Éloge du sein des femmes - Mercier de Compiègne - E-Book

Éloge du sein des femmes E-Book

Mercier de Compiègne

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Beschreibung

Une compilation unique de textes variés en hommage à l'une des parties les plus érotiques du corps féminin.

POUR UN PUBLIC AVERTI. L' Éloge du sein des femmes, paru en 1800, est une refonte allégée et enrichie faisant suite aux éditions précédentes : Les Tétons (1720, Amsterdam) et Éloge des tétons (1746, Francfort). Il s'agit d'une anthologie sur le sein, en prose ou en vers.

Une anthologie pleine de sensualité qui met le corps de la femme à l'honneur.

EXTRAIT

J’avais d’abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m’en avaient fourni l’idée :

DE LA BRUNE.
Pourtant si je suis brunette,
Amy, n’en prenez esmoy :
Autant suis ferme et jeunette,
Qu’une plus blanche que moy
Le blanc effacer je voy.

Couleur noire est toujours une,
J’ayme mieux donc estre brune
Avecques ma fermeté,
Que blanche comme la lune
Tenant de légèreté.
[...]

À PROPOS DE L'AUTEUR

Claude-Francois-Xavier Mercier, dit Mercier de Compiègne (ville dans laquelle il naquit), fut assurément meilleur compilateur qu'auteur. Se trouvant sans ressources, à la Révolution, il tenta de gagner sa vie en produisant, massivement et à la hâte, une ribambelle d'ouvrages libertins. Pour les vendre, il ouvrit sa propre librairie. Hélas, aucun de ses textes ne resta dans l'Histoire et il mourut jeune (37 ans) et sans le sou.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

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AVANT-PROPOS

Ce fut en 1720 que parut à Amsterdam un volume intitulé les Tétons ; il formait la troisième partie d’une série où figuraient déjà les Yeux et le Nez ; le frontispice ajoutait qu’il y avait là des « ouvrages curieux, galants et badins, composés pour le divertissement d’une certaine dame de qualité, par J. P. N. du C. » Une annonce faite par un libraire hollandais, en 1721, informe le public que l’auteur se proposait de passer successivement en revue « toutes les parties du corps humain » ; projet scabreux qu’il n’eut pas le temps d’effectuer ou dont les difficultés l’arrêtèrent. Diverses indications permettaient d’ailleurs d’attribuer la rédaction de ce triple recueil à Étienne Roger, libraire actif, établi à Amsterdam, et qui mettait volontiers la main aux livres qu’il offrait au public. Toutefois les bibliographes les plus accrédités mettent l’œuvre sur le compte de Jean-Pierre-Nicolas Ducommun, dit Véron, dont les initiales cadrent fort bien avec l’énoncé du titre, et qui est l’auteur de diverses pièces de vers (fort médiocres) insérées dans la troisième partie du recueil en question.

Un quart de siècle s’écoula, et le volume mis au jour à Amsterdam reparut avec le titre suivant : Éloge des tétons, ouvrage curieux, galant et badin, en vers et en prose, publié par ***, Francfort, 1746, in-8. En 1775, cet Eloge fut derechef réimprimé sous la rubrique de Cologne, à l’enclume de vérité, 1775 ; on y joignit diverses pièces amusantes et la Rinomachie ou Combat des nez.

