Hôtel Balmont, chambre 32 - Herald Brend - E-Book

Hôtel Balmont, chambre 32 E-Book

Herald Brend

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Beschreibung

Dans la chaleur de l’été à Paris, mi-juillet, deux hommes se trouvent éloignés de leurs familles pour une quinzaine de jours. Ils sont perturbés par un imprévu qui déclenche des moments d’inquiétude, des émotions contradictoires, mais aussi la découverte d’une forme de liberté nouvelle, intense joie à la clé. Ces jours apportent leurs lots de surprises et de situations qui chamboulent leurs routines habituelles, confrontant leurs éducations respectives. L’émotion, les remords, et des vies qui basculent sont au rendez-vous.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Auteur de plusieurs romans, Herald Brend puise son inspiration dans la vie quotidienne de ses contemporains, leurs émotions, leurs désirs. Ses textes, nourris d'expériences et d'anecdotes vécues, sont empreints d'humour, offrant une lueur d'espoir et une célébration de la vie.

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Herald Brend

Hôtel Balmont, chambre 32

Roman

© Lys Bleu Éditions – Herald Brend

ISBN : 979-10-422-1926-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

L’héritage de l’oncle Vincent, Éditions Sydney Laurent, 2021 (Prix du Roman « Anne Bert » Royan-Pontaillac 2022) ;

La chambre d’hôtes, Le Lys Bleu Éditions, 2021 ;

Le secret de Jean-Jules, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;

Shadia, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;

Pourquoi Victor ?, Le Lys Bleu Éditions, 2023 ;

L’héritage de l’oncle Vincent, Le Lys Bleu Éditions, réédition 2024.

Chapitre 1

Comme tous les soirs, Laurent Blondin quitte son bureau de la rue Saint-Dominique pour rejoindre son appartement rue des Bernardins. D’ordinaire, il emprunte le boulevard Saint-Germain, mais ce vendredi, il n’est pas pressé de rentrer, sa famille étant partie sur la côte Atlantique en mi-juillet. Il fait chaud et il atteint le quai Anatole-France par la rue de Bellechasse pour longer la Seine. Il marche avec nonchalance, observant avec plaisir le spectacle animé de Paris, rafraîchi par la présence de l’eau. Il profite pleinement du charme des bouquinistes installés le long des quais Saint-Michel, Montebello, de La Tournelle et imagine Notre-Dame, joyau de l’île de la cité, restaurée après l’incendie dévastateur.

Cette promenade l’apaise, pensant à sa jeunesse lorsqu’il parcourait ce Quartier Latin qu’il apprécie au point de ne l’avoir jamais quitté. À quarante-cinq ans, il est satisfait de sa vie. Un emploi stable, de bonnes perspectives professionnelles, une femme qu’il aime, deux enfants qui font son bonheur. Impatient de les retrouver, il les rejoindra en début août, pour une quinzaine de jours.

Arrivé chez lui, il décide de s’accorder un moment de détente, se sert un whisky, s’installe dans un fauteuil confortable, se saisit d’une télécommande pour écouter son CD favori de musique relaxante. Il laisse son esprit vagabonder, l’occasion de voir défiler les images des temps forts de sa vie. À l’âge d’un premier bilan, tout ce qu’il a vécu lui semble en ordre. Une enfance dans une famille unie et aimante, des conditions d’existence dans un milieu aisé, un confort acquis par le travail et le sérieux. Des règles de vie strictes mais formatrices, une éducation développant le sens des responsabilités. Un cursus du primaire au secondaire dans le Ve arrondissement de Paris, des fréquentations surveillées par ses parents, des amitiés solides.

Sa famille était rapidement entrée en relation avec les Moneville dont les filles, Cécile et Sandra, fréquentaient les mêmes établissements. Une charmante complicité s’était installée entre Laurent et Cécile, une amitié progressivement accompagnée de tendres échanges jusqu’à ce qu’ils deviennent inséparables, tout cela sous le regard bienveillant des parents.

Très vite, ils avaient compris qu’ils étaient faits l’un pour l’autre mais, contraints par leur éducation, ils s’étaient résignés à attendre la fin des études pour concrétiser leur amour. La raison l’emportant sur la passion, ils s’étaient inscrits à l’Université de Paris-Panthéon-Assas pour suivre une formation en droit et économie, ouverture vers des fonctions administratives permettant des débouchés professionnels stables.

