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Emma Latour part en vacances sur la Côte d'Azur, avec son compagnon pour retrouver Pierre, un vieil ami. Leur séjour s'annonce idyllique, du moins jusqu'à ce qu'ils découvrent un cadavre dans la piscine de Pierre. Qui a bien pu tuer Cédric Romand, un réalisateur, qui tournait un film dans sa propriété ? Entre la mafia des déchets, le pillage d'une épave, une famille bien secrète et deux meurtres, Emma va se mettre en danger pour élucider toutes ces intrigues.
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Seitenzahl: 251
Veröffentlichungsjahr: 2023
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CE QU’EN PENSENT LES BOOKSTAGRAMMEUSES :
« Une intrigue très intéressante dévorée en quelques heures. J’ai réussi à me plonger très facilement dans l’histoire qui tient en haleine. C’est toujours un plaisir de suivre les aventures et les enquêtes menées par notre héroïne à laquelle je m’identifie beaucoup… » @lespalsdemousquetaire11
« J’ai adoré retrouver Emma dans cette aventure. Emma, ce personnage touchant, fort, curieux. Une intrigue parfaitement maîtrisée, au style totalement addictif, des personnages très attachants, sur fond d’air de vacances. Une lecture parfaite, qu’on ne peut pas abandonner avant la fin ! » @damex_lectures
« Une intrigue bien menée. Tout est réuni pour passer un bon moment. J’ai retrouvé Emma avec grand plaisir. C’est intelligemment mené, tout est loin d’être aussi simple que ça en a l’air. Le style est dynamique et efficace. L’intrigue est tout à fait plausible, travaillée et maîtrisée. » @Coetseslivres
« L’intrigue se révèle plus complexe qu’il n’y paraît. Je me suis posé des questions tout du long pour savoir qui pouvait être derrière tout ça. Certaines fois, j’avais vu juste et, d’autres fois pas du tout ! Un moment agréable et intrigant. Un livre travaillé et complet. » @histoiresenchantees
« Une enquête qui nous fait voyager, avec du suspense. Emma me donne à chaque fois envie de résoudre le meurtre avec elle. Je vous recommande ce roman à 100 %, rien de mieux pour passer un bon moment. Avec les beaux jours qui s’annoncent, vous ne serez pas déçu. » @mes.petites.lectures.du.moment
Intrigues sur la Côte d’Azur est le sixième roman à suspense de Nathalie Michau après Secrets de Famille (2004), Répétition (2006), Apparences Trompeuses (2013), Une Rue si Tranquille (2021) et Meurtre à Dancé (2022).
Intrigues sur la Côte d’Azur est le troisième tome de la série Une enquête d’Emma Latour après Meurtre à Dancé, puis Une Rue si Tranquille.
Nathalie Michau a également écrit des nouvelles historiques avec Les Grandes Affaires Criminelles des Yvelines (2007) et, en collaboration avec Sylvain Larue, Les Grandes Affaires Criminelles de l’Essonne (2011).
Enfin, elle a publié des albums pour enfants (3-6 ans) avec Petite Lapinette est à l’heure à l’école (2013) et Petite Lapinette part en vacances (2014). Ces albums sont illustrés par Isabelle Vallet.
À mes deux amours, Julie et Gérald, qui supportent avec beaucoup de courage et d’abnégation la romancière que je suis,
À ceux qui croient en moi,
À mes lecteurs avec qui j’ai tant de plaisir à partager mes écrits.
Nota Bene : Tous les éléments de ce roman sont fictifs. Je me suis inspirée de lieux et d’éléments scientifiques, juridiques ou géographiques existants, mais j’ai pris de nombreuses libertés. Aucun évènement ou personnage n’est réel. Toutes les erreurs ou approximations sont de mon fait.
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Biot
Il n’eut pas le temps de réaliser qu’il allait mourir.
