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Emma Latour, archéologue, vit dans une petite rue très calme de Suresnes jusqu'au jour où son voisin, le célèbre astronome Bernard Morin, disparaît. Cette Rue si Tranquille cache de lourds secrets et Bernard Morin a une vie bien moins lisse qu'il ne le laissait paraître. Accompagnée d'Eric Massarina, Emma mène son enquête entre trahisons, meurtres et espionnage. Bravant les dangers, Emma réussira-t-elle à retrouver Bernard Morin ?
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Seitenzahl: 273
Veröffentlichungsjahr: 2022
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« L’auteure a ce don de vous tenir en haleine jusqu’à la dernière page. Sa plume fluide vous plonge tout de suite dans l’ambiance. […] J’ai mené l’enquête avec le même rythme effréné qu’Emma. Les pages se tournent à une vitesse telle que la fin arrive vite. Je recommande fortement ce roman. » @lectures_decha
« Dès les premiers chapitres, l’auteure m’a happée dans son histoire… Une lecture addictive, captivante… Un suspense haletant aux multiples rebondissements… » @yael_ohara
« On sait très vite qui sont les protagonistes, mais cela ne gâche rien car [l’auteure] a su mettre du suspense, des tensions, on a toujours envie d’en savoir plus !! [...] [Elle] nous tient en haleine tout le long !!! Une lecture parfaite qui se dévore en quelques heures au coin du feu. » @au_ptit_boudoir
« Roman policier très addictif, l’intrigue est bien construite et le déroulement nous tient en haleine. Les chapitres courts donnent un bon rythme à la lecture. L’écriture est fluide et agréable. Très bon moment de lecture. » @ysadel2
« J’ai énormément aimé le rythme, l’écriture était fluide, il y avait beaucoup de dynamisme du fait de chapitres très courts alternant les points de vue de différents personnages. De plus, il y a beaucoup de recherches du côté des investigations informatiques […] ce qui rendait l’enquête très réaliste. » @juju_lecture
Une Rue si Tranquille est le cinquième roman à suspense de Nathalie Michau après Secrets de Famille (2004), Répétition (2006), Apparences Trompeuses (2013) et Meurtre à Dancé (2015).
Meurtre à Dancé introduit Emma Latour qui devient ensuite l’héroïne d’une série dont Une Rue si Tranquille est le premier tome.
Nathalie Michau a également écrit des nouvelles historiques avec Les Grandes Affaires Criminelles des Yvelines (2007) et, en collaboration avec Sylvain Larue, Les Grandes Affaires Criminelles de l’Essonne (2011).
Enfin, elle a publié des albums pour enfants (3-6 ans) avec Petite Lapinette est à l’heure à l’école (2013) et Petite Lapinette part en vacances (2014). Ces albums sont illustrés par Isabelle Vallet.
À tous ceux — amis, famille et lecteurs — qui m’accompagnent dans mon aventure littéraire.
À Julie et Gérald, Martine et Christelle, À Anthony, Aurélie et Fabrice, À Jeff, Sandre et Philippe, À Lina et Charly.
Nota Bene : Tous les éléments de ce roman sont fictifs. Je me suis inspirée de lieux et d’éléments scientifiques, juridiques ou géographiques existants, mais j’ai pris de nombreuses libertés. Aucun évènement ou personnage n’est réel. Toutes les erreurs ou approximations sont de mon fait.
Cette édition est la seconde du livre. J’en ai profité pour corriger des coquilles et mettre une couverture en cohérence avec la collection que je crée sur Les Enquêtes d’Emma Latour. L’intrigue n’a pas été changée. J’ai également rajouté une postface expliquant les conditions dans lesquelles ce livre a été écrit.
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59
Chapitre 60
Chapitre 61
Chapitre 62
Chapitre 63
Chapitre 64
Épilogue
Huit ans auparavant
À 2 heures du matin, par une nuit sans lune, les trois hommes amenèrent les lourds sacs-poubelle au bord du trou qu’ils venaient de creuser. Personne n’habitait là depuis plusieurs années. La maison était à l’abandon, tout comme son jardin, à la suite d’une histoire d’héritage difficile. La cachette idéale. Pour éviter tout problème si, un jour, de futurs propriétaires voulaient réhabiliter les lieux, ils avaient creusé profond. Ils mirent, avec quelques difficultés, les sacs dans la fosse, puis la rebouchèrent soigneusement en essayant de faire le moins de bruit possible. Il n’y avait pas de vis-à-vis, mais on n’était jamais assez prudents.
