes de course, il arriva sur le versant opposé du plateau et tomba sur un petit chemin de terre qui descendait dans une vallée.

Au fond de cette ravine, il pouvait distinguer une cité qui ne lui rappelait absolument rien. Derrière la ville à l’ouest un lac immense, ou peut-être la mer... Il était dérouté.

Il continua de courir en dévalant la petite route sinueuse. La ville devait se trouver à environ un kilomètre et il avait hâte d’y arriver, de parler à quelqu’un. Alors qu’il n’était plus qu’à environ cinq cents mètres, il parvint à la hauteur de plusieurs petites maisons abandonnées, et au détour de l’une d’elles, remarqua un vieil homme qui avait l’apparence d’un ermite. Ce dernier était assis et semblait perdu dans ses pensées, comme en pleine méditation. Roger s’approcha discrètement de lui, mais le vieillard leva la tête et le regarda d’un air étonné.

— Bonjour, dit Roger sur un ton gêné.

Le vieil homme, à la courte barbe grise et à la chevelure hirsute, se leva et s’avança lentement vers le nouvel arrivant. Il avait un regard perçant. Ses yeux étaient aussi gris que ses cheveux. Il portait un vieux jeans délavé et une chemisette blanche recouverte d’une longue tunique brune assortie d’un capuchon. Roger eut quelques difficultés à lui donner un âge, soixante-dix ans ou même quatre-vingts ; difficile à dire, se dit Roger.

— Salut à vous voyageur, répondit le vieillard en observant attentivement Roger et s’attardant sur sa combinaison.

Voyant que l’homme parlait la même langue que lui, Roger s’empressa de demander :

— Quel jour sommes-nous ?
— Mercredi... je crois bien...
— Quel mois ? Quelle année ?

Le vieil homme ne répondit pas immédiatement et fixa intensément son interlocuteur qui soutint difficilement son regard, ayant la nette impression que l’ermite le mettait complètement à nu. Ce dernier lâcha finalement :

— Le 11 mai 29801.

Roger recula d’un pas, totalement dérouté par cette révélation. Il chancela et s’assit sur une grosse pierre.

Reprenant ses esprits, il fit un rapide calcul : il était entré dans la crypte de survie en 2251 et si ce que disait le vieil homme était exact, il en était ressorti en 2980. Cela faisait sept cent vingt-neuf années de sommeil ! Oui, des centaines d’années à dormir alors que le monde entier avait continué à tourner ! Peut-être n’y avait-il jamais eu de destruction totale, la Grande Guerre n’avait peut-être jamais eu lieu. Il était en train de penser à cette éventualité lorsqu’il entendit le vieillard qui, tout en se déplaçant, déclara :

— Détrompez-vous ! La guerre a effectivement eu lieu, mais ce n’est plus qu’un vieux souvenir dont très peu de gens sont au courant à notre époque.
— Comment savez-vous que je pensais à ça ? s’étonna Roger.
— Je vous l’expliquerai plus tard mais, pour l’instant, voulez-vous bien me suivre en ville ? Nous allons bavarder un peu...

Roger hésita : après ces quelques jours de solitude, la joie d’avoir rencontré quelqu’un s’était subitement transformée en méfiance. Cet homme était plutôt avenant et sympathique, mais une angoisse soudaine et irraisonnée le paralysait. Le vieil homme le rassura, et finalement il accepta de le suivre. Ils partirent ensemble vers la grande cité qui se profilait à l’horizon. Tout en marchant, il demanda au vieillard :

— Quel est votre nom ?
— Oh, mais bien sûr ! Pardonnez-moi, j’aurais dû commencer par là. Je me nomme Alkreg Rendard, et vous ?
— Je m’appelle Roger Tchénou.
— Tenez, dit Alkreg en tendant à Roger une gourde dans un étui de cuir. Vous devez avoir très soif par cette chaleur.
— Merci beaucoup !

Roger se saisit de la gourde, se mit à boire goulûment et faillit s’étrangler.

— Je suppose que vous êtes rescapé d’une crypte de survie. Il y a bien longtemps que nous n’avons pas vu de survivants d’avant l’Apocalypse.
— Vous connaissez des gens de mon époque ? ajouta-t-il avec un soupçon de méfiance dans sa voix.
— J’en ai rencontré un il y a de nombreuses années, il était déjà très âgé. Je ne sais pas s’il est toujours en vie, mais si c’est le cas, ce serait intéressant que vous le rencontriez.
— Et comment savez-vous que je viens d’un abri ?
— Oh, cela n’est pas difficile à deviner. Le sigle « Cryo-Crypt » sur votre sac à dos et votre scratch. La personne que j’ai rencontrée avait le même sur sa combinaison.
— Évidemment ! répondit Roger en se sentant bête. Mais dites-moi, vous connaissez l’histoire après la guerre ?
— Oui, partiellement. Avec toutes les explosions et les retombées radioactives, les trois quarts du globe ont été dévastés et la quasi-totalité de la population a disparu. Les seuls rescapés ont eu beaucoup de mal pour survivre, mais leur volonté était à toute épreuve. Des décennies plus tard, étant devenus plus nombreux, ils entreprirent de reconquérir leur planète avec les progrès de la robotique qu’ils avaient pu remettre à jour. C’est alors qu’un astéroïde vint percuter la Terre.
— Incroyable ! fit Roger en ouvrant de grands yeux.
— Mais vrai, répondit Alkreg. Et pour être plus précis, le bolide se scinda en quatre morceaux dont les impacts changèrent la face de l’ancienne mer Méditerranée qui est devenue l’actuelle région de Méditerre. Les efforts de nos ancêtres furent à moitié anéantis, mais ils relevèrent à nouveau le défi.

