HOTAK - Cuvelliez Steven - E-Book

HOTAK E-Book

Cuvelliez Steven

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Beschreibung

Dans un futur proche, Léo et Wyatt jouent ensemble au jeu vidéo Heroes of the Ancient Kingdom, ou HOTAK pour les initiés. Léo est passionné par ce battle royale immersif qui lui permet d'oublier ses angoisses face au monde réel. Surtout, Léo est follement amoureux de Wyatt. Mais les deux garçons ne se sont jamais rencontrés en dehors du jeu. Alors quand Wyatt les inscrit à un tournoi pour lequel ils devront passer un week-end ensemble à Paris, Léo perd tous ses moyens. Ces deux jours pourraient pourtant changer sa vie et lui permettre de quitter la misère dans laquelle il a grandi. Son amour secret l'empêchera-t-il de réaliser ses rêves ? Ou réussira-t-il à conquérir le coeur de Wyatt ainsi que la victoire ?

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Seitenzahl: 411

Veröffentlichungsjahr: 2021

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AVANT-PROPOS

Lectrice, lecteur,

Je te souhaite la bienvenue dans l’univers d’HOTAK. Le livre que tu tiens entre tes mains est l’aboutissement d’une aventure qui a démarré en mars 2021 sur la plateforme d’écriture Wattpad. D’abord petite romance sans prétention, HOTAK est devenu malgré moi mon bébé. Je l’ai chéri, choyé et couvé jusqu’au bout du processus créatif.

Issu d’un long travail d’auto-édition, ce roman n’a pas bénéficié du soutien d’une maison d’édition traditionnelle. Sa couverture, sa mise en page et sa correction ont été réalisées de manière artisanale par moi-même ou mes soutiens les plus précieux. Afin d’offrir une chance à HOTAK d’être découvert par un maximum de personnes, je te serais reconnaissant d’en parler autour de toi si tu as aimé les aventures de Léo et Wyatt. À travers les réseaux sociaux, un commentaire sur un site marchand ou en l’offrant à l’un de tes proches, tu as le pouvoir de faire rayonner HOTAK et de lui offrir une reconnaissance.

Si tu le souhaites, tu peux aussi me suivre et interagir avec moi sur mon compte Instagram @stevencuvelliez.auteur ou via ma page Facebook “Steven Cuvelliez – Auteur”. Je serai ravi de discuter avec toi ou d’y lire ton avis sur mon roman.

Bonne lecture !

Steven

PLAYLIST

Tout au long du roman, diverses chansons viendront ponctuer l’histoire de Léo et Wyatt.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de ces titres sur Spotify dans la playlist “HOTAK – Playlist officielle”.

Jada Facer

 – Creep

Jasmine Thompson

 – Rather Be

Beth

 – I’ll Stand By You

Tommee Profitt, brooke

 – Can’t Help Falling In Love (Version LIGHT et Version DARK)

Bailey Rushlow

 – Friday I’m In Love

Coldplay

 – Viva La Vida

Ed Sheeran, Justin Bieber

 – I Don’t Care

Madilyn Bailey

 – Elastic Heart

London Grammar

 – Nightcall

Gavin Mikhail

 – Yesterday

OneRepublic

 – I Lived

Taylor Swift

 – Today Was A Fairytale

Europe

 – The Final Countdown

Gloria Gaynor

 – I Will Survive

Owl City, Carly Rae Jepsen

 – Good Time

My Sun and Stars

 – You Make Me Happy

Richard Marx

 – Right Here Waiting

Charlie Puth

 – One Call Away (Acoustic)

The Rembrandts

 – I’ll Be There For You

Sommaire

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

CHAPITRE 17

CHAPITRE 18

CHAPITRE 19

CHAPITRE 20

CHAPITRE 21

CHAPITRE 22

CHAPITRE 23

CHAPITRE 24

CHAPITRE 25

CHAPITRE 26

CHAPITRE 27

CHAPITRE 28

ÉPILOGUE

CHAPITRE 1

Les éclairs de Zeus s'écrasèrent sur la plaine sablonneuse dans un vacarme assourdissant. Dès le premier impact, le sol se mit à trembler sous les pieds de Léo et Wyatt. Les parois de la petite grotte dans laquelle ils s'étaient réfugiés diffusèrent une fine pellicule de poussière qui s'immisça tout autour des deux garçons.

— On est foutus, ils nous tiennent en joue, s'inquiéta Wyatt avant d'ingurgiter la dernière potion de soin de son inventaire.

— J'ai un arc à visée longue, je peux tenter d'en mettre un KO et on fonce sur le deuxième juste après, proposa Léo tout en réparant son bouclier à l'aide de la vapeur bleuâtre qui sortait de ses mains nues.

— Ça se tente, trancha son coéquipier avec un manque de conviction évident.

Léo le savait, ils étaient face à la dernière escouade de la partie. Ils avaient dû se cacher dans la petite grotte de fortune lorsque leurs adversaires les avaient pris à revers à l'aide de la capacité ultime du Zeus. Léo avait tout de même réussi à repérer le deuxième membre de l'escouade, une Athéna dont la capacité ultime était de repérer les ennemis dans un rayon de cent mètres. A ce stade, elle n'était donc plus d'aucune utilité tactique pour son équipe puisque la position de Léo et Wyatt était maintenant évidente.

Mais de leur côté, les deux garçons étaient de véritables guerriers. Léo incarnait Hercule, dont le poing ravageur pouvait affaiblir sévèrement tout ennemi présent dans les vingt mètres alentours. Wyatt, de son côté, restait fidèle à Hadès. Et, à cet instant, le chien des enfers qu'il pouvait libérer face aux ennemis leur serait grandement utile. Le plan reposait donc sur les épaules de Léo et sur la précision de son tir. Face à deux ennemis, ils seraient vulnérables et risqueraient la défaite. S'il en mettait un KO, la victoire leur était assurée.

— Tu peux le faire, Léo, se dit-il à voix basse en armant son arc de ses trois dernières flèches.

D'un regard dans le viseur, Léo repéra ses ennemis cachés derrière un rocher cent-vingt mètres plus loin. Une immense étendue de sable séparait les deux escouades mais la zone était totalement dégagée. Ce serait un problème lorsqu'il faudrait courir dans leur direction mais, pour le moment, c'était un avantage significatif. Du coin de l’œil, Léo remarqua qu’Athéna possédait elle aussi un arc à visée longue mais elle ne les avait pas encore remarqués. Léo le savait, c'était son moment. Il visa la tête de la déesse et tira la première flèche sans hésitation. Celle-ci frôla le crâne de l'ennemie mais ne l'atteignit pas.

