Il était temps ! Manuel de référence pour la politique de jeunesse - Howard Williamson - E-Book

Il était temps ! Manuel de référence pour la politique de jeunesse E-Book

Howard Williamson

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Beschreibung

Un outil de référence pour amorcer une politique de la jeunesse et se renseigner sur la diversité de la gouvernance nationale et internationale et sur les infrastructures disponibles pour la politique de la jeunesse, sa mise en œuvre, son examen et son évaluation.

Nous en savons beaucoup plus aujourd’hui sur les politiques de jeunesse nationale et européenne, le rôle de la recherche, la participation des jeunes, et le suivi et l’évaluation de la politique de jeunesse qu’en 2009, lorsque le premier manuel de politique de jeunesse a été publié par le Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe. Le concept de politique de la jeunesse peut être défini de manière stricte ou au sens large. Ce volume replace la politique de jeunesse dans le contexte des politiques publiques et aborde la nature complexe et cyclique de l’élaboration des politiques. Il regroupe les fruits résultant de la collecte de connaissances et des débats qui ont marqué le programme européen dans ce domaine au cours des quinze dernières années.

Au plan thématique, il se concentre très spécifiquement sur les domaines de la politique de jeunesse qui ont été formulés et développés par le biais d’un consensus européen englobant la participation, l’information, le volontariat, l’inclusion sociale, l’accès aux droits, le travail de jeunesse, la mobilité et le numérique. Les cinq parties du manuel, de la théorie à la pratique, illustrés d’une série d’exemples et de sujets de réflexion, permettront d’aider à explorer, à comprendre et à s’engager dans le cadre de la politique de jeunesse d’une manière adaptée au contexte et au point de vue spécifique, et donneront une idée des étapes de l’élaboration d’une politique de jeunesse. De surcroît, le manuel comprend un large éventail de normes, d’outils et de ressources élaborés par et au profit des décideurs politiques et des praticiens du travail de jeunesse, des chercheurs sur la jeunesse et des jeunes à travers l’Europe.

Il était temps ! que nous renforcions davantage le secteur de la jeunesse pour développer une nouvelle génération de politiques de jeunesse positives et constructives en Europe !

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IL ÉTAIT TEMPS !

 

Manuel de référence

pour la politique de jeunesse

Une perspective européenne

 

 

Howard Williamson

Max Fras

Zara Lavchyan

 

 

Sous la direction de

Tanya Basarab et

Howard Williamson

 

Sommaire

 

Cliquez ici pour consulter la table des matières complète, ou allez directement sur l’option « Table des matières » de votre lecteur numérique.

À propos des contributeurs

Howard Williamson, membre de la Royal Society of Arts (RSA) et de la Higher Education Academy (HEA), est professeur en politiques de jeunesse européennes à l’université de South Wales, au Royaume-Uni. Ce travailleur de jeunesse diplômé d’État a géré un centre de jeunesse pendant 25 ans, parallèlement à ses activités de chercheur universitaire et à ses travaux sur les politiques de jeunesse. Il a notamment dirigé l’étude initiale « Status Zero », qui a permis d’attirer l’attention des responsables politiques sur la question des jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation (les « NEET », not in employment, education or training). Ses travaux l’ont amené à suivre un groupe de jeunes délinquants (les « garçons de Milltown »), aujourd’hui âgés de plus de 60 ans, qu’il avait rencontrés pour la première fois dans les années 1970. En 2021, il publie The Milltown Boys at Sixty (Les garçons de Milltown à 60 ans), aux Éditions Routledge. Le professeur Williamson a conseillé de nombreux dirigeants, à différents niveaux de gouvernance, sur des questions de politique de jeunesse, notamment au sein des gouvernements du pays de Galles et du Royaume-Uni, de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et des Nations Unies. Il est également membre du conseil d’administration de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG). En 2002, il a été fait commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique (CBE) pour services rendus à la jeunesse, et, en 2016, il a reçu le titre de commandeur de l’Ordre royal de Victoria (CVO).

Max Fras est chercheur et consultant en développement international. Titulaire d’un doctorat en sciences sociales et de deux masters en études religieuses et en relations internationales, il a plus de 15 ans d’expérience en tant que chercheur, formateur, évaluateur et consultant dans le milieu universitaire (University College London et London School of Economics) et dans des organisations internationales telles que l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Unesco, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), l’Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development, Usaid) et le British Council, dans les domaines de la société civile, de la jeunesse, de l’éducation, de la culture et des droits de l’homme. Max Fras fait partie du Pool de formateurs du Service de la jeunesse du Conseil de l’Europe et du Pool de chercheurs européens en matière de jeunesse (PEYR) du Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe.

Zara Lavchyan est pédagogue, conseillère en éducation, conceptrice de programmes et spécialiste de la politique et du travail de jeunesse. Elle fait partie du Pool de formateurs du Service de la jeunesse du Conseil de l’Europe. Depuis 15 ans, elle contribue activement au soutien à l’élaboration des politiques de jeunesse, au travail de jeunesse, à l’éducation non formelle et au développement communautaire en Arménie, dans les pays postsoviétiques et dans d’autres pays européens. Elle a aussi conçu un certain nombre d’activités, de jeux, de guides et de manuels pédagogiques, ainsi que des formations en ligne pour les éducateurs sur des thèmes tels que la participation, la politique de jeunesse, le travail et les projets de jeunesse, le dialogue interculturel, les compétences transversales, l’entrepreneuriat social et le développement communautaire.