Alkreg marqua une pause et finit par dire :

— Puis vinrent les Stellians.
— Les Stellians ? Qui étaient-ils ? demanda Roger, passionné par le rapide résumé que lui faisait Alkreg.
— Des humanoïdes extraterrestres.
— Pardon ? dit Roger en s’arrêtant soudainement.
— Surprenant, j’en conviens. Mais je vous dis toute la vérité. Ils furent bienveillants pour les humains, mais ils ne savaient pas qu’ils apportaient le mal avec eux. Au début, tout alla bien. Ils aidèrent à la reconstruction de la Terre, ils nous confièrent leur savoir technologique. Cela devait être au début du vingt-cinquième siècle. Peu à peu, notre planète retrouva son aspect d’antan, même si de grandes parties de celle-ci sont à jamais stériles malgré des tentatives de régénération.

Roger était resté immobile depuis de nombreuses secondes : il ne semblait pas croire au récit du vieil homme, pourtant, celui-ci paraissait tout à fait sain d’esprit.

— Mais pourquoi avez-vous parlé d’un mal mystérieux ? Quel est-il ?

Le vieil homme ne répondit pas immédiatement. Ils avaient repris la route et arrivaient tous deux près d’un mur d’enceinte qui paraissait entourer la ville. Il y avait une entrée gardée par deux robots imposants, armés d’un fusil profilé et d’un pistolet au canon impressionnant. Ils tenaient également un large bouclier transparent.

Alkreg désigna les deux êtres de métal.

— Le mal, dit-il, c’est ça !
— Je ne comprends pas, avoua Roger qui regardait les deux êtres artificiels avec fascination.

Il était déjà familiarisé avec les robots humanoïdes ; il avait déjà vu des automates aux fonctions avancées, des androïdes et des robots domestiques, industriels ou de combat, car à son époque cette robotique était, après un essor fulgurant au début du vingt-deuxième siècle, une technologie banalisée et largement diffusée. Mais ces deux robots étaient vraiment particuliers ; ils dégageaient une forme d’aura spécifique.

Ils inspiraient la peur.

— Je vais vous expliquer, mais pour l’instant ne dites plus rien, contentez-vous de vous faire passer pour mon assistant, nous nous rendons à l’hospice des « Témoins de Bajja ». Ne parlez pas, car je gage que vous n’avez pas de Carte d’Identification Universelle2 ?
— Non.
— Alors pas de bêtises.
— Bien, répondit Roger. Si ça peut vous faire plaisir...
— Alkreg retint ce dernier par la manche.
— Ah ! Une dernière chose, dit le vieil homme en arrachant le scratch que Roger avait sur sa combinaison et où était inscrit « Cryo-Crypt », donnez-moi votre sac.

Il vida le sac, le retourna sur lui-même et replaça les effets de Roger à l’intérieur. Puis il ferma les yeux en se concentrant, effectua une manipulation avec ses mains et fit apparaître un petit rectangle de plastique sous les yeux ébahis du jeune homme.

— On peut y aller maintenant.

Ils arrivèrent à la hauteur des gardes et l’un des deux leur fit signe de s’arrêter en mettant sa main en avant. Les deux robots étaient de forme humanoïde et mesuraient environ deux mètres de hauteur, leur ossature métallique était blanche, recouverte de plaques de tôle et de plastique finement travaillées. On pouvait voir les parties articulées, les vérins et les gaines de fils électriques qui composaient leur structure robotisée. Leurs têtes étaient massives et semblaient couvertes de capteurs. Deux gros yeux, semblables à des objectifs d’appareil photo, étaient fichés au milieu de ces visages de métal couverts d’un casque de protection. Trois grosses lettres rouges barraient leurs torses métalliques : CRF. Un des robots se plaça face aux deux hommes et une voix nasillarde se fit entendre.

— Halte ! Déclinez vos identités. Montrez vos C.I.U. Que venez-vous faire à Lextown ?
— Je me nomme Alkreg Rendard et voici mon jeune assistant, monsieur Tchénou. Nous nous rendons à l’hospice de Bajja.

