Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Emma Latour, archéologue, intervient sur un chantier de fouilles à côté du lac d'Annecy, à la demande de Dimitri Milawitch, un riche entrepreneur. Elle est invitée à fêter son anniversaire. Or, juste après une discussion des troublantes avec lui, il meurt d'une crise cardiaque en soufflant ses soixante-quinze bougies. Tous les convives considèrent sa mort comme naturelle sauf Emma, persuadée qu'il a été tué. Dans cette nouvelle enquête, Emma navigue entre détournement de fonds, chantage, trahison et enjeux écologiques tandis que d'anciens secrets d'une famille, pas comme les autres, redeviennent d'actualité. « Les événements s'enchaînent, les révélations nous font douter tout au long du récit. Il n'y a pas un seul moment où j'étais dans le vrai. L'auteure sait nous conter des histoires. C'est fluide, c'est léger et tellement riche en suspense et en rebondissements. En un mot, c'est ADDICTIF. » @damex_lectures
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 337
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
« C’est un cosy polar, bien mené, bien pensé, avec une intrigue, pas si simple que ça, qui tient bien la route. Pas de temps mort, des personnages qui ne laissent pas indifférent. Un excellent moment de lecture, même si je regrette une chose : avoir déjà terminé. » @coetseslivres
« Nathalie Michau parvient à combiner une enquête complexe et très immersive avec des personnages qui font froid dans le dos, le tout dans une ambiance bourgeoise. Les amateurs de romans policiers et/ou de cosy-mystery apprécieront cette histoire bien ficelée et pleine de surprises !» @melle_cup_of_tea
« J’ai pris plaisir à retrouver la plume de l’auteure que je trouve très fluide et intéressante. Je peux vous dire qu’on ne manque ni d’actions ni de révélations. Je ne m’attendais pas à cette fin. L’auteure a réussi à me surprendre. » @histoiresenchantees
« J’ai été contente de retrouver notre archéologue et passionnée d’écriture pour cette nouvelle aventure qui se révèle haute en couleur ! J’ai beaucoup apprécié la découverte de ces chapitres courts et entraînants semblables à des pièces de puzzle dont le tableau final se forme petit à petit. » @lespalsdemousquetaire11
« Les événements s’enchaînent, les révélations nous font douter tout au long du récit. Il n’y a pas un seul moment où j’étais dans le vrai. L’auteure sait nous conter des histoires. C’est fluide, c’est léger et tellement riche en suspense et en rebondissements. En un mot, c’est ADDICTIF. » @damex_lectures
« Une histoire de folie en passant par l’archéologie, les écologistes, un meurtre avec des histoires familiales. L’intrigue est captivante et suscite du suspense. L’auteure a réussi à nous faire réfléchir pour trouver une solution à ce crime avec Emma. »@mes.petites.lectures.du.moment
« L’autrice nous livre encore une fois un récit complet, passionnant et captivant. Sur fond d’écologie, de rivalités familiales ou encore de secrets bien gardés, le lecteur embarque dans cette lecture qu’il ne peut pas lâcher avant de connaître la fin. » @lectures_decha
« Encore une fois, je me suis régalée avec les aventures d’Emma, jeune archéologue passionnée et passionnante ! Une nouvelle aventure avec des secrets de famille et de nombreux rebondissements qui nous gardent en haleine et rendent la lecture addictive ! L’auteure m’a bien embobinée !» @leslecturesdelaeti
Un Anniversaire presque Parfait est le septième roman à suspense de Nathalie Michau après Secrets de Famille (2004), Répétition (2006), Apparences Trompeuses (2013), Une Rue si Tranquille (2021), Meurtre à Dancé (2022) et Intrigues sur la Côte d’Azur (2023).
Un Anniversaire presque Parfait est le quatrième tome de la série Une enquête d’Emma Latour après Meurtre à Dancé, Une Rue si Tranquille et Intrigues sur la Côte d’Azur.
Nathalie Michau a également écrit des nouvelles historiques avec Les Grandes Affaires Criminelles des Yvelines (2007) et, en collaboration avec Sylvain Larue, Les Grandes Affaires Criminelles de l’Essonne (2011).
