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Ésope E-Book

Ésope

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Beschreibung

Toutes les œuvres d’Ésope réunies en un seul ebook

Découvrez l'œuvre de d’Ésope dans son ensemble et emmenez-la partout avec vous !

À propos de la collection GrandsClassiques.com :

La collection GrandsClassiques.com a pour objectif de mettre à disposition des lecteurs les œuvres complètes des incontournables de la littérature. Un soin tout particulier est apporté à ces versions afin de garantir une qualité de lecture optimale.

Dans la même collection :

• Héraclite
• Jean de la Fontaine
• Guy de Maupassant
• Jean Racine
• Arthur Rimbaud
• Virgile
• Émile Zola• Guillaume Apollinaire• Henri Bergson• Honoré de Balzac• Charles Baudelaire• Homère• Pierre de Marivaux• Marcel Proust

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Note de l'éditeur

GrandsClassiques.com met à disposition des lecteurs les œuvres intégrales des plus grands auteurs de l'histoire de la littérature.

Si un soin tout particulier a été apporté à ces versions numériques afin de garantir une lecture la plus agréable qui soit, il n'est toutefois pas impossible que quelques erreurs ou coquilles subsistent.

N'hésitez donc pas à nous contacter pour toute remarque ou demande d'informations à l'adresse suivante : [email protected]

L'équipe deGrandsClassiques.com

Biographie de l'auteur

Ésope, le père des fables

Bien que l’on ne possède que très peu d’informations biographiques sur Ésope, le fabuliste a influencé de nombreux auteurs, notamment Jean de La Fontaine. Sa popularité à travers les siècles fait qu’il est souvent qualifié de « père des fables ».

En raison d’un manque crucial de données biographiques, dont certaines restent peu fiables, on ne sait aujourd’hui que très peu de choses concernant Ésope. L’une des sources les plus importantes, également la plus ancienne, est le témoignage d’Hérodote. Dans ce texte, il affirme qu’Ésope aurait été esclave, et qu’il aurait vécu entre 570 et 526 avant Jésus-Christ. Un autre document, rédigé par Héraclide du Pont, le décrit comme originaire de Thrace, une région du Nord de la Grèce. Eugéiton vient confirmer cette source, considérant le fabuliste comme originaire de Méssembrie. Concernant la période à laquelle il aurait vécu, un texte de Phèdre vient contredire l’affirmation d’Hérodote, estimant qu’Ésope aurait vécu entre 612 et 527 avant Jésus-Christ.

Ce n’est qu’au XIIIe siècle que Maxime Planude, un philologue et théologien byzantin, a pu rendre populaire l’existence du fabuliste grec, grâce à un texte datant du Ier siècle de notre ère. Ce document est en réalité une adaptation de la vie d’Ahiqar, relatant la vie d’Ésope à Babylone. Le texte fournit certaines informations biographiques, maintes fois contestées et qui relèveraient plutôt de la légende. On y retrouve quelques détails concernant la physionomie d’Ésope, décrivant avec caricature sa laideur et ses nombreux problèmes d’élocution. Le mythe raconte qu’Ésope aurait une nuit rêvé que la Fortune le guérissait de tous ses maux, et qu’il se réveillait au matin doté d’une diction parfaitement intelligible. Après cet événement miraculeux, il serait devenu esclave chez l’éloquent philosophe Xanthos à Samos, une île grecque proche de la Turquie. Fort de son nouveau talent, Ésope aurait rivalisé avec lui lors de nombreux jeux linguistiques. Xanthos l’affranchit et Ésope se rend auprès du roi Crésus, le priant de protéger l’indépendance de Samos. Sa requête est acceptée lorsqu’il conte une de ses fables. Il entre ainsi au service du roi de Babylone et entame un voyage à Delphes. Mais à son arrivée, il se serait moqué des habitants, qui, ivres de colère, l’auraient condamné à mort. Pour sauver sa vie, Ésope aurait fait le récit de nouvelles fables, mais en vain : il fut jeté du haut d’une falaise.

Les fables d’Ésope sont des textes courts et composés en prose. Bien que le genre littéraire existât déjà auparavant, l’auteur grec l’a démocratisé et est ainsi considéré comme « le père de la fable ». Démétrios de Phalère fut le premier à recueillir les fables d’Ésope, vers 325 avant Jésus-Christ. Sa compilation donna naissance à de nombreuses versions, dont l’une compose aujourd’hui le texte de référence. Il s’agit de la version dite « Augustana », datant du Ier siècle de notre ère et dénombrant pas moins de cinq cents fables, notamment les célèbres Le Corbeau et le Renard ou La Tortue et le Lièvre. Une première traduction en français a été opérée par Isaac Nevelet en 1610, servant de base de travail à Jean de La Fontaine. Mais l’ami de Nicolas Fouquet ne fut pas le premier à s’intéresser au fabuliste. Dès l’ère classique grecque, la popularité d’Ésope était tangible. Socrate aurait d’ailleurs consacré les derniers instants de sa vie à transcrire ses textes en vers.