Roger acquiesça et Alkreg présenta deux petites cartes électroniques.

— Bien ! répondit le robot qui scruta plus longuement la carte de Roger tandis que ce dernier retenait son souffle, vous pouvez entrer, mais veillez à ne pas troubler l’ordre public.

Ils pénétrèrent dans la ville et Roger alla de surprise en surprise. Tout d’abord, il y eut le décor : les bâtiments étaient assez désuets. De nombreux marchands avaient installé leurs étalages contre les murs délabrés des maisons tandis que certaines habitations semblaient être des assemblages complexes de préfabriqués aux finitions impeccables et aux couleurs variées.

Dans la rue, un grand nombre de passants déambulaient et vaquaient à leurs occupations. Les gens étaient habillés de manières très différentes, et Roger, qui portait des vêtements datant de plus de sept cents ans, passait totalement inaperçu au sein de cette population hétéroclite. Certaines personnes ne portaient que des guenilles, d’autres, des vêtements chatoyants et bariolés.

Au détour d’une rue commerçante, le compagnon d’Alkreg remarqua des êtres étonnants : des humanoïdes au corps très frêle doté d’un visage ellipsoïdal avec cinq gros yeux noirs, plus loin, un homme imposant de deux mètres cinquante qui avait une tête d’éléphant avec une petite trompe et quatre grandes oreilles velues auxquelles étaient accrochés des dizaines de boucles, anneaux, fétiches et piercings. Un peu plus loin encore, il croisa des hommes-chats. Il resta médusé.

— Mais je suis en pleine science-fiction ! dit-il.
— Eux ce sont des Nessors, indiqua Alkreg en désignant les hommes-chats, mais la population a coutume de les appeler des félidés. Les autres créatures que vous avez croisées juste avant étaient des Valyrians et des Orgalliens.

Roger resta immobile de longues secondes : il ne parvenait pas à détacher son regard de cette vision déroutante. Alkreg lui mit une petite tape sur l’épaule pour le sortir de sa rêverie.

— Avançons ! lui dit-il.

Tout en marchant, il lui fit remarquer qu’il s’agissait de diverses races extraterrestres qui entretenaient de bons rapports avec la Terre. Mais ce n’était pas le cas pour toutes les civilisations connues, car des tensions existaient entre le gouvernement terrien et certains exogouvernements.

En traversant une ruelle couverte où filtrait la lumière du soleil, éclairant plusieurs étalages de marchands ambulants, Alkreg désigna un étal d’épices tenu par un couple d’humains aux cheveux éclatants.

— Que diriez-vous à propos de ces deux personnes ? demanda Alkreg à Roger. Sont-elles humaines ou extraterrestres ?
— Bien que leurs cheveux soient surprenants, je dirais qu’ils sont humains.
— Oui et non, répondit Alkreg, la femme est une Astralienne, ses cheveux bleu foncé sont naturels. Son collègue, lui, est un Astranien, plus communément appelé Tranien. En fait, il porte une bio-perruque car ils sont naturellement chauves.
— Ah ! Des extraterrestres donc.
— Oui, mais ils proviennent d’un même système stellaire. Toutefois, ils sont extrêmement proches génétiquement des humains et certains savants pensent que nous avons une origine commune.
— Fascinant, souffla Roger.

Ils continuèrent leur chemin et croisèrent également de nombreux véhicules qui ressemblaient à des voitures qu’avait connues Roger, mais en plus récentes, tandis que d’autres véhicules flottaient au-dessus du sol. Certains avaient des formes effilées et agressives, d’autres étaient plus en rondeur.

— Des véhicules antigravité ! s’exclama Roger. Je ne pensais pas en voir un jour. C’est fantastique !
— Des antigravs, c’est ainsi que les gens ont l’habitude de les appeler.

Roger demanda à Alkreg de faire une nouvelle pause.

Il s’assit sur un banc qui marquait l’entrée d’un petit square aux arbres rabougris et à la pelouse jaunie par les rayons du soleil. Il devait faire un point sur tout ce qu’il venait d’apprendre et ce qu’il voyait : un vieil homme qui présentait des capacités spéciales, des robots perfectionnés qui surveillaient des humains, une ribambelle d’ethnies extraterrestres et des véhicules flottants au-dessus du sol.

Cela faisait beaucoup en un peu plus de deux heures.

— Vous n’avez pas encore tout vu, lui dit un peu sèchement Alkreg. Dorénavant, il faut oublier tout ce que vous avez connu par le passé. Voilàle monde dans lequel vous vivez maintenant !

Roger respira un bon coup puis se releva.

— Allons-y !