Laurent est rappelé à la réalité par la sonnerie du téléphone :

— Olivier ! Quelle bonne surprise !
— Je pensais bien te trouver au nid !
— Farceur ! Qu’est-ce qui t’amène ?
— Je suis dans ton quartier ce soir. Et si on dînait ensemble ?
— Je t’aurais bien invité, mais les réserves sont vides !
— Pas question ! Je t’emmène au restaurant.
— Tu as déjà une idée ?
— Au Quartier Latin, il y a le choix : italien, grec, brésilien, argentin, indien…
— C’est trop ! Tu n’as qu’à choisir.
— Il y a le Sabor da Roca, rue Daubenton…
— Ça me va. Quelle heure ?
— Vingt heures ?
— D’accord. À tout de suite.

Il raccroche, heureux de cet échange avec son meilleur ami, Olivier Prisco, garçon assidu, issu d’une famille plus modeste que la sienne, rencontré il y a vingt-cinq ans, lors de leur entrée à l’université. L’ascension par le travail était pour lui un objectif et il avait également intégré une grande administration, assurance d’un avenir pérenne.

Ce contact fait remonter d’autres souvenirs des premiers moments d’indépendance partagés. Leur soif de connaissance, leur intérêt pour tout ce qui était nouveau, l’ouverture d’esprit qui en était résultée. Les études tout juste terminées, Laurent et Cécile se sont mariés et Olivier, leur témoin, a fait, à cette occasion, la connaissance de Sandra, la cadette, qu’il épousera cinq ans plus tard, l’année de naissance d’Enzo, le premier bébé des Blondin. Leur deuxième enfant, Clara, arrivera deux ans après. Les Prisco ne seront pas en reste, car Gabriel et Mathis viendront au monde rapidement de cette nouvelle union. Les deux amis s’étaient donc ainsi retrouvés unis par des liens de parenté.

Le temps passe et Laurent, sortant de ses rêveries, s’aperçoit qu’il n’a pas encore téléphoné à Cécile :

— Comment s’est passée la journée ?
— Je m’inquiétais !
— J’étais au téléphone avec Olivier.
— Comment va-t-il ?
— Nous dînons ensemble ce soir, il passe dans le quartier.
— Embrasse-le de notre part.
— J’imagine qu’il a appelé Sandra.
— Pas encore, tu sais comme elle est, toujours soucieuse.
— Profitez bien du beau temps et de la plage. Bises à vous six.
— Bonne soirée à vous deux. Bises.

En se préparant pour rejoindre son ami, Laurent est heureux de savoir les deux femmes et les quatre enfants au bord de la mer par cette chaleur parfois étouffante.

Le trajet de la rue des Bernardins à la rue Daubenton n’est pas très long et il rejoint Olivier qui l’attend devant le restaurant. Ils entrent dans l’établissement et trouvent une table au calme pour parler sans être dérangés. À cette période de l’année, le Quartier Latin est surtout fréquenté par des touristes et les conversations, autour d’eux, en témoignent :

— Nous ne risquons pas d’être compris par nos voisins ! déclare Olivier.
— Qu’importe ! Nous n’avons pas de secret ! Cécile et Sandra t’embrassent.
— Tu les as appelées ?
— J’ai parlé à Cécile, Sandra se languissait de t’entendre.
— Tu la connais, toujours inquiète ! J’avais beaucoup à faire, manque de temps…
— Nous voilà réunis tous les deux. Dans une petite quinzaine, nous les retrouverons.
— C’est une chance d’avoir cette grande location aux Sables-d’Olonne.
— Tu sais combien les deux sœurs sont attachées à cette partie de la côte Atlantique. Elles ont passé toute leur jeunesse entre La Tranche-sur-Mer et les Sables. Je crois que nous n’arriverons pas à les entraîner ailleurs.
— D’autant que leurs parents viennent d’y acheter une maison.
— C’est bien aussi pour les jeunes.
— Les tiens ne sont-ils pas un peu trop grands pour être toujours accrochés à vous ?
— Enzo a dix-sept ans, Clara, quinze. Ils ont leurs copains, en profitent pour s’amuser… mais nous les avons à l’œil !
— Gabriel en a déjà douze et Mathis neuf. Les problèmes d’ados commencent.
— Chacun son tour !