— Merde ! jura-t-il. On est repérés maintenant.

— Tu vas y arriver, l'encouragea Wyatt, dont l'arc de proximité et l'épée de feu n'étaient actuellement d'aucune utilité.

Léo se rabaissa pour se couvrir au maximum derrière le petit rocher qui le protégeait puis replaça son œil droit dans l'axe du viseur. Athéna l'avait vu, son arc était pointé vers lui et elle s'apprêtait certainement à lui décocher une flèche en pleine tête elle aussi. Malgré son casque doré, il savait que cela signerait leur arrêt de mort si elle l'atteignait.

La sueur perlait sur le front de son avatar herculéen. Ses mains étaient moites et son cœur battait à tout rompre. Cet instant était crucial et allait déterminer l’issue de la partie. Il prit donc une grande inspiration et décocha sa flèche avant l'ennemie.

En pleine tête !

— Elle est à terre ! se réjouit Léo tout en sortant de sa cachette. On fonce !

Les deux amis se lancèrent dans une course effrénée vers leurs opposants. Le sable chaud sous leurs pieds ralentissait leur progression mais, dopés à l’adrénaline, ils cheminaient à grandes enjambées vers l’ennemi. De son côté, Zeus, pris de panique, hésitait entre ranimer son alliée ou affronter ses adversaires. Cette hésitation allait le conduire à sa perte, Léo le savait. L'adversaire finit tout de même par sortir son arc pour se défendre. Mais il était trop tard. Sans même se concerter, Wyatt et Léo partirent chacun d'un côté du grand rocher qui camouflait leurs ennemis. Léo accorda à peine un regard à Athéna, immobile contre la paroi, avant de foncer sur Zeus. Il sauta dans les airs, le poing tendu vers le sol, et se laissa retomber violemment dans une puissante vibration. L'explosion causée par son attaque ultime fit perdre cinquante points de vie au Zeus. Ce fut au tour de Wyatt de lancer son chien des enfers sur l'ennemi. Le molosse à trois têtes surgit d'un écran de fumée rouge sang et se jeta sur Zeus. Wyatt dégaina son épée de feu, Léo sa dague, et tous deux bondirent sur l'ennemi. Il n'avait plus aucune chance. En cinq secondes à peine, le combat était plié.

— Les héros vainqueurs ont été désignés, s'exclama une voix féminine depuis le ciel bleu tapissé de fins nuages.

Les trompettes de la victoire résonnèrent dans toute l'arène. Leur musique de célébration était assourdissante mais Léo n’en avait rien à faire. Car ce son qu’ils espéraient entendre à chacune de leurs parties ne signifiait qu’une chose.

— On a gagné ! s'extasia Wyatt.

L’adolescent à l’apparence du dieu des Enfers se jeta dans les bras de Léo et le fit tournoyer jusqu'à lui en donner le tournis. Il n'était pas rare pour les deux garçons de remporter une partie de Herœs of the Ancient Kingdom, ou HOTAK pour les initiés, mais cela leur procurait une joie indescriptible à chaque fois que cela arrivait. Surtout qu'ils venaient d'atteindre la classe Divine du jeu, dans laquelle les adversaires étaient d'un niveau bien plus élevé que ceux qu'ils avaient affrontés jusque-là dans la classe Héroïque. Leur fierté n’en était que plus forte et Wyatt l’exprima en sautillant sur le sable fin tandis que Léo, bien plus réservé, se contenta de rire aux acrobaties de son ami.

L'allégresse terminée, ils se retrouvèrent téléportés dans la salle de débriefing pour consulter leurs statistiques respectives. L'étroite pièce était cernée de murs de marbre aux coloris beiges et du sable était éparpillé sur les dalles au sol pour parfaire la mise en scène de la Grèce Antique. Le soleil se faufilait à peine entre les sillons creusés dans la pierre, procurant au lieu un sentiment d’intimité bienvenu après une partie aussi palpitante. Léo se précipita face à son tableau de chasse pour constater ses performances.

Le garçon était encore vêtu de la tenue de son Héros mais il avait retrouvé son apparence normale. Une apparence qu'il n'aimait pas spécialement. L’adolescent était grand et très mince. Trop mince à son goût. Mais il était particulièrement complexé par son visage, qui lui donnait l'air d’avoir encore quinze ans alors qu'il s'approchait de son dix-huitième anniversaire. Tous ses traits étaient fins et ne ressemblaient en rien au visage dur et viril d'Hercule. Même ses cheveux blonds l'agaçaient car ils lui donnaient un air angélique quand tout ce que voulait Léo, c'était ressembler à un vrai homme. À l’un de ces héros des temps anciens qui le faisaient rêver. Beaux, grands et forts. Seuls ses yeux bleu gris ne le complexaient pas. Et c'était seulement grâce aux centaines de compliments qu'on lui avait faits à leur sujet.

Wyatt, par contre, représentait tout ce que Léo aurait voulu être. Ils faisaient sensiblement la même taille mais Wyatt avait une carrure bien plus développée. Ses épaules étaient larges et ses pectoraux se dévoilaient timidement sous les tenues qu’il portait lors de leurs sessions de jeu. Sa mâchoire était carrée et ses yeux noisette lui procuraient un regard envoûtant. Et que dire de sa crinière de cheveux bruns coiffés dans un mouvement latéral divin ? Bref, Léo aurait pu passer des heures à complimenter le physique de son ami. Il le jalousait autant qu'il le désirait secrètement.

— 2127 points de dégâts ! s'exclama Léo. Et sept kills ! Même en classe Héroïque, je n’ai jamais fait un score pareil !

Il était fou de joie face aux chiffres gravés dans le marbre face à lui. Ce jeu, il y consacrait tout son temps libre depuis plusieurs mois à présent. Tel un sportif de haut niveau animé par le désir de se surpasser, il était en extase lorsqu’il atteignait un nouveau record.

Wyatt, face à son propre tableau de chasse, affichait lui aussi un sourire radieux que Léo remarqua tout de suite.

— 2103… Mais huit kills !

— Je t'en ai offert au moins deux, se défendit Léo.

Plus tôt dans la partie, ils avaient dû affronter un Poséidon et une autre Athéna contre lesquels il s'était extrêmement bien battu avant d'être mis KO sans pouvoir les achever. Wyatt avait volé à son secours et les avait débarrassés de cette escouade mais ils savaient tous deux que c'était Léo qui avait fait tout le travail.

