Fables LivresIX à XII - Jean de La Fontaine - E-Book

Fables LivresIX à XII E-Book

Jean de La Fontaine

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Beschreibung

Le renard flatte le corbeau, qui tient un fromage dans son bec, si bien que celui-ci est obligé de lâcher son bien. Une grenouille veut gonfler pour ressembler au boeuf et finit par exploser. En effet, le mulet portant l'argent est fier, mais c'est sur lui que les voleurs vont attaquer et non sur le mut.

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Fables LivresIX à XII

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Fables Livres IX à XII

 Jean de La Fontaine

Livre neuvième

Le Dépositaire infidèle

Grâce aux filles de Mémoire,

J’ai chanté des animaux ;

Peut-être d’autres héros

M’auraient acquis moins de gloire.

Le Loup, en langue des Dieux,

Parle au Chien dans mes ouvrages :

Les bêtes, à qui mieux mieux,

Y font divers personnages :

Les uns fous, les autres sages,

De telle sorte pourtant

Que les fous vont l’emportant :

La mesure en est plus pleine.

Je mets aussi sur la scène

Des trompeurs, des scélérats,

Des tyrans, et des ingrats,

Mainte imprudence pécore,

Force sots, force flatteurs ;

Je pourrais y joindre encore

Des légions de menteurs :

« Tout homme ment », dit le sage.

S’il n’y mettait seulement

Que les gens du bas étage,

On pourrait aucunement

Souffrir ce défaut aux hommes ;

Mais que tous tant que nous sommes

Nous mentions, grand et petit,

Si quelque autre l’avait dit,

Je soutiendrais le contraire ;

Et même qui mentirait

Comme Ésope et comme Homère,

Un vrai menteur ne serait :

Le doux charme de maint songe

Par leur bel art inventé,

Sous les habits du mensonge

Nous offre la vérité.

L’un et l’autre a fait un livre

Que je tiens digne de vivre

Sans fin, et plus, s’il se peut.

Comme eux ne ment pas qui veut.

Mais mentir comme sut faire

Un certain dépositaire,

Payé par son propre mot,

Est d’un méchant et d’un sot.

Voici le fait : Un trafiquant de Perse,

Chez son voisin, s’en allant en commerce,

Mit en dépôt un cent de fer un jour.

« Mon fer, dit-il, quand il fut de retour.

– Votre fer ? il n’est plus : j’ai regret de vous dire

         Qu’un rat l’a mangé tout entier.

J’en ai grondé mes gens ; mais qu’y faire ? un grenier

A toujours quelque trou. » Le trafiquant admire

Un tel prodige, et feint de le croire pourtant.

Au bout de quelques jours, il détourne l’enfant

Du perfide voisin ; puis à souper convie

Le père, qui s’excuse, et lui dit en pleurant :

         « Dispensez-moi, je vous supplie ;

         Tous plaisirs pour moi sont perdus.

         J’aimais un fils plus que ma vie :

Je n’ai que lui ; que dis-je ? hélas ! je ne l’ai plus.

On me l’a dérobé : plaignez mon infortune. »

Le marchand repartit : « Hier au soir, sur la brune,

Un chat-huant s’en vint votre fils enlever ;

Vers un vieux bâtiment je le lui vis porter. »

Le père dit : « Comment voulez-vous que je croie

Qu’un hibou pût jamais emporter cette proie ?

Mon fils en un besoin eût pris le chat-huant.

– Je ne vous dirai point, reprit l’autre, comment :

Mais enfin je l’ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je ;

         Et ne vois rien qui vous oblige

D’en douter un moment après ce que je dis.

         Faut-il que vous trouviez étrange

Que les chats-huants d’un pays

Où le quintal de fer par un seul rat se mange,

Enlèvent un garçon qui pèse un demi-cent ? »

L’autre vit où tendait cette feinte aventure :

         Il rendit le fer au marchand,

         Qui lui rendit sa géniture.

Même dispute advint entre deux voyageurs.

         L’un d’eux était de ces conteurs

Qui n’ont jamais rien vu qu’avec un microscope ;

Tout est géant chez eux : écoutez-les, l’Europe,

Comme l’Afrique, aura des monstres à foison.

Celui-ci se croyait l’hyperbole permise.

« J’ai vu, dit-il, un chou plus grand qu’une maison.

– Et moi, dit l’autre, un pot aussi grand qu’une église. »

Le premier se moquant, l’autre reprit : « Tout doux ;

         On le fit pour cuire vos choux. »

L’homme au pot fut plaisant ; l’homme au fer fut habile.

Quand l’absurde est outré, l’on lui fait trop d’honneur

De vouloir par raison combattre son erreur ;

Enchérir est plus court, sans s’échauffer la bile.

Les deux Pigeons

Deux Pigeons s’aimaient d’amour tendre :

L’un d’eux, s’ennuyant au logis,

Fut assez fou pour entreprendre

Un voyage en lointain pays.

L’autre lui dit : « Qu’allez-vous faire ?