Ils passent commande du dîner et on leur apporte l’apéritif :

— Tu es toujours content de ton appartement dans le XVIIe ?
— L’immeuble de la rue des Batignolles est tranquille, c’est le quartier de mon enfance.
— Je trouve le Ve beaucoup plus central. Tu serais bien ici, nous serions plus proches. Les cousins s’entendent à merveille, ils se verraient plus souvent.
— Paris n’est pas si grand, nous n’allons pas chercher des querelles de clocher ! Nous passons toujours nos vacances ensemble, ils ont le temps de se voir.
— N’en parlons plus, tu es aussi cabochard que moi !

Les deux amis apprécient le repas et restent silencieux pendant de longs moments passés à déguster les mets. D’un ton mal assuré, Olivier reprend la parole :

— Il y a quelque temps, tu m’as parlé d’une chambre de bonne que tu venais d’acheter. En es-tu content ?
— Oui, d’autant qu’elle est au dernier étage de notre immeuble.
— Que comptes-tu en faire ?
— Quand les jeunes feront leurs études, nous leur proposerons sans doute. Un peu d’indépendance ne leur fera pas de mal.
— C’est une bonne idée. Avec Sandra, nous avons encore le temps !
— Ça te dirait de la voir après le repas ?
— Je ne voudrais pas te déranger, c’était juste une question en passant, je pensais à autre chose.

Le silence s’invite à nouveau entre eux. Laurent est intrigué par la question d’Olivier dont il perçoit la gêne. Arrivés au dessert, il se lance :

— Pourrais-tu me dire ce qui te tracasse ?
— Rien, je t’assure.
— Tu as l’air préoccupé, voire inquiet. Entre beaux-frères et amis, nous pouvons tout nous dire, qu’en penses-tu ?
— Tu as raison, mais certaines choses peuvent être délicates, mal interprétées.
— Je ne t’avais encore jamais vu aussi mal à l’aise. As-tu des ennuis ?
— Non, je t’assure, tout va bien.
— Avec Sandra ?
— Non, non, nous ne rencontrons pas de difficultés.
— Les enfants ?
— Non plus.
— Je n’insiste pas, tu sais que tu peux me parler.

Ils en restent là jusqu’à la fin du repas, partagent l’addition puis Laurent entraîne Olivier chez lui afin de prendre un digestif et voir la chambre de bonne. Installés au salon, ils se retrouvent comme au temps de leurs études, joyeux et insouciants. Laurent reste toutefois sur la réserve, se doutant qu’Olivier lui cache quelque chose :

— Il est tard et je te propose de rester coucher ici cette nuit.
— Je ne voudrais pas te déranger.
— Pas de ça entre nous. Allons voir la chambre. Tiens, justement, il y a un couchage d’appoint, tu pourras l’essayer !
— Entendu.

Ils se rendent au dernier étage. Ces annexes datent de l’époque où les familles bourgeoises avaient du personnel à leur service. Ils y accèdent par un couloir en bon état qui a sans doute été refait à l’occasion de la vente de ces locaux. La pièce, éclairée dans la journée par un Velux, dispose d’un point d’eau dans un angle. L’ameublement est simple : un lit, une petite table, une chaise et quelques objets dont les Blondin n’ont plus besoin au quotidien. Olivier regarde l’ensemble avec intérêt :

— Je pense que tu seras mieux avec moi au troisième étage, cet endroit a été surchauffé durant la journée.
— Tu as sans doute raison.

Ils descendent les escaliers de cet immeuble ancien mais bien conservé. Une fois de retour au salon :

— Merci, ça m’évite de rentrer ce soir, il est en effet très tard.
— Nous avons beaucoup parlé, je vais te passer un pyjama. Tu pourras prendre la chambre d’Enzo.

Ils se retirent pour dormir, mais Laurent trouve difficilement le sommeil. Que se passe-t-il ? Son beau-frère Olivier lui dira-t-il ce qui le tracasse ? Il ne l’a encore jamais vu aussi soucieux. Il éteint la lumière et passe une partie de la nuit à se tourner dans le lit, cherchant longtemps une position favorable à l’endormissement.

