Impressions & autres miettes de vie - Cyrille Gove - E-Book

Impressions & autres miettes de vie E-Book

Cyrille Gove

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Beschreibung

Il y avait là, soigneusement oubliée, une tombe. La pierre en était calcaire et s'effritait en laissant apparaitre une multitude de petits grains jaunâtres. Au centre de la dalle était un vieux crucifix, trop ordinaire pour qu'on pût le remarquer et, de chaque côté d'une ligne médiane que l'on devinait, se pouvaient déchiffrer trois noms, ou quatre, peut-être. C'était, à l'ombre d'un bosquet d'arbres toujours verts, la tombe des Petites Soeurs qui avaient usé discrètement leur vie non loin de là, cinquante ou cent années auparavant. Et c'était étrange et peut-être triste, aussi, de constater que, unies ici encore, après tant et tant de jours, elles semblaient prier, célestes enfants aux cendres délaissées, six, sous cette pierre au souvenir...

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Seitenzahl: 64

Veröffentlichungsjahr: 2024

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ORTHOGRAPHE DE 1990

Les textes que voici s’inscrivent, je pense, dans un même culte du petit rien, celui qui rappelle immanquablement un souvenir comme celui qui crée une impression suffisamment puissante pour en générer un.

Il s’agit d’un pot-pourri de fugaces miettes de vie et autres impressions ; les textes les plus anciens ont été écrits alors que je n’avais que 17 ans — soit voici 54 ans — et peuvent donc revêtir un aspect naïf ; je veux préciser que le moi d’aujourd’hui se retrouve néanmoins dans chacun d’eux aussi bien par les thèmes abordés que par les diverses versions d’un même fait ou d’une même image révélés sous des angles différents, dont on pourrait penser qu’elles se contredisent.

Montigny-le-Chartif, janvier 2024.

Sommaire

À LA POURSUITE D’UNE IMAGE

IL Y AVAIT LÀ

C’ÉTAIT UNE ÉGLISE, ENCORE

LA GRILLE ÉTAIT LOURDE À POUSSER

TOIT D’ÉGLISE DE PALAISEAU

PREMIER REMPLACEMENT

UN TERTRE ROUGE

RETOUR D’AFRIQUE

SAVEUR D’ÉTERNITÉ

C’EST L’ANGÉLUS

LA RHUNE

OUVERTURE DANS LE COURS LÉGAL DU TEMPS

1958

ODEUR DE FEU DE BOIS

UN JARDIN, RUE DE LA FONTAINE

TRAHISONS

ANNÉES DE PLUIE

DEUX CHAUMIÈRES

BRÈCHE

LIEUX DE VIE

AU PARC DE VANVES

MORT DU FRÈRE

FORFAITURE DU TEMPS

LE JEU DE CARTES

TOUT PETIT POÈME DE TEMPS GRIS

UN GESTE MINUSCULE

LE BONBON DE MONSIEUR CORNAIL

J’AIME LES SIGNES

MOI, ON M’A APPRIS À ÉCRIRE

LA BÊTE JARVIENS

RANGEMENT

RIEN

À LA POURSUITE D’UNE IMAGE

Qui le connait, ce hameau de la Gaudinière — puisque c’est son nom —, où je me suis arrêté ce matin pour noter une idée pressante ? Personne, sans doute, en dehors des deux ou trois foyers qui y demeurent et de leurs rares voisins. Et tous ceux-là regardent-ils l’endroit avec le même sentiment que moi ? Non, sans doute, car on finit, la plupart du temps, par ne plus remarquer les éclisses de magie des lieux où l’on habite.

C’est en tout cas en quittant cet endroit, au moment d’un dernier coup d’œil sur le chemin en impasse dont on peut suivre des yeux la descente rapide jusqu’à la première maison, bordé à droite, sur le talus, de tout un éparpillement de jacinthes des bois et regardant, à gauche, sur le profond de la vallée dite de Brimont, que m’est revenu en mémoire une scène du film d’Attenborough où son C.S. Lewis réussit enfin à retrouver, dans une quête au milieu des collines vertes et humides du Herefordshire, le Val Doré de la gravure de son enfance, et à en partager la contemplation avec l’amour tardif de sa vie.