Tanya Basarab est chercheuse et responsable des politiques de jeunesse au sein du Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe, dans le cadre duquel elle contribue au Centre européen de connaissances sur les politiques de jeunesse (EKCYP), notamment sur les questions du travail de jeunesse et de l’inclusion sociale des jeunes. Formée en relations internationales, avec une spécialisation dans le développement, elle participe aux activités d’organisations de la société civile axées sur la jeunesse, le développement communautaire, la citoyenneté active, l’action sociale et la lutte contre la pauvreté. Ses contributions portent essentiellement sur la gouvernance, le dialogue civil, la démocratie participative, l’inclusion sociale et les processus politiques fondés sur les droits. Elle a participé au travail éditorial d’ouvrages publiés dans le cadre du partenariat jeunesse, dont les volumes 23 à 26 de la série « Connaissances sur la jeunesse », tout en assurant la coordination de ces ouvrages.

Introduction

Le présent manuel de référence pour la politique de jeunesse s’inspire dans une large mesure des travaux menés par Finn Denstad (2009), qu’il revisite et développe considérablement. Le manuel publié en 2009 reposait en effet sur des modèles d’élaboration de politiques de jeunesse qui semblaient plutôt séquentiels, systématiques et linéaires. Aujourd’hui, à la lumière de l’expérience et des connaissances acquises ces dix dernières années, ainsi que des travaux de recherche sur l’élaboration, le développement et la mise en œuvre des politiques de jeunesse – dans les États membres de l’Union européenne comme du Conseil de l’Europe –, nous proposons une approche plus cyclique, et qui se veut plus dynamique, de l’élaboration de la politique de jeunesse. Si, d’un côté, elle est éclairée et facilitée par le soutien politique, les données issues de la recherche et les résultats des évaluations, les débats d’experts et l’expérience pratique, de l’autre, elle peut être entravée par les changements politiques, l’absence de transferts des connaissances pertinentes en temps utile, les désaccords entre spécialistes et l’inertie des praticiens.

Ce manuel décrit le processus d’élaboration des politiques de jeunesse en s’intéressant aux travaux de mise en commun des connaissances menés au niveau européen depuis plusieurs années, aux cadres théoriques et conceptuels, à la diversité des initiatives nationales et régionales de politique de jeunesse en Europe, ainsi qu’à la gouvernance et aux mécanismes de soutien conçus par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Si, il y a 10 ans, il fallait convaincre les responsables politiques de la nécessité d’associer les jeunes à l’élaboration des politiques, aujourd’hui, l’importance de ce principe est comprise et intégrée dans le processus, à des degrés divers. De même, il est désormais largement admis que la planification de nouvelles initiatives politiques suppose de réunir des données probantes et de procéder à l’évaluation des initiatives passées. Aujourd’hui, en Europe, les concepteurs de politiques de jeunesse ont à leur disposition d’importantes bases de données regroupant des connaissances et des informations sur la politique de jeunesse, comme le Centre européen de connaissances sur les politiques de jeunesse (EKCYP) ou l’encyclopédie mise au point par l’Union européenne, le « wiki sur la jeunesse ». Un simple coup d’œil à ces bases de données suffit pour percevoir la complexité et la diversité de ce domaine, qui obéit néanmoins à des normes examinées et approuvées par les parties prenantes dans les forums européens.

Ainsi, dix ans après la publication du premier manuel, nous avons une compréhension beaucoup plus fine de l’élaboration, des principes, de la gouvernance, des approches conceptuelles, de la mise en œuvre et des systèmes de financement de la politique de jeunesse. Soulignons également que l’émergence de certains thèmes a favorisé l’adoption d’une conception et d’une approche européennes, et que de nombreux instruments, outils et systèmes de mise en œuvre ont été déployés aux niveaux national et local au profit des jeunes.

Cette nouvelle édition du manuel sur la politique de jeunesse devrait amener les acteurs de ce secteur – les concepteurs de politiques, mais aussi les chercheurs et les praticiens, sans oublier les jeunes eux-mêmes et les organisations de jeunesse qui participent à ces initiatives – à se rendre compte qu’ils peuvent contribuer à l’élaboration d’une politique de jeunesse positive et utile grâce à une meilleure compréhension du sujet, à une participation active et à des actions de terrain. Le manuel entend faciliter la réflexion, le dialogue et la mise en œuvre des politiques de jeunesse, et donner une vision plus réaliste de l’élaboration de ces politiques et de leur nature cyclique.

En tant que concept, la politique de jeunesse peut s’inscrire dans un cadre très étroit aussi bien que très large. Nous commencerons par la situer dans le contexte général de la politique publique. Sur le plan thématique, le manuel se concentre très spécifiquement sur les domaines de la politique de jeunesse qui ont été définis, développés et dirigés de concert au niveau européen, à savoir la participation, l’information, le volontariat, l’inclusion sociale, l’accès aux droits, le travail de jeunesse, la mobilité et la numérisation. Naturellement, il s’agit là de thèmes et de questions qui devraient également être au cœur des politiques de jeunesse à tous les niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques. En effet, nombre d’entre eux concernent la plupart des aspects des politiques et pratiques de jeunesse. En revanche, le manuel ne s’attarde pas sur certains aspects spécifiques de la politique de jeunesse qui restent largement du ressort des autorités publiques nationales ou locales, tels que l’éducation formelle, la formation professionnelle et l’emploi, la santé, le logement, la justice pénale, la protection sociale et l’indépendance financière et économique. Certains de ces aspects peuvent avoir une dimension européenne, mais ils n’ont pas été au cœur des discussions au niveau européen.

