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La petite Madeleine Bastye eût été la plus exquise des jeunes femmes de son siècle, sans la fâcheuse tendance qu'elle avait à tromper ses amants avec d'autres hommes, pour un oui, pour un non, parfois même pour ni oui ni non. Au moment où commence ce récit, son amant était un excellent garçon nommé Jean Passe (de la maison Jean Passe et Desmeilleurs).
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Seitenzahl: 131
Veröffentlichungsjahr: 2018
Édition de référence :
Paris, Librairie Paul Ollendorff.
La petite Madeleine Bastye eût été la plus exquise des jeunes femmes de son siècle, sans la fâcheuse tendance qu’elle avait à tromper ses amants avec d’autres hommes, pour un oui, pour un non, parfois même pour ni oui ni non.
Au moment où commence ce récit, son amant était un excellent garçon nommé Jean Passe (de la maison Jean Passe et Desmeilleurs).
Un brave cœur que ce Jean Passe et, disons-le tout de suite, l’honneur du commerce parisien.
Et puis, il aimait tant sa petite Madeleine.
La première fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :
– Pourquoi m’as-tu trompé avec cet homme ?
– Parce qu’il est beau ! répondit Madeleine.
– Bon ! grommela Jean.
Toute puissance de l’amour ! Irrésistibilité du vouloir ! Quand Jean rentra, le soir, il était transfiguré et si beau que l’archange saint Michel eût semblé, près de lui, un vilain pou.
La deuxième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :
– Pourquoi m’as-tu trompé avec cet homme ?
– Parce qu’il est riche ! répondit Madeleine.
– Bon ! grommela Jean.
Et dans la journée, Jean inventa un procédé permettant, avec une main-d’œuvre insignifiante, de transformer le crottin de cheval en peluche mauve.
Les Américains se disputèrent son brevet à coups de dollars, et même d’eagles (l’eagle est une pièce d’or américaine qui vaut 20 dollars. À l’heure qu’il est, l’eagle représente exactement 104 fr. 30 de notre monnaie).
La troisième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :
– Pourquoi m’as-tu trompé avec cet homme ?
– Parce qu’il est rigolo ! répondit Madeleine.
– Bon ! grommela Jean.
Et il se dirigea vers la librairie Ollendroff, où il acheta L’illustre Saint-Gratien, l’exquis volume de notre sympathique confrère Adrien Vély.
Il lut, relut ce livre véritablement unique, et s’en imprégna tant et si bien que Madeleine faillit trépasser de rire dans la nuit.
La quatrième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :
– Pourquoi m’as-tu trompé avec cet homme ?
– Ah !... voilà ! répondit Madeleine.
Et de drôles de lueurs s’allumaient dans les petits yeux de Madeleine. Jean comprit et grommela : Bon !
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Je regrette vivement que cette histoire ne soit pas pornographique, car j’ai comme une idée que le lecteur ne s’ennuierait pas au récit de ce que fit Jean.
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La cinquième fois que Madeleine trompa Jean...
Ah ! zut !
La onze cent quatorzième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :
– Pourquoi m’as-tu trompé avec cet homme ?
– Parce que c’est un assassin ! répondit Madeleine.
– Bon ! grommela Jean.
Et Jean tua Madeleine.
Ce fut à peu près vers cette époque que Madeleine perdit l’habitude de tromper Jean.
C’était un homme de ma compagnie qui s’appelait Lapouille, mais que nous avions baptisé l’Homme, à cause d’une histoire à lui arrivée récemment.
En manière de parenthèse, voici cette histoire :
Puni de consigne – comme il lui advenait plus souvent qu’à son tour – l’excellent Lapouille avait, tout de même, jugé bon de faire en ville un petit tour hygiénique, lequel se prolongea jusque vers les onze heures du soir.
Aussi, dès son retour à la caserne, fut-il invité par monsieur l’adjudant à terminer à la salle de police une nuit si bien commencée.
Lapouille, sans murmurer, revêtit la tenue d’usage, empoigna sa paillasse et se dirigea, d’un pas philosophe, vers les salles de discipline.