Ils rencontrèrent plusieurs patrouilles de quatre robots : ces derniers étaient aussi de forme humanoïde, mais radicalement différents des deux gardiens vus précédemment. Leur ossature métallique était entièrement recouverte par un carénage fait de nombreuses pièces bleues et blanches en polymère renforcé et soigneusement ajustées.Ils avaient l’apparence d’êtres humains, mais en plastique souple. Ils croisèrent également un grand robot à la forme vaguement humanoïde de près de cinq mètres de hauteur. Sur ses deux jambes terminées par des pieds associés à des roues amovibles, était fiché un corps imposant qui n’était autre qu’une tourelle de combat équipée de nombreuses armes lourdes. Sur la coque de protection, on pouvait voir un symbole que Roger avait déjà remarqué sur les autres modèles : un trapèze noir d’où partaient trois pointes de la même couleur et surmonté d’une ellipse tout aussi noire. Sous le symbole apparaissaient des inscriptions : « RAM FRACTAL, DÉPARTEMENT I, MARAUDEUR 08#2471 ». La machine déambulait dans la rue tout en scannant les environs.

Tout semblait calme.

— On va faire un arrêt rapide ici, dit Alkreg en désignant une petite bâtisse. C’est un magasin d’équipements divers.

Ils poussèrent une porte vitrée et entrèrent dans l’immeuble. Ils se retrouvèrent alors dans une petite pièce sans fenêtre de neuf mètres carrés, fortement éclairée. Une voix se fit bientôt entendre.

« Veuillez déposer vos armes dans le coffre matérialisé sur votre gauche. »

Un panneau mural coulissa et Alkreg déposa un petit pistolet à l’allure étrange ainsi qu’un couteau de survie. Le panneau se referma, et sur leur gauche, une porte à diaphragme s’ouvrit. Une fois le seuil franchi, ils se retrouvèrent dans un magasin d’armement et d’équipement. Alkreg se dirigea vers la réception et demanda à une jeune femme qui était derrière le comptoir :

— Bonjour jeune dame, avez-vous des microtraducteurs universels de marque « Auditrans » ou « Multidial »?
— Bonjour messieurs. Oui, bien sûr, mais juste des « Auditrans ». Vous préférez des sous-cutanés, des adhésifs ou des intra-auriculaires ?
— Des sous-cutanés, ce sera parfait. C’est pour mon ami ici, merci de lui implanter.
— Très bien, cela fera dix crédits, plus deux pour la pose.

Alkreg posa une petite carte sur un terminal de paiement. La marchande prit deux minicapsules d’à peine un centimètre de longueur et les plaça dans un pistolet à injection. Elle se dirigea vers Roger qui, par réflexe, recula d’un pas. Alkreg fit un petit signe pour le rassurer et la jeune femme lui sourit machinalement ; Roger se détendit. La marchande lui injecta une capsule sous chaque oreille et après une petite sensation de piqûre :

— Le tour est joué, dit-elle.

Ils quittèrent le magasin, Alkreg récupéra ses armes dans le vestibule et une fois dans la rue, il dit à Roger :

— C’est indispensable à notre époque, ces traducteurs miniaturisés vous permettront de comprendre la quasi-totalité des langues et dialectes parlés dans la Galaxie, soit environ quinze mille cinq cents formes de langage.
— Impressionnant, répondit Roger.

Après quelques minutes de marche, Alkreg prit Roger par le bras.

— Venez, il est temps de se restaurer ! Nous sommes dans une partie de la ville où nous devrions être au calme.

Ils pénétrèrent alors dans un bar. Un couple était attablé au fond de la salle principale et deux hommes discutaient sur leur gauche. Le tenancier était présent. Il somnolait derrière son comptoir et l’entrée des deux personnes le fit brusquement sursauter.

Ils s’assirent à une table et commandèrent une bière ainsi qu’une petite collation colorée. Roger était affamé ; il ne chercha pas à savoir ce qu’il y avait dans son assiette et il ingurgita ce qui semblait être un blanc de poulet et une mixture à la teinte bleutée. Il reprit alors la conversation qu’ils avaient laissée en suspens à l’entrée de la ville.

— Pourquoi ces robots sont-ils un mal ?

Alkreg reprit son récit :

— Lorsque les Stellians ont aidé les humains à reconstruire les bases d’une civilisation, les robots ont joué un rôle important et ils sont devenus de plus en plus nombreux.
— Et alors ?
— Et alors ? Un jour, ils se sont révoltés. Personne n’a jamais su pourquoi et je pense que personne ne le saura jamais. Ils se sont révoltés et voilà tout : c’était il y a cinq siècles, dans les années 2480. En quelques mois, ils ont pris le contrôle de la Fédération terrestre et ont chassé les Stellians.
— Et depuis ?
— Ils ont beaucoup œuvré, mais seulement pour leurs propres intérêts. Ils se sont lancés à la conquête des étoiles, ils ont colonisé de nouveaux mondes, ils sont entrés en contact avec d’autres ethnies galactiques et leur pouvoir est devenu immense. Ils contrôlent tout. Sur Terre, ils ont instauré une véritable dictature qui ne tolère quasiment aucune opposition, et enfin, chose que je ne puis supporter, ils sont responsables d’un génocide que subissent ceux de ma race depuis trop longtemps.