Enfin, elle a publié des albums pour enfants (3-6 ans) avec Petite Lapinette est à l’heure à l’école (2013) et Petite Lapinette part en vacances (2014). Ces albums sont illustrés par Isabelle Vallet.
À mes deux amours, Julie et Gérald, qui supportent avec beaucoup de courage et d’abnégation la romancière que je suis,
À ceux qui croient en moi et sans qui cette aventure n’aurait pas lieu, À Laeti qui tient une place très particulière dans ce pro- cessus de création,
À mes lecteurs avec qui j’ai tant de plaisir à partager mes écrits.
Nota Bene : Tous les éléments de ce roman sont fictifs. Je me suis inspirée de lieux et d’éléments scientifiques, juridiques ou géographiques existants, mais j’ai pris de nombreuses libertés. Aucun événement ou personnage n’est réel. Toutes les erreurs ou approximations sont de mon fait.
Ce roman est la réécriture d’Apparences Trompeuses, roman publié en 2013 dont j’ai récupéré les droits. Je souhaitais remettre cette histoire en avant et s’est posée la question de rééditer le livre tel quel ou l’intégrer dans l’univers d’Emma Latour. J’ai fait quelques sondages auprès de mes fidèles lecteurs et les avis ont été unanimes, il fallait le mettre à la sauce Emma Latour.
Faire ce travail m’a pris beaucoup plus de temps qu’on peut le penser. Je n’ai pas juste transposé l’histoire, il a fallu fusionner deux mondes distincts, celui de mon héroïne qui rentrait en collision avec celui de cette intrigue.
J’espère que cette nouvelle version de ce suspense vous plaira.
Dimitri Milawitch, le patriarche
Florence Clément, sa première femme (décédée)
Christine Clément, la sœur de sa première femme Jérôme Clément, son fils
Catherine Laporte, sa seconde femme Guy Laporte, son fils
Hervé Milawitch, son fils de son premier mariage Marie Latour, sa femme
Béatrice Milawitch, sa fille de son premier mariage Michel Devigne, son mari
Benoît Milawitch, son fils de son premier mariage
Thomas Dupuis, le directeur financier Élisabeth Dupuis, sa femme
Les domestiques Martha, Edmond et Geoffroy
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59
Chapitre 60
Chapitre 61
Chapitre 62
Chapitre 63
Chapitre 64
Chapitre 65
Chapitre 66
Chapitre 67
Chapitre 68
Chapitre 69
Chapitre 70
Chapitre 71
Chapitre 72
Chapitre 73
Chapitre 74
Chapitre 75
Chapitre 76
Chapitre 77
Chapitre 78
Chapitre 79
Chapitre 80
Chapitre 81
Chapitre 82
Chapitre 83
Chapitre 84
Chapitre 85
Chapitre 86
Chapitre 87
Chapitre 88
Chapitre 89
Chapitre 90
Chapitre 91
Chapitre 92
Chapitre 93
Chapitre 94
Chapitre 95
Épilogue
Remerciements
Tout sourire, inconsciente du drame dans lequel j’allais basculer moins de deux heures plus tard, j’entrai dans la salle à manger, Éric Massarina, mon compagnon, à mon bras. J’avais fait un effort vestimentaire conséquent avec une robe longue bleu marine très fluide achetée quelques années auparavant, pour une soirée chic. Cela me changeait de mes confortables pantalons de chantier, mais je ne regrettais pas mon choix. Je me retrouvais en plein conte de fées. Éric était très beau aussi dans son costume qui faisait ressortir ses yeux bleus charmeurs.
Nous étions dans une magnifique demeure, située à Chavoire, un hameau de la petite commune de Veyrier-du-Lac, en Haute-Savoie. Elle avait été construite après la Seconde Guerre mondiale, puis réaménagée à plusieurs reprises. On ne pouvait que deviner la maison carrée toute blanche derrière la grille noire en fer forgé. Son grand parc arboré, méticuleusement entretenu, depuis des années, donnait directement sur le lac d’Annecy.
Nous nous retrouvions, tous les deux, dans cet endroit magique, car ma sœur, Marie avait épousé Hervé, l’un des fils de Dimitri Milawitch. Ce dernier fêtait, ce soir-là, ses soixante-quinze ans.