Un soulagement profond les envahit lorsqu’ils eurent terminé leur sale besogne. L’incident — si on pouvait appeler cela comme ça — était clos, ils ne reviendraient plus dessus. Ils pouvaient donc considérer que rien n’était arrivé. Ils jurèrent de ne plus en reparler. Leur petite vie tranquille pouvait reprendre.
À peine levée, encore en peignoir, je traversai à toute allure la petite cour devant ma maison pour récupérer le Parisien, dans la boîte aux lettres. Fébrilement, je l’ouvris. Je ne fus pas déçue. Comme promis par la journaliste avec qui j’avais échangé deux jours auparavant, la une de ce samedi titrait : Disparition du célèbre astronome Bernard Morin. En prenant mon petit déjeuner, j’allumai ma tablette. Soulagée, je pus constater que les autres médias reprenaient l’information. Enfin ! Il était temps ! Plus les jours passaient et moins on avait de chance de le retrouver.
J’avais lancé l’alerte sur les réseaux sociaux dès le jeudi matin. Mes messages sur Facebook et Twitter avaient bien été relayés et, comme je l’espérais, avaient suscité l’attention du public, puis de la presse qui m’avait contactée.
Bernard Morin, 62 ans, grand, chauve, un peu voûté, petites lunettes cerclées, très maigre, était un astronome spécialiste de l’étude du soleil, reconnu dans le monde entier. L’homme était également apprécié pour sa participation à des émissions scientifiques consacrées à la découverte de l’astronomie, diffusées sur des chaînes de télévision à forte audience. Il avait écrit de nombreux livres sur le système solaire, destinés au grand public, et plus particulièrement sur l’astre du jour. Ses ouvrages se vendaient très bien.
Je m’étirai avant de reprendre la lecture de mon article en dégustant une tasse de café bien fort :
Bernard Morin, le scientifique mondialement connu pour ses travaux sur les cycles du soleil et les orages magnétiques, n’a plus donné signe de vie depuis mercredi dernier. Sa disparition est d’autant plus inquiétante que sa voisine a retrouvé à son domicile son scooter, ses papiers, son téléphone portable, ses cartes de crédit et son argent.
— Avec moi dans le rôle de la voisine ! ne puis-je m’empêcher de penser.
Cette dernière nous a précisé qu’elle était très soucieuse, car Bernard Morin la prévenait chaque fois qu’il partait afin qu’elle surveille sa maison et donne à manger à sa chatte, ce qu’il n’a pas fait cette fois-ci. Le mystère reste donc complet.
L’article continuait en expliquant qu’un appel à témoins avait été lancé sur les réseaux sociaux afin que toute personne ayant vu l’astronome, depuis mercredi dans la soirée, puisse donner des informations qui pourraient s’avérer précieuses pour le retrouver.
Cette disparition me rappelait de mauvais souvenirs.1 Quelques années plus tôt, avec la célèbre romancière Édith Delafond, j’avais été impliquée, bien malgré moi, dans celle de Jacques de la Flandrière. Elle avait été suffisamment difficile et dangereuse à élucider pour que je n’aie pas envie d’être confrontée à celle de Bernard.
Cependant, j’avais appris à apprécier Bernard et je ne pouvais pas faire comme si rien ne se passait. Je ne voulais donc pas attendre son hypothétique retour, et ce, même si mes moyens d’action étaient quasiment inexistants. Je n’avais, en effet, aucun lien filial avec l’astronome et ce dernier ne m’avait jamais parlé d’une quelconque famille. Je n’avais pas non plus connaissance de menaces qu’il aurait pu recevoir. Impossible de déclencher une enquête : un homme a le droit de prendre la poudre d’escampette du jour au lendemain s’il en a envie. Je devais en apprendre plus, mais toute seule…
1 cf. Meurtre à Dancé de Nathalie MICHAU
La patience n’était pas ce qui me caractérisait le plus. J’aimais que tout aille vite. J’avais dû ronger mon frein pendant deux jours avant que la presse ne communique sur Bernard. J’espérais que cette médiatisation allait me permettre d’obtenir rapidement des informations.
