Hazel eyes - Tome 3 - Tarah Desert - E-Book

Hazel eyes - Tome 3 E-Book

Tarah Desert

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Beschreibung

                        Des êtres Humains évolués.

                           Une romAnce à plusieurs cœurs.

                                     Un Zoom sur la mythologie enchantée.

      La force d’une famillE atypique et soudée.

             La quête spiritueLle d’une âme en peine.

                                   Des Emotions de toutes natures.

                               Des mYstères imprévisibles.

                     Des destins Etroitement liés.

                        Une réponSe à l’impossible.

Voici ce qui vous attend en ouvrant ce livre, mais un conseil :

Chaque détail a son importance, alors concentrez-vous.

La solution se trouve peut-être à portée de main.






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Tome 3 : SPÉCIALES

 

Ce livre est une fiction. Toute référence à des évènements historiques, des personnes ou des lieux réels serait utilisée de façon fictive.

Le monde enchanté, inventé par l’auteur, s’est inspiré de la mythologie égyptienne qui a dû être en partie modifiée pour répondre aux contraintes liées à l’histoire. Les noms des dieux ont été conservés.

Les autres noms, personnages, lieux et évènements sont issus de l’imagination de l’auteur, et toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existé serait totalement fortuite.

Copyright ©2024 by Tarah Desert

Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de ce livre ou de quelque citation que ce soit, sous n’importe quelle forme.

« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article L.122-5, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. »

Titre de l’édition originale : HAZEL EYES

Couverture : © Nat H Art’s

Logo : © Tarah Desert

ISBN : 978-2-38625-189-4

Dépôt légal : mars 2024

 

 

 

 

 

 

À Simsim,

une plume volante aux griffes aiguisées, intrépide, douce et discrète.

 

À Nemssou

le petit pouga de la famille, s’étant toujours senti plus chez lui que chez nous, malicieux et fidèle.

 

À l’amour de ma vie, Maxime.

 

À ma véritable moitié, ma jumelle, Yasmine.

PLAYLIST DE HAZEL EYES

 

Voici quelques chansons qui ont accompagné l’écriture du tome 3 de HAZEL EYES.

 

Chan Chan de Buena Vista Social Club

MIAMIII de Karol G et Becky G

Pepas de Facurros

Danca Kizomba de Stony

Sonate au Clair de lune de Beethoven

Air de Johann SébastianBach

Lost in Paradise de Üm

Gangsta’s Paradize de Coolio

Everything Matters de Pomme et Aurora

Asfour Talli Min Shibbak de Marcel Khalifé

 

 

Retrouver la playlist complète de HAZEL EYES sur Spotify :

 

 

 

Note pour le lecteur : Les dialogues enitaliques et en Times New Romansont les dialogues menés par télépathie.

 

 

 

 

 

Précédemment…

 

Après avoir appris le départ de Louké en Finlande, Rhéa s’enflamme littéralement et ses yeux changent de couleur sous les regards horrifiés des cousins Korhonen. Le caractère calme d’Aiden et les protections enchantées mises en place sur le domaine permettent aux deux hommes de limiter les dommages matériels. Rhéa se révèle être une Enchanteresse des éléments, plus communément appelée une Élémentaire, possédant le don de feu. La Française a tout oublié à son réveil et la douleur foudroyante éprouvée par son corps lui fait craindre le pire. Cependant, déterminée à affronter ceux à l’origine de son malheur, elle se dirige vers le séjour où elle retrouve les cousins Korhonen. La discussion est houleuse et principalement due au comportement brusque d’Ezékiel qui est persuadé que son invitée ment sur sa nature. Rhéa est pourtant convaincue d’être une Humaine, sans quoi sa vie entière et les traumatismes subis dans son enfance n’auraient aucun sens. Or dès que ses yeux s’illuminent à nouveau de flammes rougeoyantes, le chef de l’ACE la confronte à la réalité et face au miroir, elle perçoit l’impensable. L’homme commence malgré tout à faire confiance à son invitée lorsqu’elle se jette dans l’eau du lac, par peur de le blesser.

Par la suite, Ezékiel modifie ses plans et décide de présenter son équipe entière à la Française, sans préciser leur nature, celle d’être des Vivants. Arès, n’ayant toujours pas fusionné son âme avec celle de sa part vivante nommée Kyo, doit jouer le rôle d’un chiot et pas n’importe lequel, celui du fils de Louké. Malgré ses peurs et ses doutes, Rhéa est charmée par le louveteau qui réveille ses instincts maternels. La Française rencontre aussi Thaïs, présentée comme une Élémentaire au don de feu, et découvre que la jeune Brésilienne entretient une relation ambiguë avec Aiden. La protégée du second de l’ACE propose à Rhéa de l’aider à maîtriser son élément avec un exercice de développement personnel qui aboutit au résultat attendu, celui d’enflammer un bûcher, mais pas seulement. Il lui fait réaliser la colère inconsciente qui sommeille en elle depuis de nombreuses années. Ses cibles, par un mystérieux hasard, parviennent à entendre dans leurs esprits ses paroles et cette faculté qui n’a jamais appartenu aux Élémentaires jette à nouveau le doute sur son identité. Ezékiel, résolu à assurer la sécurité de sa protégée hors du domaine, organise sa surveillance avec l’appui d’Aiden et celui de John, afin de lui permettre de poursuivre son séjour. D’autre part, le chef de l’ACE présente à son équipe la nouvelle recrue, un informaticien, et la rencontre ne se passe pas comme prévu. Karel Zhao, Alpha troisième et Métamorphe au don de terre, n’est autre que l’âme sœur de Thaïs, l’ayant lâchement abandonnée enfant. Il est aussi le fils d’un des membres de l’Ordre Mondial. L’homme amène avec lui un danger considérable pour Rhéa dont l’existence doit rester inconnue de l’instance suprême. Son arrivée perturbe la dynamique de l’équipe, déjà affectée par la venue de la Française.

Rhéa reprend ses excursions dans le parc naturel du Lake Disrict, avec un moral au plus bas, mais elle apprend que son ami Elio fait à présent partie de son groupe de marche. La randonneuse a une discussion sincère avec son guide, John, qui s’engage à ne plus lui mentir ou à lui préciser si son statut d’agent de la PHA l’empêche de transmettre le renseignement demandé. Rhéa, sur le chemin du retour vers l’ACE House, souhaite amener Aiden à prendre la même décision et ses émotions la poussent à livrer à son hôte ses sentiments pour lui, dont la jalousie ressentie à l’égard de Thaïs. Elle décide de suivre son instinct et embrasse celui que son esprit a choisi. Le second de l’ACE, partageant le désir de la belle Française et sous son charme depuis leur rencontre, cède un instant à ses envies puis se reprend, bien trop tard. Lorsque le Métamorphe prend conscience de son erreur et de l’injustice de la situation, il perd pied. À leur retour à l’ACE House, la réaction d’Ezékiel et de Thaïs, se sentant tous les deux trahis par Aiden, ne se fait pas attendre et chacun part dans une direction opposée.

Le cas de Rhéa n’est qu’une des nombreuses préoccupations de l’ACE. L’enquête sur la personne aux trousses de Caroline est restée au point mort même si la jeune femme est rentrée dans son pays. Une marque énergétique incomplète a été détectée à plusieurs reprises aux abords du domaine et personne ne parvient à retrouver l’importun ni à comprendre ses motivations. D’autre part, l’agitation perceptible dans le monde enchanté s’est accrue à cause des différentes disparitions ayant par ailleurs touché un Maudit et les craintes d’Ezékiel se sont confirmées lorsqu’un Humain a été pris pour cible. En effet, Rodrigue Garrido, riche millionnaire espagnol, et son protecteur, un Élémentaire au don de feu nommé Antonio Mendes, ont été kidnappés. La nouvelle alerte tous les secteurs de l’Ordre Mondial et Interpole prend en charge l’enquête. Dans ce cadre, il est confié à l’ACE par l’instance suprême une mission de surveillance dans les Bardenas Reales, une réserve naturelle située au nord de l’Espagne. Or, l’ambiance au sein du groupe reste tendue au vu des sentiments que les cousins Korhonen ressentent pour leur invitée.