– Comment, encore un ! s’écria le sergent de garde. Mais, c’est complet, ici !
– Bon, fit tranquillement Lapouille, n’en parlons plus. Je vais aller coucher à l’hôtel.
– La salle de police des hommes est pleine... On va vous mettre dans la salle des sous-officiers. Justement il n’y a personne.
Mais Lapouille n’entendait pas de cette oreille. Il protesta froidement :
– Pardon, sergent, je suis un homme, et j’entends subir ma peine dans la salle de police des hommes.
– Puisque je vous dis que c’est plein, espèce d’andouille !
– Je m’en f... sergent, je suis un homme, je ne connais que ça !
– Mais bougre d’imbécile, vous serez bien mieux dans la salle des sous-offs.
– Il ne s’agit pas de bien-être, là-dedans ! C’est une question de principe. Suis-je un homme ? Oui. Eh bien, on doit me mettre dans la salle des hommes. Quand je serai sergent, vous me mettrez dans la salle des sous-officiers, et je ne dirai rien. Mais d’ici là... je suis un homme.
Arrivé, sur ces entrefaites, et impatienté de ce colloque, l’adjudant ne parlait de rien moins que de saisir Lapouille par les épaules, et de le pousser dans la boîte avec un coup de pied quelque part. Lapouille prit alors un air grave.
– Monsieur l’adjudant, je suis dans mon droit. Si vous me violentez, j’écrirai à la République française.
Pourquoi la République française de préférence à tout autre organe ? On n’en a jamais rien su. Mais, c’était le suprême argument de Lapouille ; pour peu qu’un caporal le commandât un peu brusquement de corvée de quartier, Lapouille parlait, tout de suite, d’écrire à la République française.
Devant cette menace, l’adjudant perdit contenance. Diable ! la République française...
Et Lapouille continuait, infatigable :
– Je suis un homme, moi. Je ne connais que ça ! Je suis un homme ! Je veux la salle de police des hommes !
Finalement, on l’envoya coucher dans son lit.
Le nom lui en resta : on ne disait plus Lapouille, on disait l’Homme ; l’Homme par ci, l’Homme par là.
Ce trait indique assez le caractère de mon ami Lapouille, le type du soldat qui arrive à toutes ses fins, celui qu’on désigne si bien dans l’armée : celui qui ne veut rien savoir.
Non, Lapouille ne voulait rien savoir, ni pour les exercices, ni pour les corvées, ni pour la discipline.
– Mais vous n’en f... pas un coup ! lui disait un jour le capitaine.
– Non, mon capitaine, répondait poliment Lapouille, pas un coup.
Et il développait, pour sa flemme et sa tranquillité, des trésors de force d’inertie, des airs d’idiot incurable, de géniales roublardises, et puis surtout une telle quiétude, un tel insouci des châtiments militaires, une si folle inconscience (apparente, du moins), qu’on n’osait le punir, et souvent il ramassait deux jours de consigne pour des faits qui auraient envoyé n’importe lequel de ses camarades à Biribi.
Le damoclésisme de la fameuse République française lui rendait les plus vifs services auprès des caporaux et sergents, braves bougres pour qui la crainte de la presse est le commencement de la sagesse.
Dans les environs de Noël, Lapouille fit comme les autres et sollicita une permission de huit jours pour aller à Paris, se retremper un peu dans le sein de sa famille.
Lapouille ne vit pas son désir exaucé, sa conduite précédente ne le désignant nullement pour une telle faveur.
Notre ami ne manifesta aucun désespoir, n’éleva aucune réclamation, mais je puis vous assurer que le jour de Noël, quand, à l’appel du soir, le caporal de chambrée nomma Lapouille, personne ne répondit, par cette excellente raison que Lapouille se trouvait à Paris, en train de sabler le vin chaud avec quelques-uns de ses amis.
La petite fête dura six jours.
Le jeune Lapouille semblait s’occuper de son régiment comme de ses premières galoches. Il avait retrouvé une petite bonne amie, de joyeux camarades, carotté quelque argent à sa famille. Le temps se tuait gaiement.