Il était allongé sur une chaise longue sur la terrasse de la piscine. La nuit venait de tomber. Le jardin était éclairé, l’eau toute bleue et les grands arbres mis en valeur par des projecteurs savamment disposés.
Il était content d’être là, tout seul. Son équipe n’investirait les lieux que le lendemain matin. Il avait la nuit pour lui. Il souhaitait finaliser les différentes séquences qu’il voulait filmer le lendemain sans être dérangé par l’effervescence de l’équipe de tournage.
Il se leva pour récupérer une bouteille de rosé qu’il avait déposée dans le réfrigérateur en arrivant. Il se servit un verre et savoura une gorgée de Chateau Roubine. Le vin était délicieux.
Les cigales venaient de s’arrêter de chanter. La température fraîchissait. Elles allaient se reposer pour la nuit. Il entendit une branche se casser, puis à nouveau un bruit. Un animal sans doute. La forêt commençait juste derrière le mur de la maison. Le propriétaire des lieux lui avait parlé des bêtes qui vivaient dans les bois : sangliers, renards et autres animaux exotiques pour lui, citadin depuis toujours, installé à Montigny-le-Bretonneux, dans le sud-ouest de la région parisienne. Il éteignit la lumière pour ne pas se faire dévorer par les moustiques et revint lentement vers son transat. Il se sentait en paix, tout était calme.
Il n’arriva jamais à destination. Il reçut un coup violent à l’arrière du crâne. Il tenta de se retourner pour voir son agresseur et se défendre, mais la douleur était trop forte et il ne fut pas assez rapide. Un deuxième coup l’atteignit encore plus fort à la tempe et l’acheva. Il s’écroula sans connaissance sur le sol. Le troisième coup lui brisa le cou et le tua net.
1er jour
J’étais ravie de ces vacances. Je les attendais avec impatience depuis plusieurs semaines. J’étais fatiguée et exaspérée. Mes recherches archéologiques n’avançaient pas pour des raisons administratives alors que j’avais été appelée sur un chantier de fouilles préventives, qui se tenait donc sur une très courte durée. Nous avions juste le temps de sauvegarder les artefacts les plus beaux et surtout les situer dans leur contexte, avant que des travaux sur une nouvelle infrastructure routière à côté de Versailles ne débutent et ne détruisent le site à tout jamais. Ces jours perdus pour des problèmes de paperasse me frustraient terriblement et l’apothéose avait été atteinte quand pour d’obscures raisons de sécurité, le chantier avait été fermé pour quelques semaines.
Éric Massarina, le bel homme brun avec de magnifiques yeux bleus et un sourire charmeur dont je m’étais entichée depuis un moment déjà, m’avait alors proposé de partir avec Noémie, sa fille, quinze jours chez ses parents qui avaient acheté, quelques mois auparavant, une très belle maison dans les Alpes-Maritimes, à Roquefort-les-Pins, dans l’arrièrepays cannois. J’étais contente qu’il accepte de laisser Cybermaker, sa société de cybersécurité, quelques jours, même si je savais qu’il consulterait sa messagerie, de manière compulsive, sur place.
J’hésitai un quart de seconde, avant d’accepter. Le temps dans la région parisienne en ce début du mois de juillet était digne d’un mois de novembre, le soleil du Sud me faisait de l’œil.
J’avais des rapports de chantier en retard, de la documentation à lire sur les ossements d’animaux et la vaisselle au haut Moyen Âge. Au départ, consciencieuse, je les rangeai dans mon sac avec mon ordinateur. Après un instant de réflexion, je les retirai. J’allais m’offrir une vraie pause. Cela faisait plusieurs mois que nous n’étions pas partis, je pouvais me le permettre.
Je voulais également réfléchir à un projet qui me tenait à cœur et sur lequel je n’arrivais pas à m’atteler : l’écriture. J’avais en tête de créer des romans historiques qui se situeraient au haut Moyen Âge,1 ma période de prédilection. Je ne savais pas encore quel type d’histoire j’allais raconter — peut-être des intrigues policières ? — et je devais me donner du temps pour y réfléchir. Cette période y serait propice si je ne cédais pas à la sieste, à la piscine, aux parties de pétanque et à l’apéro à longueur de journée.