De son côté, Rhéa commence un entraînement intensif afin de lui permettre de s’enfuir ou de se défendre en cas d’attaque. Elle est principalement coachée par Cylian sur le domaine et John sur les chemins de marches. Lors de la dernière épreuve physique, le policier tombe dans une crevasse et s’ouvre le crâne. Rhéa, incapable de gérer seule l’évacuation du blessé, appelle Thaïs qui la rejoint avec Karel et Kyo. Dans l’attente du binôme, elle réussit, après un effort considérable pour appréhender son élément, à recoudre l’homme qui se vide de son sang et à cautériser la plaie grâce à son feu. Pour la première fois, l’Enchanteresse comprend le fonctionnement de sa faculté et découvre la présence de son filtre.

De retour, elle prend son courage à deux mains et prépare son départ à l’insu de tous. Rhéa souhaite à tout prix retrouver Louké, mais elle est avant tout déterminée à s’acquitter de ses dettes envers l’ACE. Consciente de posséder des économies insuffisantes, elle a trouvé un poste de soigneur animalier dans un zoo situé à proximité de Carliste, au nord d’Ambleside, et prévoit d’y travailler quelques semaines. Partant à la recherche d’un RIB dans la chambre d’Ezékiel, elle repère à l’intérieur deux dossiers d’enquêtes, l’un sur elle et l’autre sur son ami Elio. Rhéa, en apprenant que les hommes lui ont menti sur leurs motivations et sur l’objet de leur rencontre, prend la fuite. Elle emporte avec elle, Kyo, le louveteau, au bord du Range Rover Sentinel de l’ACE et se dirige vers Silloth. Elle perçoit à son arrivée un bruit anormal venant du coffre de la voiture et détecte la présence d’un grand chat, qu’elle suppose être un Savannah. L’animal lui semble étrange, mais elle succombe à sa beauté et son intelligence la rend admirative. Loin du domaine, mais en bonne compagnie, elle prend ses marques et décide d’analyser les dossiers d’enquêtes avec la peur au ventre d’avoir été démasquée. Son passé n’a pas été découvert et elle en est profondément soulagée. Elle apprend cependant qu’Elijah Stoica n’est autre qu’un Esprit, un Australien, ayant commis de nombreux meurtres. Le lendemain, le trinôme, parti visiter une animalerie à Carliste, est pris au piège. L’Enchanteresse parvient à s’échapper avec ses protégés. Son état de panique l’amène à entrer en contact avec Ezékiel qui l’aide à rentrer au domaine et le retour est chaotique. Rhéa aperçoit pour la première fois la forme guerrière de Louké, soit la plus grande taille pouvant être adoptée par la part vivante d’Ezékiel, et s’évanouit. À son réveil, elle est entourée de toute l’équipe et chacun, déterminé à lui révéler son identité, arbore des iris étonnamment étranges. À peine Rhéa découvre-t-elle cette espèce cachée des Humains et dont elle n’avait pas connaissance que l’ACE est à nouveau appelé en pleine nuit pour intervenir dans les Bardenas Reales. Caroline Dubois fait partie des dernières victimes d’enlèvement et aurait été aperçue sur les lieux. L’absence d’Ezékiel, d’Aiden et de Cylian permet à Thaïs de lui confier les particularités des Métamorphes dans les moindres détails. En désobéissant à son chef, la Brésilienne lui révèle son lien d’âme avec Ezékiel. La nouvelle est très mal acceptée par l’Enchanteresse qui se sent piégée par cette connexion imposée et voit ses chances de poursuivre une relation avec Aiden se réduire drastiquement.

Entre-temps dans les Bardenas Reales, les membres de l’ACE sur le terrain apprennent qu’Interpole n’a plus aucun contact avec le groupe d’intervention. Leur mission est à présent de secourir les Métamorphes portés disparus et les victimes d’enlèvement, mais le manque d’information à leur disposition les amène à tomber dans une embuscade. À l’ACE House, au moment où plus aucun signal n’est remonté par l’équipe d’intervention au Cerveau, une alarme de niveau un retentit. Rhéa se voit attribuée le rôle de chef de l’ACE et Thaïs, celui de son second. En parallèle, Elio, après avoir rejoint les Bardenas Reales, entre en contact avec sa nouvelle amie pour lui apprendre son identité, mais aussi son amour pour Caroline et le kidnapping de cette dernière. Son pouvoir d’illusionniste et le soutien de l’ACE l’aident non sans peine à retrouver sain et sauf les victimes ligotées. L’évacuation des blessés est un succès puisque Caroline, une certaine Guérisseuse, nommée Avy Carter, Aiden, Cylian, Alexander et Greg parviennent à s’enfuir. Or, John est enlevé par Antonio Mendes, qui se révèle faire partie de l’organisation clandestine. Ezékiel transfert une quantité astronomique d’énergie à l’Humain avec l’espoir insensé qu’elle puisse lui permettre de traverser le portail, même si ses chances de survie s’avèrent presque nulles.

De retour à Ambleside, le groupe, composé des membres de l’ACE et des nouveaux invités, décide de se concentrer pleinement sur les disparitions afin de retrouver John. L’ACE cherche aussi à découvrir l’identité de l’Enchanteresse aux facultés spéciales et cette dernière se voit dans l’obligation de leur livrer son plus grand secret. Rhéa est Australienne, mais à l’inverse des Esprits, elle n’a jamais développé de don ni de pouvoir avant son arrivée en Angleterre. Elle est persuadée que son père est un Humain au vu de sa ressemblance avec sa mère décédée et de son absence de capacités enchantées avant ses dix ans. Par ailleurs, la panthère nébuleuse est aussi la part vivante de Darshan et l’Enchanteur qui tentait d’entrer en contact avec Rhéa. L’homme a été en réalité envoyé par la sœur de la jeune femme, Agapé, et pour le prouver, il met l’ACE en relation avec l’Australienne. Les jumelles se voient après de nombreuses années éloignées l’une de l’autre, à travers l’écran principal de la salle de commande. Plus tard, une discussion à cœur ouvert permet à Rhéa et Aiden de clarifier leurs sentiments ou du moins leur impossibilité à les laisser se développer. L’Enchanteresse apprend ainsi que sa jumelle est l’âme sœur du second de l’ACE et ce lien expliquerait les raisons de leur attirance mutuelle depuis leur rencontre. À son retour, le chef de l’ACE découvre que sa moitié possède le don de télékinésie, le plus puissant des Esprits, complexifiant davantage la compréhension de sa nature. Néanmoins, Rhéa décide de discuter en tête à tête avec son partenaire imposé, désireuse de savoir quel type de relation le Métamorphe souhaite entretenir avec elle et son rôle futur au sein de l’ACE. Cet échange est le premier que le binôme mène à bien depuis leur rencontre et il fait naître de nombreuses questions même si le couple accepte de se laisser une chance.

Alors, à quelle espèce d’êtres humains appartient Rhéa Soumaya ? Sa nature pourra-t-elle être découverte avant que l’Ordre Mondial n’apprenne son existence ? Comment l’ACE parviendra-t-elle à se réorganiser avec la présence de nouveaux invités ? Ezékiel réussira-t-il à diriger convenablement son entreprise avec l’installation prochaine de Skylah, sa relation fragile avec Rhéa, les sentiments de son second pour sa moitié, tout en assurant la protection de chacun d’eux ? Mais surtout, le combattant diplomate parviendra-t-il à retrouver John en vie ? Pour quelle raison l’organisation clandestine désire-t-elle kidnapper des êtres humains ? L’ACE est-elle en danger ?

Et vous, lecteurs, saurez-vous percer les mystères de la génétique enchantée ?