Je connaissais mon voisin depuis quelque temps. J’avais quitté, deux ans auparavant, le bas de Saint-Cloud où j’avais vécu plusieurs années pour m’installer, à quelques kilomètres de là, dans les hauts de Suresnes, à la cité-jardin, un endroit à l’architecture si particulière. L’ensemble avait été construit entre 1921 et 1956 par les architectes Alexandre Maistrasse, Julien Quoniam, Félix Dumail, Christophe Cris-ter et Louis Bazin. Les lieux, composés d’immeubles de briques rouges, beiges et ocres de quatre étages, de maisons individuelles et de jardins, mais aussi de toutes les commodités (commerces, écoles, théâtre, lavoir, bain-douche, gymnase…) avaient été réhabilités entre 1986 et 1995. J’avais emménagé dans une maison construite pendant les années vingt, au 11 rue des peupliers, un endroit tranquille, pas très loin du marché, des commerces et de l’hippodrome de Saint-Cloud.
Bernard vivait, depuis à peu près six ans, dans la maison mitoyenne et presque identique à la mienne. Il travaillait à l’observatoire de Meudon, situé à quelques kilomètres de là, qu’il pouvait rejoindre en moins de 20 minutes en scooter. Nous avions sympathisé rapidement. Il m’avait laissé ses clés pour que, lorsqu’il se rendait à des conférences, je puisse donner à manger à sa chatte, une magnifique maine coon de huit kilos, surnommée Spicy que j’adorais. J’en profitais également pour surveiller sa maison et relever son courrier. La maine coon s’était installée chez moi depuis la disparition de son maître. Elle me suivait partout comme une âme en peine.
Pour retrouver l’astronome, je devais trouver des indices. J’étais persuadée que mon ami avait de graves ennuis et que l’une de ses connaissances était à l’origine de sa disparition. Cette intime conviction provenait de mes lectures sur la criminologie qui m’avaient appris que les proches sont presque toujours impliqués dans les évènements criminels que ce soit des enlèvements ou des homicides... À moi de deviner de quel proche il s’agissait.
J’essayai de me souvenir le plus précisément possible de ma soirée du mercredi. J’étais rentrée assez tard de mon chantier de fouilles archéologiques à Nanterre, très excitée par la découverte d’un sarcophage en plâtre du haut Moyen Âge accompagné de céramiques, de fibules et de bijoux en rubis et en or. Un vrai trésor. La tête encore pleine des échanges enthousiastes avec mes collègues sur le potentiel de ce chantier, je vis Spicy se diriger vers moi en miaulant. Le comportement de la chatte m’alerta immédiatement. Elle voulait rentrer chez moi manger. Ce n’était pas normal. Je sonnai chez l’astronome et pus constater son absence, ce qui me surprit, car j’avais rendez-vous avec lui ce soir-là. Sa porte n’était pas fermée à clé. J’entrai, pas très rassurée, pour effectuer un rapide tour dans la maison, imaginant Bernard victime d’un malaise ou d’un accident domestique. Lors de cette visite, je ne touchai à rien et ne trouvai aucune trace de lui.
Il était temps à présent de retourner dans sa maison avant que sa femme de ménage qui venait le mercredi, ne range et lave la maison et n’efface d’éventuelles traces. Je devais procéder méthodiquement comme sur un chantier de fouilles.
Je pensai aux trois tours de l’hippodrome de Saint-Cloud que je m’apprêtais à parcourir. Je soupirai et remis à un moment ultérieur mon footing, moment privilégié que je n’annulais que pour des raisons impérieuses. Je devais agir vite, l’urgence de la situation l’exigeait, car chaque minute qui passait diminuait la probabilité de récupérer Bernard vivant.
Accompagnée de la chatte, j’ouvris la porte de la maison de mon voisin et désactivai l’alarme. Je frissonnai. L’entrée était dans la pénombre et paraissait lugubre. J’avais la désagréable impression de visiter des lieux où je n’étais pas la bienvenue. Lors de ma dernière visite, l’alarme n’était pas mise. Bernard n’était donc pas parti de son plein gré. Il enclenchait toujours l’alarme, même lorsqu’il partait acheter le pain. Non ! Il ne la mettait pas lorsqu’il venait me voir par exemple. Il était donc peut-être sorti devant chez lui pour discuter et ensuite s’était fait enlever. Je fronçai les sourcils, signe d’intense concentration chez moi. La porte n’était pas fermée lorsque j’avais sonné mercredi soir. C’était d’ailleurs pour cela que j’avais imaginé qu’il ait pu être victime d’un malaise. La clé était restée dans la serrure de la porte du côté de son entrée. Je l’avais récupérée pour la mettre en lieu sûr.