Contexte et objectif du présent manuel

Depuis la parution du premier manuel sur la politique de jeunesse, d’autres documents et ressources sur le même sujet ont été publiés dans le cadre du Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe, notamment :

Les Fondements de la politique de jeunesse : une brève présentation des principales caractéristiques de l’élaboration des politiques de jeunesse (Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe, 2019).

Insights into youth policy governance : une présentation claire et accessible de la diversité des systèmes nationaux de gouvernance de la politique de jeunesse, et de la manière dont ils garantissent la participation des jeunes (Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe, 2018a).

Cours en ligne ouvert à tous (MOOC) : « Les fondements de la politique de jeunesse » : un cours sur les processus d’élaboration des politiques de jeunesse, les principales caractéristiques de ces dernières et les aides financières européennes disponibles (accessible à l’adresse suivante : https://pjp-eu.coe.int/en/web/youth-partnership/online-course-on-youth-policy).

Youth policy evaluation review (Lonean et al., 2020) et Insights into youth policy evaluation – une étude comparative sur la manière dont sont évaluées les politiques de jeunesse en Europe.

Fiches pays sur les politiques de jeunesse : une base de données regroupant des synthèses des politiques de jeunesse au niveau national, disponible au Centre européen de connaissances sur les politiques de jeunesse (EKCYP).

Ainsi, tout en proposant une description de la politique de jeunesse, ce manuel révisé s’emploie à en préciser le concept. Il définit ce que doivent faire les acteurs du secteur pour optimiser leur contribution à l’élaboration des politiques de jeunesse et pour entretenir la dynamique de ces politiques dans leur pays. C’est un guide pratique qui traite des difficultés susceptibles de surgir, des ressources disponibles et des actions à mener. Développant certains concepts fondamentaux, il s’appuie sur de nombreuses sources et illustrations parues depuis la publication du premier manuel.

Cet ouvrage est destiné à tous les acteurs du fameux triangle – ou de la fameuse pyramide – du secteur de la jeunesse : les personnes qui élaborent des politiques de jeunesse à tous les niveaux ; les chercheurs et les praticiens dans ce secteur ; enfin, les jeunes eux-mêmes et leurs organisations. Les personnes ayant une longue expérience dans le domaine connaissent probablement les structures de gouvernance existantes, certains débats conceptuels en cours, et les instruments disponibles pour « faire de la politique de jeunesse une réalité ». Toutefois, tout le monde n’ayant pas une expérience européenne, ce manuel s’avérera utile par les informations qu’il contient sur l’infrastructure européenne de la politique de jeunesse (ses aspirations et ses thèmes directeurs, sa gouvernance et ses mécanismes de financement et de mise en œuvre), informations qui peuvent renforcer les arguments et le plaidoyer en faveur de la politique de jeunesse aux niveaux national, régional et local. Pour faciliter la lecture et la compréhension, l’ouvrage est divisé en cinq parties.

La partie I présente les concepts et les notions sur lesquels repose la politique de jeunesse, ainsi qu’une réflexion sur la dynamique de l’élaboration et de la mise en œuvre de cette dernière.

La partie II décrit l’élaboration des politiques de jeunesse au niveau national dans les pays européens, en s’intéressant à la diversité des systèmes et structures et aux rôles que jouent les différents acteurs dans la conception, le financement et la mise en œuvre de ces politiques.

La partie III se concentre sur la gouvernance européenne et internationale de la politique de jeunesse. Elle décrit le rôle de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, du partenariat entre les deux institutions, du système des Nations Unies et du Forum européen de la jeunesse en tant que plateforme prenant en compte les points de vue d’organisations de jeunesse sur les politiques conçues dans l’intérêt des jeunes, ainsi que les ressources disponibles au niveau de ces différentes institutions pour les initiatives nationales et locales.

La partie IV s’intéresse à huit domaines thématiques et détaille, pour chacun d’entre eux, les instruments et mécanismes existants, ainsi que les moyens développés à partir de la recherche, du débat politique, des ressources et des fonds mis au service de la coopération nationale et internationale dans le secteur de la jeunesse.

Enfin, la partie V se penche brièvement sur les conclusions de la recherche concernant les ingrédients d’une politique de jeunesse efficace aujourd’hui.

Présentant la diversité des infrastructures et des modèles de gouvernance que l’on observe aux niveaux national et international, le présent manuel se veut un outil de référence pour élaborer des politiques de jeunesse et évaluer leur mise en œuvre. Nous y avons inclus des questions qui devraient vous aider à examiner la mosaïque des politiques de jeunesse dans votre contexte et, peut-être, à vous représenter leur architecture depuis votre propre perspective, en espérant qu’elles sauront guider suffisamment votre réflexion à tous les stades de l’élaboration de politiques. À cet égard, il est important de souligner que l’ouvrage fait mention d’une grande diversité de normes, de ressources et d’outils qui ont été mis au point – par des concepteurs de politiques de jeunesse, des praticiens, des chercheurs et de jeunes militants à travers l’Europe – après la publication du premier manuel.

Nous espérons que vous apprécierez cette nouvelle version du manuel et que les concepts et conseils pratiques qui y sont présentés vous seront utiles. Vos éventuels commentaires, réflexions ou autres idées pourront être adressés au Partenariat jeunesse Union européenne-Conseil de l’Europe. Et maintenant, découvrons ensemble le processus d’élaboration des politiques de jeunesse en Europe !

Partie I Concepts et notions

Chapitre 1Qu’est-ce qu’une « politique » ?

Introduction

Ce premier chapitre examine brièvement la notion de « politique », en s’intéressant tout d’abord à la politique sociale et publique au sens large, celle qui répond aux besoins de l’ensemble de la population et façonne son quotidien, puis à la politique de jeunesse – à la fois comme concept distinct et comme composante de la politique au sens large – qui, de multiples façons, répond aux besoins des jeunes et façonne leur quotidien.