— Les chiffres ne mentent pas, lui répondit Wyatt d'un air taquin en pointant son tableau de chasse du doigt.

— C'est vrai ! Et j'ai fait plus de dégâts que toi, le tacla Léo avec le même sourire railleur.

— Revanche ?

— Non, je ne peux pas. Je devrais déjà être couché. Je bosse à huit heures demain matin, je vais être crevé toute la journée si je ne dors pas un minimum.

— Oh.

La déception de Wyatt était palpable. Les deux complices adoraient jouer ensemble. Ils se comprenaient autant qu’ils se complétaient. Une fois en jeu, leur alchimie faisait des merveilles. Alors quand l’un d’eux n’était pas disponible pour jouer et que l’autre se retrouvait en compagnie d’un inconnu aléatoire, le choc était bien souvent rude.

— Alors tu m'accompagnes à la boutique, tenta de négocier le brun. Ils ont sorti un nouveau skin pour Hadès. Il est tellement stylé !

— Tu vas encore dépenser tout ton argent pour un skin ? se moqua gentiment Léo.

— Laisse-moi gérer mon problème d'achat compulsif et suis-moi !

Léo n'avait pas envie de quitter Wyatt tout de suite. Il se laissa donc embarquer jusqu'à la boutique sans sourciller. Les deux garçons quittèrent la salle de débriefing par la porte de bois qui menait vers le reste de l’antichambre du jeu. C’était le nom donné à la grande zone dans laquelle ils pouvaient errer entre deux parties. Divisée en deux parties, le Palais et l’Amphithéâtre, elle permettait aux joueurs de faire la rencontre de futurs coéquipiers ou bien d’aller dépenser tout leur argent dans des skins de personnages ou d’armes.

Les deux garçons se lancèrent d’un pas assuré dans les couloirs exigus du Palais d'HOTAK en direction de la boutique. Léo savait qu'il ne pourrait rien acheter mais il avait l'habitude d'y accompagner son ami pour assouvir sa soif de skins en tous genres. Il en avait même acheté pour des héros comme Athéna ou Héphaïstos, alors qu'il ne les jouait jamais. Juste par satisfaction personnelle, se justifiait-il lorsque Léo le taquinait à ce sujet. Wyatt était né dans une famille relativement aisée qui vivait dans une banlieue chic près de Paris. À dix-sept ans, il n'avait encore jamais travaillé de sa vie. Ses parents arrivaient largement à subvenir aux besoins de toute la famille. Une chance que Léo n’avait pas. Pour lui, les choses étaient bien différentes. Il vivait dans un quartier pauvre à l’ouest de Rennes, qui n'était pas encore classé comme un bidonville mais le deviendrait certainement bientôt, tant les conditions de vie y avaient décliné durant les douze années qui avaient suivi la crise sanitaire de 2020. Il travaillait depuis un an à l'épicerie du coin tous les samedis et dimanches pour aider ses parents à payer leur loyer et la nourriture pour lui et sa petite sœur, Tracy. Sa seule grosse dépense depuis qu'il avait commencé le travail était le casque StationX qu'il portait à cet instant sur la tête et qui lui permettait de s’évader dans le monde virtuel d’HOTAK. Il l'avait acheté d'occasion six mois plus tôt et passait le plus clair de son temps libre en ligne depuis. Sa rencontre avec Wyatt sur le jeu deux semaines après avoir commencé à jouer y était certainement pour quelque chose. Léo se sentait bien ici, dans ce monde créé de toutes pièces par des développeurs talentueux, en compagnie de son ami. Cela lui permettait d'oublier pour quelques heures la misère du monde réel.

— Regarde-moi ça, il est fabuleux !

Wyatt tendit le bras en direction du skin en vitrine de la boutique HOTAK. Le Maître des Enfers se pavanait derrière la paroi de verre, prenant tantôt une pose héroïque, tantôt une autre totalement ridicule. Léo devait pourtant bien avouer que sa tenue était particulièrement somptueuse. Vêtu d'une toge rouge vif bordée d’une lisière à motifs dorée ne lui recouvrant qu'un côté du torse et laissant paraître des pectoraux saillants, le héros était coiffé d'une fine couronne de lauriers d’or scintillant tout autour de sa chevelure noire en bataille. Léo ne l'aurait jamais avoué à Wyatt mais il trouvait ce skin vraiment sexy. Voir son ami se pavaner avec cette apparence n'allait clairement pas l'aider à rester concentré pendant leurs futures parties. Même s'il préférait le visage naturel de Wyatt, celui d'Hadès occupait clairement la seconde place du podium.

— Alors t'aimes bien ? le jaugea Wyatt.

— Il est sympa, ouais, se contenta de déclarer Léo, sentant ses joues rougir de désir pour le Maître des Enfers.

Heureusement que le casque StationX ne pouvait pas transcrire ce genre de réactions dans le monde virtuel. Seule leur apparence était enregistrée à l’initialisation de la console. Le reste n’était qu’une série de codes qui retranscrivait les messages envoyés par leur cerveau. La peur, l’enthousiasme ou encore la colère était insérés dans le jeu. La gêne, pour le plus grand bonheur des joueurs, restait cachée dans le monde réel.

— Vous faites du shopping, les amoureux ?

La voix irritante de Baptiste dans son dos écorcha les oreilles de Léo et lui arracha une grimace. Wyatt s'en aperçut et pouffa d'un petit rire discret adorable avant de se retourner vers leurs deux adversaires.

—Baptiste et Joshua… les accueillit-il d’un air désinvolte. Vous ne devriez pas être en train de vous entraîner ? Ou vous préférez que je vous rappelle votre défaite lamentable de notre dernière partie face à vous ?

Le franc-parler de Wyatt lui donnait un charme incontestable aux yeux de Léo. Ce dernier était beaucoup plus timide et réservé lorsqu'il sortait de l'arène HOTAK. Pendant une partie, Léo était dans sa bulle avec Wyatt et se sentait suffisamment en confiance pour se lâcher. Mais une fois la partie finie, il retournait se terrer dans sa carapace et se faisait beaucoup plus discret. Surtout quand Baptiste et Joshua étaient dans les parages. Les deux frères jumeaux étaient leurs ennemis jurés depuis des mois. Derrière leurs visages boursoufflés à la peau grasse, les deux rouquins camouflaient mal leur méchanceté et leur insolence. Même si leurs compétences stratégiques en faisaient des adversaires agréables, il n'avait aucune sympathie pour eux en dehors de l'arène.

— Sur la dernière partie, vous avez juste eu de la chance, se défendit tant bien que mal Joshua. Et on n'arrête pas de s'entraîner depuis ! Vous êtes prêts pour la revanche ?