Nous nous avancions vers la salle à manger où je pus observer Catherine Laporte. L’épouse de Dimitri, bien trop maquillée à mon goût, les cheveux artistiquement attachés en un chignon volumineux placé sur le sommet du crâne, vêtue d’une longue robe noire en lamé des plus excentriques, se dirigea vers nous. Elle s’affairait pour placer les invités autour d’une imposante table en bois massif. La porcelaine, le cristal et l’argenterie brillaient de tout leur feu. Manifestement, cette femme adorait recevoir. D’après Marie, Catherine avait dû beaucoup insister pour convaincre son mari de fêter son anniversaire.
Nous saluâmes les enfants de Dimitri et leur conjoint ; Guy Laporte, le fils de Catherine ; Christine Clément, la sœur de la défunte première femme de Dimitri accompagnée de son fils Jérôme Clément et, enfin Thomas Dupuis, son associé, et son épouse Élisabeth.
Une fois les quatorze convives installés, Edmond, le majordome, commença à amener les entrées préparées par Martha, une employée d’une cinquantaine d’années qui tenait, selon les circonstances, le rôle de cuisinière ou de femme de ménage. Elle avait préparé une salade de homards divine.
Le dîner était agréable. La belle table, les mets et le vin délicieux y contribuaient pour beaucoup. Cependant, je trouvais le temps long.
À ma droite, Jérôme, le fils de Christine, me snobait, estimant que je ne pouvais rien lui apporter. Il avait quand même pris le temps de me raconter sa vie. Âgé de trente-neuf ans, il représentait l’archétype du carriériste ambitieux prêt à tout pour avancer professionnellement. Tout ce que je détestais. Sa mère lui avait légué la moitié de ses parts de l’entreprise familiale et il y travaillait en tant que directeur commercial. Son unique objectif : prendre la place de Dimitri qu’il pensait trop vieux pour diriger la société. Tel le vautour, il attendait son heure tranquillement.
En dégustant mes rouleaux de truite aux langoustines et asperges vertes, je pus observer à loisir, à ma gauche, Benoît, l’un des fils de Dimitri, qui cherchait avec succès et application à s’enivrer. Il avait une quarantaine d’années, mais en paraissait dix de plus. Je savais par ma sœur qu’il n’avait jamais pu garder un emploi tant il était instable. Il enchaînait les petits boulots et survivait grâce aux subsides de son père. Il avait desserré sa cravate, ouvert son col de chemise et s’affaissait de plus en plus sur son siège. Impossible, même en faisant de courageux efforts, d’établir avec lui un échange suivi de quelques minutes, ne serait-ce que sur des banalités.
Je tentai finalement de discuter avec Éric, placé en face de moi, mais notre conversation difficile avec le bruit ambiant s’épuisa rapidement.
Je me recentrai sur mon repas. J’appréciai un verre d’un très bon vin blanc dont je ne connaissais pas l’origine. Il devait s’agir d’un Bourgogne, peut-être un chablis grand cru. Je me notai de demander discrètement ses références au majordome lorsque nous sortirions de table. Nous avions décidé avec Éric d’investir dans une cave à vin qu’il allait désormais falloir remplir.
J’écoutai d’une oreille distraite les discussions enflammées à l’autre bout de la table. Les membres de la famille parlaient de l’Entreprise. Cela semblait être d’ailleurs le seul sujet capable de susciter l’attention de l’assemblée. Ils y avaient tous travaillé, ne serait-ce qu’en tant que stagiaire.
Hervé, que je connaissais mieux que les autres, car je le voyais régulièrement avec Marie, m’avait raconté l’histoire de l’Entreprise. Dimitri Milawitch avait créé une petite société de conseil informatique, trente-cinq ans plus tôt avec Francis Leduc – le beau-père de sa première femme, Florence – et René Dupuis – le père de Thomas, son partenaire actuel. Dimitri y avait le plus investi d’argent et en avait pris la présidence. Il avait fait croître la société de manière conséquente, et maintenant, c’était l’un des fleurons de la région, de plus de trois mille personnes, installé dans la zone des Glaisins, à Annecy-le-Vieux, dans un magnifique immeuble tout en verre, entouré de verdure. Dimitri avait voulu recréer une atmosphère de campus et de créativité très avant-gardiste à l’époque de sa création. Les employés pouvaient venir habillés comme ils le souhaitaient et aucun contrôle horaire n’était effectué. L’entreprise se voulait sociale et possédait un comité d’entreprise bien doté. Une salle de sport, une cantine bio et une crèche avaient été créées dans les locaux.