Politique sociale et politique publique

Pour dire les choses très simplement, la politique sociale est une branche de la politique qui renvoie au domaine sociétal. Elle reflète la manière dont les sociétés répondent aux besoins de leur population en matière de sécurité, d’éducation, d’emploi, de santé et de bien-être. La politique publique est une notion plus large, qui, pour reprendre la fameuse expression de Thomas Dye (2016), désigne « tout ce qu’un gouvernement choisit de faire, ou de ne pas faire », ou, pour être un peu plus précis, les décisions que prend un gouvernement d’agir ou de ne pas agir pour traiter ou résoudre un problème perçu. La politique publique est une ligne directrice qui oriente diverses actions connexes dans un domaine donné. Par conséquent, elle peut couvrir des questions sociales (et, donc, être une « politique sociale »), mais aussi des questions tout à fait différentes, allant du domaine militaire au domaine économique. Si, d’après Beland et Mahon (2016), la politique sociale « classique », dont le champ d’application est très large, se concentre sur des questions telles que la solidarité et la citoyenneté sociale, notamment en s’intéressant à des thèmes tels que l’égalité et les droits, les auteurs soutiennent que, à l’heure actuelle, elle est aussi marquée par trois « grandes notions », à savoir l’exclusion sociale, l’investissement social et les nouveaux risques sociaux. Ces défis résultent de changements économiques, sociaux et démographiques (augmentation du nombre de femmes occupant un emploi rémunéré, vieillissement de la population, exclusion du marché du travail des personnes peu qualifiées, privatisation des services « publics ») et, comme de nombreuses voix le suggèrent désormais, de la situation environnementale (Taylor-Gooby, 2004), qui affecte les jeunes à différents égards et de différentes manières, et ajoute donc de nouvelles dimensions au cadre de la « politique de jeunesse ».

Les politiques prennent naissance de différentes manières, à l’issue de processus mystérieux et parfois complexes. Elles peuvent être prévues par la loi, s’inspirer de lignes directrices, faire l’objet de déclarations orales ou écrites, être annoncées par des communiqués de presse, se fonder sur des documents issus de la recherche, reposer sur des stratégies, etc. Elles résultent généralement de l’association de plusieurs de ces éléments et constituent parfois l’essentiel du travail gouvernemental. Comme l’a souligné Freeman (2009), la politique formalise et structure l’action d’un gouvernement en traduisant les problèmes et les défis en des questions et des positions, qui, une fois interprétées, donnent lieu à des décisions, programmes et instruments. Howard Williamson a d’ailleurs rappelé, dans son exposé introductif au 1er Forum mondial sur les politiques de jeunesse, que la politique était conçue et mise en œuvre par le biais « d’idées, d’initiatives et d’instruments ». Un même domaine politique (qu’il s’agisse de logement ou de criminalité) ou un même groupe cible d’une politique (des enfants aux personnes âgées, en passant par les mères ou les alcooliques) peut prendre des formes très différentes, en fonction de principes et d’idéologies dominantes, de l’état de la science, de la connaissance des programmes existants et des ressources humaines, matérielles et financières pouvant être mobilisées. La politique sociale et publique peut s’analyser de plusieurs manières. Là encore, pour dire les choses simplement, la politique sociale vise essentiellement à garantir la cohésion et la sûreté des sociétés, ainsi que le bien-être, la santé et la sécurité de la population. Et, pour atteindre cet objectif, il faut des politiques à même de promouvoir des mesures positives en ce sens, de prévenir les évolutions négatives et de protéger les plus vulnérables – sur les plans familial, communautaire et économique.

Soulignons aussi que les objectifs des politiques publiques tels qu’annoncés par un gouvernement sont sujets à interprétation et à modification au cours de leur mise en œuvre. Comme le fait observer Guba (1984), la politique sociale peut être considérée sous un triple angle : celui de l’intention, c’est-à-dire par rapport à l’objectif visé par une mesure particulière, et aux raisons pour lesquelles elle a été conçue ; celui de la mise en œuvre, par rapport aux actions, interactions et comportements observés pendant le processus d’application concrète de la mesure concernée ; et enfin, celui de l’expérience, par rapport au ressenti des personnes dont les besoins étaient initialement ciblés par la mesure en question. Ces principes ne sont pas sans rappeler ceux d’Evans (1998), pour qui la politique de jeunesse doit être examinée à trois niveaux : ce qui est visé, ce qui est fait et ce qui est vécu. C’est là une importante façon de penser la politique sociale et publique de façon générale, et la politique de jeunesse en particulier.

D’où que provienne l’élan pour l’élaboration d’une mesure de politique sociale (étant entendu qu’il peut naître de n’importe quelle situation de la vie sociale), il faut, pour qu’elle se concrétise, que la mesure en question soit examinée et ratifiée par une instance publique, qu’elle soit locale, nationale, supranationale (telle que l’Union européenne) ou intergouvernementale (comme le Conseil de l’Europe). En d’autres termes, c’est au niveau politique qu’une mesure est finalement approuvée, mise en forme et évaluée. Des commissions parlementaires peuvent mener leurs propres enquêtes sur des aspects de la politique publique et adresser des conseils ou des critiques au gouvernement. Les ministères et autres organes publics (tels que les groupes de réflexion affiliés à un parti politique) peuvent élaborer des mesures politiques qui sont acceptées ou rejetées par les ministres, ceux-ci pouvant eux-mêmes déterminer celles qui sont favorisées ou étouffées par leur supérieur et ses conseillers. Ainsi, au sein de la sphère politique, l’influence sur l’élaboration des politiques se répartit entre les acteurs parlementaires, les acteurs gouvernementaux et les acteurs non gouvernementaux.