Prologue : Origine du monde et mythologie égyptienne

 

« La science est une bénédiction pour qui la saisit et une malédiction pour qui la fuit, mais on ne doit jamais être orgueilleux de son propre savoir puisqu’il n’y a pas de limite dans la science et que personne ne peut arriver à la perfection. »

Ptahhotep

 

Au commencement, une étendue d’eau, ténébreuse, illimitée, impalpable et sans direction constituait le néant. Appelée le Noun, cette substance était personnifiée par quatre couples de divinités, masculines ou féminines, et chacune d’elles symbolisait l’un des quatre principes de la substance primitive. Elles étaient nommées l’Infini, l’Obscurité, l’Invisibilité et L’Errance. Cet océan primordial, inerte et paisible, effrayant, mais inoffensif, se complaisait dans son état d’inconscience en arborant avec modestie un équilibre parfait et éternel, à l’image de ses divinités originelles. Le Noun était pourtant d’une richesse incommensurable et disposait de tous les éléments nécessaires à la Création. Un jour, dans les tréfonds de son immensité, une variation minime et presque imperceptible le déstabilisa. Cette hypostase infinitésimale possédait l’essence des origines et la connaissance absolue du tout. En prenant conscience de son existence et par la force de sa volonté, elle se développa avec véhémence jusqu’à devenir le Tout-Puissant, le Démiurge. Cet être suprême prononça alors son nom et le monde comprit que le premier dieu primordial s’était réveillé. Atoum, dont la solitude lui pesait, cracha puis éternua, et par cet acte, il fit émerger du Noun deux dieux primordiaux, qu’il appela Shou et Tefnout. Le dieu de l’air et la déesse de l’humidité, nouvellement nés, décidèrent de partir ensemble explorer les eaux primitives, mais sans leur père, ils s’y perdirent. Atoum envoya à leur recherche son œil divin, une puissance brûlante et explosive, le dieu soleil Ré. L’intensité de la lumière qui jaillissait de son essence l’aida à retrouver les disparus et à les ramener auprès du Créateur. Soulagé de leur retour, Atoum versa des larmes dans le Noun.

Shou et Tefnout s’unirent et de leur amour naquirent Geb et Nout. Ces progénitures divines étaient si étroitement enlacées que le néant lui-même ne pouvait circuler entre eux. Leur père voyait ses enfants infertiles et s’inquiéta, puis sous l’ordre d’Atoum, il décida de les séparer. Shou plaça son fils, le dieu de la terre, en dessous de sa fille, la déesse du ciel, et avec l’aide des divinités originelles, la magie opéra. La première planète naquit. Elle fut appelée la Terre. Puis de nombreux corps célestes apparurent jusqu’à former l’Univers tout entier.

L’Infini devenu Fini.

Lorsque la planète bleue émergea du Noun par le pouvoir des dieux, Atoum autorisa son œil divin à évoluer à distance, mais il obligea Ré à entreprendre une course bien définie dans le ciel. À bord de sa barque enchantée, il éclaira des astres nouvellement conçus qui se mirent à graviter autour de lui à une vitesse régulière et incroyablement rapide. Le premier système Réaire vit le jour.

De l’Obscurité jaillit la Lumière.

En signe de l’amour infini du Créateur envers ses enfants, les larmes d’Atoum apportèrent sur Terre le mouvement, la conscience et le temps, qui se manifestèrent de différentes façons. Une multitude de cellules microscopiques, au pouvoir extraordinaire, se développèrent pour se regrouper à leur guise et former deux familles interdépendantes : la flore et la faune. Parmi celles capables de se mouvoir selon leur propre volonté, une espèce animale fut vantée par le premier dieu primordial comme l’apogée de son expression créative et vivante. Elle fut appelée l’Homme.

De l’Invisible émergea le Visible.

Atoum hébergea ses créations complexes sur la planète bleue et Ré resta à proximité pour les guider. L’environnement dans lequel évoluait la vie devait représenter un lieu d’exploration infini, alors le Créateur demanda aux dieux primordiaux d’y établir les règles nécessaires à son équilibre et accepta en retour qu’ils y séjournent. Dès que la tâche fut terminée, les Humains sortirent de leur ville natale, Héliopolis, pour parcourir leur nouveau terrain de jeu. Or, seuls ceux qui en comprirent les rouages parvinrent à découvrir tous ses mystères, puis à transmettre leurs savoirs à leurs semblables. Grâce aux plus téméraires d’entre eux, les mortels purent, avec le temps, conquérir tout le territoire offert par leur Créateur.

De l’Errance, la Direction apparut.

Ainsi le Noun abritait l’Univers d’Atoum, la Terre recueillait les descendants du premier dieu primordial et l’œil divin Ré les protégeait.

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1 : L’idylle des premiers instants

 

« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l’entraide et la solidarité visant à un but commun : l’épanouissement de chacun dans le respect des différences. »

Françoise Dolto

 

Rhéa

Samedi 23 août

Mon esprit flotte sur un petit nuage doux, apaisant et à la senteur exquise du bonheur fraîchement atteint. Le sourire ne quitte plus mes lèvres et une pensée singulière, presque irréelle, monopolise ma conscience. Nous formons un couple avec Ezékiel. Tel un mantra, je me répète inlassablement ces mots en boucle et mon cœur se gonfle de joie, d’amour, de fierté. Je nage dans une plénitude nouvelle, emplie de surprises et me troublant plus que de raison. Je suis éprise, selon mes critères, de l’individu le plus beau et le plus attirant de l’Univers, le seul qui réveille en moi une multitude d’émotions d’une intensité jamais égalée, mais surtout, je partage les sentiments passionnés d’un être humain pour la première fois de ma vie. Depuis la veille, mon âme sœur et moi sommes sur la même longueur d’onde grâce à mon idée, celle de communiquer. Notre discussion sur le banc nous a permis de nous comprendre, de nous rassurer quant à notre manque de confiance en l’autre et aussi en nous-mêmes. Je crois pouvoir affirmer aujourd’hui avoir foi en lui, en Louké et en nous tout simplement. Je ne me suis jamais qualifiée comme fleur bleue auparavant, mais en cet instant, j’ai envie d’accepter ce nouveau côté de ma personnalité et ce choix accroît mon sentiment de joie. Sans crier gare, une pensée parvient à ma conscience et en profitant des secondes qui s’écoulent, elle s’installe dans mon esprit afin de mieux s’imprimer dans mon cœur. Je réalise qu’elle martèle ma tête depuis mon rapprochement avec le Métamorphe, telle une évidence souhaitant se graver dans les tréfonds de mon être. Sa voix s’élève soudain et dans un écho, elle répète sur un rythme régulier :

—  Louké et Ezékiel ne forment qu’un seul et même être humain. Tous les deux sont miens. 

En effet, je ressens pour eux un besoin d’appartenance ou de possession d’une puissance qui échappe à mon entendement et le comprendre m’invite à m’interroger. Notre lien d’âme en est-il à l’origine ? Ou bien est-ce l’envie de le fixer qui nous pousse autant l’un vers l’autre ? Cette dernière éventualité amène mon corps à frissonner d’impatience et je sens une boule de chaleur grossir dans mon ventre. L’attraction qui m’attire avec force vers mon compagnon, depuis notre fougueuse étreinte au bord du lac Windermere, me rend folle de désir et ainsi, seule, toujours allongée sur le lit du chef de l’ACE, je ris aux éclats.

