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Femmes d’Écosse est un voyage à travers le temps à la découverte de ces femmes qui ont fait l’histoire de leur pays.
Des plus humbles aux plus grandes, les écossaises ont été sur le devant de la scène et en arrière-plan des principaux événements de leur pays. Voici les pêcheuses, les guerrières, les écrivains, les jacobites, les martyres et les ouvrières. Sans elles, l’Écosse ne serait pas l’Écosse.
Rejoignez cette formidable épopée à travers les Âges Sombres et ce XXIème siècle et découvrez qui fut la force motrice de cette petite mais dynamique nation.
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Veröffentlichungsjahr: 2023
© Helen Susan Swift, 2013
Conception de la mise en page © Next Chapter, 2023
Publié en 2023 par Next Chapter
Couverture illustrée par The Cover Collection
Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existant ou ayant existé n’est que pure coïncidence.
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris la photocopie, l’enregistrement, ou par tout système de stockage et de récupération d’informations, sans la permission de l’auteur.
Remerciements
Introduction
1. Saintes et Guerrières Celtes : Folklore et Légende
2. Pieux et Patriotes
3. « Dieu Merci, Je Suis Enceinte du Roi. »
4. Les « Sales Bonnes Femmes » De L’alliance
5. Femmes Sages, Sorcières et Prophétesses
6. Femmes Jacobites
7. Victimes et Vengeresses
8. Classe et Culture
9. La Comtesse et les Expulsions
10. Enrôlements et Singes Poudriers
11. Seuls Les Tisserands Portaient Des Chapeaux : L’industrie Et Les Femmes
12. Perdues en Mer
13. Les Pêcheuses
14. Aventure Haute en Couleur
15. Écossaises et Boissons
16. La Bonne Action de la Fille Locale
17. Les Suffragettes
18. Femmes et Politique
19. Les Femmes et la Guerre
20. Les Femmes dans L’éducation et la Médecine
21. Femmes de Littérature
L'envoi
Cher lecteur
Remarques
Je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont aidé dans mes recherches comprenant l’équipe de la bibliothèque de l’université d’Aberdeen, les archives de l’université de Dundee et les archives nationales d’Écosse.
Un petit pays situé à la frange ouest de l’Europe, l’Écosse a produit un nombre incroyable de personnalités exceptionnelles. Les exploits des Écossais tels William Wallace, David Livingstone et John Logie Baird sont connus de tous. Pourtant des Écossaises tout aussi exceptionnelles ont émergé également de ce petit pays et dans des proportions tout aussi extraordinaires. Que ce soit les guerrières des temps médiévaux comme BlackAgnes de Dunbar ou bien de Betsy Miller, la première capitaine de navire britannique en passant par Williamina Fleming, l’astronome incontournable du Dix-neuvième siècle et Victoria Drummond, la première ingénieur en chef britannique, toutes ces Écossaises ont su faire face avec succès à toutes sortes d’obstacles. Des politiciennes comme Flora Drummond, Katherine Marjory et des femmes lettrées telles Mary MacLeod et Alison Cockburn font-elles aussi parties intégrantes de l’Histoire écossaise.
Néanmoins, en dépit d’un tel concentré de cran et de génie, toutes les femmes écossaises mériteraient peut-être encore bien plus d’éloges pour le maintien de la cohésion de toute une nation. Des pêcheuses aux ouvrières des manufactures, des travailleuses bien disciplinées aux contrebandières, ce livre vous présente ces Scotwomen.
«Là où il y a une vache, il y a une femme et là où il y a une femme il y a du désordre.»
SAINT COLUMBA
Quand les Romains envahirent ce qui devait devenir plus tard l’Écosse, ils furent aux prises avec des ennemies féroces, experts de la tactique de guérilla et se battant avec courage, causant de multiples problèmes aux légions. Bien que les Romains eurent une victoire significative au Mont Graupius en l’an 83, ils ne parvinrent pas à conquérir ce territoire du nord et se retranchèrent derrière le mur d’Hadrien. Peu de témoignages relatent le type d’individus que les Romains pouvaient rencontrer dans ces vallées typiquement écossaises, appelées localement glens et straths selon l’étroitesse de celles-ci (NDT) mais quand le romain Ammianus Marcellinus qui vécut au quatrième siècle après Jésus-Christ rencontra des Gaulois, cousins celtiques des Pictes d’ Écosse, il dit d’eux : « Leur regard est terrible et sévère, très querelleurs, très fiers et d’une grande insolence. ». C’est une description qui pourrait peut-être rester valable pour les Écossais aujourd’hui. Toutefois, alors que les Romains considéraient les hommes celtes comme de redoutables adversaires, il semblerait bien qu’ils tenaient encore plus en respect les femmes celtes.
Marcellinius prétendait : «Toute une troupe d’étrangers ne pourrait pas résister à un seul Gaulois si celui-ci demandait assistance à sa femme. » Il semblerait que ces femmes aient été : « Très fortes… Surtout pour gonfler leur cou, grincer des dents et brandir leurs bras jaunâtres et énormes puis commencer à frapper et à donner des coups de pieds. » Bien que les Romains parvinrent finalement à vaincre les Gaulois, ils ne réussirent pas à se défaire des Pictes. Il est probable que ces derniers aient été encore plus hors du commun.
La morale des femmes pictes semble aussi scandaliser quelque peu les observateurs et selon des témoignages romains celles-ci se sentaient libres de faire l’amour avec qui bon leur semblait. Le mariage entre Celtes était si facile et les divorces si simples que l’on aurait pu en célébrer chaque année. Cependant, il y a aussi des concubines officielles, tenant la fonction de seconde épouse auprès de l’épouse principale. Cette dernière avait le droit de frapper cette concubine par jalousie, ce qui devait créer des relations plutôt agitées. Pourtant ce type de concubinage était monnaie courante à cette époque, en dépit du qualificatif de cette deuxième femme dite adultrach ou adultère.
Il n’y avait pas moins de dix sortes d’unions différentes dans le monde celtique, du lien lâche sans trop de contrainte pour des rapports sexuels jusqu’au lien permanent. Ces pratiques se firent écho jusqu'à la fin du dix-huitième siècle avec le Handfasting, une sorte de mariage avec période d’essai,bien que désapprouvé par l’église presbytérienne d’Écosse. Il y a une légende intéressante concernant une femme picte qui aurait fait l’amour avec le père de Ponce Pilate en mission au nord de la frontière romaine. De cette union serait né le futur gouverneur de Jérusalem. Bien que cette histoire soit probablement apocryphe, elle illustre parfaitement cette idée de liberté sexuelle appréciée des femmes écossaises.