À soixante-quinze ans, Dimitri avait envie de prendre sa retraite. Il était donc question de vendre. Des investisseurs étrangers semblaient très intéressés pour reprendre la société. Le sujet était brûlant, car si Dimitri, Christine et son fils Jérôme ainsi que Thomas détenaient des parts, les enfants de Dimitri avaient aussi des intérêts – même s’ils étaient minoritaires – dans la LMD : l’entreprise Leduc, Milawitch et Dupuis.
La plupart d’entre eux voyaient là l’opportunité de toucher beaucoup d’argent, la société étant estimée à environ deux cent cinquante millions d’euros. Seuls Dimitri et Jérôme ne souhaitaient pas la vendre. Leurs motivations n’étaient pas du même ordre.
Le premier n’avait pas confiance dans les investisseurs, avait peur qu’il y ait des licenciements à la suite du rachat et ne voulait pas lâcher son bébé ; le second, avide de pouvoir, attendait le départ du président pour prendre la présidence.
Ce dernier point, connu de tous, posait un problème à Dimitri qui n’avait confiance ni en Jérôme ni en Thomas – le directeur administratif et financier – et refusait de leur confier les rênes. Malgré son désir de partir à la retraite, il restait, fidèle au poste, n’ayant pas encore trouvé quelqu’un pour prendre sa suite. Vu son âge, il était conscient que la situation était particulièrement préoccupante.
Après une salade et un splendide plateau de fromages – avec un autre vin divin –, le dessert favori de Dimitri, un gâteau au chocolat à la crème orné de soixante-quinze bougies, fut amené à table.
Le drame se produisit à ce moment-là. Plus précisément, après que le champagne fut servi. Nous venions tous de porter un toast lorsque Dimitri fut pris d’un malaise. De plus en plus pâle, il porta la main gauche à sa poitrine, essaya de parler, n’y arriva pas et finit par s’effondrer, sa tête tombant dans son assiette. La scène ne dura que quelques secondes.
La panique, dans l’assemblée, fut totale. Tétanisée, j’entendis des cris hystériques. Après quelques secondes qui me parurent une éternité, Michel Devigne se précipita vers son beau-père inconscient.
Dimitri était en arrêt cardiaque. Michel, médecin, tenta sans succès de le réanimer par un massage cardiaque vigoureux et du bouche-à-bouche, mais ce fut un homme sans vie que les secours trouvèrent quelques longues minutes plus tard. Ils ne parvinrent pas non plus à faire repartir son cœur malgré de longs efforts.
Deux semaines plus tôt
Lorsque Dimitri m’avait appelée pour me demander si j’étais prête à intervenir pour expertiser les sépultures d’un important site funéraire du haut Moyen Âge découvert lors d’une opération d’archéologie préventive dans la zone des Glaisins, à Annecy-le-Vieux, je n’avais pas hésité longtemps. C’était exactement l’opportunité que j’attendais ayant fini un chantier quelques semaines auparavant.
Depuis plusieurs années, Dimitri voulait agrandir les locaux de la LMD. Il avait la chance d’avoir un grand terrain et comptait utiliser une partie de son parking inoccupé pour ajouter une aile à ses bâtiments.
Trois autres entreprises du site voulaient également faire de même. Ceux qui n’avaient pas suffisamment de terrain pour leur nouvelle extension utiliseraient leurs parkings. Des places de stationnement mutualisées allaient être construites sur une friche attenante appartenant à la LMD pour accueillir les voitures.
Les sociétés avaient obtenu l’autorisation de construire après plusieurs années de tergiversations de la commune. Comme la loi l’exigeait, des opérations d’archéologie préventive avaient été engagées préalablement au début des travaux sur tous les terrains.
Dimitri et ses acolytes avaient été très contrariés lorsqu’ils avaient lu les conclusions du rapport de diagnostic. Les experts ne voulaient pas donner leur accord pour entamer les constructions dans les délais demandés, car des artefacts et des squelettes très bien conservés avaient été trouvés et il fallait avant la destruction totale du site prendre le temps de fouiller les lieux pour les inventorier, les localiser précisément et en prélever un certain nombre. Le retard des travaux était évalué à plusieurs mois et pouvait aller jusqu’à un an, même si c’était peu probable.