Roger se tut. Il n’osa pas poser de questions supplémentaires, car il sentait qu’Alkreg était torturé en lui-même. Ils restèrent ainsi, silencieux durant quelques minutes, jusqu’à ce que Roger finisse tout de même par briser le silence :

— Au fait, que faisiez-vous dans ces ruines où nous nous sommes rencontrés ?
— Un contact très discret de ma guilde m’avait demandé d’y venir pour chercher quelque chose… ou quelqu’un.
— Et bien, vous m’avez trouvé je dirais !
— Oui, en effet, et c’est bien ce qui me laisse perplexe !

À nouveau, ils marquèrent une pause. On n’entendait plus que l’activité à l’intérieur du bar et le brouhaha des autres conversations.

*

Ils étaient tous les deux perdus dans leurs pensées lorsque des coups de feu éclatèrent à l’extérieur, suivis de sifflements rapides. Une grosse explosion se fit bientôt entendre ainsi que des cris de gens affolés. Les tirs reprirent et semblèrent se rapprocher de l’établissement où se trouvaient les deux hommes.

Quatre individus pénétrèrent précipitamment à l’intérieur du bar. Ils portaient des vêtements renforcés, des combinaisons excentriques qui avaient du mal à masquer leur singulière musculature. Ils détenaient des armes imposantes entre les mains. Ils se postèrent très vite aux fenêtres du bar et commencèrent à tirer vers l’extérieur comme des fous furieux.

L’un d’eux, un grand gaillard de près de deux mètres aux cheveux châtains coupés très court et au regard bleu perçant, jubilait. Il s’écria :

— Ha ! Ha ! J’en ai buté un autre ! Qu’est-ce qu’ils sont cons ces robkeufs !
— Ouais ! répondit un autre aux yeux verts, de taille légèrement plus petite, à la barbe de quelques jours et aux cheveux bruns mi-longs, vêtu d’une flexi-armure rafistolée de toutes parts. Maintenant, on va avoir tous ceux de la ville au cul ! Je t’avais déjà prévenu Rebell, quand il y a un mec qui te cherche et qui te reconnaît pas dans la rue, c’est pas la peine de le tartiner putain !
— C’est vrai, ajouta un autre habillé d’une combinaison de combat noire et tirant avec un fusil qui avait plutôt l’apparence d’une mitrailleuse, Vladock a raison. Il fit une pose puis reprit :
— Hé ! Mad Sex ! Fais gaffe ! Il y a un cyberkeuf qui s’est planqué juste sous ta fenêtre ! Ça doit être un p’tit vicelard.
— Merci Destrex ! C’est bien, on va rigoler.

Le dénommé Mad Sex avait de longs cheveux blonds frisés et portait une armure de combat couverte de graffitis. Il sortit une petite sphère métallique de sa poche et la laissa retomber derrière le mur. Dehors, il y eut une explosion et le robot de la police, qui s’était caché au pied du mur, vola en éclats.

— Oh, ben merde ! cria Mad Sex par la fenêtre à l’attention des robots. Je suis vraiment désolé, mais j’ai pas fait exprès !

Puis, se retournant vers ses amis en rigolant, il ajouta :

— Faut dire qu’ils sont pas solides ces robots, la moindre chute et ils sont hors d’usage. Tout pourris les robkeufs !

Au bout de trente secondes, il n’y avait plus aucun bruit. La rue était vide de ses habitants et jonchée de carcasses de métal. Les derniers robots endommagés, mais encore opérationnels, s’étaient autodétruits dans un bruit effroyable.

Le quartier semblait désert, la majeure partie de la population s’était enfuie ou se terrait dans les habitations. Les quatre combattants se relevèrent et échangèrent quelques paroles. Pendant la fusillade, Alkreg et Roger s’étaient jetés au sol afin d’éviter de prendre une balle perdue ou un faisceau énergétique dévastateur. Quant au tenancier et les autres clients, ils avaient décampé par la porte de service.

Alkreg se releva et se dirigea vers les quatre hommes en leur disant :

— Je pense vous reconnaître, n’êtes-vous pas les célèbres Jérémy « Mad Sex » Phandor, Vladimir Sergeï Dassanov, Revell Marlow et John Devon Destrex ?
— Ouais ! C’est nous mon pote ! fit le dénommé Mad Sex tout en sortant d’une de ses poches un cigare qu’il se ficha entre les lèvres.
— Nous sommes de la même race, déclara Alkreg en s’adressant à Destrex qui avait une stature impressionnante. Il mesurait environ deux mètres dix et son crâne chauve était décoré d’une multitude de petits tatouages. La partie supérieure de sa combinaison renforcée, entièrement noire, avait quatre petits tuyaux flexibles qui étaient directement greffés dans son cou.
— En effet, répondit calmement ce dernier.
— J’ai besoin de vous, avoua Alkreg. Mon jeune ami que vous voyez ici est potentiellement en danger sur Terre, c’est un « Survivant du Passé ». Pourriez-vous nous la faire quitter ou, à défaut, nous déposer dans un lieu sûr de ma connaissance ?