Mais qui se marierait avec une femme si dominante et féroce ? Beaucoup en fait et juste pour être auprès d’une femme celte car la guerre et les querelles étaient des plaisirs majeurs à cette époque et suivant cette même logique, une femme humble et effacée ne constituait qu’un défi sans réjouissance. En revanche, une femme forte et affirmée pouvait épauler son partenaire tout au long d’une vie périlleuse.
Quand elles ne se battent pas où ne font pas l’amour, les femmes celtes prennent soin de leur apparence. Celles connues des Romains ne semblent pas avoir une espérance de vie très longue et beaucoup meurent peu après vingt ans. Mais elles ne perdent pas de temps puisqu’elles se mariaient jeune, vers l’âge de douze ans et flirtaient outrageusement. Elles utilisent des colorants à base de baies pour se teindre les sourcils, colorer leur lèvres et rougir leurs joues. Elles semblent très fières de leurs cheveux tressés et gardent leur peigne dans leur sac personnel.
Les femmes celtiques portaient des jupes à carreaux et des bracelets de cheville en or ou en argent, des colliers et des bracelets, elles avaient aussi des bagues à leurs doigts et des anneaux à leurs oreilles, et mettaient des épingles décorées dans leurs cheveux. Les femmes nobles portaient des torques élaborés autour de leur cou et des broches décorées pour tenir leur vêtements. Elles se lavaient même avec de l’eau chaude, une habitude que leurs descendants urbains oublièrent et prenaient soin de leurs ongles. Il est tout à fait possible que les femmes celtes portaient des sandales dévoilant leurs toe rings, des bagues à leurs orteils.
À plus forte raison, les femmes celtes accordaient tellement d’importance à leur apparence que la loi les protégeaient en infligeant des amendes à ceux qui auraient osé insulter leur look, leur maquillage ou leurs vêtements. La loi celte les protégeaient de même contre la diffamation et l’atteinte à leur réputation. En cas d’adultère avéré, la femme celte n’était pas condamnée dans le seul cas où celle-ci aurait tué sa rivale à chaud sur le moment et dans la période considérée. Elle avait trois jours entre le moment où elle découvrait l’adultère et l’exécution de sa vengeance. Après ce délai on supposait que la colère devait s’atténuer. Rien ne semble avoir été écrit sur les relations ultérieures entre le mari et la femme, probablement une fois prouvé qu’elle l’aimait, ils pouvaient s’embrasser et renouer.
Les hommes considéraient l’apparence et la beauté de leurs femmes : « Ses avant-bras avaient une complexion d’un blanc laiteux semblable à une fine neige tombée d’une seule nuit, ils étaient d’une claire douceur et ses joues avaient l’éclat d’une digitale pourprée. » Peut-on lire dans la Saga d’Etain, la plus jolie femme d’Irlande, ce texte est datée du huitième siècle. La description continue et évoque la beauté de ses sourcils et de ses yeux, de ses dents, de ses épaules délicates et de ses mains longues ainsi que de sa silhouette fine et de ses cuisses « chaudes ». Le texte se conclue ainsi : « Tout peut être d’une claire beauté mais l’éclat de la belle Etain n’a pas d’égal. »
Ainsi, ces femmes autoritaires n’intimidaient pas leurs hommes bien qu’elles adoptaient des postures masculines pour montrer leurs aptitudes. Et les deux sexes s’acceptaient et s’ appréciaient dans ce contexte. Les femmes appréciaient ce statut d’égalité avec les hommes ; elles avaient le droit de propriété et en cas de veuvage, elle disposait des biens de son époux défunt. Les femmes pouvaient devenir la chef de leur tribu en tant que reine et même la diriger pendant une guerre. Toutefois rien n’est consigné sur le sujet particulier des reines pictes mais nous savons que Boudicca de la tribu des Iceni, Cartimandua des Brigantes et Medb de Connacht étaient des reines celtes puissantes. Il n’y a aucune raison de penser que les choses étaient différentes chez les Pictes.
Il apparaît que les femmes ont joué un rôle important pendant les Dark Ages ou « Âge Sombre » en Écosse, période de transition après le départ des troupes romaines correspondant à la première moitié du Moyen Âge (NDT). La mythologie celtique met en avant ces femmes de pouvoir prestigieuses aux compétences exceptionnelles, ce qui manque cruellement chez d’autres peuples. Les femmes étaient profondément impliquées dans la spiritualité et le cycle de vie. Les déesses telles Morrigan ou « Grande Reine » et Danann « la Reine des Dieux » étaient au sommet du Panthéon celtique. Il est fort dommage que les Pictes n’aient pas laissé de traces écrites mais les Gaels nous racontent l’histoire de la grande reine Medb de Connacht pendant l’entraînement de Cu Cuchlainn, le héros Dark Ages irlandais, sur l’île de Skye. Ses entraîneurs Scatach et Aife étaient toutes les deux femmes, alors que les légendes galloises racontent aussi que des femmes instructeurs entraînaient et formaient des hommes au combat. Les femmes semblent jouer un rôle tout aussi important dans la religion et lors de l’assaut de Anglesey, des femmes druides vêtues de noir résistèrent aux troupes romaines.
Une tradition ancienne veut que le terme des « Hébrides » ait évolué à partir des noms Ey-brides, de Isles of Saint Brigit, c’est-à-dire les îles de Saint Brigitte, cette dernière étant la protectrice des Hébrides extérieures ou Outer Isles en anglais, archipel qui fait partie des Hébrides (NDT). Sainte Brigitte était une déesse gaélique originellement, fille de Dagda et patronne des poètes. La légende dit aussi qu’elle était la déesse du Feu et seules les femmes de noble naissance avaient accès aux temples du feu sacré. Ces femmes portaient le nom de « filles du feu. » À l’avènement du Christianisme, Sainte Bride remplaçait la déesse Brigitte et de nouvelles légendes naquirent dans les îles de Sainte Bride. La pie de mer devint l’emblème de ces îles et le premier février le jour de la Sainte Bride.
Bride portait aussi le nom de « Marie des Gaels » et aurait été la sage-femme de la Vierge Marie. Un charmant conte populaire relate comment Sainte Bride illumina une couronne de bougies sur sa tête pour faire diversion auprès des envoyés d’Hérode cherchant le Christ. Une femme aussi originale et habile représentait un choix naturelle pour devenir une Sainte en pays celtique de sorte que l’Église chrétienne établi « l’Ordre des nonnes de Sainte Bride » afin d’effacer la mémoire païenne de Sainte Brigitte. Ces nonnes insulaires devaient constituer probablement la première communauté chrétienne à l’ouest de l’Europe. À cette même période, d’autres religieuses s’installaient sur les parties du territoire qui devint plus tard l’Écosse, par exemple l’abbesse Aebbe officiant à Coldingham au sud-est du fleuve Forth.