Toute mesure politique, avant qu’elle soit décidée et qu’une impulsion soit donnée en vue de sa mise en œuvre, est en principe éclairée par des « données probantes » (ou « factuelles »). L’affirmation selon laquelle la politique repose sur de telles données est devenue un mantra politique. Mais de quel type de données parle-t-on, au juste ? Des voix cyniques répondent parfois que les données sont plus fondées sur les politiques que les politiques ne sont fondées sur les données, laissant entendre que les concepteurs n’utilisent que les informations qui cadrent avec la volonté politique et abondent en son sens, les informations susceptibles de mettre en cause les mesures envisagées étant opportunément ignorées. D’où le conseil avisé de ne pas confirmer la base factuelle d’un document politique en n’examinant que les données fournies en note de bas de page : il faut aller plus loin et rechercher des éléments contradictoires. D’ailleurs, une des questions – plus fondamentale encore – qui se pose concernant l’élaboration des politiques publiques est celle du cadre de la recherche sur lequel elles s’appuient. Cette question sera examinée plus loin sous l’angle de la politique de jeunesse.

Ainsi, la politique publique et sociale englobe un large éventail de mesures visant à garantir la cohésion et le bien-être présumé d’une société. Ces mesures ont généralement une « base factuelle », mais ce n’est pas toujours le cas (elles sont parfois adoptées de manière plus spontanée, en réponse à des événements, ou à des lubies politiques). Toutefois, n’oublions pas non plus que la notion de « donnée factuelle » est très contestable et que de telles données peuvent être tirées de nombreuses sources différentes et être fournies par autant d’acteurs. Ainsi, les données factuelles ou probantes qui sous-tendent les politiques publiques et sociales peuvent être construites de nombreuses façons différentes, et pour de nombreuses raisons. Les domaines de politique publique et sociale qui viennent le plus rapidement à l’esprit sont l’éducation et la formation, l’emploi, la santé, le logement et la justice, mais on pourrait aussi citer le numérique, le transport, la sécurité et l’environnement. Tous concernent les jeunes d’une manière ou d’une autre, bien que certains plus que d’autres.

Politique de jeunesse

Tous les pays sont dotés d’une politique de jeunesse, même si celle-ci n’est pas toujours explicite ou cohérente. Elle peut être plus ou moins développée et avoir été adoptée à dessein, ou exister par défaut ou par négligence. La politique de jeunesse – c’est-à-dire le volet de la politique publique qui cherche à agir sur la vie des jeunes (dont la définition varie selon les pays, que ce soit en termes d’âge ou par rapport à d’autres critères), dans une optique émancipatrice ou régulatrice – revêt de nombreuses formes et fait intervenir une grande diversité de parties prenantes. Elle se présente rarement de façon cohérente, même si elle peut avoir une base cohérente. De fait, la politique de jeunesse ressemble presque systématiquement à un patchwork, dont les différents éléments peuvent être reliés par certains objectifs ou volets généraux ; toutefois, elle consiste le plus souvent en un recueil assez disparate de déclarations d’intention et d’initiatives concrètes qui, si on les soumet à un examen et à une analyse générale, présentent souvent des failles significatives en termes de logique et de cohérence1. Par ailleurs, il est essentiel de réexaminer l’état de mise en œuvre de la politique de jeunesse à un moment donné. Les mesures prévues dans le cadre de « plans sur dix ans » peuvent en fait ne durer qu’une semaine ! Les mesures pilotes peuvent, par exemple, rapidement s’intégrer dans la politique et les pratiques courantes générales. Les gouvernements se font et se défont, les ministres vont et viennent, ce qui suppose des changements, mais aussi, peut-être, une part de continuité. Parfois, les initiatives se poursuivent, mais sous un autre nom. Dans d’autres cas, ce n’est pas le nom qui change, mais le contenu. Aussi les idées présentées dans ce manuel de référence n’ont-elles qu’une valeur indicative. Quel que soit le contexte, la politique de jeunesse est en constante évolution : ses priorités et ses pratiques changent, et elle se construit à partir de (ou en opposition à) différentes formes de « données probantes ». Nous espérons donc que cet ouvrage permettra au lecteur de mieux comprendre les différents éléments qui entrent en jeu dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de jeunesse, qu’il l’incitera à mener une réflexion critique sur les objectifs affichés et le contenu de cette politique dans son contexte, et qu’il lui apportera les connaissances et les compétences nécessaires pour appeler à une politique de jeunesse qui soit davantage axée et fondée sur les droits et les principes de la démocratie.

Conclusion

Pour résumer ce bref chapitre, disons que la notion de « politique », aussi intéressante puisse-t-elle paraître, est généralement floue et qu’elle englobe systématiquement une constellation d’idées émanant de différentes sources, conçues pour atteindre différents objectifs et développées dans différentes directions. La politique de jeunesse s’inscrit dans le cadre plus large de la politique sociale et publique ; parfois, elle en est une simple composante, mais, le plus souvent, elle en est – pour une grande part au moins – l’un des volets, doté d’une existence autonome.

Quelques pistes de réflexion

Quelle est l’orientation/la priorité de la politique sociale dans votre pays ?

Qu’est-ce qui influence la politique publique dans votre pays ?

Quels sont les principaux facteurs de développement qui affectent la nature et les priorités des politiques publiques et sociales ?

Quels sont leurs fondements conceptuels/philosophiques/théoriques et leurs approches sous-jacentes ?