Ses œuvres principales

Le Corbeau et le Renard

La Tortue et le Lièvre

Le Bûcheron et la Mort

Le Vent et le Soleil

Le Loup et l’Agneau

La Vipère et l’Hydre

La Cigale et la Fourmi

Quelques citations

« Pour qui est décidé à agir injustement, il n'y a pas de défense qui vaille. »

Le Loup et l’Agneau

« Quand on a besoin des bras, les secours en paroles ne servent de rien. »

La Vipère et l’Hydre

« Qui chante pendant l'été danse pendant l'hiver. »

La Cigale et la Fourmi

Les fables d’Ésope

Traduction par Émile Chambry

(1927)

1 – Les Biens Et Les Maux

Les Maux, profitant de la faiblesse des Biens, les chassèrent. Ceux-ci montèrent au ciel. Là, ils demandèrent à Zeus comment ils devaient se comporter avec les hommes. Le dieu leur dit de se présenter aux hommes, non pas tous ensemble, mais l'un après l'autre voilà pourquoi les Maux, habitant près des hommes, les assaillent sans interruption, tandis que les Biens, descendant du ciel, ne viennent à eux qu'à de longs intervalles.

* * *

L'apologue fait voir que le bien se fait attendre, mais que chaque jour chacun de nous est atteint par les maux.

2 – Le Marchand De Statues

Un homme, ayant fabriqué un Hermès de bois, l'apporta au marché et le mit en vente. Aucun acheteur ne se présentant, il se mit en tète d'en attirer en criant qu'il vendait un dieu pourvoyeur de biens et de profits. Un de ceux qui se trouvaient là lui dit: «  Hé, l'ami, s'il est si bienfaisant, pourquoi le vends-tu, au lieu de tirer parti de ses secours ? — C'est que moi, répondit-il, j'ai besoin d'un secours immédiat, et que lui n'est jamais pressé de procurer ses bienfaits. »

* * *

Cet apologue convient à un homme bassement intéressé et qui ne se soucie même pas des dieux.

3 – L’Aigle Et Le Renard

Un aigle et un renard, ayant fait amitié ensemble, décidèrent d'habiter l'un près de l'autre, dans la pensée que la cohabitation affermirait leur liaison. Et alors l'aigle prenant son essor s'établit sur un arbre très élevé et y fit sa couvée, tandis que le renard, se glissant dans le buisson qui était au pied de l'arbre, y déposa ses petits. Mais un jour que le renard était sorti pour chercher pâture, l'aigle à court de nourriture fondit sur le buisson, enleva les renardeaux et s'en régala avec ses petits. A son retour, le renard, voyant ce qui s'était passé, fut moins affligé de la mort de ses petits que de l'impossibilité de se venger ; en effet il ne pouvait, lui quadrupède, poursuivre un volatile. Il dut se contenter, seule ressource des impuissants et des faibles, de maudire son ennemi de loin. Or il arriva que l'aigle ne tarda pas à subir la punition de son crime contre l'amitié. Des gens sacrifiaient une chèvre à la campagne ; l'aigle fondit sur l'autel, y ravit un viscère enflammé et l'apporta dans son nid. Or un vent violent s'étant mis à souffler fit flamber un vieux fétu, et par suite les aiglons furent brûlés, car ils étaient encore hors d'état de voler, et ils tombèrent sur le sol. Le renard accourut et sous les yeux de l'aigle les dévora tous.

* * *

Cette fable montre que, si vous trahissez l'amitié, vous pourrez peut-être vous soustraire à la vengeance de vos dupes, si elles sont faibles ; mais qu'en tout cas vous n'échapperez pas à la punition du ciel.