Il semblerait que l’Écosse ait produit une série de saintes tout à fait unique. L’une des premières venait de la région appelée aujourd’hui East Lothian qui selon la légende était gouvernée par un roi païen nommé Loth. Ce roi était mécontent que sa fille, Thenew, embrasse la nouvelle religion chrétienne et encore plus mécontent encore lorsque le prétendant de celle-ci fut non seulement chrétien mais d’un niveau social inférieur. Inévitablement son père remarqua que sa fille enceinte et au sixième siècle, la colère des rois pouvait être des plus violentes, Loth ordonna à ses soldats de jeter sa fille du haut de la colline du Traprain Law. La rectitude de la sentence toutefois n’empêcha pas Thenew de presque rebondir sur le sol et de s’en tirer saine et sauve. Imperturbable, le roi n’en démordait pas et voulait toujours exécuter sa fille, alors il l’a plaça dans un coracle, petite embarcation légère d’une place (NDT), sans nourriture ni eau et sans pagaie puis la poussa dans l’estuaire du Firthof Forth.
Elle gardait la foi pour se rassurer en attendant un miracle. La marée la porta jusqu'à l’île de May puis vers Culross in Fife. Quandelle aperçu un feu sur le rivage, elle prit cela pour un message d’espoir de la part du Seigneur et approchait doucement. Elle savait que le temps était venu et qu’elle s’apprêtait à donner naissance à son fils, auprès de ce doux foyer. Les moines qui entretenaient le feu emmenèrent Thenew à Saint Serf qui adopta le jeune enfant. Il le nomma Kentigern que l’on pourrait traduire par « Seigneur-maître » et Mungo, traduit par « l’Homme estimable ». Plus tard Kentigern créait les fondations de ce qui allait devenir plus tard la cathédrale de Glasgow. Thenew fut sanctifiée pour devenir Sainte Enoch.
L’un des premiers saints écossais fut Sainte Triduana qui selon la légende débarqua à Kilrymont en compagnie de Saint Rule. Ce lieu rassemblait une importante communauté picte et cet endroit est aujourd'hui mieux connu sous le nom de St Andrews mais Triduana s’établit finalement à Restenneth près de Forfar dans le royaume picte de Circinn. Malheureusement, Nechtan, le roi local, était un homme passionné qui gardait un oeil avisé sur ces dames. Triduana était jeune, belle et bien formée, dirons-nous.
Lorsque les attentions de Nechtan devinrent un peu trop pressante,Triduana s’enfuya de Circinn pour s’installer à Dynfallndy dans la région montagneuse près de Pitlochry. Toutefois le roi était aussi persistant qu’amouraché et il envoya ses hommes afin de ratisser la contrée et retrouver cette beauté venue de l’est. Naturellement une femme aussi exotique que Triduana ne pouvait pas rester longtemps inaperçue et les hommes du roi la retrouvèrent.
« Revenez à Circinn. » Imploraient-ils, « Car le roi Nechtan désire votre compagnie. »
Triduana écoutait leur requête et demandait alors : « Qu’est-ce qu’un si grand prince peut bien désirer d’une pauvre vierge qui dédit sa vie à Dieu ? »
« Le roi désire l’excellence de la beauté de vos yeux. » Répondaient les ambassadeurs. « S’il n’y parvient pas, il mourra assurément. »
« Ah si c’est ce qu’il a besoin, il doit les avoir . » Elle cueillait ses yeux à l’aide d’une épine et les tendaient aux ambassadeurs. Ces derniers les rapportèrent au roi Nechtan.
Étrangement une fois que le roi fut en possession des yeux convoités, il se désintéressa de la sainte qui désormais se dirigeait au sud du Lothian pour s’installer dans une chambre près d’Édimbourg. L’église de Restalrig se dresse à l’endroit où Triduana passa sa vie et par son sacrifice elle devint la Sainte protectrice des aveugles.
Ces défricheurs du christianisme n’étaient pas toujours bien accueillis. Une communauté monastique s’était établie dans l’île de Eigg, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de l’Écosse. À une certaine époque Saint Donan gérait à cet endroit plus d’une cinquantaine de moines tous vêtus de blanc, pacifiques et dévoués. Ils faisaient paître leurs troupeaux et priaient leur Seigneur. Malheureusement, ils ne connaissaient pas les voisins aux alentours. En l’an 648, le martyrologe de Donegald relate : « Ici et à ce moment précis sur cette île vinrent des mers des pilleurs. Donan célébrait une messe. Il leur demandait de ne pas le tuer afin de pouvoir terminer ce qu’il avait commencé, ils lui accordèrent ce répit. Puis il furent tous décapités, lui accompagné de ses cinquante deux moines. »
Les massacres de moines était pratiquement inconnus à l’époque pré-viking et ce genre d’acte barbare particulièrement odieux était plus qu’inhabituelle et à plus forte raison lorsqu’une femme en était l’instigatrice. Une reine picte, dans les environs de Moidart, faisait paître ses moutons sur l’île d’Eigg et celle-ci n’appréciait pas l’intrusion de ces moines dans son pré carré. Elle demanda à ses guerriers de les faire bouger. Si les chroniques sont exactes, la réaction de cette reine de Moidart est un exemple précoce de ce qui deviendra un thème récurrent de l’histoire : il vaut mieux ne pas mettre en colère une femme écossaise. Il n’est pas si surprenant que cette île soit aussi connu comme étant « l’ île des grosses femmes.»
À cette époque, sur ce territoire qui n’était pas encore l’Écosse, tout n’était qu’un mélange confus de petits royaumes, tous gouvernés par des sous-rois insignifiants. Chose intéressante, certains historiens comme Nora Chadwick, pensent que les Pictes dont les territoires couvraient une large partie du nord et de l’est du pays, devaient suivre des lois de succession matrilinéaire. Cela signifie que le sang royal transmis par la mère prévalait sur celui du père, ce qui montre bien l’importance des femmes dans l’ancienne Écosse. D’autres historiens comme Alfred Smyth1, contestent ce seul mode de sélection du monarque en expliquant qu’il est tout à fait possible que les Pictes soient un peuple subordonné aux ordres d’un souverains extérieur sans lien établi avec une mère picte.
Il ne fait aucun doute que dans le monde celtique les rois et les princes se mariaient en dehors de leur propre royaume. II est aussi arrivé qu’un noble non celte épouse une femme celte, facilitant ainsi le processus d’intégration. Certains de ces nouveaux arrivants étaient de braves guerriers venus de Scandinavie, les Norsemen qui comptaient parmi les combattants les plus redoutées en Europe. Peut-être ces mariages étaient-il arrangés par consentement mutuel mais un poème viking de Bjorn Cripplehand conte une toute autre histoire dans une île des Hébrides (NDT).