Cette nuit s’est révélée comme l’une des plus belles de ma vie alors qu’il ne s’est rien passé de trop intime. J’ai apprécié avec simplicité la protection offerte par ses bras d’acier, le ressenti de ses muscles ondulant sous la pulpe de mes doigts et les vives sensations traversant mon corps en émoi. J’ai l’intime conviction que chaque partie de lui me complète et l’avoir réalisé m’a bousculée. Le creux entre son épaule et ses pectoraux épousent à la perfection la forme de ma tête, en me proposant un coussin des plus chaleureux. Blottie contre lui, j’ai adoré toute la tendresse de ses gestes effectués avec une douceur infinie même si Ezékiel bridait Louké afin de contenir sa force et je l’ai perçu chaque fois que ses mâchoires se crispaient. La part vivante de mon amant se révèle féroce et affamée, prête à détruire des montagnes entières, mais elle sait aussi me montrer avec authenticité la puissance de ses sentiments. Je vais d’ailleurs devoir prouver à Ezékiel, pour développer notre connexion, que je suis une personne robuste et qu’il lui est inutile de se retenir autant. À l’aube, en ouvrant mes paupières encore ensommeillées, je suis tombée sur le plus hypnotique des regards, mais il émanait de ses gemmes scintillantes une inquiétude fugace, vite balayée par un battement de cil. J’ai cru un instant avoir rêvé, mais en effleurant ses lèvres des miennes, mon loup a répondu à mon invitation avec une intensité et une urgence qui m’ont bouleversée. De fil en aiguille, nous avons approfondi notre étreinte et sans me penser capable d’une telle audace, je me suis montrée entreprenante, afin d’écouter mes désirs, même les plus inavouables. Ses mains m’électrisaient à chacun de leurs passages et ses baisers le long de mon cou ou sur mon ventre m’enfiévraient. Mon envie pressante de lui avait besoin d’être apaisée et ce moment n’a malheureusement duré que quelques minutes, car sans m’y attendre, Ezékiel s’est arraché à moi, comme la veille sur le banc. Ses bras tremblants retenaient le poids de son corps au-dessus du mien et sa respiration saccadée m’a aussitôt inquiétée. En restant immobile et silencieuse, je l’ai observé avec attention puis dès que sa tête s’est redressée, j’ai senti Louké s’approcher avec la volonté de contrôler sa part humaine. Les muscles de mon amant se sont alors bandés au maximum pour lui bloquer l’accès et Ezékiel serrait les poings à s’en faire blanchir les phalanges avec les paupières fermées ainsi que les sourcils froncés. Ses yeux se sont finalement ouverts et son regard endiablé m’a enflammée jusqu’à en perdre la raison. Pourtant, Ezékiel luttait avec force contre le désir qui l’animait et comme je m’y attendais, il n’a pas cédé. Le chef de l’ACE s’est tout de suite expliqué sur son étrange comportement et ses paroles m’ont surprise tout en me frustrant davantage. Le combattant diplomate n’était tout simplement plus en mesure d’aller plus loin sans que Louké prenne le dessus et décide de fixer notre lien d’âme. Or, mon amant craint de me blesser et souhaite s’assurer en amont que le processus peut aboutir sans dommage. Cependant, nous ne connaissons aucun couple mixte tel que le nôtre et dans ces circonstances, seule l’expérience nous permettra d’appréhender les conséquences d’un rapprochement. En mon for intérieur, je suis persuadée que notre lien d’âme peut se consolider sans risque et je lui ai d’ailleurs fait part de mon opinion, en vain. Mon compagnon est resté ferme à ce sujet et son refus catégorique m’a agacée, mais mon cœur débordant d’affection pour lui a calmé mes tourments intérieurs. Même si je tiens à mon indépendance, j’aime me sentir en sécurité à ses côtés et ce sentiment s’avère inédit pour moi, puisque la peur ou la solitude ont toujours occupé mon quotidien. Cette sérénité récente m’apaise et je me demande si elle s’arrêtera un jour. Aussi, Ezékiel désirait prendre son temps cette nuit, afin de se montrer plus romantique et malheureusement pour lui, l’avis de Louké diffère du sien. Mon loup ne supporte plus d’attendre et savoir que la patience n’a jamais fait partie de ses qualités me plaît. L’épée de Damoclès frôle à présent ma tête, mon existence est menacée plus que jamais et pour ces raisons, je suis déterminée à chérir chaque instant passé avec mon âme sœur ainsi que tous mes amis, ou plutôt ma nouvelle famille.

Après cette mise au point, le Métamorphe est sorti du lit et afin de calmer ses ardeurs, mon amant est parti prendre une douche froide avant de se dégourdir les pattes dans les bois. Je lui avais proposé de l’accompagner, mais Ezékiel, en chuchotant à mon oreille, m’a conseillé de me reposer encore un peu et j’ai écouté son ordre déguisé. Mon nouveau statut de Dhiba, mêlé à un entraînement intensif, m’éreinte et me demande beaucoup d’attentions au quotidien tout en me passionnant à la fois. En effet, il a fallu, en l’absence du chef, mettre en place une organisation efficace et élaborer un planning de tâches par personne dans le but d’obtenir les résultats escomptés, ceux que nous avions définis ensemble, tout en répondant aux attentes de chacun. Les membres de l’ACE et les invités ont été logés à la même enseigne et au cours de la semaine, personne n’a osé remettre en question mes décisions, dont cette dernière. Mes efforts ont tous été déployés dans l’intention d’en apprendre davantage sur mes colocataires et de les pousser à procéder de la même manière entre eux pour tisser des liens. Avec cet objectif en tête, je leur ai proposé des exercices ludiques à réaliser en équipe et ils ont accepté de participer avec plus ou moins de motivation. Par exemple, j’ai imposé au groupe de prendre en commun tous les repas sans exception et leur ai soumis l’idée de débattre à plusieurs sur des sujets divers d’actualité ou de manière plus générale sur des thèmes philosophiques. Nous avons de cette manière pris le temps, après chaque séance collective, d’analyser les ressentis et les émotions qui animaient chacun. Ces discussions principalement nocturnes ont été menées au bord de la cheminée et se sont révélées très intéressantes pour nous tous même si au départ, mes propositions ont étonné l’équipe. Or, aucun d’eux n’a rechigné au changement ou à la nouveauté et en fin de semaine, tous attendaient avec impatience ces moments d’échanges. Je crois que ma méthode improvisée nous a permis de nous enrichir humainement et j’espère pouvoir la poursuivre à l’avenir.

Un frisson parcourt soudain ma peau et je remonte la couette sous mon menton en le ressentant à nouveau. Afin de profiter encore un peu de la bulle protectrice offerte par l’antre de mon loup, je laisse mes pensées divaguer et sans grande surprise, elles s’orientent vers Ezékiel. Je me sens aimée d’une façon nouvelle, même si l’homme n’a jamais prononcé les mots et, bien évidemment, moi non plus, mais je refuse de m’en inquiéter outre mesure. Ezékiel et moi faisons tout à l’envers depuis le début de notre relation et il est beaucoup trop tôt pour le déclarer à voix haute. Néanmoins, je perçois à présent dans mon esprit notre lien qui se montre souple et solide à la fois, fin, presque indécelable, scintillant avec douceur dans un mélange d’or et d’argent. J’ai la sensation qu’il nous représente telles deux âmes compatibles, fortes, déterminées et prêtes à partager leur existence pour un temps infini. Je me demande encore comment ma vie a pu basculer si rapidement et malgré les risques entrepris en quittant la France, je ne regrette en rien mon choix au vu de la joie ressentie aujourd’hui. Finalement, Artur, en me laissant voler de mes propres ailes, se révèle en partie responsable du bonheur indescriptible qui m’enveloppe et cette pensée me pousse en mon for intérieur à le remercier. La vie est faite d’imprévus invraisemblables et je peine à réaliser qu’Ezékiel, en plus d’être mon âme sœur, deviendra mon compagnon. Tel un pilier de mon existence, il sera ma force à l’avenir et ma seconde faiblesse après Agapé. Le savoir m’effraye et m’excite tout autant, puisque je suis folle de lui. Mes émotions se sont intensifiées depuis qu’il s’est jeté sur moi et m’a embrassée à en perdre haleine hier soir. Je n’aurais jamais imaginé que derrière ses pupilles sombres et ses traits perturbés, le chef de l’ACE cachait une véritable attirance pour moi, bien au contraire. Mon esprit était persuadé que seul le lien en était à l’origine, et ce, malgré les propos rassurants d’Aiden, exprimés en début de semaine au bord du lac, alors, en cet instant, je me considère être la femme la plus chanceuse au monde.