Si l’on avait kidnappé Bernard, le ou les auteurs de son enlèvement n’étaient pas entrés par effraction. Aucune serrure ou vitre n’avait été forcée ou cassée. Je connaissais suffisamment le disparu pour savoir qu’il ne serait pas sorti sans ses papiers, son téléphone portable et un peu d’argent. Or, ces objets se trouvaient, devant moi, sur le guéridon de l’entrée. C’était très bizarre. Il ne mettait pas ses papiers à cet endroit-là d’habitude, mais dans une soucoupe cachée dans une armoire. Une autre personne l’avait fait à sa place ou Bernard avait voulu attirer mon attention par ce geste étrange. Mes soupçons se confirmaient, il ne s’agissait pas d’un vol crapuleux ayant mal tourné.
J’avais parlé à Bernard, la veille de sa disparition, le mardi à dix-huit heures, en rentrant de mon chantier. Un peu moqueur, il avait observé ma tenue, bien sale. Il avait plu une partie de la journée et j’avais généreusement pataugé dans la boue pendant plusieurs heures. Le métier d’archéologue ne présente pas que des avantages. Je savais à quoi m’attendre en me spécialisant dans l’anthropologie funéraire et le premier Moyen Âge. Il m’avait demandé :
— Comment ça va ? Tu as commencé un nouveau chantier, non ?
— Oui, depuis quelques jours maintenant. Je travaille le long du tracé de la ligne 15 du métro du Grand Paris, au niveau de Rueil-Malmaison. Les premières fouilles préventives ont permis de découvrir les traces d’une sépulture du début du Moyen Âge. Du coup, on m’a demandé de participer au chantier afin que je l’étudie. Le squelette semble en très bon état avec des objets funéraires bien conservés… Il y en a certainement d’autres sur le site. C’est incroyable ! Et toi ?
— Rien de nouveau. Le Soleil se porte bien ! Je travaille toujours sur mon projet de sonde qui va partir analyser la surface du Soleil afin d’étudier les éruptions solaires et leurs impacts sur terre. Cela avance bien et me passionne. C’est un projet qui va durer plusieurs années, un peu plus longtemps qu’un chantier, j’imagine, et les personnes avec qui je travaille sont, pour la plupart, très sympathiques… Sinon je ne sais plus si je t’ai dit que j’allais installer une piscine dans mon jardin. Je vais commencer à creuser. Cela va faire un peu de bruit dans la journée, mais cela ne te dérangera pas comme tu n’es pas là en ce moment. Une petite tractopelle est arrivée aujourd’hui.
Mon voisin adorait faire des travaux, c’était un bricoleur expérimenté. Rien d’étonnant à ce qu’il s’occupe seul d’installer une piscine.
— Non ! C’est une très bonne nouvelle ! Je vais souvent venir te rendre visite pendant les beaux jours, Bernard !
— Avec plaisir Emma.
Nous avons continué à discuter de choses et d’autres comme du voisinage qui n’allait pas être content à cause des nuisances que son chantier allait causer, du jardinage à la suite des fortes pluies, de Spicy qui perdait ses poils avec le printemps, des barbecues à venir et des vacances d’été… Rien d’exceptionnel. Des conversations de voisins qui s’entendent bien.
Bernard ne m’avait pas paru angoissé, il parlait d’une manière joyeuse de ses projets. Il ne m’avait pas donné l’impression de rencontrer de graves problèmes d’argent, relationnels ou autres, ou d’avoir préparé une disparition subite. Mais certaines personnes peuvent cacher leur jeu et donner l’impression d’aller bien alors qu’elles se trouvent dans des ennuis monstrueux.
Le SMS qu’il m’avait ensuite envoyé une demi-heure plus tard me semblait, après réflexion, des plus étranges : peut-on se voir demain dès ton retour de chantier ? J’ai besoin de ton avis.