« Les hommes à Mull étaient usés ;
Les femmes écossaises ne luttaient
Et tant de pleurs insulaires
S’entendaient par les îles croisèrent.»
Les chroniques confirment que les Norsemen emmenaient avec eux des esclaves écossaises de sorte que les viols et la brutalité marquaient ces incursions nordiques. Ceux-ci constatèrent par la suite que ces femmes étaient tout à fait capables de se débrouiller seules.
Avec leurs maris vikings absents pour mener des raids, ces femmes et ces mères celtiques étaient livrées à elles-mêmes pour élever leurs enfants. Elles transmettaient naturellement leur culture et leur propre langue. Après quelques générations on parlait Gaélique dans beaucoup de ces territoires colonisés par les vikings, avec une fusion des cultures, des traditions nordiques et celtiques. Une étude génétique récente menée en Islande a montré de manière surprenante que la majorité des habitants avaient des ancêtres celtes, démontrant probablement que les femmes écossaises pouvaient s’adapter à de nombreuses conditions.
Peut-être les femmes nordiques n’aimaient-elles pas voyager loin de leur maison car les vikings étaient enchantés par les femmes celtes. Olaf de Dublin s’est marié au moins deux fois ; sa première reine était la fille d’Aed Findliath, le Grand Roi d’Irlande. La seconde était écossaise, possiblement la fille de Kenneth Mac Alpin, connu pour être le premier roi de l’Écosse unifiée. La combinaison nordique et celte semble créer une femme hybride aussi aventureuse que n’importe quel viking.
Telle était Aude, «La Très Sage», Aud “Deep Minded” fille de Ketil Flatnose, roi des Hébrides. Aude aurait été mariée à Olaf de Dublin mais quand les Scots tuèrent son fils Thorstein, elle décida d’émigrer. La Saga de Laxdaela explique son départ en affirmant qu’elle avait peu de chances de conserver sa position en Écosse. Elle devint la première femme en Écosse jamais référencée à faire construire un navire, à Caithness. Elle chargeait ses biens de valeur puis sa famille et sa suite embarquait avant de prendre la mer. Non seulement ses servantes et ses esclaves la suivirent mais aussi des nobles tels Koli et Hord qui devaient laisser leurs marques un peu plus tard dans l’histoire nordique. Aude cingla dès le départ vers Orkney, là où elle avait marié l’une de ses petites filles puis vers les îles Féroé et enfin l’Islande où elle devint une grande propriétaire terrienne.
Les mères celtes n’étaient pas du style à surprotéger leurs enfants nordiques. À une certaine occasion lorsque Earl Sigurd de Orkney demanda conseil à sa mère pour attaquer un roi rival sur le territoire écossais, elle répondit alors : « Je t’aurais élevé dans mon panier de laine si j’avais su que tu voulais vivre éternellement. C’est le destin qui régit la vie d’un homme, non ses allers et venus et il vaut mieux mourir avec honneur que vivre dans la honte. »
Ce trait particulier des mères écossaises devait se répéter à travers les générations. L’ idée de « qui aime bien, châtie bien » était déjà à l’ordre du jour à la période pré-médiévale, la tough love attitude n’est pas si récente que cela. Le fils de Sigurd portait un nom nordique, Thorfinn mais il était aussi le produit d’une mère écossaise et d’une grand-mère gaélique, peut-être irlandaise. Les nordiques pensaient peut-être être les maîtres des îles mais des générations de femmes celtes étaient en train de gagner la bataille génétique. À l’époque où les Hébrides extérieures faisaient partie des îles les plus densément peuplées par les nordiques, cet archipel devint progressivement un bastion gaélique par l’influence au fil du temps de la langue de centaines des femmes celtes. Les vikings combattaient certes avec une épée et à la hache mais les Écossaises gagnaient la guerre de fond, avec endurance, ruse et savoir.
Les descendants de ces femmes pictes qui avaient par la suite accueilli favorablement les émissaires de Rome combattirent avec acharnement les vikings. L’Histoire a retenu quelques uns de ces noms mais une femme du nom de Frakok mena une guérilla contre les vikings dans la région qui correspond aujourd'hui à Sutherland, conté historique au nord des Highlands (NDT). Cet épisode se termina lorsqu'elle fut encerclée à Kildonan, sa base de repli et que l’endroit fut, avec elle, incendié à la torche. Ceci montre encore une fois que ces femmes opiniâtres étaient déterminées à combattre et harasser l’envahisseur. Depuis plus d’un siècle, une loi interdisait les femmes et les enfants de combattre. En 697, Adomnan, l’abbé d’Iona, une petite île des Hébrides intérieures à l’ouest de l’Écosse (NDT), entérine la « Loi des Innocents. » Cette loi était le résultat d’une longue concertation entre une quarantaine de membres du clergé parmi les plus influents et plus de cinquante chefs et rois, incluant Bridei, le Roi des Pictes et Eochaid, le Roi des Scots.
Probablement créée à Iona, le site plus unique et sacré en Grande-Bretagne, cette loi d’Adomnan avait pour but de protéger les non-combattants comme les enfants, les femmes et le clergé des flux et reflux constants de la guerre pendant les Dark Ages. Il est dit aussi par la tradition que cette loi dispensait les femmes de prendre part aux guerres tribales et même de les empêcher de combattre complètement. Cela pourrait indiquer l’initiative d’un femme celte sur cette loi portée un peu plus tard par le clergé.
Selon un récit irlandais, Ronait, la mère de Adomnan, aurait été la témoin d’une des guerres tribales les plus frénétiques de son époque. L’auteur médiéval mentionne que les femmes prenaient part aux combats et que l’une d’entre elles, lors d’un affrontement, traîna son opposante hors des rangs en lui plantant le crochet de sa fossile dans la poitrine. La vue de cette scène pénible avait décidé Ronait à s’asseoir seule en signe de protestation et dit à son fils : « Vous ne me bougerez pas de cet endroit tant que les femmes ne seront pas dispensées de combattre. » Ne voulant pas arguer contre sa mère, Adomnan mena le négociations avec les rois de la contrée.
La fusion des imposants Pictes, des guerriers gaéliques, des Anglo-saxons et des Scandinaves devait créer une lignée de femmes fortes et virulentes en Écosse. Des femmes telles Aud, Frakok ou Thenew étaient déterminées à relever les défis de leur époque. À leur descendance s’ajoutait un peu plus tard l’apport normand qui s’ajouta à l’alliage culturel préexistant pour fondre finalement une nation écossaise distincte. Si les femmes écossaises d’aujourd'hui ont besoin d’un modèle, elles peuvent se tourner vers leurs ancêtres lointaines au temps de l’Âge Sombre de l’Écosse.