4 – L’Aigle Et L’Escarbot

Une aigle poursuivait un lièvre. Ce lièvre, se voyant dénué de tout secours, recourut au seul être que le hasard offrit à ses yeux ; c'était un escarbot ; il le supplia de le sauver. L'escarbot le rassura, et, voyant approcher l'aigle, il la conjura de ne pas lui ravir son suppliant. Mais l'aigle, dédaignant sa petitesse, dévora le lièvre sous les yeux de l'escarbot. Dès lors l'escarbot, plein de rancune, ne cessa d'observer les endroits où l'aigle faisait son nid, et, quand elle couvait, il s'élevait en l'air, faisait rouler les oeufs et les cassait, tant qu'enfin pourchassée de partout, elle eut recours à Zeus (car c'est à Zeus que cet oiseau est consacré), et elle le pria de lui procurer un asile sûr pour y faire ses petits. Zeus lui permit de pondre dans son giron, mais l'escarbot avait vu la ruse: il fit une boulette de crotte, prit son essor, et, quand il fut au-dessus du giron de Zeus, il l'y laissa tomber. Zeus se leva pour secouer la crotte, et jeta les oeufs à terre sans y penser. Depuis ce temps-là, dit-on, pendant la saison où paraissent les escarbots, les aigles ne nichent plus.

* * *

Cette fable apprend à ne mépriser personne ; il faut se dire qu'il n'y a pas d'être si faible qui ne soit capable un jour de venger un affront.

5 – L'Aigle, Le Choucas Et Le Berger

Un aigle, fondant d'une roche élevée, enleva un agneau. A cette vue, un choucas, pris d'émulation, voulut l'imiter. Alors, se précipitant à grand bruit, il s'abattit sur un bélier ; mais ses griffes s'étant enfoncées dans les boucles de laine, il battait des ailes sans pouvoir s'en dépêtrer. Enfin le berger, s'avisant de la chose, accourut et le prit ; puis il lui rogna le bout des ailes, et, quand vint le soir, il l'apporta à ses enfants. Ceux-ci lui demandant quelle espèce d'oiseau c'était, il répondit: «  Autant que je sache, moi, c'est un choucas ; mais, à ce qu'il prétend, lui, c'est un aigle. »

* * *

C'est ainsi qu'à rivaliser avec les puissants non seulement vous perdez votre peine, mais encore vous faites rire de vos malheurs.

6 – L’Aigle Aux Ailes Écourtées Et Le Renard

Un jour un aigle fut pris par un homme. Celui-ci lui rogna les ailes et le lâcha dans sa basse-cour pour vivre avec la volaille. Alors l'oiseau baissait la tête et, de chagrin, ne mangeait plus: on l'eût pris pour un roi prisonnier. Mais un autre homme l'ayant acheté, lui arracha les plumes de l'aile, puis les fit repousser en en frottant la place avec de la myrrhe. Alors l'aigle, prenant l'essor, saisit un lièvre dans ses serres et le lui rapporta en présent. Un renard, l'ayant aperçu, lui dit: «  Ce n'est pas à celui-ci qu'il faut le donner, mais à ton premier maître ; le deuxième en effet est naturellement bon ; tâche plutôt de te faire bien venir de l'autre, de peur qu'il ne te reprenne et ne t'arrache les ailes. »

* * *

Cette fable montre qu'il faut généreusement payer de retour ses bienfaiteurs, et tenir prudemment les méchants à l'écart.

7 – L’Aigle Frappé D’Une Flèche

Un aigle s'était perché au faîte d'un rocher à l'affût des lièvres. Un homme le frappa d'une flèche, et le trait s'enfonça dans sa chair, et la coche avec ses plumes se trouva devant ses yeux. A cette vue, il s'écria: «  C'est pour moi un surcroît de chagrin de mourir par mes propres plumes. »

* * *

L'aiguillon de la douleur est plus poignant, quand nous sommes battus par nos propres armes.

8 – Le Rossignol Et L’Épervier

Un rossignol perché sur un chêne élevé chantait à son ordinaire. Un épervier l'aperçut, et, comme il manquait de nourriture, il fondit sur lui et le lia. Se voyant près de mourir, le rossignol le pria de le laisser aller, alléguant qu'il n'était pas capable de remplir à lui seul le ventre d'un épervier, que celui-ci devait, s'il avait besoin de nourriture, s'attaquer à des oiseaux plus gros. L'épervier répliqua: «  Mais je serais stupide, si je lâchais la pâture que je tiens pour courir après ce qui n'est pas encore en vue. »

* * *

Cette fable montre que chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans l'espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu'ils ont dans la main.

9 – Le Rossignol Et L’Hirondelle

L'hirondelle engageait le rossignol à loger sous le toit des hommes et à vivre avec eux, comme elle-même. Le rossignol répondit: «  Je ne veux point raviver le souvenir de mes anciens malheurs: voilà pourquoi j'habite les lieux déserts. »

* * *

Cette fable montre que l'homme affligé par quelque coup de la fortune veut éviter jusqu'au lieu où le chagrin l'a frappé.