Occupée à autre chose, j’avais consulté son message d’un œil distrait, un peu intriguée. J’avais imaginé qu’il allait me demander de garder son chat, de le dépanner en sel ou de lui rendre un service anodin, mais en fait, il voulait peut-être me parler de quelque chose de vraiment important. Il voulait mon avis. J’aurais dû réagir. Il n’avait pas besoin de mon avis pour que je garde son chat ou lui donne du sel. Je n’arrivais pas à imaginer quel type d’avis pertinent Bernard imaginait que je puisse lui donner.
Mon voisin avait disparu entre le mardi vingt heures et le lendemain dix-neuf heures, heure à laquelle j’avais sonné chez lui. Je penchais plus pour une disparition la veille au soir, car Spicy avait faim quand je l’avais récupérée. Cela faisait donc un moment que son maître n’était plus là pour s’occuper d’elle.
Je pénétrai dans la mezzanine située au premier étage qui servait de bureau et de bibliothèque au scientifique. Je connaissais bien ce lieu que mon voisin affectionnait. Il y régnait un savant désordre dont lui seul connaissait la logique, entre livres et revues majoritairement scientifiques empilés sans aucun classement apparent, dossiers entassés sur deux fauteuils en cuir un peu fatigués qui faisaient face à sa table de travail en verre. Difficile de deviner si des papiers avaient été dérobés.
Quelque chose, néanmoins, me sauta aux yeux. Son ordinateur portable avait disparu. Il aurait dû trôner sur son bureau et il y avait un espace vide à la place. On pouvait même remarquer des traces de poussière autour de l’endroit où il se trouvait d’habitude. L’ordinateur ne bougeait jamais. Bernard avait acheté un portable peu encombrant et en utilisait un autre lors de ses déplacements professionnels qui restait à l’observatoire. Ce n’était pas normal. Quelqu’un lui aurait donc volé son PC. Que pouvait-il donc contenir de si important ? Mes derniers doutes me quittèrent. La situation était grave. On avait très bien pu le kidnapper à son domicile avant de fouiller la maison.
Je me rappelai soudain que j’avais en ma possession, un NAS2 qu’il utilisait pour sauvegarder ses fichiers. Un mois plus tôt, il m’avait proposé de me joindre à lui pour observer une éclipse partielle de Lune sur l’esplanade de Meudon. En pleine observation, il m’avait demandé si j’accepterais de le dépanner :
— Je cherche un endroit de confiance où je pourrais stocker mes données personnelles. Je ne veux pas que ce soit chez moi au cas où ma maison brûlerait par exemple. Est-ce que cela te dérangerait si je laissais chez toi mon NAS ? Tu as juste à le laisser allumé. Grâce au réseau, lorsque je sauvegarderai mes fichiers sur mon ordinateur, ils se copieront automatiquement sur l’appareil.
J’avoue que, à l’époque, je l’avais trouvé un peu paranoïaque. Manifestement, j’avais eu tort. Curieuse, j’avais essayé de comprendre pourquoi il me demandait cela.
— Tu conserves des données scientifiques sur ton PC ? Je croyais que tu ne l’utilisais pas pour le travail.
Il prit peur.
— Si cela te dérange, je trouverai une autre solution…
— Non, le coupai-je, excuse ma curiosité. Cela n’a aucune importance. Je suis d’accord. Viens l’installer chez moi quand tu veux. On le mettra dans mon bureau.
Je n’y connaissais rien en réseau et en NAS. À l’époque, je m’étais dit que si cela pouvait le rassurer, cela ne me posait pas de problème. Maintenant, j’étais moins tranquille. Si on avait volé son PC pour son contenu, j’espérais que personne n’arriverait à savoir que sa sauvegarde était chez moi. Je me rappelais que mon voisin m’avait donné, avec son NAS, une enveloppe qui devait contenir une notice. Je me promis de la consulter pour vérifier qu’elle me donnait bien un moyen d’accéder aux sauvegardes. Leurs contenus me permettraient peut-être d’apprendre ce qui lui était arrivé.