Pour moi, les circonstances ne sont pas tout à fait identiques : mon Val Doré à moi en effet est multiple et à chercher dans tous les lieux secrets du Perche, comme celui à proximité de Frétigny ; c’est là, oui, par ce matin très lumineux et presque froid de printemps, qu’il a fallu que je m’arrête pour prendre cette note, cette note que je tente de développer ici, cette note aussi urgente ce matin qu’elle l’était il y a un an, cinq ans, dix ans, cette note où j’écris que me voici émerveillé par ces paysages qui touchent silencieusement mon cœur depuis que j’ai fait leur connaissance. C’est en quelque sorte comme si, là comme à chaque fois, j’étais devant la « belle page » — c’est ainsi que nous la nommions, mon frère et moi — de Mon premier Larousse en couleurs, c’est comme si j’étais sur le point de mettre enfin — même si, en fait, je n’y tiens pas — un paysage réel sur ce dessin qui nous paraissait merveilleux, incomparable, et qui, sur une grande double page, nous laissait durant longtemps rêveurs et silencieux.

Je ne me rappelle pas si, pour ma part, je savais déjà lire ; si oui, je ne maitrisais pas, sans doute, l’ordre alphabétique ; ou bien alors, le fait de chercher un mot par ce biais me paraissait réservé, par sa complexité, aux adultes ; ou bien encore, nous ne nous rappelions jamais sous quel intitulé se trouvait « la belle page » car, pour en conserver la puissance, la magie, nous nous interdisions tacitement de feuilleter trop souvent le grand livre plus large que haut à la couverture verte ornée de divers dessins. J’ajoute à cela que le côté irrationnel de l’enfance dans lequel évidemment nous baignions mon frère et moi allait jusqu’à nous faire croire parfois que l’image, dont nous ne parvenions pas à retrouver la page, avait disparu du livre !

Et si on me le mettait aujourd’hui sous les yeux, alors que tant de décennies me séparent de mon enfance, je sais bien en fait que, passé l’émotion de le retrouver, j’hésiterais à y chercher la « belle page » car à présent, je dois le dire, d’une part j’ai globalement oublié ce qu’elle représentait — seule me suffit amplement la certitude de l’avoir autrefois contemplée avec fascination — et, d’autre part, c’est l’envie de chercher le paysage de rêve, au fil de mes voyages, qui dépasse celle de le trouver ; plus exactement, je sais que j’éprouverais moins de bonheur à le trouver que je n’en éprouve à avoir l’impression d’être à deux doigts de le trouver, ou de trouver quelque chose qui puisse égaler l’heureux sentiment d’autrefois. Ainsi, oui, j’ai tout à la fois envie et besoin de continuer à chercher jusqu’au bout, jusqu’à jamais ; mais il s’agit d’une envie comme d’un besoin calmes, satisfaisants, puisque paradoxalement, je sais pertinemment qu’ils ne seront jamais assouvis.

Illiers-Combray, 29 avril 2023.

IL Y AVAIT LÀ*

Il y avait là, soigneusement oubliée, une tombe. La pierre en était calcaire et s'effritait en laissant apparaitre une multitude de petits grains jaunâtres. Au centre de la dalle était un vieux crucifix, trop ordinaire pour qu’on pût le remarquer et, de chaque côté d'une ligne médiane que l'on devinait, se pouvaient déchiffrer trois noms, ou quatre, peut-être.

C'était, à l’ombre d'un bosquet d'arbres toujours verts, la tombe des Petites Sœurs qui avaient usé discrètement leur vie non loin de là, cinquante ou cent années auparavant. Et c'était étrange et peut-être triste, aussi, de constater que, unies ici encore, après tant et tant de jours, elles semblaient prier, célestes enfants aux cendres délaissées, six, sous cette pierre au souvenir...

Mais qu'avaient-elles dû penser, elles-mêmes, lorsque, voyant se coucher, dans ce lieu qui déjà sentait l'oubli, leurs ainées, elles songèrent à la dernière d'entre elles ?

Elles étaient six et, très naïvement, on ne pouvait s'empêcher de penser qu'elles devaient être bien petites, d'autant que c'était en quelque sorte stipulé sur la dalle — Petites Sœurs des Pauvres — et que, inconsciemment, cela marquait.

Elles étaient là, à l'ombre d'un bosquet d'arbres toujours verts voisinant avec des tombes à dossier et à chaînes rouillées semblant se tenir par la main...

Elles étaient là, non loin du mur et face à l’abreuvoir tout en fer (duquel, depuis longtemps, on ne prenait plus d'eau pour leurs fleurs) où l'on voyait, à travers une eau verte, et lorsque l’on y faisait attention, deux ou trois petits poissons.

La Celle-Saint-Cloud, 22 mai 1971.

C’ÉTAIT UNE ÉGLISE, ENCORE*

C’était une église, encore, qu'il s'agissait de découvrir parmi un village. Le vent soufflait, et l'on ressentait une espèce de peur physique à rester dehors. Personne dans les rues... Face à soi, une maison laisse échapper des notes de piano. Sous le ciel attristé et humide, les rues sont sombres et vertes. On a soudain l'impression, la certitude, de vivre une situation type, maintes fois décrite, mais jamais ressentie.