Nous avions en effet été bien occupés dans les précédents mois. Avec Éric, nous avions vécu des moments très stressants lorsque mon voisin, Bernard Morin, avait disparu.2 Notre relation était sortie renforcée après ces évènements très éprouvants et j’avais accepté avec plaisir de renoncer à mon autonomie et ma liberté pour vivre avec lui et sa fille. J’avais donc déménagé de ma maison de Suresnes pour m’installer chez lui, dans son appartement de Saint-Cloud, en région parisienne.
Il avait fallu que je mette une partie de mes affaires dans un garde-meuble et qu’on achète une grande bibliothèque pour y mettre tous mes livres qu’ils soient consacrés à l’archéologie ou pas. Quand Éric avait vu tous les cartons de livres s’entasser dans sa chambre d’amis et que je lui avais expliqué qu’ils ne pouvaient pas aller dans un espace de stockage extérieur à l’endroit où je vivais, il avait eu un choc. Il n’avait a priori jamais imaginé qu’un particulier puisse stocker autant de livres. Il fit néanmoins bonne figure, comprenant que s’il voulait vivre avec moi, il devait aussi prendre les livres avec et nous avons finalement réussi à les ranger quelque part. Il avait fallu aussi que je trouve un nouvel équilibre en apprenant à fonctionner une semaine sur deux avec sa fille Noémie qui m’avait parfaitement acceptée depuis le début de ma relation avec Éric.
1. De 500 à 1000 ans apr. J.-C.
2. Cf. Une rue si tranquille de Nathalie Michau
Dès notre sortie de l’aéroport, un sourire illumina mon visage. La chaleur et le beau temps tranchaient de manière incongrue avec la météo pluvieuse et maussade de Paris. Une dizaine de degrés d’écart, une folle envie de mettre mes lunettes de soleil et d’enlever mon pull me firent comprendre que, même si nous étions toujours en France, ici existait un autre climat propice aux vacances.
Nous allions voir pendant tout notre séjour, Pierre Cousin, un ami qu’Éric avait connu lorsqu’il était en école d’ingénieur à Paris. Pierre était originaire de la région et avait poursuivi ses études à Paris après le bac. D’après ce que m’avait raconté succinctement Éric, il avait travaillé quelque temps en région parisienne avant de revenir vivre dans le coin, il y a quelques années. Je ne l’avais jamais rencontré auparavant. J’aurais le temps d’en savoir plus sur lui pendant notre séjour. Il nous avait conseillé d’aller nous promener sur les bords de la Brague pour notre premier jour. Cette balade, le long d’une petite rivière, était, d’après lui, magnifique. Mais avant cela, suivant ses indications, nous sommes allés déjeuner sur la petite terrasse du restaurant Aux Trois Sens situé à Valbonne. Nous n’avions pas regretté notre choix, car comme nous l’avait annoncé Pierre qui nous avait réservé notre table, l’accueil de Mélanie et Damien fut chaleureux, la nourriture excellente et les desserts à se damner.
Lorsque je vis la maison des parents d’Éric en fin d’après-midi, elle me parut encore plus belle que sur les photos et la vidéo qu’ils nous avaient envoyées. Ils s’étaient entichés d’un authentique mas provençal parfaitement restauré dans le respect de l’architecture d’origine. Ils nous firent un accueil enthousiaste. Ils n’étaient pas originaires d’Italie pour rien. Sa mère, Gabriella, était petite, brune avec des cheveux noirs au carré et de beaux yeux marron. Son mari était grand, très mince, n’avait presque plus de cheveux et des yeux verts.