10 – Le Débiteur Athénien

A Athènes, un débiteur, sommé par son créancier de rembourser sa dette, le pria d'abord de lui accorder un délai, sous prétexte qu'il était gêné. Ne pouvant le persuader, il amena une truie, la seule qu'il possédât, et la mit en vente en présence du créancier. Un acheteur se présenta et demanda si la truie était féconde. «  Oui, elle est féconde, répondit-il, elle l'est même extraordinairement: aux Mystères elle enfante des femelles, et aux Panathénées des mâles. » Comme l'acheteur était surpris de ce qu'il entendait, le créancier ajouta: «  Cesse de t'étonner ; car cette truie te donnera aussi des chevreaux aux Dionysies. »

* * *

Cette fable montre que beaucoup de gens n'hésitent pas, quand leur intérêt personnel est en jeu, à jurer même des choses impossibles.

11- Le Nègre

Un homme avait acheté un nègre, s'imaginant que sa couleur venait de la négligence du précédent propriétaire. L'ayant emmené chez lui, il le soumit à tous les savonnages, il essaya tous les lavages pour le blanchir ; mais il ne put modifier sa couleur, et il le rendit malade à force de soins.

* * *

La fable fait voir que le naturel persiste tel qu'il s'est montré d'abord.

12 – La Belette Et Le Coq

Une belette, ayant attrapé un coq, voulut donner une raison plausible pour le dévorer. En conséquence elle l'accusa d'importuner les hommes en chantant la nuit et en les empêchant de dormir. Le coq se défendit en disant qu'il le faisait pour leur être utile ; car s'il les réveillait, c'était pour les rappeler à leurs travaux accoutumés. Alors la belette produisit un autre grief et l'accusa d'outrager la nature par les rapports qu'il avait avec sa mère et ses soeurs. Il répondit qu'en cela aussi il servait l'intérêt de ses maîtres, puisque grâce à cela les poules leur pondaient beaucoup d'oeufs. «  Eh bien ! s'écria la belette, tu as beau être en fonds de belles justifications, moi je ne resterai pas à jeun pour cela, » et elle le dévora.

* * *

Cette fable montre qu'une mauvaise nature, déterminée à mal faire, quand elle ne peut pas se couvrir d'un beau masque, fait le mal à visage découvert.

13 – Le Chat Et Les Rats

Une maison était infestée de rats. Un chat, l'ayant su, s'y rendit, et, les attrapant l'un après l'autre, il les mangeait. Or les rats, se voyant toujours pris, s'enfonçaient dans leurs trous. Ne pouvant plus les atteindre, le chat pensa qu'il fallait imaginer quelque ruse pour les en faire sortir. C'est pourquoi il grimpa à une cheville de bois et, s'y étant suspendu, il contrefit le mort. Mais un des rats sortant la tête pour regarder, l'aperçut et dit: «  Hé ! l'ami, quand tu serais sac, je ne t'approcherais pas. »

* * *

Cette fable montre que les hommes sensés, quand ils ont éprouvé la méchanceté de certaines gens, ne se laissent plus tromper à leurs grimaces.

14 – La Belette Et Les Poules

Une belette, ayant appris qu'il y avait des poules malades dans une métairie, se déguisa en médecin, et, prenant avec elle les instruments de l'art, elle s'y rendit. Arrivée devant la métairie, elle leur demanda comment elles allaient: a Bien, répondirent-elles, si tu t'en vas d'ici. »

* * *

C'est ainsi que les hommes sensés lisent dans le jeu des méchants, malgré toutes leurs affectations d'honnêteté.

15 – La Chèvre Et Le Chevrier

Un chevrier rappelait ses chèvres à l'étable. L'une d'elles s'étant attardée à quelque friande pâture, le chevrier lui lança une pierre, et visa si juste qu'il lui cassa une corne. Alors il se mit à supplier la chèvre de ne pas le dire au maître. La chèvre répondit: «  Quand bien même je garderais le silence, comment pourrais-je le cacher ? Il est visible à tous les yeux que ma corne est cassée. »

* * *

Quand la faute est évidente, il est impossible de la dissimuler.

16 – La Chèvre Et L’Âne

Un homme nourrissait une chèvre et un âne. Or la chèvre devint envieuse de l'âne, parce qu'il était trop bien nourri. Et elle lui dit: «  Entre la meule à tourner et les fardeaux à porter, ta vie est un tourment sans fin, » et elle lui conseillait de simuler l'épilepsie, et de se laisser tomber dans un trou pour avoir du repos. Il suivit le conseil, se laissa tomber et se froissa tout le corps. Son maître ayant fait venir le vétérinaire, lui demanda un remède pour le blessé. Le vétérinaire lui prescrivit d'infuser le poumon d'une chèvre ; ce remède lui rendrait la santé. En conséquence on immola la chèvre pour guérir l'âne.