Le soir du sixième jour, comme il dînait en joyeuse compagnie, un copain, qui avait servi, lui dit tranquillement, au dessert :
– Tu n’as pas l’air de t’en douter, mon bonhomme, mais c’est ce soir que tu vas être porté déserteur !
Malgré son mépris des règlements militaires, Lapouille éprouva un petit tressaillement désagréable... Déserteur.
Il eut une rapide et désenchanteresse vision de Bat d’Af, de silos, de cailloux cassés sur une route peu ombragée.
En un mot, Lapouille ne rigolait plus.
Il acheva de dîner, passa la soirée avec ses amis et se retira discrètement vers onze heures.
Vingt minutes après, il était place Vendôme et abordait le factionnaire du gouvernement de Paris.
– Bonsoir, mon vieux. Sale temps, hein !
Le factionnaire, un garçon sérieux, ne répondit point. Lapouille insista :
– C’est là que demeure le gouverneur de Paris, dis ?
– Oui, c’est là.
– Eh bien, va lui dire que j’ai à lui parler.
– Dis donc, t’es pas fou, toi, de vouloir parler au gouverneur de Paris, à c’t’-heure-là ?
– T’occupe pas de ça, mon vieux. Va lui dire que j’ai à lui parler, tout de suite.
– Tu ferais mieux d’aller te coucher. T’es saoul, tu vas te faire f... dedans.
– Tu ne veux pas aller chercher le gouverneur de Paris ? Une fois, deux fois...
– M... !
– Bon, j’y vais moi-même.
Et comme Lapouille se disposait à pénétrer, le factionnaire dut croiser la baïonnette et appeler à la garde.
– Sergent, reprit Lapouille, allez dire au gouverneur de Paris qu’il y a quelqu’un en bas qui le demande.
On essaya de parlementer avec Lapouille, de le raisonner, de l’envoyer se coucher. Rien n’y fit. Lapouille ne sortait pas de là, il tenait à voir le gouverneur de Paris.
Un officier, attiré par le bruit, perdit patience :
– F...-moi cet homme-là au bloc, on verra demain.
Le lendemain, dès le petit matin, le poste retentissait des clameurs de Lapouille.
– Le gouverneur de Paris ! le gouverneur de Paris ! J’ai quelque chose de très important à communiquer au gouverneur de Paris.
C’était peut-être vrai, après tout. Et puis, qu’est-ce qu’on risquait ?
Donc, le gouverneur de Paris fit venir Lapouille dans son bureau :
– C’est vous qui tenez tant à me voir, mon ami ? De qui s’agit-il ?
– Voici, mon gouverneur : Mon colonel m’a envoyé à Paris pour astiquer le dôme des Invalides. Or, j’ai oublié mon tripoli et je n’ai pas d’argent pour en acheter. Alors, je viens vous demander de me fournir du tripoli, ou alors de me renvoyer dans mon régiment chercher le mien.
Ce petit discours fut débité sur un ton tellement sérieux, que Lapouille, avec tous les égards dus à son rang, était amené au Val-de-Grâce, dans un assez bref délai.
Là, il ne se démentit pas d’une semelle. Il répéta aux médecins son histoire de l’astiquage du dôme des Invalides, sa pénurie de tripoli, et la crainte qu’il éprouvait d’être attrapé par son colonel.
Il fut mis en observation. Un mois après, il était réformé.
De temps en temps, je le rencontre, ce brave Lapouille, et il ne manque jamais de me dire :
– Crois-tu qu’ils en ont une couche, hein ?
Au temps où j’étais étudiant, et que je n’avais pas d’argent pour aller au café, c’est au Louvre ou au Bon-Marché que je passais le plus clair de mes après-midi.
Nul, plus que moi, n’était preste à se faufiler au meilleur de la cohue.
Nul ne savait se faire coudoyer – je dis coudoyer rapport aux convenances – par des personnes plus accortes, plus dodues et d’une consistance plus ferme.
Et encore maintenant, malgré la haute situation que j’occupe à Paris, malgré les responsabilités qui m’incombent comme la lune, malgré les incessantes commandes de la province et de l’étranger, je ne dédaigne point d’aller passer, en quelque Calicopolis, une petite demi-heure ou deux.