Si je m’y attarde quelque peu, la soirée d’hier n’aurait pas pu mieux se dérouler et en effet, lorsque nous sommes entrées dans le salon, main dans la main, tous les regards se sont braqués sur nous. Ezékiel a aussitôt pris la parole afin d’officialiser notre nouvelle relation, même si la vue de nos doigts entremêlés avait déjà informé l’assemblée. Toutefois, j’ai été extrêmement touchée que l’homme l’affirme à voix haute et devant les personnes qui lui sont le plus chères. Sa déclaration a conduit à une effusion d’amour intense de la part du groupe et tous nous ont félicités, sans exception. Mon petit cœur a été le premier à sauter de joie en criant sur tous les toits qu’il pouvait à présent m’appeler « Maman » pour de vrai. Attendrie par ses mots, je l’ai pris dans mes bras et lui ai à nouveau fait part de mes sentiments pour lui. Aiden, en étant le deuxième à s’être avancé vers nous, a offert une accolade à son cousin et les iris des deux Alphas troisième ont brillé d’émotions. Lorsque le second de l’ACE est arrivé à mon niveau, mon cœur s’est emballé sous le coup du stress, car je craignais, même après notre échange sur le banc, qu’il se sente blessé en me voyant au côté de son chef, mais je me suis fourvoyée. Mon ami, en me serrant contre lui, a déposé un baiser sur le haut de mon crâne puis a chuchoté à mon oreille des mots rassurants afin de me rappeler que dès mon premier jour au domaine, il savait pour qui j’étais destinée. Ainsi, je l’ai étreint en retour un peu plus fort qu’à l’accoutumée et l’ai remercié pour sa compréhension. Thaïs m’a ensuite rejointe avec Karel et tous les deux se sont battus afin de désigner qui serait le prochain à me tenir dans ses bras. Dès lors, Caroline, en profitant de leur indécision, s’est jetée sur moi tout en criant comme une hystérique et nous sommes toutes les deux parties dans un fou rire incontrôlable, partagé rapidement avec le groupe entier. Darshan a pris le relais et finalement Thaïs est passée devant son âme sœur. Par la suite, Alexander et Greg se sont approchés, mais au regard noir lancé par Ezékiel, les policiers de la PHA1 ont stoppé net leur avancée puis m’ont félicitée à distance d’un signe de tête. J’ai alors couru vers eux, en faisant fi des grognements de mon loup, afin de leur sauter au cou et les deux hommes m’ont accueillie à bras ouverts. Elio est venu versmoi quelques secondes plus tard, m’a écrasée contre son torse et a chuchoté à mon oreille qu’il était prêt à égorger l’Alpha troisième si je le lui demandais à l’avenir. L’Enchanteur m’a aussi certifié que sa loyauté ira uniquement vers moi et que mon compagnon devra l’accepter. Je l’ai remercié, un brin gênée par sa déclaration atypique, à la hauteur de sa nature d’Esprit, et me suis concentrée sur les derniers du groupe. Avy m’a offert un sourire timide, mais sincère, puis mes yeux se sont plongés dans ceux de Cylian et mon cœur s’est serré en lisant une profonde tristesse dans ses magnifiques gemmes blanches. En me souvenant de la perte subie par la Tornade, sa peine m’a affectée et sans m’en rendre compte, un sentiment de pitié m’a animée. Mon coach, en l’ayant senti, s’est réfugié quelques minutes à l’étage et je m’en suis beaucoup voulu d’avoir été incapable de masquer l’empreinte de mes émotions. À son retour, le combattant diplomate a déposé un baiser sur ma joue en m’annonçant qu’il était fier de pouvoir m’appeler sa Dhiba et ces mots, prononcés par mon coach, m’ont beaucoup touchée. Nous avons ainsi festoyé dignement autour d’un bon repas où l’ambiance était légère, car les problèmes qui monopolisent à l’heure actuelle l’esprit de chacun ont été évités, même si les Métamorphes en parlaient certainement entre eux par télépathie. Or, sans chercher à comprendre leurs échanges, j’ai préféré discuter avec Avy et Caroline des préparatifs de la fête.

Au moment du dessert, nous avons reçu un appel de ma sœur et mon niveau de stress est monté d’un cran. Je craignais au départ l’annonce d’une mauvaise nouvelle et toute l’équipe s’est tendue en percevant la fragrance de mes émotions se modifier, mais il n’en était rien. Ma jumelle avait discerné un changement dans mon état d’esprit qui la troublait suffisamment pour l’amener à ressentir le besoin de me parler sans attendre et quelques soit les risques pris. Je me suis aussitôt isolée dans ma chambre et j’ai profité de ce moment d’intimité afin de lui faire part de mes sentiments pour Ezékiel, tout en confirmant le lien qui m’unit à cet homme. Ses réactions ont évolué au cours de mon récit, en passant de la surprise à la peur, de la colère à l’inquiétude, puis du scepticisme à l’acceptation. Ma joie communicative est parvenue à apaiser ma jumelle et mon discours terre à terre, composé d’un argumentaire concret, l’a tranquillisé. Agapé me compare encore à une enfant pleine de naïveté, mais la vie m’a obligée à grandir un peu plus vite et en avoir légèrement pris conscience a peiné ma sœur, tout en la rassérénant. Aussi, j’ai profité de cet appel pour lui raconter mes romances vécues durant les dernières années éloignées d’elle et je me suis attardée sur mon quotidien de femme mariée à Artur. Je lui ai appris l’indifférence des hommes à mon égard et plus généralement des êtres humains avant de lui décrire l’intensité des sentiments qui m’animent au côté d’Ezékiel. Agapé, fascinée par ces histoires, m’a interrogée sur mes émotions et toutes les réponses ont été apportées avec honnêteté, mais surtout pragmatisme, afin de l’aider à en saisir le sens. À un certain moment, j’ai pris mon courage à deux mains et lui ai avoué mon idylle presque platonique avec Aiden, sans omettre le trouble qu’il avait créé dans mon esprit. Je refusais de lui cacher la vérité plus longtemps et par-dessus tout, je désirais analyser sa réaction. Ma sœur s’est montrée étonnamment froide et avec un certain détachement, elle m’a affirmé souhaiter ne jamais connaître l’amour. J’ai néanmoins eu l’impression qu’elle se forçait à refouler ses émotions et j’ai compris qu’elle n’était pas prête à s’ouvrir au Métamorphe. Mes éclaircissements ainsi que mes nouvelles expériences lui permettront, je l’espère, de s’interroger sur sa situation à l’avenir et il le faut. Malgré tout, Aiden devra s’investir corps et âme pour conquérir le cœur de ma jumelle et son eau lui sera d’une grande aide, comme ce dernier est enfermé depuis bien trop longtemps dans une prison de glace. La conversation n’allait mener nulle part et pour cette raison, j’ai décidé de raconter ma journée à Agapé, tout en lui expliquant la relation construite avec chaque membre de l’équipe. Entre autres, je l’ai informée de ma dernière bataille avec Aiden, car l’attribution des lits aux invités a monopolisé une partie de mon temps libre et ce souvenir m’amène à soupirer d’exaspération. En effet, j’avais dans l’idée de les installer à l’ACE House, mais mon ami a refusé et le Cerveau m’a trahi en approuvant son choix. Tous deux ont considéré le risque trop élevé, alors je n’ai pu obtenir l’accord de leur présence uniquement le jour, sauf pour Skylah, qui sera la seule autorisée à dormir avec nous. Dans ces conditions, Karel et Darshan doivent partager une des deux chambres de la dépendance. Caroline et Avy ont emménagé dans la deuxième et les deux policiers de la PHA se sont retranchés dans le salon de la vieille bâtisse avec Elio. Le cas d’Avy a d’ailleurs été complexe à traiter ou du moins à faire accepter à Cylian, puisqu’au dîner, dès qu’Ezékiel a approuvé la décision de son second, le corps de la Tornade s’est mis à trembler. Une fraction de seconde plus tard, le verre qu’il tenait en main s’est brisé, puis un beau loup au pelage d’un brun chocolat étincelant s’est dévoilé sous mes yeux ébahis. Le chef de l’ACE s’est trouvé dans l’obligation de sortir de table afin de calmer mon coach et personne n’a osé commenter leurs comportements inattendus. Cloud semblait apaisé à son retour, même s’il a préféré conserver le contrôle sur sa part humaine un long moment, avant de le rendre à Cylian. La Tornade doit en pincer pour la jeune femme et s’inquiéter de la savoir au côté d’Elio, qu’il pense être psychopathe, malheureusement à juste titre. Le combattant diplomate n’a jamais fréquenté des Esprits et ses craintes se révèlent fondées. Or, mon soleil noir m’a promis de se comporter correctement et je lui fais confiance. Cependant, ma requête initiale a été renouvelée hier soir dans l’intention de proposer de ramener tout le groupe à l’intérieur du bâtiment principal. Des grognements qui ne laissent aucune place à l’interprétation me sont parvenus en guise de retours, me poussant à baisser les bras et à attendre une nouvelle opportunité.