Voulez-vous quitter votre frère ?

         L’absence est le plus grand des maux :

Non pas pour vous, cruel ! Au moins, que les travaux,

Les dangers, les soins du voyage,

Changent un peu votre courage.

Encore, si la saison s’avançait davantage !

Attendez les zéphyrs : qui vous presse ? un corbeau

Tout à l’heure annonçait malheur à quelque oiseau.

Je ne songerai plus que rencontre funeste,

Que faucons, que réseaux. Hélas, dirai-je, il pleut :

Mon frère a-t-il tout ce qu’il veut,

Bon soupé, bon gîte, et le reste ? »

Ce discours ébranla le cœur

De notre imprudent voyageur ;

Mais le désir de voir et l’humeur inquiète

L’emportèrent enfin. Il dit : « Ne pleurez point ;

Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite :

Je reviendrai dans peu conter de point en point

         Mes aventures à mon frère ;

Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère

N’a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint

         Vous sera d’un plaisir extrême.

Je dirai : J’étais là ; telle chose m’advint :

         Vous y croirez être vous-même. »

À ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu.

Le voyageur s’éloigne : et voilà qu’un nuage

L’oblige de chercher retraite en quelque lieu.

Un seul arbre s’offrit, tel encore que l’orage

Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.

L’air devenu serein, il part tout morfondu,

Sèche du mieux qu’il peut son corps chargé de pluie ;

Dans un champ à l’écart voit du blé répandu,

Voit un pigeon auprès : cela lui donne envie ;

Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d’un lacs,

         Les menteurs et traîtres appas.

Le lacs était usé ; si bien que, de son aile,

De ses pieds, de son bec, l’oiseau le rompt enfin :

Quelque plume y périt, et le pis du destin

Fut qu’un certain vautour, à la serre cruelle,

Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle

Et les morceaux du lacs qui l’avait attrapé,

         Semblait un forçat échappé.

Le vautour s’en allait le lier, quand des nues

Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.

Le Pigeon profita du conflit des voleurs,

S’envola, s’abattit auprès d’une masure,

         Crut, pour ce coup, que ses malheurs

         Finiraient par cette aventure ;

Mais un fripon d’enfant (cet âge est sans pitié)

Prit sa fronde, et du coup tua plus d’à moitié

La volatile malheureuse,

Qui, maudissant sa curiosité,

Traînant l’aile et tirant le pied,

Demi-morte et demi-boiteuse,

Droit au logis s’en retourna :

Que bien, que mal, elle arriva,

Sans autre aventure fâcheuse.

Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger

De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.

Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?

         Que ce soit aux rives prochaines.

Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau,

         Toujours divers, toujours nouveau ;

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.

J’ai quelquefois aimé : je n’aurais pas alors,

         Contre le Louvre et ses trésors,

Contre le firmament et sa voûte céleste,

         Changé les bois, changé les lieux

Honorés par les pas, éclairés par les yeux

         De l’aimable et jeune bergère

         Pour qui, sous le fils de Cythère,

Je servis, engagé par mes premiers serments.

Hélas ! quand reviendront de semblables moments ?

Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants

Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ?

Ah ! si mon cœur osait encore se renflammer !

Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête ?

         Ai-je passé le temps d’aimer ?

Le Singe et le Léopard

         Le Singe avec le Léopard

         Gagnaient de l’argent à la foire.

         Ils affichaient chacun à part.

L’un d’eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire

Sont connus en bon lieu. Le Roi m’a voulu voir ;

         Et, si je meurs, il veut avoir

Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,

         Pleine de taches, marquetée,

         Et vergetée, et mouchetée ! »

La bigarrure plaît : partant chacun le vit.

Mais ce fut bientôt fait ; bientôt chacun sortit.

Le Singe de sa part disait : « Venez de grâce,

Venez, messieurs, je fais cent tours de passe-passe,

Cette diversité dont on vous parle tant,

Mon voisin Léopard l’a sur soi seulement :

Moi je l’ai dans l’esprit. Votre serviteur Gille,

         Cousin et gendre de Bertrand,

         Singe du Pape en son vivant,

         Tout fraîchement en cette ville

Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler ;

Car il parle, on l’entend : il sait danser, baller,

         Faire des tours de toute sorte,

Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs ;

Non, messieurs, pour un sou ; si vous n’êtes pas contents,

Nous rendrons à chacun son argent à la porte. »

Le Singe avait raison : ce n’est pas sur l’habit

Que la diversité me plaît ; c’est dans l’esprit :

L’une fournit toujours des choses agréables ;

L’autre, en moins d’un moment, lasse les regardants.

Oh ! que de grands seigneurs, au Léopard semblables,

         N’ont que l’habit pour tous talents !

Le Gland et la Citrouille

Dieu fait bien ce qu’il fait. Sans en chercher la preuve

En tout cet Univers, et l’aller parcourant,

         Dans les citrouilles je la treuve.