Je furetai à la recherche de pistes à l’intérieur de la maison. Je mis des gants en latex que j’utilisais sur mes chantiers de fouilles afin de ne pas laisser de traces – peut-être que la police s’intéresserait aux lieux plus tard – et fouillai avec soin le contenu du bureau. Je ne trouvai rien de bien passionnant de prime abord : quelques factures dont certaines en retard, des brochures publicitaires sur les piscines, des revues astronomiques en anglais. Je découvris ensuite l’agenda et le carnet d’adresses de l’astronome dans l’une des strates d’une pile d’affaires entassées sur son bureau. J’espérais que son agenda était à jour. Il pourrait être une mine d’informations sur son emploi du temps précédant sa disparation. Son carnet d’adresses pourrait contenir les coordonnées de personnes de sa famille que je pourrais contacter afin qu’une enquête pour disparition inquiétante soit ouverte. J’emportai les deux carnets pour les étudier tranquillement chez moi ainsi que les factures.
Je me dirigeai ensuite vers la chambre de Bernard. Pour un célibataire, il avait mis de beaux draps, le lit était fait et la pièce était propre et bien rangée –contrairement au bureau. J’ouvris les tiroirs et la penderie. Ses sous-vêtements étaient de bonne qualité et plutôt aguicheurs. Il avait peut-être une petite amie ou mettait tout en œuvre pour en attirer une. Mais aucune affaire de femme ou deuxième brosse à dents n’était visible dans la salle de bain. Il n’en était peut-être qu’aux premiers pas.
Au-dessus de l’armoire, je trouvai un paquet-cadeau de petite taille. Je l’attrapai et le tournai dans tous les sens pour voir si un nom avait été inscrit dessus ou sur une étiquette. Rien. J’emportai le cadeau avec moi. Je ne voulais pas l’ouvrir dans cette maison, et surtout, je ne voulais pas traîner là plus que nécessaire. L’atmosphère des lieux me pesait de plus en plus. Si je m’étais écoutée, je serais partie immédiatement. J’avais peur que quelqu’un n’arrive et me surprenne. Je pris une grande inspiration pour me calmer avant de passer dans les autres pièces.
Je ne remarquai rien de particulier à l’exception notable d’une excellente bouteille de Chianti Riserva posée en évidence sur la table avec deux très beaux verres à dégustation. Bernard avait sorti le grand jeu. Qui attendait-il ? La femme au cadeau ? Ou quelqu’un d’autre ?
Cela me fit soudainement penser que je déjeunais le midi-même avec celui qui partage ma vie depuis deux ans. J’ai rencontré mon amoureux, un bel homme brun avec de magnifiques yeux bleus et un sourire charmeur, dans une soirée organisée par un ami commun qui faisait une pendaison de crémaillère. Nous étions tous les deux célibataires et ne connaissions pas grand monde. Nous nous sommes parlé autour d’une coupe de champagne et je me suis laissé envoûter par sa voix grave et chaude. Nous nous sommes ensuite revus régulièrement. Éric dirigeait une société en pleine expansion spécialisée dans la cyber protection des entreprises. Son travail lui prenait beaucoup de temps.
Nous habitions chacun de notre côté, car Éric avait une fille, Noémie, de douze ans en garde alternée. Il préférait pour le moment ne pas perturber son organisation avec elle et j’aimais mon indépendance et ma tranquillité. Conserver deux logements ne nous dérangeait donc pas. De plus, jouer un rôle de belle-mère, une semaine sur deux, ne me séduisait pas plus que cela. J’aimais bien les enfants, mais de là à vivre avec ceux des autres, il y avait un pas que je ne me sentais pas encore prête à franchir.
Les enfants étaient un sujet sensible pour moi. Je n’en avais pas, non pas parce que je n’en voulais pas, mais parce que je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui m’avait donné envie de fonder une famille. C’est un engagement fort et je voulais le prendre avec un partenaire en qui j’aurais toute confiance. Cet homme providentiel n’est pas arrivé à temps et maintenant, à presque cinquante ans, j’étais trop vieille pour tenter l’expérience, même si j’étais certaine qu’Éric aurait fait un père génial.
Je chassai ces idées qui me rendaient un peu triste pour me concentrer à nouveau sur la disparition de Bernard. Je terminai ma visite par un rapide tour de jardin. Comme il me l’avait annoncé mardi soir, Bernard avait commencé les travaux de déblaiement pour sa piscine, même s’il n’avait pas creusé sur beaucoup de surface. La vue de la tractopelle me conforta. On ne loue pas un tel engin pour disparaître je ne sais où juste après. À part le trou boueux dans le jardin, je n’aperçus rien de particulier. Il subsistait bien quelques empreintes de pas sur la terrasse, mais il était difficile de savoir si elles appartenaient à une ou plusieurs personnes tant la pluie tombée abondamment ces derniers jours les avait lessivées.