Vers la fin du siècle dernier, vivait à Paris un littérateur médiocre, mais actif, Claude-Francois-Xavier Mercier, surnommé de Compiègne, afin de le distinguer de divers autres Mercier ; il était né dans cette ville en 1763. Se trouvant sans ressources pendant les orages de la Révolution, il demanda à sa plume des moyens d’existence ; il se fit le vendeur de ses écrits, et il les multiplia rapidement. Il rédigeait, il compilait, il traduisait, il composait en prose et en vers une multitude d’in-18 qui se succédaient avec promptitude et qui portaient souvent l’empreinte de la rapidité avec laquelle ils étaient élaborés. Mercier d’ailleurs, il faut le reconnaître, manquait de goût, et son instruction était fort superficielle. Il a laissé divers écrits dont il est inutile de rappeler les titres, mais qui excitent, à bon droit, les craintes du chaste lecteur ; il aimait à traiter des sujets bizarres ; il mit en français, en y joignant des additions assez considérables, une facétie de l’Allemand Rodolphe Goclemin, et il les publia sous le titre d’Eloge du pet, dissertation historique, anatomique et philosophique sur son origine, son antiquité, ses vertus, sa figure, les honneurs qu’on lui a rendus chez les peuples anciens et les facéties auxquelles il a donné lieu (1799, in-18). Longtemps oubliés, les petits volumes sortis de l’officine de Mercier trouvent aujourd’hui des amateurs très-disposés à les recueillir ; dans le nombre figure l’Eloge du sein des femmes, publié à Paris en 1800 ; c’est un riffacimiento du volume dont nous avons mentionné trois éditions antérieures. Mais selon son usage, Mercier ne s’est point borné à une simple reproduction ; il a supprimé des longueurs, il a ajouté des détails nouveaux, il a inséré des pièces de vers parmi lesquelles il en est d’assez agréables ; il a remanié la division du texte original, qui se trouve offrir trois chapitres nouveaux ; il a joint à tout ceci une gravure due à un burin peu exercé qui a reproduit gauchement un dessin lourd et maussade.

Il eût été facile de trouver sans doute un artiste mieux inspiré.

Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état ; nous avons pensé que quelques amateurs feraient bon accueil à une quatrième édition de cet Eloge ; ils ne regretteront pas sans doute d’y trouver une sorte d’anthologie de ce que divers poëtes ont dit à propos du sein ; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu tout reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous avons dû nous prescrire ; mais nous espérons que nos recherches, dans des volumes assez peu connus parfois, nous auront amenés à mettre la main sur des morceaux gracieux qu’on lira avec plaisir.

1 Des tétons, de leur pouvoir et de leurs charmes

J’avais d’abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m’en avaient fourni l’idée :

DE LA BRUNE.

Pourtant si je suis brunette,Amy, n’en prenez esmoy :Autant suis ferme et jeunette,Qu’une plus blanche que moyLe blanc effacer je voy.

Couleur noire est toujours une,J’ayme mieux donc estre bruneAvecques ma fermeté,Que blanche comme la luneTenant de légèreté.

POUR LA BLANCHE.

Pourtant si le blanc s’efface,Il n’est pas à despriser :Comme luy le noir se passe,Il a beau temporiser.

Je ne veux point mespriser,Ne mesdire en ma revanche :Mais l’ayme mieux estre blancheVingt ou trente ans ensuivantEn beauté nayve et franche,Que noire tout mon vivant.

Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu’il y a tant d’autres beautés plus solides chez les femmes ! Ce serait mal employer son temps, et abuser de la bonté de mes lectrices. Ce n’est donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni de vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de votre charmant ensemble, que je veux vous entretenir aujourd’hui. N’appréhendez pas que je puisse vous faire rougir. Je suis de l’avis de Marot, lorsqu’il dit :

Arrière ! mots qui sonnent salement,Parlons aussi des membres seulementQue l’on peut voir, sans honte, descouverts ;Et des honteux ne souillons point nos vers.Car, quel besoin est de mettre en lumièreCe qu’est nature à cacher coustumière ?…

Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l’incertitude, c’est l’éloge des tétons que je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, il a exercé les génies les plus élevés. Le cavalier Marin appelle les tétons des belles, deux tours vivantes d’albâtre, d’où l’amour blesse les amants : il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté vient faire agréablement naufrage : il les appelle deux mondes de beautés, éclairés par deux beaux soleils, c’est-à-dire les yeux. Un poète français, qui n’est guères moins ingénieux que le cavalier Marin, moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute :

Heureux qui peut monter sans bruitSur l’arbre qui porte ce fruit !

Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui veulent peindre une beauté parfaite, emploient l’or, l’ivoire, l’azur, le corail, les roses et les lis : il n’a pas plus raison de les tourner en ridicule, parce qu’ils clouent les étoiles dans les yeux des belles, et qu’ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein : en effet, ces expressions pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le sein des femmes a des charmes encore au-dessus de ceux de leurs yeux. C’est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une belle gorge :

Dans l’entretien délicieuxDe la charmante Iris dont je suis idolâtre,Va, pose, Amour, sur ses beaux yeux,Le voile qu’elle a mis sur sa gorge d’albâtre.Quand le printems a banni la froidure,On ne voit point de si beaux lisAux jardins les plus embellisPar les soins curieux qu’apporte la nature.

Depuis que de mon cœur je fis l’heureuse perte,J’ai visité bien des climats,En dépit des chaleurs, en dépit des frimats :Et si je n’ai point fait de telle découverte.

Pour voir un objet sans pareil,Il ne faut point courir sur tant de mers profondes,Ni voir l’un et l’autre soleil,Il faut voir ces deux petits mondes.

Pour rendre de mon sort tout l’univers jaloux,Il suffit qu’à mes yeux leur blancheur on étale ;L’Aurore n’offrit rien à l’amoureux Céphale,De si charmant et de si doux.

Ah ! si, sans leur déplaire, on osait les toucher,Et si deux belles mains n’y mettaient point d’obstacle,Serait-ce point, par un miracle,Amollir un cœur de rocher ?

Dans l’entretien délicieuxDe la divine Iris, dont je suis idolâtre :Amour, en ma faveur, viens mettre sur ses yeuxLe voile qu’elle a mis sur sa gorge d’albâtre.

Une belle gorge avait tant d’empire sur le cœur de Boursault, que pour en voir une, à travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la folie. C’est ce que prouvera ce beau fragment d’une lettre qu’il écrivait à son ami Charpentier :

« Je vous ai fait promettre qu’après dîner nous irions ensemble chez la belle brune, avec qui nous jouâmes hier au logis de Mme Deshoulières : je vous dispense de me tenir parole, à moins que vous ne me donniez caution bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce n’est pas que je doive rien appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d’une blonde qui m’a fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j’ai fait serment de ne tomber de ma vie en de pareilles fautes ; mais dans les tems de ma première servitude, il m’est échappé tant de sermens, j’en ai tenu si peu, que je n’ose plus me mettre au hasard de jurer de rien. Je trouvai hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, est, je crois, si belle, que si vous n’eussiez arraché ma vue de dessus ses charmes, quand vous me fîtes souvenir qu’il était tems de nous en aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois que je commençai d’aimer. Mon cœur, que j’ai fait le gardien de ma franchise, m’a joué tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite que vous avez dessein de rendre, je gage que j’en reviens aussi chargé d’amour, que si on le donnait pro Deo. »

Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d’une belle, marque bien expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur une âme masculine.

« En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu cours risque de ne pas me trouver constant à ton retour. On me mena hier au bal, où je trouvai une jeune personne qui n’a pas moins de belles qualités que toi. Elle a les cheveux d’un blond cendré, tout-à-fait beau, mais qui n’approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a le front grand et élevé, mais le tien l’est encore davantage. Ses sourcils qui ne paraissent presque point, parce qu’ils sont blonds, se montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur symétrie est la plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens sont bleus, sont si bien fendus, qu’ils ne jettent jamais un regard, sans faire une conquête. Ils ont autant de vivacité que les tiens ont de douceur, et ils semblent faits pour prendre de l’amour, comme les tiens pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et d’incarnat si éclatante, qu’il semble qu’elle tienne des mains de l’art un présent qui ne vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après elle, que, sans toi, qui es son chef-d’œuvre, elle serait le plus beau de tous ses ouvrages. Son nez, qui n’est ni trop grand ni trop petit, est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance avec le tien : sa bouche, qui n’est pas si petite que la tienne, est plus petite qu’aucune autre que j’aie jamais vue. Elle a les lèvres si fraîches et si vermeilles, que, depuis ton absence, je n’ai rien envisagé de plus charmant. Ses dents sont si blanches et si bien rangées, que je lui faisais cent contes risibles, pour avoir le plaisir de les voir souvent. Le trou qu’elle a au menton me fait souvenir qu’elle en a encore aux joues, ce qui donne une merveilleuse grâce au reste de son visage. Pour sa gorge, on peut dire :