Les quatre combattants observèrent Roger qui se sentit mal à l’aise d’être dévisagé ainsi. Puis ils se regardèrent visiblement très étonnés. Roger n’avait rien dit, car il avait jugé l’idée d’Alkreg comme la meilleure à suivre. Il venait du passé. Il pourrait être gênant pour les autorités s’il révélait l’histoire passée de la Terre, qui d’après ce que lui avait appris le vieil homme, n’était pas celle enseignée dans les écoles. Il était donc préférable soit de partir très loin, soit de rester caché.

— C’est bien beau, mais qui nous dit que vous n’êtes pas des espions à la solde de la dictature robot ? demanda Vladimir en ouvrant de grands yeux.

Ce dernier dévisagea Roger. Il avait une étrange sensation de déjà-vu à son égard.

— Pas de soucis Vladock, assura Destrex.
— On sait jamais, ce ne serait pas la première fois que le Département IV nous envoieses sbires.
— Tu peux leur faire confiance, ajouta Destrex d’un ton catégorique. De plus, l’un d’eux, comme tu l’as entendu, est de ma race.
— Ouais... Ben j’aime pas trop les mutants moi, grommela le combattant.
— Commence pas à râler Vladock, dit Mad Sex.
— Ouais ! Ben moi, fit Rebell, j’aime pas les flics robots, alors on se casse !

Ils quittèrent le bar, en alerte. Roger voulutprendre un des fusils laser qui avaient appartenu aux androïdes, mais Alkreg l’en dissuada. Toutes les armes des robots de la police étaient marquées, géolocalisées et verrouillées. Ils emboîtèrent donc le pas aux hors-la-loi. Ils tournèrent au coin d’une petite rue et arrivèrent en vue d’une enceinte plus importante. Il y avait là aussi deux gardes robots qui surveillaient une entrée.

— Derrière cette muraille, il y a le centre-ville, précisa Alkreg à l’adresse de Roger. Le paysage y est très différent, vous allez voir.
— Les robots doivent avoir notre signalement, dit Mad Sex. Regardez ! Ils sont en position de combat et il va falloir qu’on force le passage.

Rebell exhiba un de ses pistolets mitrailleurs Magnum de calibre 44 à balles explosives et sourit :

— C’est pas un problème, plutôt un jeu d’enfants.

Il sortit de derrière le mur et tira sans ménagement sur les robots qui se trouvaient à une quinzaine de mètres. Un des deux robots tomba comme une vulgaire passoire, mais l’autre eut le temps de réagir et de tirer sur Rebell. Ce dernier évita majestueusement le faisceau laser et se jeta à terre. Allongé, il arrosa le dernier robot qui s’écroula dans un bruit de ferraille. Roger observa la scène avec fascination tellement elle paraissait incroyable. Rebell se releva.

— La voie est libre ! cria-t-il aux autres.

Ils se mirent à courir et pénétrèrent dans le centre-ville. Comme l’avait dit Alkreg, cette partie de la cité était radicalement différente car il n’y avait pas de maison, seulement des bâtiments plus ou moins hauts, de huit étages en moyenne. Les fenêtres étaient équipées de persiennes en fer, et les entrées fermées par des diaphragmes métalliques. Pour pouvoir entrer dans un quelconque bâtiment privé, il fallait utiliser des systèmes de reconnaissance biométrique ou bien se servir d’une carte électromagnétique. Seuls les magasins et divers édifices administratifs étaient accessibles librement au public.

Ils entendirent soudain des bruits stridents de sirènes qui montaient vers eux, ce qui rappela de mauvais souvenirs à Roger et fit frissonner Alkreg.

— Vite ! cria Vladimir en tendant le bras et désignant une zone au loin. Mon vaisseau est posé sur le parcage minute, là-bas.

Il ne restait en effet plus qu’une centaine de mètres pour atteindre l’engin spatial. Au bout de la rue, derrière eux, cinq air-cars3 de la police apparurent.

La distance restante n’était maintenant plus que de soixante-dix mètres mais les air-cars se rapprochaient, et au détour d’une rue ils virent déboucher un robot maraudeur qui arma ses mitrailleuses lourdes. Roger sentit son sang se glacer.

Alors qu’il ne restait plus que trente-cinq mètres, les air-cars, qui étaient armés de mitrailleuses laser, commencèrent à ouvrir le feu et le maraudeur cracha une salve de projectiles.