Le sourire en coin du garçon se voulait certainement démoniaque. Mais avec sa tête ronde et ses petits yeux globuleux, il donnait plutôt l'impression de s'apprêter à fondre en larmes.

— Pas possible ce soir. Léo doit aller se coucher. Mais demain, on vous met une raclée sans souci, les gars !

— Même pas en rêve ! On sait bien qu'à part des skins stylés, t'as pas grand-chose pour toi, Wyatt. Et Léo, n'en parlons pas ! Tu te traînes le vieux skin de base d'Hercule depuis des mois !

Les deux idiots étouffèrent un rire moqueur. Léo sentit les traits de son visage se tendre sous le coup de la colère. Il ne sut quoi répondre à cette attaque gratuite. Face à son silence, les abrutis lui lancèrent un dernier regard mesquin avant de reprendre leur shopping.

— Pourquoi tu ne t'es pas défendu ? l'interrogea Wyatt une fois que les deux autres étaient suffisamment loin.

— Plus je me défendrai, plus ils m'attaqueront. Je préfère laisser couler.

… Ou bien je suis mort de trouille à l'idée d'ouvrir ma gueule devant eux.

— Faut vraiment que j'y aille, Wyatt. J’ai besoin de dormir un peu quand même, annonça Léo, la tête baissée.

Wyatt se contenta d'acquiescer d'un signe de tête. Il connaissait désormais suffisamment son ami pour savoir quand le moment était venu de le laisser se déconnecter. Léo se considérait comme un garçon qui ressentait les émotions cent fois plus que les autres. Le moindre reproche ou le moindre coup de fatigue pouvait l'amener à se renfermer immédiatement dans une tristesse immense que seule sa playlist de chansons acoustiques du début des années 2000 pouvait éponger. Et la remarque de Joshua mêlée à la fatigue avaient suffi à le faire atteindre cet état en moins de deux.

— Mais on joue demain, compléta-t-il tout de même malgré son besoin irrépressible d'aller se prostrer au fond de son lit. Et prends-toi le skin d'Hadès, il est vraiment cool.

— D'accord, je l'inaugurerai demain avec toi dans ce cas.

Léo se contenta d'offrir un sourire timide à son ami avant de se déconnecter du serveur. Sa conscience reprit place dans le corps qu'il détestait tant, assis sur son fauteuil rembourré, le casque toujours fermement installé sur sa tête. Léo le retira pour le poser sur le bureau face à lui avant de se jeter sur son lit. Le réveil à son chevet indiqua qu'il était désormais minuit passé.

Espèce d'idiot, tu vas être épuisé demain matin, se lança-t-il à lui-même.

Mais plutôt que d'essayer de trouver le sommeil, chose impossible lorsqu'il était démoralisé, Léo agrippa les deux écouteurs posés à côté du réveil et les glissa dans ses oreilles. Il sortit son portable pour trouver le morceau parfait à écouter dans sa playlist. Tout en faisant défiler les chansons, il repensa à la remarque de Joshua et trouva des dizaines de réponses cinglantes qu'il aurait pu lui sortir. Au lieu de ça, il s'était noyé dans le silence et la déprime. Cela ajouta un sentiment de rage au marasme bouillonnant qui l'envahissait déjà.

T'es trop bête, Léo…

Affalé sur son lit entre un poster réunissant les Héros d’HOTAK accroché au mur sur sa droite et son petit bureau chargé de cahiers à sa gauche, il cliqua finalement sur le morceau parfait. Une vieille balade du siècle dernier reprise quinze ans plus tôt par une chanteuse à la voix angélique. Dès les premières notes, Léo se sentit bercé par les doux accords de guitare qui accompagnaient la chanteuse, Jada Facer.

I wish I was special You're so very special

But I'm a creep I'm a weirdo What the hell am I doing here I don't belong here

La vibration de son portable extirpa le blondinet de sa douce torpeur. Il aurait maudit la personne qui osait le déranger à cet instant si cette personne n'avait pas été Wyatt.

WYATT

N'écoute pas ces deux rageux !

Ils sont jaloux de notre talent.

Bonne nuit, Hercule

Malgré son état de mal-être envahissant, un sourire vint se figer sur le visage du blondinet. Il n'avait jamais osé avouer à Wyatt ce qu'il ressentait pour lui mais, même dans le secret, ce sentiment était réconfortant et leur amitié lui faisait un bien fou. Ils ne seraient sûrement jamais plus que ça, Léo le savait. Il habitait Rennes, son ami vivait à Paris. Wyatt était chaleureux, drôle et charismatique alors que Léo n'était bon qu'à élaborer des stratégies sur HOTAK et à se terrer dans le silence à la moindre contrariété. Et puis surtout, Wyatt avait déjà une copine avant leur rencontre. Il ne lui en avait parlé qu’en de rares occasions mais il le faisait toujours en arborant un large sourire.

Son cœur était voué à finir en miettes. Mais, pour l'instant, Wyatt était la seule personne capable de le rendre heureux. Alors il en profiterait jusqu’à ce que la situation lui explose entre les mains.

I want you to notice When I'm not around You're so very special I wish I was special

CHAPITRE 2

Je te hais, Léo, je te hais…

Comme prévu, Léo regrettait profondément de s'être couché si tard. Son réveil à six heures et demie lui fit l'effet d'un coup de couteau en plein ventre. Il avait réussi à se traîner difficilement hors du lit pour rejoindre sa douche dans l'espoir que celle-ci lui donnerait le coup de fouet dont il avait besoin pour survivre à ses six heures de travail du jour. Raté ! En arrivant dans la petite cuisine mal éclairée, il était toujours aussi épuisé.

— T'as encore traîné sur HOTAK toute la nuit, toi !

Derrière sa tignasse de cheveux blonds coupés court, Tracy était assise à table face à son bol de céréales et lui lançait un sourire moqueur alors qu'il tentait tant bien que mal de trouver une tasse propre pour la remplir de café.

— Même pas vrai ! J'ai traîné sur HOTAK jusqu'à minuit. Et après… Après, j'ai eu du mal à dormir.

C'était l'euphémisme de l'année. Après avoir enchaîné toutes les chansons de sa playlist, le moral de Léo était toujours au ras des pâquerettes. Alors il avait cherché de nouveaux titres à y ajouter pour tenter d'occuper son esprit et l'empêcher de penser à ses sentiments pour Wyatt et à cet abruti de Joshua. Sa tête s'était finalement écroulée sur son téléphone aux alentours de quatre heures du matin. Deux heures et demie de sommeil ! Il n'allait jamais tenir toute la journée.