N’ayant pas d’obligation le samedi matin, chacun se réveille à son rythme. Olivier est levé le premier et ils se retrouvent à la cuisine. Ils ont l’un et l’autre des visages fatigués, signe qu’il leur manque des heures de sommeil. Ils avalent en silence leur café :

— T’es-tu reposé ?
— Si on veut. Ton hospitalité et ton sens du confort m’ont évité de dormir là-haut, à la chaleur. Et toi ?
— Pas vraiment.
— Nous avons sans doute trop bu.
— Je pense qu’il n’y a pas que ça !
— Ah ?
— Tu n’as pas l’air en forme. Je n’aime pas te voir ainsi.
— J’ai des soucis…

Ils poursuivent leur petit déjeuner en silence, Laurent ne voulant rien brusquer. Olivier se lève de table :

— Je peux te demander un service ?
— Je me doutais bien…
— Pourrais-tu héberger quelqu’un dans ta chambre pour un petit moment ?
— Qui ?
— Une lointaine cousine, Marina.
— Tu ne m’en as jamais parlé !
— Elle arrive demain.
— Peux-tu m’en dire plus ?
— C’est du côté de ma mère.
— Tu la connais ?
— Jamais rencontrée.
— Ah !
— Nous nous sommes éloignés de cette branche de la famille. Ils vivent dans le Sud-Est, on ne se fréquente pas.
— Vous êtes en froid ?
— Je ne crois pas, ils sont loin et nous ne bougions pas beaucoup.
— Curieux qu’elle ait pris contact.
— Difficile de lui refuser l’hospitalité, mais je crains que Sandra le prenne mal si je lui dis qu’elle logera avec nous quelque temps. Elle ignore son existence !
— Tu crois que la chambre de bonne sera assez confortable ?
— Je n’en sais rien, tout s’est passé très vite, je suis coincé !
— Il faut que je réfléchisse.
— Quand peux-tu me donner une réponse ?
— Je ne sais pas !
— Elle arrive demain !
— Tu la retrouves à quelle heure ?
— En fin d’après-midi.
— Il faut que j’en parle à Cécile.
— Tu crois que c’est utile ?
— Elle la rencontrera inévitablement !

Ils sont tous les deux contrariés et se taisent. Olivier, le regard perdu, semble désemparé :

— Je vais voir ce que je peux faire avant demain soir.
— Merci. Je dois rentrer pour préparer son arrivée.

Laurent reste, après le départ de son ami, avec ce souci inattendu. Au nom de leur amitié et de leurs relations familiales, le voici pris au piège. Comment va-t-il se sortir de ce mauvais pas ? Toute la journée, il ressasse cette histoire, tout compte fait banale, mais source d’éventuels problèmes.

Chapitre 2

Ils ont encore à peu près deux semaines de travail avant de rejoindre leurs familles aux Sables-d’Olonne. Le samedi soir, Laurent n’a toujours pas de solution à proposer. Comment annoncer cet évènement qui contrarie leur vie bien organisée et surtout, éviter des soupçons ? Olivier cache-t-il quelque chose ? Cette Marina est-elle bien une lointaine cousine ? Peut-être s’inquiète-t-il pour rien mais, en attendant, les heures passent…

Il appelle Cécile, lui parle de futilités et évite soigneusement d’aborder le nouveau sujet avant d’avoir pris une décision. Il compte sur la nuit pour lui porter conseil. Il se réveille aux aurores, la tête bourdonnante d’idées diverses, sans avoir pour autant résolu la question. Finalement, il se décide à appeler Olivier :

— C’est Laurent. Tu la rencontres à quelle heure ?
— Dix-huit heures, gare de Lyon.
— Je te retrouve là-bas, au point presse, vers dix-sept heures trente, le temps de prendre un café avant son arrivée.
— Entendu. Merci.

Il raccroche, tout surpris de cette décision irréfléchie. Comment aurait-il pu laisser tomber un ami de plus de vingt ans ? Pour le reste…

Toute la journée, ce rendez-vous du soir le préoccupe. En dehors du fait que ce soit une femme, il ne sait rien de cette Marina. Avec une épouse au foyer, il est souvent prudent de garder ses distances avec une personne du sexe opposé. Tout aurait été plus simple avec un homme ! Comment est-elle ? Pourvu qu’elle soit âgée et quelconque, cela simplifiera les choses !