Que j’arrive tôt, que j’arrive tard,
Je trouvais Black Agnes à l’entrée.
TRADITIONNEL
Au milieu du onzième siècle, Malcom III, aussi connu sous le nom de Canmore, était le Roi d’Écosse. Bien qu’il soit gaélique de naissance, sa mère était Anglo-danoise, la fille de Earl Siward de Northumbrie. Malcom était un homme cultivé, il parlait plusieurs langues et parvint à contrôler astucieusement et ce pendant trente-six ans un royaume encore agité avec des frontières mal définies et des ennemies affluents le long des côtes et sur terre. Bien que Roi en vertu de son sang gaélique, il se sentait obligé, peut-être en souvenir de sa mère, de trouver une épouse au-delà de l’orbite d’Alba.
Peu de temps après que Malcom soit devenu roi, Knut du Danemark s’emparait de l’Angleterre et envoya de nombreux nobles en exil. Ceci concernait Edgar Atheling et ses deux sœurs, Margaret et Christina, descendantes d’Edmund Ironside. Ils fuirent vers la Hongrie d’où leur mère Agatha venait. Le grand-père de cette dernière était Stephen, celui-là même qui avait christianisé le pays avant d’être sanctifié. En 1068, Margaret fuit de nouveau l’Angleterre pour échapper aux Normands. Elle débarqua dans le Firth of Forth et il est dit qu’elle captiva immédiatement le Roi d’Écosse.
Margaret et Malcom se marièrent en 1072, à Dunfermline. La tour de Malcom est toujours visible dans ce vallon creusé par le ruisseau qui donna son nom à la ville. Margaret, dit-on, était attractive et intelligente, des qualités qui correspondaient parfaitement et que l’on aurait pu aussi accorder au roi.
Les Ecossais et les Anglo-normands lançaient des escarmouches le long de la frontière mais ceci ne semblait pas perturber Margaret qui se contentait d’être avec Malcom. Elle apparaissait comme étant une femme discrète mais son amour du luxe dénotait quelque peu avec son humilité et sa révérence affichées envers son église. Ses enfants étaient nés à Dunfermline, là où elle avait fondé une église abbatiale en l’honneur de son mariage. Margaret posait probablement les fondations de l’Église Romaine Catholique en Écosse en remplaçant la vieille Église Celtique de Columba et d’Adomnan. Elle offrit aussi à cette abbaye des terres léguées par son mari ainsi que des ornements d’or et d’argent. La relique sacrée la plus importante est le Black Rood de Sainte Margaret, le Crucifix Noir, une pièce provenant, soit-disant, de la Vraie Croix. Cette relique fut gardée dans un reliquaire fermé par des gemmes jusqu’à son pillage par les troupes d’Edward Longshanks (« Longues jambes » l’un des surnoms du roi Édouard Ier, l’autre étant le « Le Marteau des Écossais » NDT) en 1296 et de disparaître complètement dans la voracité anglaise.
La cour de Margaret était dit-on très raffinée avec des coutumes et des vêtements normands qui succédaient à la culture gaélique écossaise. La reine est aussi décrite pour son attitude généreuse envers les pauvres, leur fournissant de la nourriture et leur lavant même les pieds de ses propres mains. On lui attribue aussi l’établissement des premières auberges en Écosse destinées aux pèlerins traversant la Forth pour venir à Dunfermline. C’était une avancée significative pour l’Écosse qui entrait dans cette nouvelle course européenne à l’hospitalité qui devenait tout un commerce et plus seulement de la simple courtoisie.
Il y a une histoire bien connue qui dit que le livre des Évangiles appartenant à la reine Margaret, écrit à la main et enluminé avec des miniatures des Évangélistes fut jeté dans les eaux du Forth. Quant il fut retrouvé sans aucune tache, les gens comprirent que c’était un miracle. La voie était toute tracée comme son grand-père sanctifié pour que Margaret devienne à son tour une sainte. Margaret mourut en 1093 au Château d’Édimbourg, peu de temps après la mort de son mari, parti en guerre. Son corps fut transporté hors du château, en plein brouillard puis traversa la Firth, avant d’être enterré à Dunfermline. Elle est toujours considérée à ce jour comme la Sainte-Reine, en dépit de l’anglicisation de l’Écosse et des dommages causés à l’Église Celtique.
Trouver des saints écossais à l’époque médiévale n’était pas chose facile mais tomber sur des femmes exceptionnelles l’était plus. Toute l’Écosse était quasi rurale. Les principales villes comme Édimbourg, Perth, Dundee et Aberdeen, étaient plutôt minuscules si l’on devait se référer aux normes d’aujourd’hui. De sorte qu’a cette époque, le quotidien de la plupart des gens était exclusivement rural. Mais que ce soit à la campagne ou à la ville, la vie pouvait être courte et s’arrêter brutalement. La guerre, les conditions de travail terribles, la famine et les maladies ne demandaient qu’à s’abattre sur la population sans faire de différence entre les riches ou les pauvres bien que ces derniers pouvaient se considérer chanceux d’atteindre quarante ans. La peste semait toujours l’effroi car l’on ne savait pas comment elle se propageait. Celle bubonique était transmise par des puces vivant sur des rats qui se multiplient dans des conditions insalubres. La peste pulmonaire quant à elle était aggravée par les conditions de froid et de pluie qui touchaient l’Europe au Treizième siècle.
Ajoutons à cette liste horrible, le typhus et la typhoïde, propagées par les armées en marche, la variole, la tuberculose et la dysenterie puis les parasites comme les ascarides et le ver solitaire, sans oublier les maladies de peau, omniprésentes et aggravées par le manque de propreté.
Les femmes étaient autant infectées que les hommes mais étaient aussi injustement blâmées au sujet de la transmission des maladies vénériennes qui étaient plus fréquentes dans les villes côtières fréquentées par les marins de passage. La prostitution a toujours été une option pour le plus pauvres mais les femmes avaient plus d’autonomie qu’on ne le pense. Une possibilité était de rentrer dans les ordres pour devenir nonne voire prieure un plus tard si l’opportunité se présentait et contrôler un large établissement avec des terres et de larges revenus.