Quelle place la politique de jeunesse occupe-t-elle dans la politique sociale et publique générale ?

1 Citons, à cet égard, l’exemple bien connu, et pas complètement fantaisiste, d’un gouvernement au sein duquel le ministre chargé de l’Enfance invoque la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et reconnaît les enfants comme une ressource dont la voix doit être entendue, tandis que le ministre de la Justice fait fi de cette convention, affirmant que les jeunes sont une source de problèmes et que leur comportement doit être sanctionné, si nécessaire par une restriction plus systématique de leur liberté.

Chapitre 2Débats, approches et modèles

Introduction

Ce chapitre traite de ce qui est probablement l’objectif général de la plupart des politiques de jeunesse : l’inclusion sociale. Il se penche également sur le patchwork que constitue le cadre général de la politique de jeunesse et en présente les éléments fondamentaux, c’est-à-dire les composantes de la politique de jeunesse sans lesquelles celle-ci risquerait d’être incomplète ou inefficace.

Inclusion sociale

L’objectif général le plus important de la politique de jeunesse, quels que soient ses thèmes et buts spécifiques, est sans doute de garantir l’égalité des chances pour tous les jeunes, c’est-à-dire d’être inclusive en garantissant un accès égal aux droits et aux opportunités. Globalement, elle se veut un soutien pour les jeunes sur la voie (ou l’autoroute) de la réussite et repose souvent sur une « vision » pour eux, toujours exposée dans de beaux discours – une vision axée sur la citoyenneté active, l’apprentissage tout au long de la vie, l’inclusion sociale et la sécurité personnelle et communautaire. En fait, il s’agit là de l’approche qui, en 1999, a constitué le cadre de planification de la politique de jeunesse pour la première administration décentralisée au pays de Galles et qui, plus tard, a servi de base aux discussions sur les indicateurs pour les politiques de jeunesse tenues au Conseil de l’Europe en 2002-2003.

Cependant, la politique de jeunesse appréhende souvent les jeunes sous des angles très différents, et elle est formulée en conséquence. Lorsqu’elle les valorise (et qu’elle les considère comme des personnes bien élevées, qui suivent des études, une formation ou qui travaillent), elle est essentiellement émancipatrice et axée sur les opportunités ; lorsqu’elle les perçoit comme des victimes ou des personnes vulnérables (les jeunes qui ont été victimes d’abus ou qui présentent des difficultés d’apprentissage, par exemple), elle est généralement de nature plus protectrice ; enfin, lorsqu’elle les considère comme des « voyous » (les jeunes qui ont des comportements « antisociaux », par exemple), elle est axée sur des interventions plus régulatrices et restrictives. Naturellement, la plupart des jeunes présentent un peu ces trois profils à la fois, de la même manière que la plupart des politiques de jeunesse consistent en une combinaison de ces différentes approches. De fait, la politique de jeunesse englobe à la fois la promotion des opportunités, la protection contre les préjudices et la prévention des comportements déviants, et, le cas échéant, leur sanction. En d’autres termes, un examen attentif des politiques de jeunesse révélera, la plupart du temps, des éléments relevant de la prévention et de la promotion, des mesures de soutien qui, parfois, ne sont pas négociables, et des mesures répressives (dans l’idéal, en dernier recours). C’est à l’équilibre entre ces différents éléments qu’il faut être attentif, celui-ci devant parfois être remis en question.

Malgré une détermination explicite à lutter contre l’exclusion sociale, on compte, dans de nombreux pays, un nombre significatif de jeunes qui vivent en marge de la société, que ce soit pour des raisons liées à l’abandon du cursus scolaire, à des comportements dangereux pour la santé, à une parentalité précoce ou à la délinquance juvénile. C’est pourquoi la politique de jeunesse ne cherche pas seulement à renforcer les mesures de lutte contre l’exclusion sociale, mais aussi à garantir l’existence de passerelles appropriées pour aider les jeunes à redonner un sens à leur vie et à suivre une trajectoire plus positive. Pour lutter contre l’exclusion sociale, il y a des questions simples à se poser, sachant que les réponses sont toujours complexes et, par conséquent, peu évidentes à traduire sur le plan politique, comme le montre l’illustration 1.

Illustration 1

 

:

Des questions simples, des réponses complexes

Source : Allocution d’ouverture prononcée par Howard Williamson lors du lancement du Service des enfants et des jeunes au sein du Gouvernement britannique, en 2000.

Ampleur et différentiation

1. Quelle est l’ampleur de la tâche ? Quelle est la taille de la population dans l’encadré ?

2. Comment les personnes dans l’encadré devraient/pourraient-elles être différenciées ?

Causes et conséquences

3. Qu’est-ce qui les a amenées à quitter la route principale, progressivement ou subitement, ou qu’est-ce qui les en a détournées ?

4. Quelles seront les conséquences si rien n’est fait au niveau politique (si l’on n’intervient pas et qu’on « laisse faire ») ?

Mesures préventives et passerelles

5. Comment les mesures préventives peuvent-elles être renforcées ?

6. Quels types de passerelles vers la réinsertion et la réintégration faut-il mettre en place ?

L’avantage de ce modèle de réflexion pour la politique de jeunesse est qu’il peut être utilisé dans le débat politique local, régional et national, et appliqué à tout groupe ou toute question.