* * *

Quiconque machine des fourberies contre autrui devient le premier artisan de son malheur.

17 – Le Chevrier Et Les Chèvres Sauvages

Un chevrier, ayant mené ses chèvres au pâturage, s'aperçut qu'elles étaient mêlées à des chèvres sauvages, et, quand le soir tomba, il les poussa toutes dans sa grotte. Le lendemain un gros orage éclata. Ne pouvant les mener au pâturage habituel, il les soigna dedans ; mais il ne donna à ses propres chèvres qu'une poignée de fourrage, juste de quoi les empêcher de mourir de faim ; pour les étrangères, au contraire, il grossit la ration, dans le dessein de se les approprier elles aussi. Le mauvais temps ayant pris fin, il les fit toutes sortir dans le pâtis ; mais les chèvres sauvages, gagnant la montagne, s'enfuirent. Comme le berger les accusait d'ingratitude pour l'abandonner ainsi, après les soins particuliers qu'il avait pris d'elles, elles se retournèrent pour répondre: «  Raison de plus pour nous d'être en défiance ; car si tu nous as mieux traitées, nous, tes hôtesses d'hier, que tes vieilles ouailles, il est évident que, si d'autres chèvres viennent encore à toi, tu nous négligeras pour elles. »

* * *

Cette fable montre qu'il ne faut pas accueillir les protestations d'amitié de ceux qui nous font passer, nous, les amis de fraîche date, avant les vieux amis. Disons-nous que, quand notre amitié aura pris de l'âge, s'ils se lient avec d'autres, c'est ces nouveaux amis qui auront leurs préférences.

18 – L'Esclave Laide Et Aphrodite

Une esclave laide et méchante était aimée de son maître. Avec l'argent qu'elle recevait de lui, elle s'ornait de brillantes parures et rivalisait avec sa propre maîtresse. Elle faisait de continuels sacrifices à Aphrodite et lui rendait grâces de la rendre belle. Mais Aphrodite apparut en songe à l'esclave et lui dit: «  Ne me sache pas gré de te faire belle, car je suis fâchée et en colère contre cet homme à qui tu parais belle. »

* * *

Il ne faut pas se laisser aveugler par l'orgueil, quand on s'enrichit par des moyens honteux, surtout quand on est sans naissance et sans beauté.

19 – Ésope Dans Un Chantier Naval

Un jour Ésope le fabuliste étant de loisir entra dans un chantier de construction navale. Les ouvriers le raillèrent et le provoquèrent à la réplique. Alors Ésope leur dit: «  Autrefois il n'y avait que le chaos et l'eau ; mais Zeus voulant faire apparaître un autre élément, la terre, l'engagea à avaler la mer par trois fois. La terre se mit à l'ouvre une première fois, et elle dégagea les montagnes ; puis elle avala la mer une deuxième fois et mit à nu les plaines ; si elle se décide à absorber l'eau une troisième fois, votre art deviendra sans usage. »

* * *

Cette fable montre qu'à railler plus fin que soi, on s'attire imprudemment des répliques d'autant plus cuisantes.

20 – Les Deux Coqs Et L’Aigle

Deux coqs se battaient pour des poules ; l'un mit l'autre en fuite. Alors le vaincu se retira dans un fourré où il se cacha, et le vainqueur s'élevant en l'air se percha sur un mur élevé et se mit à chanter à plein gosier. Aussitôt un aigle fondant sur lui l'enleva ; et le coq caché dans l'ombre couvrit dès lors les poules tout à son aise.

* * *

Cette fable montre que le Seigneur se range contre les orgueilleux et donne la grâce aux humbles.

21 – Les Coqs Et La Perdrix

Un homme qui avait des coqs dans sa maison, ayant trouvé une perdrix privée à vendre, l'acheta et la rapporta chez lui pour la nourrir avec les coqs. Mais ceux-ci la frappant et la pourchassant, elle avait le coeur gros, s'imaginant qu'on la rebutait, parce qu'elle était de race étrangère. Mais peu de temps après ayant vu que les coqs se battaient entre eux et ne se séparaient pas qu'ils ne se fussent mis en sang, elle se dit en elle-même: «  Je ne me plains plus d'être frappée par ces coqs ; car je vois qu'ils ne s'épargnent pas même entre eux. »

* * *

Cette fable montre que les hommes sensés supportent facilement les outrages de leurs voisins, quand ils voient que ceux-ci n'épargnent même pas leurs parents.