— Alexa, sers-moi un café, ordonna-t-il à l'assistante domestique intégrée à l’appartement.

C’était la seule folie que s’étaient permis leurs parents au cours des dernières années. D’une simple commande vocale, l’intelligence artificielle pouvait allumer les lumières, le chauffage ou tout autre appareil dans la maison. Elle répondait aussi à toutes les questions futiles qu’ils se posaient. Bref, un gadget. Mais leurs parents exigeaient qu’ils l’utilisent afin de rentabiliser cet achat impulsif qu’ils regrettaient certainement sans jamais se l’avouer.

— D’accord, répondit l’intelligence artificielle de sa voix monocorde en lançant la cafetière.

— Et qu'est-ce que tu fais debout si tôt, toi, d'ailleurs ? demanda Léo à sa petite sœur.

Tracy bomba fièrement le torse avant de lui répondre :

— Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, Léo.

La réflexion de la préadolescente décrocha un sourire au garçon. Hormis leur chevelure blonde, les deux seuls enfants de la famille ne partageaient que très peu de points communs. Léo trouvait d’ailleurs qu'elle ressemblait bien plus à Wyatt qu'à lui. Elle était excentrique, toujours pleine d'énergie et avait le don d'apporter de la bonne humeur autour d'elle sans même le faire exprès. Léo la jalousait un peu mais il adorait cette petite chipie plus que quiconque.

— T'es vraiment la gamine de dix ans la plus bizarre du monde.

— Les plus grands génies ont toujours paru bizarres au commun des mortels, déclama-t-elle sans perdre son sourire espiègle.

— Si tu le dis, se contenta de répondre Léo avant de s'enfiler toute sa tasse de café brûlant d'une traite. Allez, je file. Le devoir m'appelle.

— Bon courage, Loulou !

Il franchit l'entrée de leur petit appartement en prenant bien soin de verrouiller la porte à double tour derrière lui. Leurs parents étaient partis travailler une heure avant son réveil donc Léo laissait sa sœur seule chez eux. Et dans son quartier, Léo savait qu'il valait mieux être prudent. Les voleurs et les squatteurs étaient de plus en plus nombreux depuis deux ans, à cause de la surpopulation dans les grandes villes selon son père. Peu importait l'explication, le quartier était devenu sérieusement pourri et Léo s'y sentait de moins en moins en sécurité. Les seuls endroits dans lesquels il se sentait bien étaient sa chambre et la cabine de caisse de l'épicerie d'Omar. Derrière les vitres de plexiglas installées à cause des réglementations sanitaires, il savait que personne ne pouvait lui faire de mal.

* *

— Salut, Léo !

— Salut, Omar !

Le vieil homme au dos courbé et à la moustache toujours parfaitement taillée était caché dans le fond de la boutique, accroupi pour remplir le rayon des boissons énergétiques avant l'arrivée des premiers clients. Dans son bleu de travail ironiquement vert kaki, il tenait jour après jour sa petite échoppe vieillissante aux néons datés et à la devanture qui attendait désespérément un bon coup de peinture. Mais les gens ne venaient pas ici pour l’éclairage vacillant ou la façade du siècle dernier, ils venaient pour la bonne humeur et le franc-parler de l’épicier reconnus dans tout le quartier.

Lorsque Léo déposa son sac à dos dans l’arrière-boutique, il était à peine sept heures cinquante. Il avait donc largement le temps d'aller voir son patron pour prendre de ses nouvelles avant l'ouverture de l'épicerie.

— Tout s'est bien passé cette semaine ? demanda-t-il en arrivant dans le rayon liquides.

— Comme d'hab, gamin. Quelques petits cons qui sont venus foutre le bordel et deux ou trois clochards qui venaient se mettre au chaud. La routine, quoi !

Léo adorait la spontanéité décomplexée de son aîné. Omar avait passé toute sa vie dans le quartier et en avait vu la transformation au fil des années. Certains jours calmes, il lui racontait l'époque où les couples de jeunes mariés venaient ici pour construire une famille dans une atmosphère paisible et agréable. Aujourd'hui les gens qui venaient vivre dans le coin le faisaient simplement parce qu'ils n'avaient pas le choix.

— T'as une petite mine, gamin.

— Ouais, j'ai mal dormi cette nuit. Mais ça va le faire, t'inquiètes pas.

— Mal dormi ? À ton âge ? le confronta Omar d’un air suspicieux. Laisse-moi deviner ! Une fille ?

Il se releva et en profita pour donner un coup de coude à Léo tout en lui lançant un regard très suggestif.

— Quelque chose comme ça, répondit évasivement l’employé.

— Oh… réagit Omar en faisant de grands yeux surpris. Un garçon alors.

— Je… Ne… Non, je n’ai pas dit ça !

— Ne t'en fais pas, gamin. J'ai joué pour les deux équipes, si tu vois ce que je veux dire. Donc ce n’est pas moi qui vais te juger. Et de toute façon, ceux qui te jugeront seront tous des cons !

Léo laissa échapper un rire amusé face à l'allure exagérément révoltée de son patron.

— On est en 2032, gamin. Presque le milieu du vingt-et-unième siècle. Ceux qui ont encore un problème avec l'homosexualité sont des arriérés. N'oublie jamais ça ! Et file donc travailler, on ouvre dans deux minutes.

Gêné d'avoir dû improviser un coming-out de bon matin, Léo ne se fit pas prier pour aller se cacher dans sa cabine de caisse. Il n'avait pas honte d'être attiré par les garçons. Enfin, il ne savait pas trop. Ce sujet le mettait mal à l’aise. Mais à vrai dire, parler de lui-même le mettait mal à l’aise en général. Il ne voulait simplement pas aborder sa sexualité avec son entourage, craignant d’être rangé dans une case et catalogué à vie comme l’homosexuel de service. Certes, les mentalités avaient évolué mais certaines personnes dans le quartier restaient profondément conservatrices. Et puis il était encore jeune, il avait bien le temps de changer d’avis sur la question. Il préférait donc laisser toutes les portes ouvertes.

Et peut-être que j'ai un peu honte aussi…

* *

— Tu devrais être parti depuis dix minutes, gamin ! Qu'est-ce que tu fiches encore là ? lui demanda Omar en arrivant devant la caisse.

— Je m'étais dit que je pourrais t'aider à remplir l'étal des fruits et légumes.

— Tu veux me soutirer des heures supp, c'est ça ? le taquina son supérieur.