Les indices étaient maigres. Pas de traces de lutte, apparemment rien n’avait été dérangé ou cassé, si l’on excluait l’ordinateur qui avait disparu. Soit, il avait rencontré son ou ses interlocuteurs à l’extérieur de son domicile sans moyen de locomotion, ni argent, soit, il les connaissait et les avait fait rentrer chez lui ou les avait suivis de son plein gré.
J’avais laissé dans l’entrée le portefeuille et le porte-monnaie de mon ami. Je les emportai pour les examiner. Je vis également sur le guéridon de l’entrée son téléphone portable et quelques cartes de restaurant, je les pris aussi. Je vérifiai que la chatte était bien avec moi en refermant la porte soigneusement. Je vidai la boîte aux lettres qui commençait à être bien remplie et repartis chez moi avec le courrier.
2 Un NAS est un périphérique informatique utilisé pour le stockage de fichiers via un réseau.
De retour chez moi, je m’installai confortablement sur le canapé dans ma grande salle à manger lumineuse grâce à sa grande baie vitrée. J’avais posé sur la table basse un verre de jus de cerise et allumé une lampe, malgré le beau temps, pour pouvoir mieux observer tous mes trésors stockés dans un carton. Une nouvelle fois, je mis des gants. Je consultai d’abord le courrier. J’ouvris toutes les lettres de Bernard. Je n’avais plus aucun scrupule et ne me sentais en rien tenue de respecter son intimité. Des relevés de banque me montrèrent que Bernard n’avait pas d’ennuis financiers et qu’il n’avait reçu ou émis aucun virement important ces derniers temps. Je mis de côté le reste du courrier à l’exception d’une lettre manuscrite qui attira mon attention. L’enveloppe ne possédait pas de timbre. Elle avait donc été déposée dans la boîte aux lettres directement. La lettre était écrite à l’encre bleu-turquoise. Une lettre de femme, cela ne faisait aucun doute. Son contenu ne laissait place à aucune équivoque, la lettre provenait d’une femme amoureuse et inquiète :
Mon amour,
Tu ne m’as pas appelée hier soir pour que nous nous retrouvions. Je t’ai attendu toute la nuit. Je n’ai pas de tes nouvelles. Je suis très inquiète. De plus, je t’écris, car maintenant je suis certaine que tu avais raison et qu’il me surveille moi aussi. Peut-être regarde-t-il mes messages sur mon portable ? Mes courriels ? Je crains le pire. Va-t-il s’en prendre à toi ? À moi ? Je n’ose plus te contacter par SMS. D’où cette lettre. Peux-tu me retrouver demain matin à l’endroit habituel ? Dois-je venir avec mes affaires comme nous l’avions prévu ?
Mille baisers.
Le mot était daté du lendemain de la disparition de Bernard. Pas de signature. Aucun moyen de savoir qui était cette mystérieuse amoureuse. J’observai avec attention l’enveloppe. Pas d’adresse au dos. Le cadeau du haut de l’armoire devait être destiné à son auteure. Je l’attrapai et déchirai son emballage. Je découvris une très belle bague, le présent était sans aucun doute destiné à une femme. Le paquet contenait une petite carte :
Je t’aime.
Enfin, nous allons pouvoir vivre ensemble heureux.
Mille baisers.
Bernard
Cette femme, a priori mariée d’après sa lettre, devait se faire un sang d’encre. Pendant un instant, je ne pus m’empêcher de la plaindre. Je l’imaginai, effrayée par la violence de son mari qui surveillait ses faits et gestes. Elle devait le quitter pour aller vivre avec celui qu’elle aimait et ne savait pas comment faire pour le lui annoncer. Et depuis qu’elle avait pris la décision de retrouver son nouvel amour, elle n’avait plus aucune nouvelle de lui. Quelle horreur ! Quelles pensées terribles devaient lui traverser la tête !
Je repensai ensuite à Bernard. Quel cachottier ! Il avait été très discret. Je n’avais jamais vu une femme, à l’exception de la femme de ménage, entrer ou sortir de chez lui. Il devait rencontrer celle que je me plaisais à surnommer tout bas la belle inconnue la journée, en dehors de chez lui. Cette femme devait également avoir des horaires souples ou être à son compte ou encore ne pas travailler.