22 – Les Pêcheurs Et Le Thon

Des pécheurs étant allés à la pêche avaient peiné longtemps sans rien prendre ; assis dans leur barque, ils s'abandonnaient au découragement. Juste à ce moment un thon qui était poursuivi et se sauvait à grand bruit, sauta par mégarde dans leur barque. Ils le prirent et l'emportèrent à la ville, où ils le vendirent.

* * *

Ainsi souvent ce que l'art nous refuse, le hasard nous le donne gratuitement.

23 – Les Pêcheurs Qui Ont Pêché Une Pierre

Des pêcheurs trairaient une seine ; comme elle était lourde, ils se réjouissaient et dansaient, s'imaginant que la pêche était bonne. Mais quand ils eurent tiré la seine sur le rivage, ils y trouvèrent peu de poisson: c'étaient des pierres et autres matières qui la remplissaient. Ils en furent vivement contrariés, moins pour le désagrément qui leur arrivait que pour avoir préjugé le contraire. Mais l'un d'eux, un vieillard, leur dit: «  Cessons de nous affliger, mes amis ; car la joie paraît-il, a pour soeur le chagrin ; et il fallait qu'après nous être tant réjouis à l'avance, nous eussions de toute façon quelque contrariété. »

* * *

Or donc nous non plus nous ne devons pas, si nous considérons combien la vie est changeante, nous flatter d'obtenir toujours les mêmes succès, mais nous dire qu'il n'y a si beau temps qui ne soit suivi de l'orage.

24 – Le Pêcheur Qui Joue De La Flûte

Un pêcheur, habile à jouer de la flûte, prenant avec lui ses flûtes et ses filets, se rendit à la mer, et, se postant sur un rocher en saillie, il se mit d'abord à jouer, pensant que les poissons, attirés par la douceur de ses accords allaient d'eux-mêmes sauter hors de l'eau pour venir à lui. Mais comme, en dépit de longs efforts, il n'en était pas plus avancé, il mit de côté ses flûtes, prit son épervier, et, le jetant à l'eau, attrapa beaucoup de poissons. Il les sortit du filet et les jeta sur le rivage ; et, comme il les voyait frétiller, il s'écria: «  Maudites bêtes, quand je jouais de la flûte, vous ne dansiez pas ; à présent que j'ai fini, vous vous mettez en branle. »

* * *

Cette fable s'applique à ceux qui agissent à contretemps.

25 – Le Pêcheur Et Les Gros Et Les Petits Poissons

Un pêcheur, ayant retiré de la mer son filet de pêche, put capturer les gros poissons, qu'il étala sur le sol ; mais les petits se glissant par les mailles, se sauvèrent dans la mer.

* * *

Les gens d'une médiocre fortune se sauvent aisément ; mais on voit rarement un homme qui jouit d'une grande renommée échapper aux périls.

26 – Le Pêcheur Et Le Picarel

Un pêcheur, ayant laissé couler son filet dans la mer, en retira un picarel. Comme il était petit, le picarel supplia le pêcheur de ne point le prendre pour le moment, mais de le relâcher en considération de sa petitesse. «  Mais quand j'aurai grandi, continua-t-il, et que je serai un gros poisson, tu pourras me reprendre ; aussi bien je te ferai plus de profit. — Hé mais ! répartit le pêcheur, je serais un sot de lâcher le butin que j'ai dans la main, pour compter sur le butin à venir, si grand qu'il soit. »

* * *

Cette fable montre que ce serait folie de lâcher, sans espoir d'un profit plus grand, le profit qu'on a dans la main, sous prétexte qu'il est petit.

27 – Le Pêcheur Qui Bat L’Eau

Un pêcheur pêchait dans une rivière. Il avait tendu ses filets, et en avait barré le courant d'une rive à l'autre ; puis ayant attaché une pierre au bout d'une corde de lin, il en battait l'eau, pour que les poissons affolés se jetassent en fuyant dans les mailles du filet. Un des habitants du voisinage, le voyant faire, lui reprocha de troubler la rivière et de les forcer à boire de l'eau trouble. Il répondit: «  Mais si la rivière n'est pas ainsi troublée, force me sera à moi de mourir de faim. »

* * *

Il en est ainsi dans les États: les démagogues y font d'autant mieux leurs affaires qu'ils ont jeté leur pays dans la discorde.