Que c’est là que l’Amour, pour lancer tous ses traits,Entre deux monts d’albâtre est campé tout exprès. »

« Je te jure, Babet, que je n’ai jamais rien vu de si aimable ; si mon galérien de cœur, qui n’échappe jamais d’une chaîne que pour tomber dans une autre, ne se contentait de la gloire de tes fers :

Ma constance ébranlée allait faire naufrage. »

N’est-ce pas la jolie gorge de Dorimène qui fait ainsi délirer Sganarelle, lorsqu’il dit :

« Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux futur ? Eh bien ! ma belle, c’est maintenant que nous allons être heureux l’un et l’autre ! vous ne serez plus en droit de me rien refuser ; je pourrai faire avec vous tout ce qui me plaira, sans que personne s’en scandalise. Vous allez être à moi, depuis la tête jusqu’aux pieds, et je serai le maître de tout ! de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de votre petit menton, de vos petits tétons rondelets, de votre, etc. Enfin toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. N’êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne ? »

On croira peut-être que ce discours de Sganarelle est une gradation, et que ce qu’il laisse en blanc, est le plus fort objet de sa passion ; je le veux bien, mais en ce cas, il a le goût un peu trop terrestre et grossier. Tel est celui de l’auteur des vers suivants, à sa maîtresse, sur un mal de gorge :

« Il est bien peu galant de vous prendre à la gorge,Ce mal qui dedans vous regorge ;C’est être à vous saisir un des plus maladroits ;Si j’avois, comme lui, sur vous droit de m’étendre,Et, comme lui, le choix de ce qu’on peut vous prendre,Je vous saisirois bien par des meilleurs endroits. »

Que dira-t-on de la pensée d’un autre auteur qui dit : l’amour ressemble à un jeu de paume ; quand une fille se laisse baiser la main, cela vaut quinze ; si elle souffre que l’on prenne un baiser sur ses lèvres, cela vaut trente ; si elle permet que ce soit sur la gorge, cela vaut quarante-cinq : il ne faut plus qu’un coup, et le jeu est gagné.

Je raconterai l’histoire suivante, parce qu’elle est vraie :