À l’heure prévue, il rejoint son ami qu’il trouve nerveux. Ils vont prendre un café en attendant l’heure du rendez-vous :

— Comment vas-tu la reconnaître ?
— Elle aura une valise grise à roulettes et tiendra à la main le journal La Provence qu’elle agitera pour se ventiler.
— Et toi ?
— Je ferai de même avec Le Monde.
— Original ! Comment t’a-t-elle contacté ?
— Le portable.
— Elle avait ton numéro ?
— Non, un parent a dû le lui communiquer.
— Tu en as parlé à ta mère ?
— J’ai préféré rester discret, il me semble qu’il y a eu, par le passé, des histoires.
— Tu m’as pourtant dit hier qu’il n’y avait pas de brouille !
— Je n’ai rien su de précis, mais, dans les familles…
— Il est trop tard pour faire marche arrière.
— Sans doute et, de toute façon, inutile de se monter la tête !
— Tu as une idée de son âge ?
— Comment savoir !
— Sa voix ?
— Normale.
— Comment ça, normale ?
— Féminine.
— J’entends bien, mais plutôt vive ou calme, avec ou sans accent.
— Nous verrons bien.
— Elle arrive par quel train ?
— Celui de Marseille.

Après un silence :

— Je te propose que nous prenions un peu de recul.
— Pourquoi ?
— On la guette de loin et on attend avant de s’avancer, pour examiner son attitude.
— C’est ma cousine, si elle s’en aperçoit, cela n’arrangera pas nos relations.
— Comme tu voudras.

Le train de Marseille arrive à l’heure et les deux amis sont juste là pour voir sortir les premiers voyageurs, nombreux à cette période estivale, essentiellement des vacanciers français et étrangers. Ils scrutent les démarches, les bagages et les gestes.

Le temps s’écoule toujours lentement lorsque l’on attend. Les wagons déversent leurs occupants dans la chaleur étouffante de cette fin de juillet. Régulièrement, Olivier se ventile le visage en agitant Le Monde. Après un bon moment, la foule s’éclaircit :

— Elle l’a peut-être raté ?
— Attendons !

Un instant réconfortés par cette idée qui leur laisserait la possibilité de mieux se préparer, ils aperçoivent une silhouette féminine arrivant sans se presser, tirant une valise à roulettes et s’éventant avec un journal. Elle est encore trop loin pour distinguer le nom du quotidien, mais ils se regardent, convaincus que c’est bien la cousine qui approche. Une fois à quelques mètres :

— Marina ?
— Olivier, répond l’intéressée en s’avançant.

C’est une trentenaire brune aux yeux noirs. L’un et l’autre sont immédiatement sous le charme de cette personne dont le regard profond les trouble. Expressif, il doit pouvoir passer du velours charmeur et passionné à la colère. Ils restent muets quelques instants, puis se ressaisissent :

— Laurent. Avez-vous fait bon voyage ?
— Très bon, mais un peu long.
— Je peux prendre votre valise ?
— S’il vous plaît.

Olivier se trouve un peu gauche, à côté de Laurent qui a pris la situation en main :

— Avez-vous prévu un hébergement ?
— Je pensais qu’Olivier s’en était chargé.
— Nous en avons parlé, nous sommes convenus que je m’occuperai de vous.
— Merci, c’est très aimable.

Ils partent en taxi jusqu’à la rue des Bernardins. Olivier se tient coi, inquiet de la tournure des évènements : comment son ami va-t-il s’en tirer ? Difficilement imaginable que Marina s’installe dans la chambre de bonne sous le toit par cette chaleur !

Imperturbable, Laurent les conduit jusqu’au troisième étage, les fait entrer dans le vestibule de son appartement :

— Je vais vous installer dans la chambre de ma fille Clara. Elle est actuellement en vacances.
— Je ne voudrais pas déranger…
— Je vous en prie, installez-vous.