Une mosaïque complexe – des cadres qui ne peuvent pas être gravés dans le marbre

Il existe divers niveaux de politique de jeunesse. La base peut être constituée par les stratégies et politiques nationales, bien que ces dernières soient (ou pourraient être) guidées par des orientations européennes et internationales et qu’elles doivent aussi être mises en œuvre par le biais d’actions menées aux niveaux régional et local. Le processus de la politique de jeunesse est donc complexe. Il commence généralement par une déclaration politique ou une ratification, se poursuit par la planification stratégique et opérationnelle, puis par la mise en œuvre des mesures prévues par les responsables et les praticiens, atteignant alors les jeunes, qui « vivent » ces mesures, celles-ci faisant (parfois) l’objet d’un suivi et d’une évaluation. Ce processus, de la vision à la mise en œuvre, repose forcément sur le schéma « interprétation, action, réaction, obstruction et révision ». Toutefois, comme l’ont fait observer Marris et Rein (1972, p. 260) il y a près de cinquante ans, dans un compte rendu sur des projets de développement communautaire et de changements sociaux :

Il faut tenir compte de l’ensemble du processus – les faux départs, les frustrations, les adaptations, les reformulations successives des objectifs, les détours et les conflits [...]. C’est le seul moyen de comprendre ce qui a été accompli et de tirer les leçons de cette expérience. Même si personne ne vivra jamais plus exactement la même aventure, le fait de suivre les péripéties des projets permet d’avoir un aperçu général des dangers et des découvertes dans leur domaine de mise en œuvre.

On pourrait facilement appliquer ce raisonnement à la politique de jeunesse, avec ses rebondissements, ses à-coups, ses conflits et consensus, ses succès et ses échecs. Le présent manuel ne peut décrire l’évolution de cette politique, ses retards et sa mise en œuvre dans les moindres détails, mais il peut raconter un – ou des – épisode(s) de ce processus, en s’appuyant sur l’expérience à grande échelle vécue en Europe ces dix dernières années, voire avant. En effet, un premier cadre de réflexion sur la politique de jeunesse a été établi à partir des conclusions de seulement sept des études internationales menées par le Conseil de l’Europe sur les politiques de jeunesse. Bien que les connaissances acquises ultérieurement dans ce domaine aient remis certains aspects en question et demandé un élargissement du champ couvert, ce cadre (tableau 1) est resté une référence pour la réflexion dans ce domaine, parallèlement aux alternatives apparues plus tard, notamment celles proposées dans le premier manuel sur la politique de jeunesse.

Tableau 1 : Cadre pour la réflexion sur la politique de jeunesse

Définition des concepts : « jeunesse »/ « politique de jeunesse ».

Législation et budget.

Structures de mise en œuvre.

Domaines politiques : l’éducation, la santé, le logement, l’emploi ou la justice, par exemple.

Questions transversales : la participation, l’information, l’égalité des chances ou l’inclusion sociale, par exemple.

Outils : formation des professionnels ; échange d’informations ; recherche.

Suivi et évaluation.

Le tableau 1 définit un certain nombre d’aspects des politiques de jeunesse à étudier pour pouvoir comprendre et expliquer ces dernières plus clairement. Il ne s’agit pas d’une liste d’éléments indispensables pour la politique de jeunesse : celle-ci ne doit pas nécessairement être prévue par la loi, par exemple, bien que l’on notera que, dans certains pays, sans loi, une telle politique a peu de chance d’être élaborée ou soutenue. À l’inverse, les lois ne garantissent pas nécessairement la mise en œuvre d’une action appropriée sur le terrain. Il est clair que la politique de jeunesse nécessite un soutien financier, mais les ressources qui lui sont affectées sont plus difficiles à chiffrer qu’il n’y paraît : les sources sont nombreuses, allant des ministères aux fondations caritatives, en passant par la philanthropie privée et bien d’autres acteurs encore. Il y a ensuite d’autres questions à examiner concernant la manière dont ces ressources sont déployées, ainsi que l’effectivité et l’efficience avec laquelle les ressources disponibles atteignent leurs cibles politiques.

Ainsi, les tableaux et les listes nécessitent un examen critique et approfondi. Trop souvent, nous nous laissons séduire par leur praticité et leur simplicité, non seulement en les acceptant, mais aussi en les transmettant sans les remettre en question, alors qu’ils méritent d’être considérés avec un certain recul. En fait, généralement, il y a beaucoup de chevauchements à chaque étape des procédures et processus de la politique de jeunesse, que ce soit dans la définition des phases de transition au sein du concept de jeunesse, la mise au point de structures de mise en œuvre appropriées (du niveau central au niveau local) ou dans les liens entre les différents domaines politiques. Comme l’a très justement fait remarquer un fin observateur, « on ne résout pas le problème de la délinquance juvénile par la justice pénale ». Les approches les plus efficaces en la matière reposent sur d’autres domaines, à savoir l’éducation, la santé, le logement et l’emploi, ce qui soulève des questions non seulement sur l’identité des acteurs auxquels devrait être confiée la responsabilité des différents volets de la politique de jeunesse (même si cela n’a peut-être pas réellement d’importance, au fond), mais aussi sur celui d’entre eux qui devrait être aux commandes. Les politiques relatives à l’abus de substances, par exemple, devraient-elles relever de l’éducation, de la santé ou de la police ? Parfois, certaines des idées les plus créatives, originales et progressistes en matière de politique de jeunesse émanent des sources les plus inattendues.

Questions importantes : les 5 « C » et l’analyse des différentes dimensions

La conception de la politique de jeunesse doit tenir compte des cinq dimensions fondamentales suivantes, que l’on a appelées les 5 « C ».

Les « ingrédients » d’une politique de jeunesse efficace – les 5 « C » :

Couverture

Capacité

Compétence

Coopération

Coût

Source : Williamson (2002).