Léo sourit et pointa du doigt la table sur laquelle il ne restait qu'une poignée de poires et quelques pommes de terre éparpillées dans de larges cagettes.

— C'est surtout que l'étal fait peine à voir, Omar.

— File, gamin ! Je m'occuperai de le rendre beau, cet étal. Toi, va retrouver ce garçon qui te donne des insomnies !

Le visage de Léo s'empourpra immédiatement à la mention de Wyatt. Le travail lui avait permis d'oublier sa conversation gênante avec Omar à son arrivée mais tout lui revint soudainement en mémoire alors qu'il retirait son tablier de service.

— Tu sais, Omar, ce garçon… Ce n’est pas vraiment mon copain. Pas du tout d'ailleurs. Aux dernières nouvelles, il sort avec une fille.

Le visage d'Omar se para d'un sourire triste.

— J'ai connu ça quand j'étais jeune, tu sais.

— Ah bon ?

La curiosité de Léo lui donna envie d'en savoir plus sur cette histoire. Après tout, Omar lui avait bien confié qu'il avait eu des aventures avec des filles et des garçons par le passé. Peut-être qu'il pourrait lui donner des conseils pour passer outre ses sentiments pour Wyatt.

— Je devais avoir à peu près ton âge, démarra-t-il en s’adossant au mur à côté du blondinet. Il y avait un garçon dans ma classe. À l'époque, on allait encore en cours à l'école, tout ça ne se faisait pas à la maison. Mais t'es pas si jeune que ça, t'es au courant.

Léo confirma d'un signe de tête démesuré pour faire comprendre à son patron d'accélérer ses explications pour arriver aux détails croustillants de l'histoire. Il savait bien comment fonctionnait l'école avant, l'obligation de télé-instruction n'avait été mise en place qu'en 2025.

— Enfin bref, il s'appelait Damien. Un garçon très charmant que tout le monde adorait. Et comme beaucoup de filles de la classe, j'étais tombé sous son charme. Sauf que ce n’était pas très bien vu d'être attiré par les garçons à cette époque. Surtout dans ce quartier. Du coup, j'ai fait en sorte de devenir son ami. On est même devenus meilleurs amis au fil du temps. Dieu sait qu’on en a fait des conneries ensemble. On passait toutes nos soirées à faire le tour du quartier sur son scooter. Mais plus il m'appréciait en tant qu'ami et plus je tombais amoureux de lui.

— Ça a dû être terrible pour toi, le plaignit Léo.

— Oui, j'ai souffert en silence pendant de nombreuses années. J'ai bien essayé de faire des rencontres et de tomber amoureux d'autres gens mais je n'ai jamais réussi à aimer Damien comme un simple ami.

— Et comment ça s'est terminé ?

— Tu es impatient, gamin ! le sermonna gentiment Omar en lui accordant un sourire complice. Un soir, nous avions décidé de faire une tournée des bars du centre-ville. Nous avions beaucoup trop picolé et, l’alcool aidant, j’ai décidé de me jeter à l'eau. Je lui ai tout dit. Mes sentiments, ma souffrance, tout !

— Et alors ? s'impatienta Léo, tourmenté par un mélange d'espoir et d'inquiétude face à l'issue de cette histoire.

— Damien était lui aussi amoureux de moi depuis des années. Et lui aussi avait trop peur de m'en parler. Alors après ça, nous avons rattrapé le temps perdu et on a fini par se marier quelques années plus tard. Ça va faire six ans cette année qu'il est mort. Mais je ne regretterai jamais cette nuit où j'ai pris le plus grand risque.

Le visage de Léo rayonnait d'étoiles. Malgré sa fin tragique, l'histoire d'Omar était digne d'un conte de fées. Il n'aurait jamais pensé que son patron avait vécu une telle histoire d'amour.

— Attention, gamin, je ne dis pas que ça va se passer comme ça avec ton ami. Je n'en sais foutrement rien. Je dis juste qu'il vaut mieux être honnête avec soi-même et avec ceux qu'on aime. Ça nous réserve parfois de belles surprises.

Omar avait tout à fait raison. Léo n'avait aucun moyen de savoir ce que Wyatt ressentait pour lui tant qu'il n'aurait pas le courage de lui avouer ses propres sentiments. Mais sa peur était immense et il n'imaginait pas être suffisamment sûr de lui un jour pour déclarer sa flamme.

— Wyatt, souffla-t-il en se penchant sur son sac à dos pour y ranger son tablier.

— De quoi ?

— Mon ami. Il s'appelle Wyatt.

— C'est un très joli prénom, lui confia Omar en posant une main sur son épaule. Alors file vite retrouver ton Wyatt, j'ai un étal de fruits et légumes à ranger.

Léo laissa échapper un rire amusé avant de remercier le gérant. Il ne mit pas longtemps à quitter l'épicerie pour rentrer jusqu'à chez lui, trop impatient de se connecter sur HOTAK.

* *

Lorsqu'il arriva chez lui, Léo était sur un petit nuage. L'histoire d'Omar lui avait redonné un espoir que ses sentiments pour Wyatt pouvaient être réciproques. Il savait que la réalité n'allait clairement pas dans son sens mais à cet instant, il s'en fichait. Il avait simplement envie de s'autoriser à rêver un peu.

Avant de rejoindre sa chambre, il passa à la cuisine pour réclamer un café à Alexa dans l’espoir de rester en forme toute la soirée sur HOTAK et profiter un maximum de Wyatt. Il savait qu'il devait retourner travailler le lendemain et qu'à partir de lundi, il allait reprendre le rythme épuisant des cours. Alors il voulait profiter au maximum de son samedi soir.

LÉO

Prêt à tout déchirer ?

Ses écouteurs vissés sur les oreilles, Léo se déhanchait au son de la voix entraînante de Jasmine Thompson. Comme à chaque fois que ses émotions étaient démultipliées, il avait choisi une chanson dont les paroles collaient parfaitement à son état d'esprit.

If you gave me a chance I would take it It's a shot in the dark but I'll make it Know with all of your heart, you can't shame me When I am with you, there's no place I'd rather be

La vibration dans sa poche le sortit un instant de sa musique. Tout en continuant de se déhancher seul dans la cuisine, il prit son téléphone pour y lire le message qu'il venait de recevoir.

WYATT

Grave prêt !!!

En plus, j'ai une grande

nouvelle à t'annoncer !!!

Léo s'arrêta de danser à la lecture de cette dernière phrase. Que pourrait-il bien lui annoncer ? La dernière fois qu'il lui avait fait un coup de ce genre, c'était pour lui dire qu'il s'apprêtait à perdre sa virginité avec sa copine, alors Léo était un peu inquiet à la découverte de ce message.