Comme ils nous l’expliquèrent, ils ne regrettaient pas un instant d’avoir quitté la région parisienne. Cela faisait des années qu’ils souhaitaient se rapprocher de leur famille en Toscane tout en restant en France. La Côte d’Azur semblait être un bon compromis. Cette situation nous convenait parfaitement. Ils vivaient dans un endroit paradisiaque à une heure trente de Paris, il était difficile de ne pas trouver cela merveilleux !
Aucun doute n’était permis, nous étions les bienvenus ! Éric et Noémie leur manquaient beaucoup. Ils se voyaient très souvent auparavant. Ils vivaient à quelques kilomètres les uns des autres.
Cela faisait maintenant deux mois qu’ils ne s’étaient pas croisés et c’était la première fois qu’Éric et sa fille découvraient leur nouvelle maison.
Une belle surprise nous attendait. Comme nous l’apprit la mère d’Éric, Gabriella, un chat avait décidé de les adopter. Avec de beaux poils tigrés, de grands yeux et une petite frimousse attendrissante, il s’était présenté à la porte-fenêtre de la cuisine qui était ouverte et avait miaulé. Cela faisait alors une bonne semaine qu’ils avaient déménagé. Gabriella lui avait donné un peu de jambon et une gamelle d’eau. Le chat n’avait pas de collier. Ce jeune chat était revenu tous les jours suivants. Angelo, le père d’Éric, l’avait amené chez le vétérinaire qui avait expliqué qu’il s’agissait d’une chatte et non d’un chat castré, qu’elle n’était pas pucée ou tatouée et qu’elle était jeune, moins d’un an. Les parents d’Éric avaient alors décidé de l’adopter.
La petite merveille fut appelée Câline tant elle aimait se faire caresser. Elle devint immédiatement ma copine.
Les repas étaient des moments de convivialité très importants pour les Massarina. Nous n’étions pas en Italie, mais c’était comme si ! Nous avons mangé la pasta ! Angelo nous ouvrit une bonne bouteille de Montepulciano d’Abruzzo. Sa mère nous promit pour le lendemain soir des pizzas faites maison, ce qui était l’unique façon dont la famille, d’origine toscane, envisageait de les manger. Les parents d’Éric avaient quitté l’Italie, enfants, après la Seconde Guerre mondiale, mais ils avaient amené l’Italie avec eux. Les deux familles venaient du même village de Toscane. Les deux amis d’enfance s’étaient mariés tout naturellement et s’entendaient à merveille. Un exemple à suivre dans cette époque où l’on divorçait si facilement.
Les vacances se présentaient donc pour le mieux. Nous allions nous promener, nous faire dorloter et prendre du poids en mangeant italien et en buvant sec. Le bonheur, quoi !
Dès le lendemain soir, Pierre, avec qui nous allions passer la journée, logerait avec nous pour plusieurs jours, car d’après ce que j’avais compris, sa maison avait été louée. D’après Éric, cela annonçait des soirées mémorables.
Noémie, de son côté, allait pouvoir profiter de ses grands-parents. Nous savions que nous n’allions pas beaucoup la voir, mais nous n’imaginions pas à quel point. J’avais senti qu’il se passait quelque chose, car Noémie et sa grandmère n’arrêtaient pas de faire des messes basses.
J’eus la réponse à mes interrogations à l’apéritif quand Gabriella prit la parole :
— Après avoir discuté avec Noémie cet après-midi, nous avons décidé de vous laisser la maison et de partir avec elle dès demain après-midi en Toscane pour qu’elle apprenne à mieux connaître la branche italienne de sa prolifique famille.
Si Éric fut surpris, il n’en montra rien. Il paraissait ravi de voir à quel point ce voyage impromptu semblait faire plaisir à sa fille. Gabriella continua :
— Si vous pouviez nous rejoindre là-bas quelques jours à la fin de notre séjour avant de rentrer dans la région parisienne, cela ferait plaisir à tout le monde et nous permettrait de vous voir un peu.