« On a souvent parlé de la force du sang, mais on n’a pas aussi souvent parlé de la gorge ; quoi-qu’avec beaucoup de raison, on appelle aujourd’hui les tétons, le boute-en-train. Le fait suivant prouve admirablement leur vertu, qu’on peut nommer de résurrection, et de résurrection de la chair. Dans la plupart des églises papistes où la superstition était dominante, il se faisait des cérémonies tout à fait extravagantes. La ville de… était un des plus fameux théâtres de ces représentations de mystères ridiculement fanatiques. C’était une coutume établie de temps immémorial, de représenter chaque année, dans la semaine sainte, les mystères de la passion. Pour aller au solide, sans s’amuser à la bagatelle, on ne manquait pas, le jour du vendredi saint, d’offrir aux dévots spectateurs une scène burlesque du crucifiement du Sauveur du monde. On choisissait pour cela un jeune homme de la ville, auquel on faisait porter une croix fort pesante, à laquelle on l’attachait avec des cordes au lieu de clous, et dans une nudité presque complète. Je dis presque, parce que l’impudeur n’était pas encore parvenue au point de dévoiler certaines parties qui doivent être cachées. On les voila donc chez notre jeune homme avec une ceinture de papier. Il faut remarquer que le jouvenceau était le corps du monde le mieux formé, le plus vigoureux en apparence, et de la plus belle carrure d’épaules. Et que la même coutume faisait choisir entre les plus belles filles de la ville, trois tendrons qu’on aurait pris pour des Vénus, pour représenter les trois Maries pleurantes au pied de la croix. On n’avait pas seulement égard aux traits réguliers du visage, ni à la finesse de la taille, on voulait qu’elles fussent encore richement pourvues du grand mobile de la tendresse, je veux dire fournies de tétons à l’Anglaise, que l’on laissait en pleine liberté d’émouvoir la copie du Christ. Or, l’année où se passa le fait que je raconte, le choix fut si bon (les prêtres se connaissent en attraits) que l’on mit sous la croix, dans le beau désordre de la douleur, les trois filles les plus ravissantes. On eût pris chacune d’elle pour Vénus, ou toutes trois pour les Grâces. Elles ne furent pas plutôt sous les yeux du crucifié, qu’elles firent miracle, je veux dire que, malgré la situation où il était, et la majesté de son personnage, les trois Maries produisirent l’effet le plus étonnant que puisse peindre la chronique scandaleuse. Notre Hercule galant, posté à l’avantage, avait en perspective une demi-douzaine de tétons capables, par leur systole et leur diastole, de subjuguer la vertu du plus froid anachorète, ce qui occasionna un incident très-comique et très-profane, car le crucifié, au lieu de prononcer du haut de sa croix des paroles dignes de celui qu’il représentait, prononça des turpitudes dignes de l’abolition éternelle d’une cérémonie aussi indécente, et telles en un mot qu’on peut les deviner. Enfin, n’y pouvant plus tenir, il ne put s’empêcher de crier : « Otez donc de devant mes yeux les trois Maries, ou le papier va crever. » Le scandale que fit naître une telle action, et des paroles qui compromettaient à ce point la religion, firent rentrer l’archevêque en lui-même, et lui firent comprendre qu’elles l’exposaient à la risée publique. Il supprima donc un usage, ou plutôt un abus qui tendait directement au mépris du culte, de manière qu’il n’en fut plus parlé depuis. »

Un peintre peut venir à bout de représenter aux yeux toutes les grâces d’un beau visage. Il échoue ordinairement, quand il essaye de peindre une belle gorge. La Motte en pourrait être une preuve dans le portrait suivant :

Toi, par qui ta toile s’anime.Peintre savant, prends ton pinceau :Et qu’à mes yeux ton art exprimeTout ce qu’ils ont vu de plus beau.

Ne m’entends-tu pas ? peins Silvie :Mais choisis l’instant fortunéOù, pour le reste de ma vie,Mon cœur lui fut abandonné.

Au bal, en habit d’Espagnole,Elle ôtoit un masque jaloux,Plus promptement qu’un trait ne vole,Je fus percé de mille coups.

Peins ses yeux doux et pleins de flamme,D’où l’Amour me lança ses traits ;D’où ce Dieu s’asservit mon âme,En un instant et pour jamais.

Peins son front plus blanc que l’ivoire.Siège de l’aimable candeur ;Ce front, dont Vénus feroit gloire.S’il y brilloit moins de pudeur.

Poursuis, peins l’une et l’autre joue,La honte des roses, des lis ;Et sa bouche où l’Amour se joue,Avec un éternel souris.

Peins sa gorge… Mais non : arrête…Ici, ton art est surmonté ;Ah ! quelques couleurs qu’il apprête,Tu n’en peux rendre la beauté.

Laisse cet inutile ouvrage ;Ah ! de l’objet de mon ardeurIl n’est qu’une fidelle image :Que l’Amour grava dans mon cœur.

La pièce suivante prouve que la gorge des mortelles est digne de plus d’amour et d’admiration que celle des déesses même, et que ces dernières en conviennent, ce qui est plus extraordinaire encore :

Au temps de l’aimable saison,Iris rêvant dans la prairie,S’endormit sur un mol gazonTapissé d’une herbe fleurie.Zéphire, charmé de son teint,Qui d’un vif incarnat se peint,Vint d’abord faire le folâtre,Autour de sa gorge d’albâtre.Jalouse d’un transport si doux,Flore gronda son infidelle,Et lui dit, pleine de courroux :Me préférer une mortelle !Zéphire qui se sentoit fort,Reparti : Voyez cette belle !Flore jeta les yeux sur elle,Et convint qu’il n’avait pas tort.