Mais il devait savoir. Alors il ingurgita d'une traite son café et fila en direction de sa chambre avec la ferme volonté de percer le mystère. Tracy avait laissé la porte de sa chambre ouverte et le regarda passer à toute allure.

— T'es bien pressé ! Qu'est-ce qui t'arrive ?

— Je te raconterai, se contenta de répondre Léo avant de fermer la porte derrière lui.

Tracy était au courant des sentiments de Léo pour Wyatt. Toute sa famille savait qu'il était attiré par les garçons, même s'il leur avait précisé qu'il ne voulait pas encore qu'ils disent qu'il était gay. Il était juste “attiré par les garçons et peut-être aussi par les filles”. Sa famille n'avait pas fait de gros scandale en apprenant qu'il était différent. Ses parents s'étaient au contraire réjouis de cette annonce et l'avaient célébrée en improvisant une soirée pizza. Depuis ce jour, Tracy venait bien plus souvent se confier sur ses problèmes de cœur auprès de son grand frère. Pour une gamine de dix ans, elle vivait des histoires d'amour palpitantes. Bien plus palpitantes que celles de Léo.

Ce fut durant l'une de ces discussions qu’il avait décidé de confier à sa petite sœur ce qu'il ressentait pour Wyatt. Après tout, elle avait bien plus d'expérience que lui en matière d'amour alors elle était en mesure de le conseiller. Depuis ce jour, elle voulait connaître tous les détails de leur histoire, mais elle se retrouvait souvent déçue face à l'absence de progrès réalisés par son frère.

Mais cette fois, Léo n'avait pas le temps de discuter avec elle. Il se jeta sur sa chaise de bureau et installa la StationX sur sa tête. Après les quelques secondes de chargement habituelles, il se retrouva en plein milieu du lobby d'HOTAK. C'était la zone où les joueurs attendaient avant de démarrer une nouvelle partie. L’immense amphithéâtre grec était encerclé d’imposants gradins d’un côté et d’un immense mur de pierre percé de plusieurs ouvertures sur toute la largeur et toute la hauteur. Cet impressionnant décor était le lieu où les joueurs pouvaient retrouver leur escouade, rencontrer de nouveaux coéquipiers ou simplement s'informer sur les nouveautés du jeu à travers des annonces ou des vidéos.

— Ah bah enfin ! J'ai bien failli t'attendre, l'interpella Wyatt à quelques mètres de là.

Il s'avança rapidement jusqu'à Léo, ses beaux cheveux bruns se balançant sensuellement à chacun de ses pas. Pour ne pas aider Léo, son ami avait décidé de parer son double virtuel d’un t-shirt dont le col en V laissait apparaître son torse fin et musclé. Léo sentit la température de son corps s'emballer lorsque Wyatt s'arrêta devant lui pour lui offrir un sourire surexcité.

Concentre-toi, Léo ! Et arrête de mater son torse, putain !

Il leva donc le regard pour se focaliser sur le visage de Wyatt. Mais ses yeux bruns pétillaient d'excitation et n'aidaient pas vraiment Léo à y voir autre chose que le charme électrisant qui s'en dégageait.

— J'ai quelque chose à t'annoncer !

— Je sais, tu me l'as dit par sms, répondit-il en tentant d'adopter la voix la plus neutre possible.

Au moins, Wyatt ne pouvait pas le voir rougir quand ils étaient en ligne. Merci les développeurs de StationX pour ça !

— C'est vrai ! Mais je deviens fou là. Faut que je t'en parle ! J'espère que tu seras content. Ou que tu ne m'en voudras pas d'avoir fait ça dans ton dos.

Wyatt déblatérait ses paroles à une allure folle. Léo ne l'avait jamais vu dans un tel état mais il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet de ce que son ami allait lui annoncer. Qu'est-ce qui pouvait bien le mettre dans un état pareil ? Et pour quelle raison pourrait-il lui en vouloir ? L'attente semblait interminable et Wyatt n'avait pas l'air décidé à y mettre fin.

— J'ai pensé que ça te plairait comme idée. On peut toujours laisser tomber si tu ne veux pas mais je pense que ce serait cool qu'on…

— Accouche ! l'interrompit sèchement Léo avant de se radoucir. Wyatt, dis-moi ce que t'as fait et on verra bien ce que j'en pense.

— Je nous ai inscrits au prochain tournoi national ! Les meilleurs joueurs d'HOTAK réunis au même endroit pendant tout un week-end ! Vingt-cinq mille euros chacun pour l'escouade gagnante !

— Mais on n'a aucune chance d'être pris, arrête, jugea Léo en balayant l'idée de son ami d’un revers de main.

— On a été sélectionnés !

A ce stade de la conversation, Wyatt s'était saisi des mains du blondinet et sautillait en plein milieu du lobby. Certains joueurs qui passaient par là le regardaient d’un air moqueur ou étonné mais Léo ne les remarquait même pas. Il était bouche bée face à l'information qu'il venait de recevoir.

— Le tournoi est dans deux semaines à Paris, l'informa Wyatt alors qu'il se remettait doucement de ses émotions. Ce sera enfin l'occasion de se rencontrer IRL et de s'amuser un peu en dehors du jeu.

La mâchoire de Léo menaçait maintenant de s'arracher du reste de son visage. Se rencontrer IRL ? Dans le monde réel ? Où Wyatt pourrait le voir rougir à chaque regard qu'il lui lançait ? Où il ne pourrait pas cacher sa maladresse, son incapacité à se faire des amis ou ses nuits entières de déprime ?

Non, non, non… Ce n’est pas possible…

Le lobby entier n'était plus qu'un grand flou difforme aux yeux de Léo. Il sentait l'angoisse s'emparer de lui à l'idée de rencontrer Wyatt en dehors d'HOTAK. Leur relation était sa bulle de bonheur, son échappatoire face au monde réel. Et s'il foutait tout en l'air pendant ce week-end ? Si Wyatt découvrait sa vraie personnalité et qu'il ne l'aimait pas ?

— Alors t'es chaud ? s'enthousiasma son ami sans se rendre compte de la panique qui le traversait.

Le sourire de Wyatt était rayonnant, ses yeux pétillaient d'impatience face à la perspective de ce tournoi. Mais Léo savait aussi que, sans lui, Wyatt n'irait pas au tournoi. Leur escouade était indivisible. Sans Léo, Wyatt n'était pas aussi bon. Et sans Wyatt, Léo ne valait rien.