Je réalisai que nous allions avoir la maison juste pour nous et Pierre. On ne pouvait pas rêver mieux comme vacances !
Angelo nous avoua que ce voyage était programmé depuis longtemps, avant même que nous annoncions notre venue, mais qu’ils voulaient être sûrs que Noémie serait partante avant de le faire. Ils avaient eu Noémie au téléphone quand elle était chez sa mère et ils avaient tout manigancé et voulaient nous faire la surprise.
Gabriella ajouta une précision de poids en prenant Câline dans ses bras :
— Je compte sur vous pour prendre soin de cette beauté.
2e jour
Le lendemain matin, Câline vint me tirer du sommeil avec des ronronnements incroyables. Le réveil fut particulièrement douloureux. La soirée s’était terminée tard et avait été joyeuse et bien arrosée. J’étais en train de relâcher toute la pression de ces derniers mois et je n’avais qu’une envie : dormir pour recharger mes batteries. Voyant que je ne m’occupais pas d’elle, elle se mit à manger mes cheveux. Elle avait l’air d’apprécier particulièrement le fait qu’ils soient longs. Je me fis donc violence. Notre programme du jour n’était pas consacré à des moments de farniente, mais à la randonnée. Nous devions retrouver Pierre chez lui avant de partir tous les trois ensemble pour nous promener. Nous voulions découvrir les paysages de la région. Éric et moi avions besoin tous les deux de nous ressourcer et Pierre nous avait promis de belles marches dans l’arrière-pays que ce soit à l’étang de FontMerle, au camp romain du Rouret, sur le plateau de Caussols ou à l’observatoire de Calern, autant de destinations aux noms enchanteurs.
De son côté, Noémie avait préféré rester tranquillement chez ses grands-parents pour son dernier jour avant son départ. Je ne voulus pas faire de peine à Éric, mais ce n’était pas uniquement par amour pour ses grands-parents que l’adolescente ne venait pas avec nous, mais aussi parce qu’elle n’avait aucune envie de crapahuter et que la piscine lui faisait de l’œil. Je pensai alors, je l’avoue, que ces idées de marches régulières sur des pistes caillouteuses à fort dénivelé n’étaient pas forcément compatibles avec le côté reposant que j’imaginais de mon séjour.
Nous devions passer chez Pierre relativement tôt. En effet, sa maison était louée pour quelques semaines pour un tournage de film et il ne pouvait plus vivre chez lui pendant ce temps-là. Cela faisait une semaine que l’équipe du film installait le matériel et préparait les décors. Le réalisateur était sur place depuis la veille. Pierre avait un accès libre à sa maison et pouvait ainsi nous la montrer, il en était très fier.
Nous nous sommes donc retrouvés avant huit heures à Biot dans le quartier du Bois Fleuri devant le portail d’une propriété de la rue des tourterelles. Je pus enfin rencontrer l’ami d’enfance dont Éric m’avait tant parlé. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs années même s’ils avaient gardé le contact en s’appelant régulièrement et Éric était impatient de passer plusieurs jours avec lui. Ses parents le connaissaient très bien et c’est pour cette raison qu’il logerait avec nous à compter de ce soir jusqu’à la fin du tournage dans quinze jours, profitant de notre venue. La semaine précédente, il avait squatté chez Sylvie Dufour, une copine de lycée de sa sœur avec qui il faisait de la plongée. J’avoue n’avoir pas très bien compris le type de relation qu’il entretenait avec elle.
À côté d’Éric, Pierre faisait petit, mais je savais que ce n’était qu’un effet d’optique. Lorsque je me comparai à lui, je vis qu’il était un peu plus grand que moi. Il était de taille moyenne, entre 1,70 m et 1,80 m. Plutôt beau gosse, bien bronzé, cheveux noirs taillés en brosse, yeux bleus, polo, bermuda. A priori, complètement acclimaté à la région. Les filles devaient se bousculer au portillon. Il nous attendait au portail. Après de rapides salutations, je me dirigeai vers une très belle maison provençale de plain-pied avec son toit en tuiles, son préau, sa piscine, son grand jardin donnant sur la forêt… Je crois que c’est en la voyant que je me dis qu’il fallait que nous venions nous installer dans le Sud. La région parisienne me sembla tout à coup dénuée de tout intérêt. Qu’est-ce que je faisais là-bas ? J’oubliai un instant que j’y travaillais, que mes amis et mes parents y vivaient et qu’Éric y avait son entreprise.