Et puis, les souvenirs s’en mêlent. Laissez-moi vous raconter une histoire (j’en meurs d’envie). C’était voilà pas mal de temps, ce qui n’est pas fait pour me rajeunir.
J’avais contracté une ardente passion pour une jeune employée du Louvre.
Ce n’est pas qu’elle fût extraordinairement jolie, mais ses yeux noirs, où, des fois, se pailletait de l’or, avec, au fond, l’Énigme accroupie ; ses cheveux crépus encombrant son jeune front ; son petit nez rigouillard et bon bougre ; sa bouche trop grande, mais si somptueusement meublée, lui faisaient un si drôle d’air !
Un observateur superficiel n’aurait pas pu dire si elle était de Bénarès ou de la rue Lepic (dix-huitième arrondissement).
Chaque jour, je me présentais à son rayon ; et, pour avoir l’occasion de causer un peu, j’acquérais quelques objets dans les prix doux.
Lesquels objets, d’ailleurs, je me faisais froidement rembourser, le lendemain, comme s’ils avaient brusquement cessé de me plaire.
Les choses n’allaient pas trop mal, quand un vieux monsieur, très allumé sur mon aimée de Montmartre, détermina une baisse subite sur mes actions.
Cet homme âgé était riche, aimable, copieux en promesses.
Bref, je résolus de lui faire une de ces petites plaisanteries qui engagent un monsieur à ne plus remettre les pieds dans une maison.
Un beau jour, je glissai dans la poche de son paletot un petit ivoire japonais préalablement dérobé par moi, et je le dénonçai à un inspecteur.
Le pauvre homme fut invité à se rendre dans le local ad hoc. Il dut signer des papiers compromettants et verser des sommes énormes.
Je ne le revis jamais au Louvre, mais, hélas ! je ne revis plus jamais non plus la jeune personne pour qui battait mon cœur.
Le lendemain même de son histoire le monsieur l’avait fait mander par un tiers chargé d’or.
Cette aventure me servit de leçon, et depuis ce moment, je n’ai plus jamais fourré le moindre ivoire japonais dans la poche des vieux gentlemen.
Je commence par déclarer à la face du monde que l’histoire ci-dessous n’est pas sortie toute tressaillante de ma torride imagination.
Je n’en garantis aucunement l’authenticité, et même, à vous dire vrai, elle me paraît plutôt dure à avaler. Mais je cite mes sources : le fait en question fut publié dans un numéro de la Gazette des hôpitaux, laquelle affirme le tenir de The Lancet, de Londres, laquelle Lancet l’aurait emprunté à The American Medical Weekly.
Maintenant que ma responsabilité est dégagée (rien ne m’attriste comme de ne pas être pris au sérieux), narrons l’aventure :
C’était pendant la guerre de sécession, en Amérique.
Le 12 mai 1863, deux corps ennemis se trouvaient en présence et se livraient une bataille acharnée dans les environs d’une riche villa habitée par une dame et ses deux demoiselles.
Au plus fort de l’action, un jeune combattant, posté à 150 mètres de l’habitation, eut la jambe gauche fracturée par une balle de carabine Minié, qui, détail important, lui emporta du même coup un fragment d’organe difficile à désigner plus clairement, un organe qui compte sérieusement dans la vie d’un homme.
Au même instant, un cri perçant retentissait dans la riche villa habitée par la dame et ses demoiselles. Une de ces dernières, venait de recevoir un coup de feu dans l’abdomen.
L’orifice d’entrée du projectile se trouvait à une distance à peu près égale de l’ombilic et de l’épine iliaque antérieure. Pas d’orifice de sortie et la plaie est pénétrante.
Après diverses péripéties trop longues pour être contées ici, les deux blessés guérissent : la jeune fille, chez elle, dans sa chambre ; le militaire à l’ambulance, à quelques lieues de la riche villa.
Notez bien que ce gentleman et que cette miss ne se connaissaient ni des lèvres ni des dents, comme dit ma brave femme de concierge.
La jeune miss a eu une péritonite qui lui a laissé un ballonnement du ventre qui l’inquiète assez.