Il y avait aussi des écoles dans les bourgs et on ne sait pas si les filles avait accès à ces établissements mais la présence d’un certain nombre de femmes d’affaires révélait que celles-ci devaient avoir quelque formation. Une femme seule devait avoir quelques moyens de subsistance et la loi penchait fortement en faveur des hommes. Un code de loi, le Leges Burgorum remontantau douzième siècle statuait qu’une fois mariée, la femme perdait tout ses droits sur les biens mobiliers ainsi que toutes les rentes rattachées à ses terres ainsi que tous les intérêts auxquels elle aurait droit en cas de prêt. Tout passait sous le contrôle de son mari. On lui permettait cependant de conserver ses bijoux personnels dans un réceptacle prévu à cet effet, le paraphernalia. Si son mari vendait une terre qui lui avait appartenu auparavant, celui-ci devait lui offrir un présent pour compenser cette perte comme une robe par exemple, chose qu’elle pouvait conserver pour elle, grâce à cette loi si généreuse.
Les femmes toutefois n’étaient pas tant que cela privées de leur autonomie et dans certains cas même mariées, elles pouvaient posséder une propriété de plein droit. Il y a aussi un exemple où une fille d’un premier mariage s’est vu octroyée par préséance une propriété au détriment d’un fils d’un second mariage. Et en l’absence du mari pour cause de « business », de guerre ou d’affaires personnelles, c’est elle qui contrôlait les terres, la propriété et les servantes. En fait, les femmes secondaient le plus souvent leurs époux mais elles conservaient quelques droits et pouvaient même user d’autorité. Comme toujours et c’est le cas dans toutes les sociétés, les plus riches ont la main sur le pouvoir. Il y eut quelques femmes qui luttèrent jusqu’à être traînées dans la boue pour tenter d’accéder à cette bourgeoisie et quelque unes arrivèrent à se faire une place dans une guilde regroupant des marchands. Mais la plupart restèrent spectatrices dans le monde des affaires.
Naturellement, les femmes n’étaient pas aussi dociles dans l’enceinte de leur propre maison. Avec des hommes souvent absents, travaillant ou partis à la guerre, les épouses devaient s’occuper de gérer les domestiques hommes et femmes. Elles étaient de même, entièrement responsables de l’éducation des enfants. Traditionnellement elles étaient aussi garantes de la transmission du savoir en qualité de sages-femmes, ce qui était indispensable pour gérer les problèmes liés à l‘hygiène déplorables à cette époque dans ce domaine. Dans le Lowland, la sage-femme était qualifiée de « grand’mamie »ou howdie alors que dans le Highland on l’appelait bean ghluin qui veut dire « femme à genoux ». Leur savoir était fondé sur un sens pratique accompagné de superstition en protégeant notamment le lit où se pratiquait l’accouchement des fées et des esprits malins craints à cette époque avec un élément en fer ou des brindilles de sorbier. Une fois qu’elle avait aidé la parturiente à accoucher, la sage-femme baignait l’enfant dans l’eau salée et l’emmailloté rapidement dans la robe de sa mère ou bien la chemise de son père si c’était un garçon. Dans cette nation de petites communautés, la femme qui accouchait devait probablement très bien connaître la sage-femme, celle-ci devait même parfois être une parente. Elle restait auprès de la maman pendant un ou deux jour afin de lui prodiguer quelques conseils et s’occuper des tâches ménagères, sa mission était rémunérée et le plus souvent payée en nature avec des produits du sol.
Les Écossais de pauvre condition au Moyen Âge disposaient rarement d’espèces sonnantes et trébuchantes. La sage-femme pouvait enfin recommander une nourrice si nécessaire. Il a fallu atteindre le dix-septième siècle pour que l’obstétrique soit enseignée dans les écoles de médecine et les hôpitaux.
Même à cette époque lointaine, l’Écosse était une nation commerçante et les femmes devenues veuves sur le littoral devinrent régulièrement propriétaires de leurs embarcations. Certaines géraient des biens fonciers à la manière d’un syndic et d’autres étaient même procureurs à la cour. Cependant, il était plus fréquent pour une femme de gérer une auberge et de vendre de la nourriture ou des bières. À Aberdeen, celles-ci étaient aussi débardeurs sur la côte auprès et à égalité avec d’autres hommes alors que d’autres lessivaient les vêtements pour leurs supérieurs.
Les femmes s’impliquaient ainsi dans de nombreuses activités mais quelque unes seulement laissèrent une impression aussi durable dans le monde médiéval que Devorguila, Lady of Galloway. Devorguila est la version latinisée de son nom gaélique Derbhorgail. Elle était la fille d’Alan, Seigneur de Galway et de Margaret of Huntingdon, l’arrière petite-fille de King David I. Cette lignée prestigieuse plaçait Devorguila parmi l’élite de la noblesse écossaise et quand elle se maria à John Balliol en 1233, elle prenait dans ses filets l’un des plus riches chevaliers scotto-normands.
À cette époque, les Balliol étaient une famille bien établie avec des terres dans le Yorkshire, la Picardie et aussi en Écosse. John, âgée de 25 ans, avait une dizaine d’années de plus que la promise. Une fois mariés, ils vivaient dans des conditions plus que confortables avec des revenus aux alentours de cinq cents livres ; ceci les plaçait dans le haut du panier de la noblesse écossaise et même européenne. Et les possessions du jeune couple augmentaient d’année en année, avec tout d’abord la disparition du père de Devorguila puis le décès d’autres parents de la famille. Comme son père n’avait pas d’héritier mâle, elle héritait du titre de Lady of Galloway et d’une vaste étendue de territoire au sud-ouest de l’Écosse. John est aussi devenu pour sa part très influent en devenant d’une part le tuteur du jeune roi Alexander II et d’autre par en prêtant plus tard de l’argent à ce dernier. De plus il remplissait toutes les charges incombant à un grand propriétaire terrien.
Le milieu et la fin du Treizième siècle est considéré comme l’âge d’or de l’histoire écossaise. Alexander III parvenait à maintenir la paix avec une Angleterre qui ne s’acharnait pas encore contre l’Écosse. Il mit aussi en déroute les Vikings à la bataille de Largs et assurait que les Hébrides étaient bien écossaises et non norvégiennes. Devorguila et John mirent à profit ces années de paix pour avoir huit enfants, quatre filles et quatre garçons, qui survécurent tous jusqu'à l’âge adulte, ce qui était réellement exceptionnel à une époque où la mortalité infantile était très élevée. Ils semblaient travailler ensemble avec bonheur et fondèrent conjointement des monastères franciscains à Dumfries et à Oxford et une maison des Frères Mineurs à Wigtown dans la province de Galloway et de Devorguila.