J’ouvris l’agenda de mon voisin. Après avoir tourné quelques pages, je tombai sur le jour où il m’avait invitée à observer l’éclipse partielle de Lune avec sa lunette astronomique. C’était un grand passionné de la Lune. Le satellite de la terre présente l’avantage d’être facile à observer même d’un endroit avec une pollution lumineuse et atmosphérique très dense comme sur Paris et sa proche banlieue. J’aimais bien partager ces moments d’observation avec lui. Mon nom figurait en trigramme ELA. Le E était la première lettre de mon prénom Emma et les deux suivantes LA, les premières de mon nom de famille : Latour. Je continuai à tourner les pages de l’agenda. Il notait tous ses rendez-vous avec des trigrammes que le rendez-vous soit professionnel ou privé. Comment deviner qui était la belle inconnue ? Il devait la rencontrer dans la journée puisque sa maîtresse était mariée et le mari, semblait-il, jaloux. Leur relation devait durer depuis un bon moment s’ils en étaient à s’installer ensemble. Je consultai le carnet sur quelques semaines. Plusieurs trigrammes revenaient de manière récurrente. J’ouvris le carnet d’adresses pour trouver à qui ils pouvaient bien correspondre. Je reliai rapidement les différents trigrammes des personnes avec qui il travaillait. Restait LRE qui ne figurait pas dans le carnet. Qui cela pouvait-il être ? Il voyait cette personne deux fois par semaine le midi. Ils arrivaient même à aller au restaurant le soir, de temps en temps, peut-être lors d’éventuels déplacements du mari, s’il s’agissait bien de la belle inconnue, comme je le soupçonnais.
Une nouvelle fois, je relus lentement le message de l’inconnue. Tous les deux semblaient communiquer régulièrement par courriel et SMS. Je pris le portable du scientifique. Il était chargé à fond. Je le branchais afin d’éviter qu’il ne se décharge. Je ne connaissais pas son mot de passe au démarrage. Pas question qu’il se vide et s’éteigne. Soulagée, je constatai que Bernard n’avait pas fait preuve de grande imagination pour choisir le mot de passe déverrouillant son portable. Je testais tout d’abord le 000000, puis le 888888 qui ne fonctionnèrent pas. Je pris sa carte d’identité dans son portefeuille et pus voir qu’il était né le 21 avril 1952. Je saisis le 210452 et le téléphone se déverrouilla. Je regardai les appels qu’il avait reçus depuis sa disparition. Une Laurence – sans nom de famille – avait essayé de l’appeler à plusieurs reprises. J’écoutai le message qu’elle avait laissé. Le ton était angoissé peut-être même que Laurence était en train de pleurer. Impossible d’en être certaine.
Bernard, je suis très inquiète. Je n’ai pas de nouvelles de toi. Que se passe-t-il ? Pourquoi ne me rappelles-tu pas ? Je t’ai attendu et tu n’es pas venu. Jamais tu n’avais manqué l’un de nos rendez-vous sans me prévenir. J’ai peur qu’il ne te soit arrivé quelque chose. Je t’aime.
J’eus un déclic. Je connaissais cette voix. J’avais déjà parlé avec cette personne. Je me mis à regarder ses connaissances une par une. Je devais trouver une personne mariée, avec qui Bernard était en relation, qui s’appelait Laurence et dont le nom de famille commençait par RE. Ça semblait simple, mais cela ne l’était pas… Cela ne pouvait être que quelqu’un du voisinage. Une commerçante, docteur, voisine ou la factrice ? Nous n’avions pas d’amis communs. Je n’ai jamais discuté avec une femme avec qui il travaillait. La réponse était sur le bout de ma langue et c’était très agaçant ! Je passai à autre chose afin de laisser à mon inconscient la possibilité de m’amener la solution.
Je repris son portable afin de regarder ses SMS des deux dernières semaines, je ne vis rien de spécial. Cela confirmait mon intuition : il connaissait son agresseur. Subitement, je repris la bague et la positionnai sous la lumière de la lampe. Je devinai une inscription à l’intérieur de l’anneau. J’allai chercher dans mon bureau une loupe et réussis à lire : Bernard et Laurence