         Un villageois, considérant

Combien ce fruit est gros et sa tige menue :

« À quoi songeait-il, dit-il, l’Auteur de tout cela ?

Il a bien mal placé cette citrouille-là.

Eh parbleu ! je l’aurais pendue

À l’un des chênes que voilà ;

C’eût été justement l’affaire :

Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.

C’est dommage, Garo, que tu n’es point entré

Au conseil de Celui que prêche ton curé ;

Tout en eût été mieux : car pourquoi, par exemple,

Le gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt,

         Ne pend-il pas en cet endroit ?

         Dieu s’est mépris : plus je contemple

Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo

         Que l’on a fait un quiproquo. »

Cette réflexion embarrassant notre homme :

« On ne dort point, dit-il, quand on a tant d’esprit. »

Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.

Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit.

Il s’éveille ; et portant la main sur son visage,

Il trouve encore le gland pris au poil du menton.

Son nez meurtri le force à changer de langage.

« Oh, oh, dit-il, je saigne ! et que serait-ce donc

S’il fût tombé de l’arbre une masse plus lourde,

         Et que ce gland eût été gourde ?

Dieu ne l’a pas voulu : sans doute il eut raison ;

         J’en vois bien à présent la cause. »

         En louant Dieu de toute chose,

         Garo retourne à la maison.

L’Écolier, le Pédant, et le Maître d’un jardin

Certain Enfant qui sentait son collège,

Doublement sot et doublement fripon

Par le jeune âge, et par le privilège

Qu’ont les pédants de gâter la raison,

Chez un voisin dérobait, ce dit-on,

Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne,

Des plus beaux dons que nous offre Pomone

Avait la fleur, les autres le rebut.

Chaque saison apportait son tribut :

Car au printemps il jouissait encore

Des plus beaux dons que nous présente Flore.

Un jour dans son jardin il vit notre écolier,

Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier,

Gâtait jusqu’aux boutons, douce et frêle espérance,

Avant-coureurs des biens que promet l’abondance :

Même il ébranchait l’arbre, et fit tant à la fin

         Que le possesseur du jardin

Envoya faire plainte au Maître de la classe.

Celui-ci vint suivi d’un cortège d’enfants :

         Voilà le verger plein de gens

Pires que le premier. Le Pédant, de sa grâce,

         Accrut le mal en amenant

         Cette jeunesse mal instruite :

Le tout, à ce qu’il dit, pour faire un châtiment

Qui pût servir d’exemple, et dont toute sa suite

Se souvînt à jamais comme d’une leçon.

Là-dessus il cita Virgile et Cicéron,

         Avec force traits de science.

Son discours dura tant, que la maudite engeance

Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin.

         Je hais les pièces d’éloquence

         Hors de leur place, et qui n’ont point de fin ;

         Et ne sais bête au monde pire

         Que l’Écolier, si ce n’est le Pédant.

Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire,

         Ne me plairait aucunement.

Le Statuaire et la Statue de Jupiter

Un bloc de marbre était si beau

Qu’un statuaire en fit l’emplette.

« Qu’en fera, dit-il, mon ciseau ?

Sera-t-il Dieu, table ou cuvette ?

Il sera Dieu ; même je veux

Qu’il ait en sa main un tonnerre.

Tremblez, humains. Faites des vœux ;

Voilà le Maître de la terre. »

L’artisan exprima si bien

Le caractère de l’idole,

Qu’on trouva qu’il ne manquait rien

À Jupiter que la parole :

Même l’on dit que l’ouvrier

Eut à peine achevé l’image,

Qu’on le vit frémir le premier,

Et redouter son propre ouvrage.

À la faiblesse du sculpteur

Le poète autrefois n’en dut guère,

Des dieux dont il fut l’inventeur

Craignant la haine et la colère.

Il était enfant en ceci ;

Les enfants n’ont l’âme occupée

Que du continuel souci

Qu’on ne fâche point leur poupée.

Le cœur suit aisément l’esprit :

De cette source est descendue

L’erreur païenne, qui se vit

Chez tant de peuples répandue.

Ils embrassaient violemment

Les intérêts de leur chimère :

Pygmalion devint amant

De la Vénus dont il fut père.

Chacun tourne en réalités,

Autant qu’il peut, ses propres songes :

L’homme est de glace aux vérités ;

Il est de feu pour les mensonges.

La Souris métamorphosée en fille

Une Souris tomba du bec d’un Chat-Huant :

         Je ne l’eusse pas ramassée ;

Mais un Bramin le fit : je le crois aisément ;

         Chaque pays a sa pensée.

         La Souris était fort froissée.

         De cette sorte de prochain

Nous nous soucions peu ; mais le peuple bramin

         Le traite en frère. Ils ont en tête

         Que notre âme, au sortir d’un roi,

Entre dans un ciron, ou dans telle autre bête

Qu’il plaît au Sort : c’est là l’un des points de loi.

Pythagore chez eux a puisé ce mystère.

Sur un tel fondement, le Bramin crut bien faire

De prier un Sorcier qu’il logeât la Souris