Je me ressaisis et laissai les garçons prendre de l’avance afin qu’ils puissent se retrouver tranquillement. J’étais en train de contempler des oliviers et de m’interroger sur la nature des fleurs qui poussaient à côté (étaient-ce des agapanthes ?), quand j’entendis Pierre hurler, puis Éric pousser un énorme juron d’une voix paniquée. Éric étant quelqu’un de très calme, on pouvait même dire placide, et qui, surtout et contrairement à moi, ne jurait jamais, je me mis immédiatement à courir vers leur direction pressentant le pire.
Je compris vite ce qui les avait fait tant réagir. Moi aussi je poussai un cri d’effroi. Un corps sans vie flottait dans la piscine…
Je me rapprochai de la piscine redoutant ce que j’allais découvrir. Mon cœur battait à toute vitesse. Allais-je faire un malaise ? J’hésitai entre perdre connaissance ou m’effondrer en vomissant sur la magnifique terrasse en pierre de notre ami. Je pris une profonde inspiration pour reprendre mes esprits. J’avais peine à croire ce que je voyais. L’horreur. Les lumières du jardin et de la piscine étaient toujours allumées. Un homme flottait, les bras ouverts, la tête vers le bas. Il était habillé d’un jean et d’une chemise orange pâle. Une tenue inadéquate pour aller nager d’après moi. Il n’avait donc pas fait un malaise en se baignant. Aucun doute : il était mort. Des morts, j’en voyais tous les jours, je savais ce que c’était, mais c’était quand même autre chose d’en voir un qui n’était pas réduit à l’état de squelette.
Éric et Pierre étaient également bien secoués. Pierre me regarda d’un air paniqué.
— On est censés faire quoi ? On retire le corps de l’eau ?
Je le regardai, surprise. Il n’avait jamais vu de série policière ou lu un Agatha Christie ?
— Non, surtout on ne touche à rien. On prévient la police tout de suite.
Pierre se ressaisit :
— Oui. Bien sûr. Tu as raison. Ici, c’est la gendarmerie de Valbonne qui intervient. Je les appelle tout de suite.
Je montrai le cadavre du doigt.
— Tu connais cette personne ?
— Oui, c’est le réalisateur du film qui devait se tourner ici. Je l’ai vu hier en fin de journée.
Éric regarda Pierre :
— Je vais aller au portail ! Il faut empêcher les gens du tournage, qui vont bientôt arriver, de rentrer.
En attendant les forces de l’ordre, je pris le temps de regarder les lieux. Il m’apparut probable que la mort ne soit pas due à un malaise ou un accident. À côté d’une chaise longue renversée, un verre était cassé. Il y avait eu une lutte ou quelqu’un était tombé. La victime n’était pas seule quand elle avait atterri dans l’eau, on l’avait aidée. J’allai tout de suite voir Pierre.
— Tu as des caméras de surveillance ? Une alarme ?
— Non, je ne suis pas là depuis longtemps. Cela fait partie des choses dont je dois m’occuper, mais je n’ai pas pris le temps de le faire. Quelle erreur ! Au moins, on aurait pu vite comprendre ce qui s’était passé.