Agapé s’est montrée très attentive et a d’ailleurs explosé de rire lorsque je lui ai narré la dernière dispute entre Elio et Caroline. En effet, l’Esprit fait des avances à sa bien-aimée dès qu’il en a l’occasion et d’après les Métamorphes, d’une manière uniquement compréhensible par nos semblables. Mon ami lui relate au quotidien ses exploits, vante ses atouts et tente de démontrer sa supériorité sur tous les habitants du domaine. L’impatient, ennuyé que mes conseils ne lui permettent pas d’atteindre ses objectifs à court terme, a préféré reprendre ses vieilles habitudes, et ce, malgré mes remontrances. La journaliste était agacée par son comportement puéril, mais a tout de même fait preuve d’un sang-froid légendaire et j’en ai été impressionnée. Caroline est restée de marbre face aux monologues insupportables de son admirateur et malheureusement, l’Esprit a interprété son geste d’une tout autre manière. Elio a augmenté progressivement la fréquence de ses tentatives jusqu’à pousser à bout mon amie et sans qu’aucun de nous ne s’y attende, la jeune femme a craqué avant-hier, au petit-déjeuner. Caroline s’est mise à hurler sur son protecteur en dressant la liste de ses défauts qui n’en finissaient plus, et en a profité pour lui lancer au visage l’un des livres d’Arès. L’Humaine a intimé la minute suivante Elio à intégrer tous les principes essentiels décrits à l’intérieur pour parvenir à gérer ses émotions et à appliquer ces derniers avant de concevoir l’idée de revenir lui adresser la parole. Mon soleil noir, ravi de percevoir une brèche dans son refus catégorique, a commencé à dévorer le bouquin, mais peu à peu, son sourire diabolique s’est effacé. À la fin de sa lecture, incapable d’appréhender la morale de l’histoire, Elio a menacé Arès d’arrêter sa formation au sabre s’il rejetait sa demande, celle de lui transmettre toutes ses connaissances sur le sujet. Les deux compères ont passé deux heures à en discuter et l’Esprit est resté concentré sur sa nouvelle mission l’après-midi entier. Le binôme insolite s’est révélé efficace, car l’Enchanteur commence à comprendre les reproches de sa belle et son élève progresse de manière impressionnante. Arès, en quelques jours seulement, est parvenu à exécuter plusieurs figures acrobatiques, alors qu’il peinait à soulever son arme au départ et ce constat m’a permis de réaliser que le coaching australien convient à la perfection à mon petit cœur.

J’ai longuement échangé avec Agapé sur l’histoire de Darshan et ma jumelle m’a confirmé toutes les informations personnelles transmises par la panthère nébuleuse. Elle a aussi ri aux éclats en découvrant que le Métamorphe est en train de tricoter un pull à Arès afin de le féliciter d’être arrivé à fusionner ses deux parts. De cette façon, j’ai appris que le Vivant confectionnait des habits en Inde et les vendait aux touristes de passage. Ma sœur, à son intonation de voix, m’a semblé attachée à Darshan et j’en ai obtenu la confirmation après qu’elle m’ait questionnée sur son intégration dans l’équipe. J’ai tenté de la rassurer en mettant en avant mon nouveau statut de Dhiba, qui me permet de protéger la panthère nébuleuse sur le domaine, et ma jumelle en a été soulagée. Je lui ai ensuite expliqué avoir pris à cœur mon rôle au côté du chef de l’ACE et souhaité qu’Ezékiel me pardonne ma maladresse. Agapé, ravie de découvrir une autre facette de ma personnalité, m’a félicitée après lui avoir raconté comment mon rejet involontaire avait blessé mon âme sœur et sa réaction m’a déplu. De son point de vue, remettre à sa place un loup se révèle nécessaire pour affirmer sa position dans une meute et surtout pour calmer leur ego démesuré. Néanmoins, entendre son opinion m’a surprise sachant qu’Agapé ne connaît aucun Métamorphe hormis Darshan et d’ailleurs, cet homme possède parfois un avis faussé sur ses semblables. En approfondissant la discussion, j’ai réalisé que la mauvaise image véhiculée par la panthère nébuleuse était due à ses débuts difficiles, mais ma sœur a refusé de m’en dire davantage, soutenant qu’il s’agissait de l’histoire personnelle de l’Indien.

Agapé m’a ensuite interrogée sur ma relation avec le louveteau et dans un sourire, je lui ai confié m’être attachée au petit, au point de le considérer comme mon propre enfant. L’avoir entendu m’appeler « Maman » a fait ressortir en moi un instinct maternel puissant et d’ailleurs, je pensais qu’il se révélerait seulement le jour où je donnerais la vie. J’endosse depuis notre rencontre le rôle de mère avec plaisir, en essayant d’apporter au fils d’Ezékiel tout l’amour qu’il réclame et en participant avec sérieux à son éducation. Sachant qu’Arès se montre encore un peu maladroit sous sa forme humaine, j’ai cherché une activité divertissante afin de lui permettre de développer sa motricité et Aiden m’y a aidée. Une idée nous est venue à l’esprit en écoutant Chan Chan de Buena Vista Social Club alors l’heure suivante, nous l’avons mise en application, sous le regard curieux d’Elio. Proposer à l’enfant de suivre des cours de salsa cubaine, enseignés par son oncle, s’est révélé être une réussite, puisqu’en quelques séances intensives, il est parvenu à maîtriser les pas de base. Au retour d’Ezékiel, j’appréhendais le fait que ce dernier me reproche de m’être trop rapprochée d’Arès en son absence et par chance mes craintes se sont avérées infondées. Le père reprenait encore son fils, dix jours plus tôt, dès qu’il m’appelait par son surnom favori, et Ezékiel se justifiait en affirmant penser que le louveteau me mettait mal à l’aise. Toutefois, le chef de l’ACE a rapidement baissé les bras, au vu du caractère têtu d’Arès qui ne pouvait s’empêcher de me considérer comme l’une des personnes les plus précieuses de sa vie. J’ai pris le temps d’en discuter avec Ezékiel hier soir et sans difficulté pour une fois, nous sommes tombés d’accord. Quoi qu’il en soit, ma relation avec le petit doit évoluer à son propre rythme, ainsi que celle entretenue avec son père, et par la suite, nous aviserons selon les désirs de chacun.