Eh merde…

— On le fait ! trancha-t-il après un long silence.

Dans quoi tu viens de t'embarquer, Léo ?

CHAPITRE 3

Tellement heureux de la réponse positive de Léo, Wyatt l'avait pris dans ses bras et s'était remis à sautiller comme une puce en emportant désormais son ami avec lui. Léo s'était laissé prendre au jeu et avait fini par faire des petits bonds lui aussi, tentant d'oublier un instant les angoisses qui menaçaient de le faire exploser. Il n'était même pas stressé par le tournoi qui les confronterait aux plus grands joueurs de France. Il savait qu’ils n’avaient qu’une chance infime de l’emporter alors il ne se mettait pas de pression. Ce qui l'inquiétait vraiment, c'était sa rencontre avec Wyatt. Le passage du virtuel au réel qui pourrait gâcher leur relation.

— Alors les amoureux, on va se faire des câlins toute la soirée ? Vous ne préférez pas qu'on vous foute une raclée ?

La voix stridente de Joshua marqua la fin de leur instant de joie. Wyatt relâcha aussitôt son ami et baissa les yeux d'un air gêné lorsque le rouquin arriva à leur hauteur, suivi de près par Baptiste. Wyatt était-il mal à l'aise à l'idée de faire un simple câlin à Léo face à ces deux idiots ? Léo espérait de tout cœur qu'il y avait une autre explication à sa réaction mais il ne put s'empêcher de fusiller les jumeaux du regard pour avoir à nouveau interrompu un instant de complicité.

— On est prêts à vous battre, se contenta de répondre Léo d'une voix déterminée, n'ayant pas trouvé de réponse plus cinglante à balancer à leurs adversaires.

Mais cela suffit à Wyatt pour relever la tête et lancer à son tour un regard défiant aux deux abrutis de frères.

— Alors, en route vers l'arène !

Les deux escouades avancèrent donc en silence en direction de l'entrée du jeu, chacune déterminée à battre l’autre. L’accès à la partie se faisait à la sortie de l’amphithéâtre et se matérialisait par une grande arcade romaine d'une dizaine de mètres de hauteur, intégralement remplie d'un liquide bleu dans lequel les joueurs pénétraient pour démarrer une nouvelle partie. Une sorte de portail entre le lobby et l'arène. A cette heure-ci de la fin d'après-midi, peu de joueurs attendaient et leur groupe arriva rapidement face au mur de liquide brillant.

— Bonne chance, les losers ! balança Joshua avant de littéralement se jeter à l'eau et de disparaître en compagnie de son frère.

— On va les défoncer, murmura Wyatt en offrant un grand sourire à Léo.

Sans attendre, ils se lancèrent à leur tour dans l'arène, déterminés à donner une bonne leçon aux deux frangins.

* *

Une partie d'HOTAK regroupait trente escouades, soit un total de soixante joueurs. Chaque escouade débarquait sur un point aléatoire de la carte, à bonne distance de ses adversaires. Les initiés appelaient ces points d'atterrissage des “zones de loot”, des lieux où les joueurs pouvaient trouver de l'équipement et remplir leur inventaire avant de se lancer dans le combat. Chaque partie était divisée en un maximum de cinq manches de quatre minutes. À la fin de chacune de ces manches, la taille de la carte se réduisait progressivement, obligeant ainsi les escouades encore en jeu à se rapprocher les unes des autres. Le jeu s'arrêtait seulement lorsqu'il ne restait plus qu'une escouade en lice. Celle-ci était alors déclarée vainqueur.

Léo et Wyatt avaient désormais l'habitude de gagner régulièrement à HOTAK. Chacune de leurs sessions de jeu comportait au moins une victoire. C'était bien moins que les plus grands champions du jeu mais visiblement suffisant pour être qualifiés au tournoi national. Quelques mois plus tôt, chaque victoire était pourtant un miracle principalement dû à la chance du débutant. Aujourd'hui, les deux garçons misaient tout sur la stratégie et leur capacité à se comprendre d'un simple regard. Ils avaient fait un sacré chemin depuis leur première partie ensemble.

Pour cette nouvelle partie, le jeu décida de les déposer dans la cité d'Argos. Cette zone au nord-est de la carte était le lieu idéal pour démarrer. C'était une zone de loot suffisamment fournie et dans laquelle il n'était pas rare de trouver des objets puissants. Léo et Wyatt atterrirent dans une maisonnette aux murs de paille en bordure de cité. Wyatt n'attendit pas une seconde pour commencer à chercher de l'équipement dans la bâtisse qui dégageait des relents de poussière et d’humidité. Quant à Léo, il opéra un léger mouvement de recul en découvrant que son ami portait le skin d'Hadès qu'ils avaient été voir la veille à la boutique. Son regard resta rivé sur le corps légèrement découvert de l'avatar. Ses pectoraux apparents étaient tout aussi attirants que son fessier légèrement bombé par le pantalon de cuir moulant.

— Tu aimes ? lui demanda Wyatt en voyant que Léo ne pouvait détacher le regard de sa nouvelle tenue.

— Je… Oui, il est top, tenta d'articuler Léo.

— Cool ! réagit simplement Wyatt, trop occupé à fouiller un coffre pour remarquer la gêne immense de son ami. Oh, regarde-moi ça !

Wyatt sortit une longue épée de feu de la malle, des étoiles plein les yeux. Léo fut soulagé de voir que son ami ne s'était pas offusqué de sa réaction devant sa nouvelle apparence.

Après tout, ce n'est qu'un skin. Ce n’est pas son corps à lui que j'ai maté, se raisonna-t-il tant bien que mal, même s'il savait pertinemment qu'il lui était arrivé de mater Wyatt avec la même intensité par le passé.

Il tenta d'oublier ce moment gênant en entamant la fouille des lieux. Wyatt ayant déjà pillé la cabane de fond en comble, Léo alla donc chercher de l'équipement dans les habitations alentours. Il ratissa les maisons vidées de leurs habitants en s’attardant sur les coffres ou les besaces qui traînaient dans les petits recoins. À force de jouer, il distinguait sans mal les contenants intéressants de ceux qui étaient là simplement pour remplir le décor.

À la fin de la première manche, les deux amis quittèrent la cité d'Argos avant un équipement largement suffisant pour survivre face à une escouade ennemie.

— Tu pourras dormir chez moi, il y a largement la place, s'exclama Wyatt, rompant le silence alors qu'ils avançaient le long d’un chemin de terre sur la plaine qui menait à la cité voisine d'Épidaure.

— De quoi ?