En 1268, John mourru, laissant Devorguila, Lady of Galloway, seule pour administrer le vaste domaine des Balliol. C’est durant ce long veuvage et d’amour inconditionnel pour son défunt mari qu’elle acquit sa renommée et sa réputation de générosité envers les plus pauvres. Bien qu’elle ait des terres au climat un peu plus doux en Angleterre, elle passa la plupart de son temps à Buittle dans la région de Galloway, la terre de ses ancêtres, endroit où lui est attribué la fondation d’une église. Elle aurait aussi fondé le monastère franciscain de Greyfriars à Dundee qui aurait été doté d’un couvent et d’une église admirables. Malheureusement ces monuments n’ont pas survécu au temps et c’est d’autant plus dommageable que ce fut ici-même que le clergé se rassembla pour annoncer son soutien à Robert Bruce. Les terres et les vergers étaient aussi d’une étendue assez considérable.
Néanmoins Devorguila est surtout connue pour ses travaux plus au sud. L’élément le plus durable à été la fondation du Balliol College à Oxford où l’on prie toujours pour l’âme de Devorguila et de son époux bien-aimé. Les règles en vigueur reflètent la piété de sa fondatrice alors qu’une condition de la fondation assure qu’aucun gaspillage ne soit fait au détriment des étudiants les plus pauvres en leur redistribuant les aliments non consommés. Devorguila s’intéressait réellement au sort des déshérités et créa un organisme de bienfaisance pour aider ces mêmes personnes et donnait toujours de la nourriture provenant de sa propre table aux moins fortunés.
Si Balliol College est l’institution la plus mémorable, le monument le plus attachant était la Sweetheart Abbey au sud de Dumfries. En ce temps là, les personnes endeuillées pouvaient offrir de l’argent au prêtre pour qu’il y ait une messe en l’honneur de l’âme de l’être aimé. Les plus riches pouvaient dépenser des sommes folles pour des chants liturgiques dédiés dans leur église, assez d’argent pour rémunérer un prêtre à l’année. Pas du genre à voir les choses en petit, Devorguila fondait une abbaye et lui rattachait deux paroisses de ses propres terres afin que le les moines ne manquent pas de fonds. Bien que la charte de la fondation stipula que l’endroit soit consacré aux âmes de tous les rois écossais et des ancêtres de Devorguila, il ne fait presque aucun doute que celle de son défunt mari soit sa priorité première. Elle parcourait probablement la distance la séparant de Dumfries depuis Buittle situé plus au sud, soit une dizaine de kilomètres (NDT) pour superviser la construction et l’érection de cet édifice en blocs de grès rouge sculptés et façonnés à la gloire de Dieu et bénissant la mémoire de son époux.
En 1273, l’abbaye était terminée et on l’appelait déjà Douz Cœur(sic), avec son équivalent anglais Sweetheart. Il y a une autre légende qui illustre l’amour entre Devorguila et John. Il est dit qu’elle conservait dans un coffret, le coeur embaumé de son mari qu’elle plaçait à ses côtés lorsqu’elle était à table. Le poète Wynton mis en valeur Devorguila : « La meilleure de ces Dames était son nom dans toute l’île de Grande-Bretagne. » Cependant et bien qu’elle fut connue pour ses œuvres de charité, elle n’en restait pas moins une vraie femme d’affaires qui cherchait à faire fructifier ses vastes domaines.
Chanceuse par bien des aspect de sa vie, elle fut bénie aussi dans ses derniers instants puisqu’elle mourrait en 1290 n’ayant connu que ses terres en paix face à l’Angleterre. Ce n’est que quelques années plus tard qu’Édouard Ierd’Angleterre commençait la terrible série de guerres qui devaient dévaster le pays et ébranler les relations internationales pendant des siècles. Si elle avait vécu cette période, elle aurait assisté à la chute de sa famille alors que son fils John Balliol montait sur le trône puis perdait tout pouvoir et tombait en disgrâce. Les Écossais le surnommèrent Toom Tabbard, « l’homme de paille » et lui taillèrent une réputation qu’il ne méritait pas complètement.
Les Guerres d’Indépendance, TheWars of Scottish Independence, déchirèrent l’Écosse et endommageaient sérieusement la structure sociale. Dans la plupart des cas, les hommes liges ne respectèrent pas leur engagement envers leurs seigneurs et luttaient pour leur liberté. Les femmes, de leur côté, suivaient souvent une cause en laquelle elles croyaient plutôt que d’écouter les discours de leurs parents masculins.
En 1299, Margaret, Lady of Penicuik, aidait un raid de la résistance écossaise dans le Midlothian, tenu par les Anglais. Elle ne fut qu’une parmi tant d’autres à poser sa marque durant ces conflits. Peu de gens réalisent que lorsque le roiRobert Bruce n’était qu’un peu plus qu’un hors-la-loi pourchassé, sa suite, qu’une bande de mécontents en haillons, affamés et maniant l’épée, ses chances de succès étaient tellement infimes qu’elles étaient presque nulles et ce sont les femmes écossaises qui l’aidèrent. Le chroniqueur du Quatorzième siècle John Fordun écrivait : « Il endura seul toutes sortes d’épreuves laborieuses pendant près d‘une année, prit plusieurs directions, lutta contre l’adversité et le chagrin. Il pu finalement retourner au comté de Carrick avec la miséricorde de dieu et le pouvoir de Christiana of the Isles, une noble dame qui l’aida en lui voulant du bien. »
Christiana of the Isles était aussi connue sous le nom de Christiana of Mar. Elle était la fille et l’héritière de Alan Macruarie, Seigneur de Garmoran et quand ce dernier mourra, elle devint Lady of Knoydart, Moidart, Arisaig, Rum, Eigg, Uist, Barra and Gigha.Cet héritage correspondait à une large portion du littoral occidental comprenant également une partie des Hébrides intérieures et extérieures. Christiana était une femme puissante et sa part de responsabilité dans le retour de l’indépendance écossaise est certainement sous-estimée. Elle finira par épouser le frère de la première épouse de Bruce et ainsi devenir par la même occasion une proche de la couronne.
Même sur le continent écossais, Bruce ne pouvait se passer d’un appui féminin. Arrivé à ce qui est aujourd’hui Ayrshire, il dut faire face à une énorme pression constituée de forces anglaises et pro-anglaises qui le cernaient alors qu’il était à court d’hommes. Une fois encore, une femme vint à son secours et cette fois-ci ce fut Christian of Carrick. Elle lui envoya quarante hommes en renfort. Cela ne semble pas énorme pour une guerre entre deux nations mais elle lui donnait tout ce qu’elle avait et c’était donc un investissement complet dans l’opération, beaucoup plus finalement en proportion que ce que donnaient les principaux comtes et seigneurs écossais.