Il convient de s’assurer que les initiatives de politique de jeunesse sont suffisamment complètes pour pouvoir toucher les jeunes à l’intention desquels elles sont conçues (Couverture). Ensuite, s’il est relativement facile de définir des aspirations et des intentions politiques, il faut également prévoir des « structures de mise en œuvre » (voir tableau 1). Ce rôle ne doit pas nécessairement être confié à des institutions publiques nationales, régionales ou locales ; il peut également être joué par des organisations de jeunesse ou d’autres ONG (Capacité). En outre, il faut que les jeunes puissent acquérir des aptitudes professionnelles de niveau approprié dans de nombreux domaines de la politique de jeunesse (notamment l’éducation, la santé et la justice) (Compétence). Par ailleurs, pour éviter les risques tant d’isolement que de chevauchement des activités, et pour favoriser les synergies et les synchronicités, les responsables de la politique de jeunesse doivent veiller à proposer des plateformes pour le dialogue, l’échange et la complémentarité (Coopération). Enfin, la politique de jeunesse ne peut être efficace que si elle est dotée de ressources humaines et financières suffisantes (Coût).

La politique de jeunesse peut – et doit, même – être analysée sous différents angles pour pouvoir être bien comprise. Elle se développe de nombreuses façons et prend diverses formes, et, de fait, avec une demande croissante à la fois d’universalisation (pour garantir que les opportunités qu’elle prévoit soient accessibles à tous) et de spécialisation (pour faire en sorte que ces opportunités atteignent des « cibles » particulières), et une pression de plus en plus forte dans ces deux sens, elle devient de plus en plus intersectionnelle – pas seulement intersectorielle. La politique de jeunesse varie selon les lieux, les contextes, les cohortes, les groupes et les questions à traiter, comme résumé dans le tableau 2.

Tableau 2 : Une politique de jeunesse intersectionnelle

Lieux (projets pilotes et/ou domaines prioritaires).

Contextes (école, loisirs, famille, culture, justice, etc.).

Populations entières/cohortes (au sein de classes d’âge).

Groupes cibles spécifiques (jeunes délinquants, jeunes issus des minorités noires et ethniques, jeunes confiés aux services sociaux).

Questions particulières (abus de substances, vie dans la rue, comportement antisocial).

Défis liés à l’infrastructure (mécanismes de mise en œuvre, développement de la main-d’œuvre).

Il convient de préciser qu’aucun de ces canaux de la politique de jeunesse n’est totalement indépendant des autres et que l’on ne sait jamais très bien si le chevauchement entre eux est un moyen de renforcer efficacement le ciblage, ou s’il ne fait qu’induire des doublons inutiles et coûteux. Par exemple, peut-on considérer qu’une stratégie de promotion de la mobilité des jeunes qui ne ciblerait que les écoles situées dans des zones défavorisées et les jeunes confiés aux services sociaux permet de faire un tir groupé et de n’atteindre que les jeunes qui ont le plus besoin de ce type d’information ? Ou laisse-t-elle de côté de nombreux autres jeunes qui en auraient également besoin ? Si une telle stratégie était appliquée de façon universelle, ne risquerait-elle pas d’être perçue comme une initiative coûteuse qui disperserait les efforts, engageant d’importantes ressources pour de nombreux jeunes qui n’en ont pas besoin ?

De plus, des questions se posent toujours quant à savoir qui devrait être chargé de la mise en œuvre des différents services et initiatives prévus, et si ces acteurs sont correctement équipés pour ce faire. Il s’agit là de questions d’infrastructure, qui portent sur les mécanismes de mise en œuvre et la formation des acteurs qui en sont chargés. Prenons l’exemple d’un projet de politique de jeunesse axé sur la sécurité personnelle et communautaire. Qui serait le mieux placé pour véhiculer les principaux messages ? Les agents de police ? Ou aurait-on plus de chances d’obtenir l’impact souhaité en faisant appel aux travailleurs sociaux ou aux enseignants, voire aux travailleurs de jeunesse ?

Pour finir, une question qui se pose de façon récurrente en matière de politique de jeunesse – et, en fait, dans la politique sociale de façon générale – est celle de la nature universelle ou sélective (c’est-à-dire ciblée) des mesures prévues. Chacune de ces approches a ses avantages et ses inconvénients. On note une tendance croissante à faire reposer les politiques publiques sur des approches plus ciblées, dans l’objectif affiché de « dépenser l’argent intelligemment » et de « concentrer les ressources ». Les responsables politiques sont très doués pour enrober les choses dans de jolies formules, affirmant par exemple que le but est d’« assurer un service universel différencié en fonction des besoins », ce qui laisse penser que bien qu’il soit en théorie accessible à tous, dans la pratique, le service en question risque d’être davantage axé sur ceux qui « en ont besoin ». Toutefois, le point de vue qui prévaut parmi les professionnels du secteur de la jeunesse, et en particulier chez les militants et les défenseurs des jeunes au sein des organisations de jeunesse, est que s’il y a manifestement des jeunes qui sont plus « à risque » que d’autres et qui nécessitent davantage de soutien, de façon générale, la politique de jeunesse doit cibler tous les jeunes et les considérer comme des titulaires de droits. En d’autres termes, chaque fois que des mesures particulières sont prévues dans le cadre d’une politique, et pour éviter toute stigmatisation, tous les jeunes qui estiment avoir besoin d’en bénéficier devraient recevoir l’assurance qu’ils pourront y accéder et être effectivement autorisés à le faire. Fort heureusement, il existe encore une diversité d’approches de la politique de jeunesse sur le continent européen. Celle-ci reste donc au moins en partie construite sur le principe d’universalité, prévoyant des mesures et services accessibles à tous les jeunes.

Conclusion