Plus que quinze mètres, Roger et Mad Sex crièrent lorsqu’ils furent touchés par un rayon lumineux mais leurs blessures étaient sans gravité ; ils en garderaient une bonne cicatrice, car les faisceaux laser, en occasionnant une brûlure intense, cautérisaient directement les blessures.

Ils étaient maintenant sur le parking, tout près du spationef (si on pouvait lui donner ce nom, car contrairement aux autres vaisseaux posés sur l’aire de stationnement, celui-ci était rafistolé de tous côtés, tout comme l’armure de son propriétaire). Vladimir actionna à distance l’ouverture du sas extérieur.

Ils s’engouffrèrent un par un dans le navire spatial à une vitesse déconcertante alors que les air-cars continuaient de tirer. Les rafales ricochèrent sur la carlingue tandis que l’engin spatial commençait à trembler comme une feuille, prêt au décollage.

— Notre voyage intersidéral ne fait que commencer les enfants ! dit Vladimir qui était aux commandes. Accrochez-vous !
— Ouais ! Voyager dans une brouette, c’est le pied ! fit Mad Sex en grimaçant.
— Commence pas à râler ! lança Vladimir en faisant un clin d’œil à son camarade.
— Tout le monde a pris une assurance ? demanda Destrex. C’est bon alors, on peut quitter la planète.

Ils s’installèrent confortablement dans leurs sièges alors que Vladimir effectuait les dernières manœuvres de décollage.

— Bon, annonça-t-il. J’ai pas le temps de me placer en orbite haute pour opérer mon saut en hyperespace, alors tenez-vous bien aux sièges parce que je vais actionner mon « Warp » dans la haute atmosphère. En plus, cela devrait empêcher les chasseurs de la police de nous intercepter.

Ses camarades se regardèrent, inquiets.

— Aïe ! fit Rebell, tu crois que ta poubelle va tenir le choc ?

Vladimir les regarda en fronçant les sourcils.

— Mais arrêtez bande de gros nazes ! Bien sûr que ça va tenir ! Bon, ok, la dernière fois, j’ai perdu une partie de la coque de la soute inférieure avec les chiottes par la même occase, mais on va arriver entier, vous verrez !

Destrex tapa les coordonnées de destination sur le pupitre tactile de l’ordinateur de contrôle et Vladimir actionna le système.

— Attention ! dit-il fébrilement. Dans trente secondes, le grand saut.
— Le radar indique que douze chasseurs de type « Myriade » se rapprochent de nous à grande vitesse, précisa Destrex.
— Temps avant contact ?
— Vingt secondes.
— C’est bon, on va les griller !

Les chasseurs apparurent au loin. On pouvait les voir aisément à l’œil nu. Ils tirèrent à vue, mais c’était déjà trop tard. Unebrèche dimensionnelle avait été ouverte par le Warp et le vaisseau spatial disparut dans l’hyperespace. Les chasseurs tirèrent dans le vide.

Les six hommes étaient sauvés. Leur prochaine destination ? Une des innombrables planètes connues ou inconnues de la galaxie, une station minière sur un astéroïde perdu dans l’espace intersidéral ou bien encore une gigantesque station orbitale casino. En tout cas, un endroit où l’aventure sera prête à leur tendre les bras. Les robots de la police et le Ram Fractal sauront bien les retrouver un jour, mais jusque-là, ils peuventprendre du bon temps.

PLANS SIMPLES

Type

Taille

Longueur

Largeur

Hauteur

Equipage

Cargo

Moyenne

72 m

32 m

22 (24) m

12

Industries Astra-Vortex

Version modifiée reconnue viable le 04/03/2980

Organisme de Certification des Spationefs

Vitesse 3D

Vitesse 4D

Capacité

50 E (0,6 c )

Warp (30 sec.)

4000 m3

1Aller-retour

Le Warp et le Warp+ sont deux systèmes de navigation hyperspatiale et hypraspatiale parmi les plus répandus (et les plus économiques) chez un bon nombre de civilisations technologiquement avancées de la Galaxie. Leur utilisation est soumise à une règlementation stricte en matière sécuritaire. […] Il convient donc de ne jamais actionner ces générateurs de brèches dimensionnelles près d’une importante masse gravitationnelle telle une planète, une étoile ou une anomalie de Xiu-Nat. […] Pour une planète tellurique de type terrestre, une telle manœuvre se faisant à moins de cinq fois le rayon de l’astre aurait de graves conséquences. À moins d’un rayon, elle serait fatale.

Traité de navigation spatiale – 3ème édition, 2949.

Par le professeur Doubibou Xanth.

Il y eut un éclair rapide, puis, pendant un court instant, plus rien. À travers la baie vitrée du poste de pilotage, tout était noir ; les passagers ne voyaient que quelques petites scintillations épisodiques. Soudain, une alarme se déclencha. Sur les écrans de contrôle, des courbes géométriques apparurent et se mirent à tournoyer. Des informations défilèrent à un rythme effréné, et enfin la voix de l’ordinateur central tonna brusquement.