Avant de raccrocher, j’ai demandé à Agapé l’emplacement de la rune qu’elle a fait tracer sur mon corps et sa réponse m’a profondément émue. Cette dernière se situe sur mes côtes, près de mon sein gauche, car ma sœur souhaitait l’installer au plus proche de mon cœur par crainte que je l’oublie. L’apprendre m’a permis de refermer l’une de mes nombreuses blessures d’enfant en réalisant que ma jumelle a toujours eu l’intention de me retrouver et de me protéger. Je me suis jetée sur le miroir pour m’ausculter dès que la communication s’est coupée, mais ma peau ne présentait aucune trace visible à l’œil nu et ce constat a laissé une pensée émerger de mon esprit. Après avoir activé mon don, le filtre s’est installé devant mes yeux luisants et en observant à nouveau la zone initialement vide, le dessin est apparu par enchantement. Sur une longueur d’un pouce environ, le prénom « Agapé » est tatoué avec finesse et style, en calligraphie arabe. Ce choix d’alphabet, en me rappelant l’une des passions de ma sœur, m’amuse et en effet, ma jumelle a toujours été fascinée par l’Égypte. L’enfant prodige, dès notre plus jeune âge, a pris la décision d’apprendre la langue actuelle du pays puis de lire l’écriture hiéroglyphique après avoir découvert que les ancêtres de ma mère étaient natifs de ce pays. Agapé a dévoré des livres entiers sur la mythologie égyptienne et quelques fois, elle m’en traduisait certains extraits. D’ailleurs, ma couleur de peau, celle de mes cheveux ou encore la forme de mes traits prouvent aisément ma provenance d’Afrique du Nord-est. Je suppose qu’Agapé pensait trouver une explication à ma différence en étudiant une partie de nos origines génétiques, mais ses efforts se sont révélés infructueux. Pour autant, ses recherches m’ont permis d’en apprendre davantage sur les conditions d’immigration de mon peuple en Australie et les découvrir m’a affectée. Cette île était peu habitée avant la guerre inter-espèces, car les autochtones qui y résidaient ont été décimés au cours du temps par des conflits liés en partie au climat aride, mais avant tout à la colonisation. Quand les envahisseurs ont envoyé ce peuple innocent se battre contre les Esprits, les Australiennes, hommes, femmes et enfants confondus, ont servi de chair à canon et malheureusement, tous ont péri. Cet endroit était considéré comme maudit après la dernière bataille, au vu des crimes qui s’y sont produits, et personne ne voulait y vivre. Les Humains ont alors décidé d’y parquer les vaincus et à l’époque, les Esprits évoluaient sur tous les continents de la planète. Nos ancêtres ont perdu leur nationalité en devenant Australiens et, pour cette raison, mes semblables s’avèrent très métissés, baignant dans de nombreuses cultures très différentes. Malgré tous les défauts qui peuvent être reprochés à ces habitants, le racisme sur la couleur de peau n’en fait pas partie et j’en suis assez fière. Tout de même, la discrimination existe, en s’établissant sur l’intelligence ainsi que la puissance du don et du pouvoir de chacun.

D’autre part, parvenir à observer ma rune m’a étonnée pour une raison qui diffère de celle liée à sa signification et cette prise de conscience a fait surgir de mon esprit une multitude d’interrogations, restées sans réponses. Ce tatouage devrait être invisible aux yeux des êtres humains, alors pourquoi suis-je la seule en mesure de le percevoir ? Posséder un filtre serait-il un pouvoir en soi ? Vais-je un jour réussir à comprendre qui je suis ? En définitive, avons-nous bel et bien identifié ma nature enchanteresse, celle d’Esprit ? Heureusement, la soirée de la veille a permis d’appréhender davantage l’étendue de ma faculté et cette réussite m’a redonné espoir. En effet, les invités tatoués par Avy, au cours du repas, ont présenté à Ezékiel l’emplacement de leur rune et j’ai été à nouveau la seule apte à les localiser. Or en exposant ma protection, personne n’est parvenu à la détecter, y compris la Guérisseuse qui avait fait usage de son pouvoir et de ses connaissances. D’ailleurs, Elio me considère à présent comme sa déesse, en vénérant chacune de mes paroles depuis son arrivée sur le domaine, et son comportement quelque peu extrême me désarçonne. Par chance, l’avis des membres de l’ACE se montre plus rationnel et tous supposent que mes aptitudes sont reliées entre elles. Pour autant, Thaïs a avancé un argument qui m’a laissée perplexe, puisque de son point de vue, mes facultés seraient des fragments visibles d’un pouvoir caché. Quoi qu’il en soit, le test a permis de générer une réaction surprenante sur l’Américaine et cette dernière a retenu mon attention ainsi que celle de son protecteur. Un bref instant, Avy semblait terrifiée de découvrir ma capacité à lire ses runes et, aussitôt, la jeune femme s’est redonné une contenance en revêtant un masque impassible. Avec Cylian, nous sommes les seuls à en avoir pris conscience, car tous les regards étaient tournés vers moi, hormis les nôtres, restés rivés sur la Guérisseuse. Toutefois, la Tornade a supposé que l’Américaine craignait d’être jugée par l’un de nous sur ses performances enchanteresses, mais mon impression diffère de celle de mon coach. J’ai l’intime conviction qu’Avy a peur de moi et j’espère parvenir à en comprendre la raison afin d’y remédier rapidement. Mes paupières se ferment à nouveau à cette pensée et la minute suivante, je m’assoupis, enveloppée par la fragrance ensorcelante de mon loup.

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La pièce est sombre, humide, silencieuse et l’atmosphère qui y règne m’oblige à me tenir sur mes gardes. Une chaleur épouvantable m’enveloppe et, tel un serpent vicieux, elle glisse sur ma peau en montrant son désir malveillant de mordre à tout instant. Dès lors, mes poumons se gonflent avec la volonté de ranimer mon courage, mais surprise par la fragrance parvenant à mes narines, je me fige. L’odeur nauséabonde me donne un haut-le-cœur et d’instinct, je me pince le nez en entrouvrant les lèvres. Dès que les spasmes se tarissent, mon corps se redresse, animé d’une envie de fuir, et ne voyant plus à deux mètres, mes yeux clignent à plusieurs reprises afin de s’acclimater à l’obscurité menaçante, puis ils observent. Je me trouve ainsi seule dans une cellule semblant avoir accueilli un nombre incalculable de prisonniers et un sentiment de peur s’installe en moi. Les murs, faits de roches calcaires, sont tapissés d’une mousse verdâtre dont émane un effluve de champignons moisis. À certains endroits, les parois s’effritent et laissent apparaître des fissures anormales, annonciatrices d’un danger imminent. Certaines crevasses pourraient être assimilées à des traces de griffes et ce constat me pousse à rechercher les raisons de ma présence dans ce lieu obscur. Soudain, une goutte tombe à mes pieds et mon regard se lève aussitôt pour se poser sur des chaînes métalliques et rouillées. Ces dernières, enduites d’une substance gluante, pendent du plafond et s’enroulent sur un sol où s’entassent des excréments aux quatre coins de la pièce. Une caméra de surveillance, installée face à moi et orientée vers l’unique sortie possible, contrôle une grille d’acier pleine où s’y fond une porte qui m’isole de l’extérieur. Seule une trappe, pas plus large qu’une ouverture de boîte aux lettres, laisse passer un filet de lumière. Est-ce la nuit ou le jour ? À pas de velours, je m’avance vers la fente pour tenter de regarder ce qui se situe de l’autre côté et un couloir entièrement vide se présente sous mes yeux inquisiteurs. Puisque ce dernier ne m’apporte aucune indication sur l’utilité du cachot, je m’apprête à me retourner au moment où l’éclairage s’allume et une fraction de seconde plus tard, deux silhouettes apparaissent. Un garde s’approche et je réalise rapidement que l’homme escorte un prisonnier au dos voûté et dont la tête est baissée. À chacun de ses pieds est accroché un boulet de forçat et ses mains sont menottées devant lui. Le condamné peine à marcher, mais sans la moindre empathie, son tortionnaire le bouscule pour l’obliger à presser le pas et ma colère face à cette injustice se réveille tout à coup. La fragilité du détenu est insupportable à voir et pourtant, mon esprit bien trop curieux reste fixé sur l’individu amoindri. Son corps musclé est recouvert d’hématomes et de sang, tandis que son ventre creusé témoigne d’un signe évident de malnutrition. Je parviens enfin à détourner le regard afin de m’extraire de cette vision épouvantable et dévisage le garde minutieusement. Chacun de ses traits est passé au crible et ma conscience les inscrit dans sa mémoire avec précision. Dans mon for intérieur, j’ai la sensation de devoir me souvenir de ce monstre insensible et mes émotions ressurgissent à cette pensée, puis le stress me gagne. Que fais-je ici ? Dès que le duo incompatible s’arrête face à ma cellule, je me réfugie au fond de la pièce et tente de me cacher dans la pénombre. La barrière s’ouvre dans un grincement sinistre et amène tout mon être à trembler de peur. Le geôlier jette son prisonnier à terre, puis referme la porte et sans un seul cri, l’homme s’effondre sur lui-même. Mon cœur bat à tout rompre, mais à l’instant où le gardien quitte les lieux, je prends mon courage à deux mains, place le filtre sur mes yeux et m’approche du détenu. À la seconde où je discerne son visage, ma respiration se coupe, la terreur m’ensevelit, tel un raz-de-marée dévastateur, et je hurle de toutes mes forces. Par Atoum, John ! Je tombe à genoux devant le corps meurtri de mon ami disparu et essaye de poser mes mains sur ses joues creuses. Or, ces dernières traversent mon coach de part en part, sans créer la moindre lésion. J’observe mes doigts tremblants avec stupéfaction et les rouages de mon cerveau s’accélèrent. Suis-je morte ? Au vu de l’urgence de la situation, je laisse cette question en suspens et me concentre sur le policier. Mes cordes vocales émettent un nouveau cri pour tenter de sortir l’homme de son état d’inconscience et aucun de mes efforts n’aboutit à un résultat probant. Je réalise soudain que mon sens du toucher a disparu, mais sans perdre espoir, je consacre les minutes suivantes à chercher comment interagir avec mon coach, et au bout de plusieurs essais infructueux, mon don s’active. J’imprime des lettres de feu sur une partie d’un mur non exposé à la caméra de surveillance et ces dernières y annoncent :