28 – L'Alcyon

L'alcyon est un oiseau qui aime la solitude et qui vit constamment sur la mer. On dit que, pour se garder contre les hommes qui le chassent, il niche dans les rochers du rivage. Or un jour un alcyon qui allait couver monta sur un promontoire, et, apercevant un rocher qui surplombait la mer, y fit son nid. Mais un jour qu'il était sorti pour aller à la pâture, il arriva que la mer, soulevée par une bourrasque, s'éleva jusqu'au nid, le couvrit d'eau et noya les petits. Quand l'alcyon fut de retour et vit ce qui était arrivé, il s'écria: «  Que je suis malheureux, moi qui, me méfiant des embûches de la terre, me suis réfugié sur cette mer, pour y trouver encore plus de perfidie ! »

* * *

C'est ainsi que certains hommes, qui se tiennent en garde contre leurs ennemis, tombent, sans qu'ils s'en doutent, sur des amis beaucoup plus dangereux que leurs ennemis.

29 – Les Renards Au Bord Du Méandre

Un jour des renards se rassemblèrent sur les bords du Méandre, dans l'intention de s'y désaltérer. Mais, comme l'eau coulait en grondant, ils avaient beau s'exciter les uns les autres, ils n'osaient s'y aventurer. Alors l'un d'eux, prenant la parole pour humilier les autres, se moqua de leur couardise. Quant à lui, se vantant d'être plus brave que les autres, il sauta hardiment dans l'eau. Comme le courant l'entraînait vers le milieu, les autres, postés sur la berge, lui crièrent: «  Ne nous abandonne pas, reviens, et montre-nous le passage par où nous pourrons boire sans danger. » Et lui, emporté par le courant, répondit: «  J'ai un message pour Milet, et je veux l'y porter ; à mon retour je vous ferai voir le passage. »

* * *

Ceci s'applique à ceux qui par fanfaronnade se mettent eux-mêmes en danger.

30 – Le Renard Au Ventre Gonflé

Un renard affamé, ayant aperçu dans le creux d'un chêne des morceaux de pain et de viande que des bergers y avaient laissés, y pénétra et les mangea. Mais son ventre s'étant gonflé, il ne put sortir et se mit à gémir et à se lamenter. Un autre renard, qui passait par là, entendit ses plaintes et s'approchant lui en demanda la cause. Quand il sut ce qui était arrivé: «  Eh bien ! dit-il, reste ici jusqu'à ce que tu redeviennes tel que tu étais en y entrant, et alors tu en sortiras facilement. »

* * *

Cette fable montre que le temps résout les difficultés.

31 – Le Renard Et La Ronce

Un renard, franchissant une clôture, glissa, et se voyant sur le point de tomber, saisit une ronce pour s'aider de son secours. Les épines de la ronce lui ayant mis les pattes en sang, il eut mal et lui dit: «  Hélas ! j'ai eu recours à toi pour m'aider, et tu m'as mis plus mal en point. Eh bien ! tu t'es fourvoyé, l'ami, dit la ronce, en voulant t'accrocher à moi qui ai l'habitude d'accrocher tout le monde. »

* * *

Cette fable montre que chez les hommes aussi ceux-là sont des sots qui ont recours à l'aide de ceux que leur instinct porte plutôt à faire du mal.

32 – Le Renard Et Les Raisins

Un renard affamé, voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper ; mais ne pouvant y parvenir, il s'éloigna en se disant à lui-même: «  C'est du verjus. »

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Pareillement certains hommes, ne pouvant mener à bien leurs affaires, à cause de leur incapacité, en accusent les circonstances.

33 – Le Renard Et Le Dragon

Il y avait un figuier près d'une route. Un renard, ayant aperçu un dragon endormi, envia sa longueur, et, voulant l'égaler, il se coucha près de lui et essaya de s'allonger, jusqu'à ce que, outrant son effort, l'imprévoyant animal creva.

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C'est le cas de ceux qui rivalisent avec de plus forts qu'eux: ils crèvent eux-mêmes, avant de pouvoir les atteindre.

34 – Le Renard Et Le Bûcheron

Un renard qui fuyait devant des chasseurs aperçut un bûcheron, et le supplia de lui trouver une cachette. Celui-ci l'engagea à entrer dans sa cabane et à s'y cacher. Quelques instants après les chasseurs arrivèrent et demandèrent au bûcheron s'il n'avait pas vu un renard passer par là. De la voix il répondit qu'il n'en avait pas vu ; mais de la main il fit un geste pour indiquer où il était caché. Les chasseurs ne prirent pas garde au geste, mais s'en rapportèrent aux paroles ; et le renard, les voyant s'éloigner, sortit et s'en alla sans mot dire. Comme le bûcheron lui reprochait que, sauvé par lui, il ne lui témoignait même pas d'un mot sa reconnaissance, le renard répondit: «  Je t'aurais dit merci, si tes gestes et tes procédés s'accordaient avec tes discours. »

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On pourrait appliquer cette fable aux hommes qui font hautement profession de vertu et en fait se conduisent en coquins.