Les gendarmes arrivèrent rapidement dans deux voitures. Je ne sais pas ce que Pierre leur avait dit, mais cela avait produit son effet. Ils étaient cinq. Notre ami parut soulagé en voyant descendre d’un des véhicules un homme qu’il semblait bien connaître. Mon impression se confirma quelques secondes plus tard. Tous les deux se firent une accolade. Le lieutenant Rémi Pascouand, crâne rasé, bronzé, très musclé, yeux marron, avec un sourire incroyable, se présenta rapidement en me voyant, puis eut un air étonné qui se transforma en clin d’œil à Éric qui écarquilla les yeux et le salua.
— Et bien Éric ! Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vus ! Tu es en vacances dans le coin ?
Éric lui sourit :
— Oui, chez mes parents à Roquefort-les-Pins. Viens à la maison quand tu auras fini ta journée, Pierre loge chez nous à partir de ce soir.
— Avec plaisir.
Sans perdre davantage de temps, il rentra dans le vif du
sujet.
— Alors qu’est-ce qui se passe ici ?
Pierre lui fit signe de le suivre vers la piscine.
— Viens voir ma piscine.
Rémi Pascouand sut immédiatement pourquoi il avait été appelé sur les lieux. Il laissa un collègue prendre des photos du cadavre afin que sa position dans l’eau soit enregistrée avant qu’on le sorte, et pendant ce temps-là, appela le légiste.
Rémi, je l’appris un peu plus tard, était un copain avec qui Éric et Pierre passaient leurs vacances dans la région lorsqu’ils étaient en école d’ingénieurs — le monde est petit ! Ce fut lui qui nous interrogea. À quelle heure étions-nous arrivés ? 7 h 50. Est-ce que nous avions vu quelque chose de suspect ? Non. Est-ce qu’on avait touché à quelque chose ? Non.
— Connaissez-vous le mort ?
— Oui, répondit Pierre. C’est le réalisateur du film qui doit se tourner dans la maison. Enfin… devait se tourner…
— Il y a en effet des chances pour que l’on puisse parler de tout cela au passé. Ta maison servait de décor ?
— Oui. D’ailleurs, l’équipe de tournage devrait arriver d’un moment à l’autre.
Florian Pasconi, un gendarme, se présenta sur ces entrefaites.
— Il y a du monde au portail qui attend.
— Hors de question qu’ils rentrent tant que le légiste et la police scientifique ne sont pas venus sur les lieux.
Il hésita.
— Y’a un chef en bas ? Le régisseur ? Le producteur ? Le chef opérateur ?
— Je vais demander.
— Fais en monter un.
Florian n’insista pas sachant que cela ne servirait à rien. Il se demanda juste si son chef réalisait le niveau de bazar qui régnait dans la rue.
Des camions étaient garés tout le long de l’allée avec des projecteurs, des caméras, des treuils, des tentes, de quoi faire des en-cas, des perches, des écrans… et il n’y avait pas toute l’équipe puisqu’une partie des camions étaient stationnés, à quelques centaines de mètres de là, boulevard de la source, où les loges, la cantine… étaient en cours d’installation.
Les gens étaient sortis de leurs véhicules et certains s’étaient amassés devant le portail gardé par un agent de la police municipale, d’autres étaient partis manger quelque chose à la cantine, quelques-uns s’étaient éloignés un peu plus loin, sans compter ceux qui continuaient à décharger, à parler au téléphone, à taper sur leur portable, à dormir affalés sur les sièges de voiture ou même dans un hamac installé dans l’un des camions.
Heureusement pour Florian, le régisseur, Dominique Etchebar, un Basque, ancien joueur de rugby, la cinquantaine bien tassée, baroudeur qui pensait avoir tout vu sur les tournages, était bien sur place. Dès son arrivée, il avait immédiatement compris que quelque chose de grave s’était produit dans la villa. Il savait que le réalisateur, Cédric Romand, était là depuis la veille, car ils s’étaient vus tous les deux sur place vers 18 heures.