« Nous viendrons te sauver, aie confiance. »

Après avoir terminé ma tâche, mon cerveau réfléchit à un moyen de réveiller John, quand tout à coup, je me sens tirée en arrière. Mon esprit lutte pour rester auprès de mon ami, mais l’attraction se révèle trop puissante pour y parvenir et mon sentiment de panique s’accroît. Au moment où mes dernières forces me délaissent, je transmets une boule d’énergie au corps endormi, tel qu’Aiden me l’a appris, avec l’espoir qu’elle puisse lui venir en aide. Je me vois quitter la cellule l’instant d’après et m’élever dans les airs, à une vitesse si grande qu’il m’est impossible de me situer. Des frissons couvent ma peau, mes émotions explosent et sans crier gare, je me sens tomber. La chute violente me désoriente et quelques secondes plus tard, je perds connaissance.

***

Je sursaute en entendant l’écho de ma voix résonner dans mes tympans et ma conscience tente d’analyser mes sens. Mes oreilles bourdonnent, ma vision est trouble et mes joues sont couvertes de larmes. Où suis-je ? L’odeur s’est modifiée et je reconnais d’instinct l’une de ses fragrances qui m’apporte le réconfort dont mon esprit avait besoin. Dès lors, mes muscles se détendent et un soupir m’échappe quand des doigts fermes, mais rassurants, se mettent à me caresser l’épaule. En fronçant les sourcils, je passe le revers de ma main encore tremblante sur mes paupières puis les ouvre et plonge dans le regard vairon d’Ezékiel. Cet homme m’hypnotise comme lui seul est en mesure de le faire et ce constat ralentit mon pouls, me permettant d’analyser avec intérêt l’expression de son visage. Le chef de l’ACE semble inquiet au vu de son front plissé et ses lèvres, qui s’agitent de longues secondes sans qu’aucun son ne parvienne à ma conscience, m’interrogent. Or progressivement, sa voix lointaine s’élève, ses paroles s’impriment dans mon esprit et je comprends être sortie d’un mauvais rêve. Mon compagnon m’entoure soudain de ses bras puissants et ma tête se blottit contre son torse dans l’intention d’écouter son cœur battre la chamade. Ezékiel se fait du souci pour moi et en tentant d’en appréhender la raison, les images terribles de mon cauchemar me reviennent en mémoire. La scène se joue à nouveau sous mes paupières closes et lorsque mes émotions me submergent, je laisse ma peine s’exprimer sans retenue. Comment ai-je pu, ces dernières heures, occulter de mon esprit l’enlèvement de John ? Mes sanglots redoublent d’intensité et la culpabilité m’assaille en réalisant que mon ami pourrait se trouver dans une situation similaire à celle imaginée par mon inconscient. Dès que mes tremblements disparaissent, Ezékiel m’invite à fixer mon regard au sien et aussitôt, je parviens à lire toute l’inquiétude qui l’anime ce matin. Mon amant me couvre de baisers pour tenter d’effacer ma peine et sa réaction surprenante m’informe que Louké est aux commandes. Dès lors, Ezékiel encercle mon visage bouffi entre ses mains et essuie mes joues détrempées avec ses pouces rugueux. Mon corps, réceptif à ses attentions, se réveille de lui-même et mon esprit transfère l’intensité de ma peur dans mon désir pour lui. Je m’installe à califourchon sur son bassin, le renverse sur le lit et, en étant prise d’une envie folle, mes lèvres s’emparent des siennes avec passion. Mon besoin de me rapprocher d’Ezékiel le plus intimement possible occupe mes pensées, mais surtout celle d’effacer un court moment la vision de mon ami inconscient et abîmé. J’agrippe ainsi ses cheveux attachés, glisse mes doigts sous son t-shirt et la moiteur de sa peau m’apprends que le Vivant m’a rejointe après sa séance de sport. Lorsque je tente de défaire avec empressement son pantalon, mon amant me coupe dans mon élan, arrête mon geste et bloque mes mains au niveau de sa ceinture. Mes yeux se lèvent de frustration afin de capter son regard et l’homme, doux, mais amusé, essaye de saisir le sens de mon comportement bipolaire. Sans un mot, j’admire sa beauté rayonnante sous le film de sueur couvrant sa peau légèrement hâlée et presse mon corps contre le sien. Or, l’Alpha troisième m’immobilise une seconde fois et déclare :

— Rhéa, je refuse de revenir sur ma décision, alors il est inutile d’insister. Ne me complique pas la tâche, s’il te plaît.

Mes épaules s’affaissent et le sentiment de déception m’envahit brusquement, même si ma panique s’est quelque peu atténuée. Mon cauchemar profite de ma faiblesse pour ressurgir et m’amène à reprendre mon sérieux en réalisant à quel point il semblait vrai. Ezékiel fronce les sourcils, soulève mon menton de son pouce et, en me fixant avec intensité, mon âme sœur affirme :

— Tu es en train d’évoluer, Rhéa.

Sans parvenir à interpréter ses paroles, je lui demande d’une voix cassée des explications et le chef de l’ACE déclare sur un ton dépourvu d’émotions :

— La couleur de tes yeux se modifie à nouveau.

Surprise, je me lève d’un bond, vacille quelques secondes, puis me dirige vers la salle de bain, Ezékiel à ma suite. Après avoir appuyé sur l’interrupteur, j’observe mon reflet minutieusement dans le miroir et ne détecte aucun changement. Mes iris arborent leur teinte rouge écarlate, celle d’une Enchanteresse de la deuxième génération au don de feu, car mon filtre est en place. Ils n’ont ainsi rien d’étrange et Ezékiel, en comprenant ma pensée, précise :

— À ton réveil, j’ai perçu des éclats dorés autour de tes pupilles. Ils sont réapparus quelques instants plus tôt, mais viennent à nouveau de disparaître.

Étonnée et quelque peu agacée par ces changements incessants, je m’offusque et sans en prendre ombrage, mon compagnon m’interroge :

— Rhéa, de quoi as-tu rêvé ?