Parfois les femmes écossaises étaient très obstinées comme pouvait l’être Wallace et d’un courage si profond qu’il en était presque insondable. Tel était le cas d’Isabel MacDuff, comtessedeBuchan. En 1306, âgée d’une vingtaine d’années, elle apprit que Robert Bruce s’apprêtait à être couronné à Scone. Elle partit immédiatement pour assister à la cérémonie. Sa décision était courageuse par trois aspects. Tout d’abord, l’Écosse était au plein milieu d’une guerre brutale et un tel périple était extrêmement dangereux. De plus, son mari supportait son ennemi et aurait désapprouvé. Enfin, les répercussions personnelles seraient immenses.
Cependant, il était du devoir d’un MacDuff de placer le roi sur la pierre de Scone ou sur un substitut à cette Stone of Destiny, si l’accès en était bloqué. Isabel pu accomplir sa mission durant la cérémonie et en paya les conséquences. Lorsque le roi Edward I, renommé à travers toute la Chrétienté pour être le parangon de la Chevalerie, apprit l’action d’Isabel, il prit une terrible revanche. Il fit emprisonner la jeune comtesse dans une cage faite de bois et de fer que la légende dit avoir été suspendue en dehors des murs du château de Berwick. Elle était en cage, comme dans un zoo, exposée au regard des curieux, la tournant en ridicule et dans l’interdiction de répondre. D’autres femmes eurent droit à un traitement similaire. Ce fut le cas de la sœur, de la femme et de la petite fille âgée de deux ans de Bruce. Là, elles restèrent des années.
Jusqu’à la mort d’Edward I. Les victoires de Bruce permirent un allègement des peines puis finalement la libération. La Chevalerie était, semble t-il, un concept plutôt fourre-tout.
Alors que certaines Écossaises étaient profondément patriotiques, d’autres pouvaient même attenter des actions contre le roi. C’était le cas par exemple de Effie, comtesse deRoss, qui avait rejoint les forces pro-anglaises en s’opposant à Andrew Murray au début du Quatorzième siècle, peut-être pour aider à faire libérer son mari que les Anglais détenaient. Parmi les conspirateurs qui assassinèrent King Robert en 1320, figurait la comtesse de Strathearn qui fut condamnée à la prison à vie pour trahison. Soixante dix ans plus tard, Annabella Drummond, la reine deRobert III, intriguait à la cour pour placer le duc de Rothesay au poste de gouverneur du territoire, à la place du roi, tout en s’assurant pour elle-même des bénéfices et une large pension annuelle.
Pendant que les seigneurs partaient à la guerre, les dames géraient les affaires. S’assurant que les terres soient cultivées, que les bâtiments soient entretenus et que le château soit défendu contre d’éventuels prédateurs. Il y avait beaucoup de femmes héroïques en ces temps-là mais peu étaient du calibre de Black Agnes of Dunbar. Les guerres aux frontières étaient une chose très fréquente avec des raids, agressant la contrée voisine, menés par l’armée d’une nation qui apportait son lot de viols, de morts et semer la terreur dans les champs du Merse et les vertes vallées de Cheviot et Cumbria.
Après que Robert Bruce ait réaffirmé l’indépendance de l’Écosse, il y eut un bref répit au nord de la Tweed. Mais en 1335, la guerre reprit entre les deux nations avec des armées anglaises triomphantes comme si les Écossais oubliaient les leçons que Robert Bruce leur avait enseignées. Cette même année, Lady Christian Bruce, sœur du roi, tenait le château de Kildrummie au fin fond de l’Aberdeenshire face aux Anglais et aux forces pro-anglaises. Sa résistance a pratiquement été oubliée mais lors d’un siège un peu plus au sud, une autre écossaise fit parler d’elle.
En 1337, le roi Edward III envoyait William Montague, comte de Salisbury avec quatre mille hommes attaquer le château de Dunbar qui était la place forte principale de la résistance écossaise au sud-est. Peut-être Montague pensait-il que le château tomberait facilement alors que le comte Patrick of March, parti dans les Highlands, ne pouvait le défendre. Sa femme seule, la comtesse Agnès, âgée de 26 ans avait la charge d’une garnison aguerrie composé de quarante soldats écossais. Il est à noter toutefois qu’elle avait de qui tenir puisqu’elle était la fille de Thomas Randolph, le comte de Moray qui était l’un des lieutenants en chef de Robert Bruce. Elle était aussi la petite-cousine de David II, roi d’Écosse. L’histoire a retenu le surnom de Black Agnes, probablement parce qu’elle avait les cheveux bruns. Salisbury était sur le point de tomber sur un os en rencontrant cette adversaire difficile.
Dunbar Castle était une forteresse massive, constituée de blocs rouges et située sur la péninsule de l’East Lothian s’avançant dans la Mer du Nord. Sa position était sa principale force et Salisbury ne pouvait attaquer qu’en empruntant un étroit passage ne lui offrant un front que de quarante cinq mètres. Alors que les autres châteaux s’érigeaient en rase campagne, celui-ci était fixé sur un solide rocher pratiquement impossible à saper. Ayant bien conscience de sa force défensive, Agnès semble t-il concentra ses forces sur le mur frontal surplombant les assaillants. Salisbury n’avait que deux options : affamer Dunbar ou prendre d’assaut et de front la forteresse. Belliqueux par nature, il se décida pour l’approche directe.
L’armée anglaise, à cette époque, était parmi les plus efficaces de la Chrétienté et de ce fait des soldats professionnels servaient Salisbury. Il disposait des meilleurs archers en Europe, de chevaliers expérimentés, d’hommes en armes et d’une artillerie qui avait pilonné jusqu'à la reddition une cinquantaine de châteaux. Il devait se sentir confiant quand iI vit au loin, au bout de la péninsule, Agnès dans ses habits chatoyants flottants au vent accompagnée de ses dames et observant du haut des créneaux ce qu’il se passait. La première attaque se déclencha lorsque les catapultes lancèrent des projectiles de cinquante livres contre les murs de grès. Selon la légende, Agnès aurait revêtu une cotte de mailles et un casque et apparaissait calmement près des créneaux puis avec mépris et à l’aide d’un chiffon essuyait ostensiblement d’un grand geste la poussière et les marques des projectiles lancés par les Anglais.
Les catapultes s’avéraient impuissantes face aux murs épais de Dunbar. Salisbury tenta une manœuvre avec une sorte de beffroi, appelée truie ou sow en anglais, muni de roues et contenant des hommes à l’intérieur comme dans la configuration d’un tank moderne. Les soldats étaient protégés des flèches et de l’huile bouillante par une canopée ignifugée. Cependant Agnès avait la solution. Alors que l’engin s’approchait des murs, elle fit larguer un énorme rocher qui écrasa le toit. Lorsque les survivants se dispersèrent pour chercher à se mettre à couvert ils furent balayés par les flèches et les lances écossaises.
« Salisbury ! On dirait que ta truie a mis bas ! » Aurait dit Agnès en le raillant.