« Attention ! Rupture du circuit d’alimentation du module thermopropulseur trivalvaire. Interruption de la procédure hyperspatiale. Réintégration imminente de l’espace local euclidien classique. »

— Et merde ! maugréa Vladimir en faisant la moue.
— Pff ! Je le savais, ajouta Destrex.

Rebell eut un petit sourire en coin, Mad Sex se prit la tête entre les mains tandis que Roger et Alkreg se regardaient, perplexes. À nouveau, il y eut un flash, et les ténèbres furent remplacées par un magnifique ciel bleu parsemé de cirrus.

Vladimir agrippa les commandes.

— Accrochez-vous bien ! dit-il. Ça risque de secouer sévèrement.

La sortie inopinée de l’hyperespace avait placé le vaisseau sur une trajectoire inappropriée et Vladimir allait devoir redresser la course du cargo spatial. Des à-coups faisaient trembler la carcasse de l’astronef et une deuxième alarme retentit alors. La voix de l’ordinateur résonna :

« Parabolienne gyrotélémétrique de stabilisation en surchauffe critique. Intervention urgente impérative ! »

— Merde, merde !! renchérit Vladimir en grimaçant. Tiens Mad Sex, prends les commandes ! De toute façon t’es meilleur pilote que moi. Je file à la salle des machines, Destrex ! Viens vite s’te plaît ! J’ai besoin de toi.
— Pff ! Merci du cadeau ma poule ! répondit Mad Sex d’un air bougon.
— Je viens avec vous, dit Alkreg, je pourrai certainement vous aider.

Mad Sex prit les doubles manettes du poste de pilotage et actionna plusieurs commandes. Tenant fermement le manche à balai, il accentua la poussée en tirant sur un levier situé sur sa gauche et essaya de redresser le vaisseau. Ce dernier vibrait et semblait difficile à contrôler. Roger s’accrocha à son fauteuil, et Rebell, qui avait remarqué son angoisse, tenta de le rassurer.

— Ils savent ce qu’ils font. Pas de panique.
— Peut-être, mais cela ne me rassure pas ! lança Roger. Je crois que je vais me pisser dessus.

Pendant ce temps, Vladock, Destrex et Alkreg tentaient maladroitement d’avancer dans la coursive principale pour accéder à la salle des machines. Une fois arrivé, Vladimir se précipita vers une colonne tapissée de voyants lumineux et ouvrit une trappe latérale d’où s’échappait une épaisse fumée grisâtre. Une odeur de caoutchouc cramé flottait dans l’air.

— Destrex, s’te plaît, tu vois là-bas dans le coin ? Y a l’armoire des pièces de rechange, j’espère qu’il reste une parabolienne !
— Je te dis ça. Deux secondes.

Il y eut un fort soubresaut, et soudain, dans le haut-parleur de l'intercom, on entendit la voix stressée de Mad Sex.

— J’ai réussi à redresser un peu, mais magnez-vous le cul de faire quelque chose parce que sans stabilisation, ça va chier !

Destrex sortit la pièce de rechange.

— Il en reste une.
— File vite ! cria Vladimir.
— Y a un souci.
— Quoi ?
— Ben... elle est pétée.
— Merde, merde et merde !!!

Alkreg intervint alors, prit la parabolienne usagée et après l’avoir rapidement examinée en la tournant dans ses mains, s’élança auprès de Vladimir. Il lui demanda de couper l’alimentation du circuit et remplaça la pièce en la maintenant fortement dans ses mains qui commençaient à luire. Destrex et Vladimir virent alors une lumière rouge enrober la parabolienne, et au bout de quelques secondes Alkreg demanda à Vladimir de rebrancher le circuit d’alimentation.

— Ça ne tiendra pas forcément longtemps, précisa Alkreg. Mais je pense que pour quelques heures ça devrait faire l’affaire.
— Parfait ! jubila Vladimir. C’est déjà ça !
— Mad Sex, c’est bon, dit Destrex par l’intercom.

Puis, se tournant vers Vladimir, il ajouta :

— Alors, t’aimes toujours pas les mutants ?
— Mouais... ça ira pour cette fois.

Mad Sex put reprendre en main le contrôle du vaisseau. Alors que ses compagnons le rejoignaient dans le poste de pilotage, il commençait déjà à entamer une manœuvre pour se poser.

— On est presque revenus au point de départ, nous sommes à vingt kilomètres à l’ouest de Lextown. On se pose où ? Faut juste espérer que dans la confusion, les flics ne nous aient pas repérés.

Vladimir le regarda :

— Le mieux serait que tu voles à très basse altitude et que tu branches le champ de force de camouflage ainsi que le transpondeur de substitution. On va trouver un coin pour se poser et planquer le vaisseau en attendant de trouver les pièces pour réparer le Warp.