Ils avaient d’abord fait le tour des lieux en discutant avec les dernières personnes encore présentes responsables de l’installation des décors, le gros de cette équipe étant déjà partie sur le prochain lieu de tournage. Les décors étaient très beaux, le film se déroulait au début des années 70, ils avaient donc redécoré la salle à manger, la cuisine et la plus grande des chambres avec des tableaux, lampes, tapis, meubles, canapés de cette époque. Les décorateurs avaient même été jusqu’à changer les poignées de porte et les interrupteurs afin d’éviter tout anachronisme.
Ayant constaté que tout était conforme à leurs attentes, une fois tout le monde parti, les deux hommes avaient pris le temps de boire une bière. Ils avaient déjà travaillé plusieurs fois ensemble. Ils se connaissaient bien et s’estimaient. Dominique était reparti une heure plus tard. À sa connaissance, il n’y avait personne d’autre dans la maison après son départ, les gardiens en charge de la surveillance des lieux, n’arriveraient que le lendemain avec le matériel de l’équipe de tournage.
Bloqué devant le portail, Dominique imagina que ce dernier s’était blessé ou avait fait un malaise. Il était très inquiet même s’il ne le montrait pas. Il s’adressa directement à Florian en lui expliquant qui il était. Florian, soulagé de ne pas avoir à chercher un responsable au milieu de toute cette désorganisation — les voisins ne pouvaient même plus passer, sans parler du camion des éboueurs qui avait fait demi-tour — le fit entrer tout de suite dans la propriété et l’amena devant Rémi qui l’attendait à l’écart de la piscine.
Lorsque Dominique apprit le décès de Cédric, il ressentit un vrai choc comme un coup de poing dans le ventre. Il eut le souffle coupé et reprit difficilement sa respiration. Son impression de malaise augmenta lorsque Rémi lui apprit que la mort de Cédric avait de grandes chances de ne pas être accidentelle. Il réalisa subitement qu’il était très certainement la dernière personne à l’avoir vu vivant à l’exception du meurtrier bien sûr, ce qui faisait de lui un suspect de taille.
Rémi l’interrogea et reconstitua son emploi du temps de la veille. Après être reparti, le régisseur s’était rendu directement à l’hôtel où il avait passé la soirée avec un cameraman et le metteur en scène. En fonction de l’heure de la mort, il se pouvait qu’il ait un alibi qu’il faudrait vérifier. Malheureusement, il n’avait pas grand-chose d’autre à leur raconter. Il ne connaissait pas d’ennemi à Cédric qui lui semblait avoir une vie très normale.
Rémi ne voulut pas perdre plus de temps. Il conclut leur échange avec la phrase couperet que son interlocuteur devait attendre et redouter.
— Vous comprendrez, bien sûr, que le tournage est arrêté.
— Oui, évidemment.
— Vous habitez dans le coin, n’est-ce pas ? Il faudra rester à notre disposition. Vous ne pourrez pas non plus récupérer vos décors pour le moment.
— Oui, pas de problème.
— Voulez-vous annoncer la nouvelle vous-même à l’équipe ?
Même si Dominique n’en avait pas du tout envie, il préférait évidemment annoncer lui-même la mauvaise nouvelle à l’équipe. Ils l’avaient vu partir. Ils voyaient qu’il ne revenait pas. On les empêchait d’entrer dans la propriété. Ils se doutaient bien que quelque chose d’anormal était arrivé.
Il repartit le cœur lourd vers le portail. Une grande partie du jardin était inaccessible, car la police avait délimité un périmètre de sécurité. L’équipe fut rassemblée dans un endroit à l’écart de la piscine où le régisseur put leur apprendre le décès du réalisateur.
Je me mis sur le côté pour voir la scène. Peut-être que le tueur serait présent. Je guettai les réactions des uns et des autres. Rémi vint me rejoindre. J’imagine pour la même raison. Après un instant de stupeur, les questions fusèrent lorsque Dominique précisa :
— Nous allons tous être interrogés afin de connaître notre emploi du temps d’hier soir.
— Pourquoi ?
— Que s’est-il passé ?
— Ce n’est pas un accident ?