35 – Le Renard Et Le Crocodile

Le renard et le crocodile contestaient de leur noblesse. Le crocodile s'étendit longuement sur l'illustration de ses aïeux et finit par dire que ses pères avaient été gymnasiarques. «  Tu peux t'épargner la peine de le dire, répliqua le renard: ta peau fait assez voir que depuis de longues années tu es rompu aux exercices du gymnase. »

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Il en est de même chez les hommes: les menteurs sont confondus par les faits.

36 – Le Renard Et Le Chien

Un renard s'étant glissé dans un troupeau de moutons, prit un des agneaux à la mamelle et fit semblant de le caresser. Un chien lui demanda: «  Que fais-tu là ? — Je le cajole, dit-il, et je joue avec lui. — Lâche-le tout de suite, s'écria le chien ; sinon, je vais te faire des caresses de chien. »

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La fable s'applique au fourbe et au voleur maladroit.

37 – Le Renard Et La Panthère

Le renard et la panthère contestaient de leur beauté. La panthère vantait à tous coups la variété de son pelage. Le renard prenant la parole dit: «  Combien je suis plus beau que toi, moi qui suis varié, non de corps, mais d'esprit. »

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Cette fable montre que les ornements de l'esprit sont préférables à la beauté du corps.

38 – Le Renard Et Le Singe Élu Par Le Roi

Le singe, ayant dansé dans une assemblée des bêtes et gagné leur faveur, fut élu roi par elles. Le renard en fut jaloux et, ayant vu un morceau de viande dans un lacs, il y mena le singe en lui disant qu'il avait trouvé un trésor, mais qu'au lieu d'en user lui-même, il le lui avait gardé, comme étant un apanage de la royauté, et il l'engagea à le prendre. Le singe s'en approcha étourdiment et fut pris au lacs. Comme il accusait le renard de lui avoir tendu un piège, celui-ci répliqua: «  Ô singe, sot comme tu es, tu veux régner sur les bêtes ! »

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C'est ainsi que ceux qui se lancent inconsidérément dans une entreprise, non seulement échouent, mais encore prêtent à rire.

39 – Le Renard Et Le Singe Disputant De Leur Noblesse

Le renard et le singe voyageant de compagnie disputaient de leur noblesse. Tandis que chacun d'eux détaillait ses titres tout au long, ils arrivèrent en un certain endroit. Le singe y tourna ses regards et se mit à soupirer. Le renard lui en demanda la cause. Alors le singe lui montrant les tombeaux répondit: «  Comment ne pas pleurer, en voyant les cippes funéraires des affranchis et des esclaves de mes pères ? — Oh ! dit le renard, tu peux mentir à ton aise: aucun d'eux ne se lèvera pour te démentir ».

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Il en est ainsi des hommes: les menteurs ne se vantent jamais plus que quand il n'y a personne pour les confondre.

40 – Le Renard Et Le Bouc

Un renard étant tombé dans un puits se vit forcé d'y rester. Or un bouc pressé par la soif étant venu au même puits, aperçut le renard et lui demanda si l'eau était bonne. Le renard, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, fit un grand éloge de l'eau, affirmant qu'elle était excellente, et il l'engagea à descendre. Le bouc descendit à l'étourdie, n'écoutant que son désir. Quand il eut étanché sa soif, il se consulta avec le renard sur le moyen de remonter. Le renard prit la parole et dit: «  J'ai un moyen, pour peu que tu désires notre salut commun. Veuille bien appuyer tes pieds de devant contre le mur et dresser tes cornes en l'air ; je remonterai par là, après quoi je te reguinderai, toi aussi ». Le bouc se prêta avec complaisance à sa proposition, et le renard, grimpant lestement le long des jambes, des épaules et des cornes de son compagnon, se trouva à l'orifice du puits, et aussitôt s'éloigna. Comme le bouc lui reprochait de violer leurs conventions, le renard se retourna et dit: «  Hé ! camarade, si tu avais autant d'idées que de poils au menton, tu ne serais pas descendu avant d'avoir examiné le moyen de remonter. »

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C'est ainsi que les hommes sensés ne doivent entreprendre aucune action, avant d'en avoir examiné la fin.

41 – Le Renard Écourté

Un renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu'il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d'engager les autres renards à s'écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle. En conséquence il les assembla tous et les engagea à se couper la queue, disant que c'était non seulement un enlaidissement, mais encore un poids inutile que cet appendice. Mais un des renards prenant la parole dit: «  Hé ! camarade, si ce n'était pas ton intérêt, tu ne nous aurais pas donné ce conseil. »

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