Pendant que la cousine s’organise en défaisant ses affaires, les deux amis se retirent dans la cuisine :

— Comment vas-tu faire ? demande Olivier en baissant la voix.
— Nous ne serons de retour qu’après le quinze août.
— Tu la laisserais seule ici ?
— Nous avons un délai avant de rejoindre nos familles. Nous verrons bien d’ici là !
— Que dira Cécile ?
— Il vaut mieux ne pas lui en parler.
— Si elle l’apprend ?
— On avisera.
— Les voisins ?
— La plupart sont absents.
— Je regrette de t’avoir infligé cette corvée.
— Ne te tracasse pas.
— J’ai une dette vis-à-vis de toi.
— Pourquoi ?
— Tu vois bien, tout ce dérangement.
— N’en parlons plus.
— J’aimerais pouvoir t’aider.
— Comment ?
— Te soulager dans les tâches quotidiennes.
— Par exemple ?
— Marina nécessitera de l’attention, il faudra faire des courses, que sais-je !
— Que proposes-tu ?
— Je pourrais rester le temps de trouver une autre solution, après tout, c’est ma cousine.
— Tu ne trouves pas ça trop compliqué ?
— C’est avec plaisir…
— Nous devrons nous organiser…
— Je me ferai discret.
— Je n’en doute pas.
— Alors tu es d’accord ?
— Comment refuser ?
— Je pourrais garder la chambre d’Enzo, d’ailleurs j’y ai couché vendredi soir.
— OK.

Entendant du bruit dans le salon, ils s’y dirigent et retrouvent Marina qui s’est changée. Vêtue d’une courte robe légère, elle est éblouissante et ne manifeste aucun signe de fatigue. Laurent, en parfait gentleman, propose un rafraîchissement :

— Ce soir, nous irons au restaurant pour fêter votre arrivée.
— Vous avez déjà fait beaucoup.
— C’est avec plaisir.

Après avoir passé quelques appels téléphoniques pour réserver une table, ils sortent vers vingt heures pour dîner au Anahuacalli, un restaurant mexicain de la rue des Bernardins. Ils sont installés depuis un moment lorsqu’un client fait un geste amical à Laurent :

— Qui est-ce ? demande Olivier, parlant entre ses dents.
— Un voisin, je les croyais absents.

L’homme se lève pour les saluer et Olivier s’enfonce dans son siège :

— Bonsoir monsieur Blondin, quelle surprise de se rencontrer, nous restons parfois des mois sans nous voir !
— Permettez-moi de vous présenter Olivier Prisco, un ami de passage avec sa cousine.
— Enchanté, madame.

L’homme s’éloigne et regagne sa place. Le repas terminé, ils rentrent pour terminer la soirée autour d’un dernier verre, l’occasion de quelques échanges sans grand intérêt. Il est tard, Laurent propose :

— Si vous voulez utiliser la salle de bains.
— Merci, je ne serai pas longue.

Le maître de maison lui donne des serviettes de toilette et un peignoir. Pendant ce temps, les deux amis font le point sur la journée :

— Pourquoi lui as-tu donné le peignoir de Cécile ?
— Elle en a deux !
— Tout de même ! Qu’elle ne l’apprenne jamais… tu connais les femmes !
— Je compte sur toi.
— Pour les jours suivants ?
— Nous nous occuperons d’elle le soir.
— Et pour les courses ?
— Tu t’es proposé de les faire, c’est ta cousine, après tout !
— Le midi, elle se préparera les repas, nous serons au travail.
— Que dirons-nous à Cécile et Sandra ?
— Rien pour le moment.
— N’oublie pas que nous partons les retrouver début août. Que ferons-nous si Marina est encore là ?
— Un problème par jour me suffit !
— Tu es bien optimiste !
— Grâce à toi, je le deviens !
— Pourquoi ?
— Es-tu inconscient ? Jusqu’à vendredi soir, ma vie était calme. Depuis, je suis en pleine tourmente.
— Tu l’as un peu cherché !
— Tu ne manques pas de culot !
— C’est bien toi qui lui as proposé de venir ici, alors que nous avions prévu de l’installer dans la chambre de bonne.
— As-tu regardé ta cousine ? Je ne l’imagine pas vivre dans cette soupente !
— Tu y aurais bien vu tes enfants.
— Ce n’est pas pareil, c’était pour leurs études.
— Tu es de mauvaise foi…
— Serais-tu jaloux ?
— Aucunement !
— Alors pourquoi vouloir rester plutôt que de retourner dans ton appartement ?
—