En concertation avec les autres propriétaires, Dimitri souhaitait l’avis d’un expert indépendant. Il savait que j’étais archéologue spécialisée dans le funéraire, car nous avions déjà discuté tous les deux de mon métier lors de l’une de nos précédentes rencontres.
Il avait bien compris que mon expertise ne serait pas forcément en sa faveur, mais je comptais bien le lui rappeler pour être certaine qu’il n’y aurait pas de malentendus.
Sa proposition me convenait parfaitement, car cela me permettrait de voir Marie qui vivait dans un très bel appartement avec vue sur le superbe lac d’Annecy. Elle pourrait nous loger pendant notre venue.
Cette opportunité tombait à pic. Passer une quinzaine de jours avec ma sœur – ce que je pensais être le temps nécessaire pour rendre mon rapport – ne me faisait pas peur. Je ne la voyais pas assez. Elle était loin de l’Ouest parisien où vivaient nos parents à Saint-Nom, la Bretèche et ne venait que rarement les voir. C’était la même chose pour mon autre sœur, Sophie, qui vivait encore plus loin puisqu’elle était au Canada.
Si nous avions eu des relations un peu compliquées à l’adolescence, comme beaucoup de frères et sœurs, les choses s’étaient apaisées depuis et nous avions plaisir à passer de bons moments ensemble.
Lorsque j’avais appris à Éric qu’une mission à Annecy m’était proposée, il avait sauté sur l’occasion :
— Super ! Je viens avec toi ! Cela nous permettra de faire un peu de ski et de changer d’air. J’aime beaucoup le lac d’Annecy.
— C’est super ! J’adorerai !
J’étais ravie. Mais rapidement, je me rappelai qu’il avait quand même quelques obligations.
— Et ta fille ? Cela risque de durer un peu quand même ! Et ta société ?
— Que de questions ! Ce sont les vacances scolaires et ma fille peut aller chez ses grands-parents. À moins que les enfants de Marie ne soient là ?
— Non, ils vont être en stage.
Le cas de Noémie fut donc vite réglé. Pour Cybermaker, sa société de cybersécurité, il m’expliqua qu’il pourrait la gérer à distance pendant ma mission. Marie me confirma qu’il pourrait utiliser une pièce qui servait de bureau pour pouvoir travailler tranquillement. Je comptais bien utiliser également ce dernier si j’arrivais à me dégager du temps pour continuer à écrire le roman historique sur lequel je n’avais pas beaucoup avancé depuis mes vacances sur la Côte d’Azur1.
Nous fûmes accueillis comme des rois. Hervé, son mari, était venu nous chercher à la gare d’Annecy après 3 h 30 de train et un délicieux dîner nous attendait dans leur magnifique appartement. Ils avaient déménagé, il y a peu de temps, et la visite des lieux nous permit de découvrir un salon spacieux avec une cuisine ouverte, quatre chambres, un bureau et un grand balcon avec vue sur le Paquier, un grand parc donnant sur le lac d’Annecy.
Ils habitaient au deuxième étage d’un immeuble qui en comptait quatre, le dernier étant sous les toits. Le bâtiment vert recouvert de lambris verni couleur marron était très joli. Les balcons étaient soignés et les rambardes transparentes permettaient de voir les plantes vertes à chaque étage. Les appartements de cette résidence étaient hors de prix, mais Hervé, avocat dans le droit des entreprises, pouvait apparemment se permettre ce type de dépenses.
Au dessert, ma sœur nous proposa de venir au dîner d’anniversaire de Dimitri qui se tenait le lendemain soir et qui était prévu de longue date. Je commençai par refuser, ne voulant pas que nous nous imposions dans une soirée familiale. Passer une soirée en amoureux ne me déplaisait pas et, à l’air d’Éric, je compris qu’il partageait mon avis.
J’avais déjà croisé la famille d’Hervé lors de son mariage avec ma sœur, puis lors des baptêmes de leurs deux enfants, mais nos relations étaient restées très superficielles.
Hervé ne se formalisa pas. Il appela son père pour le prévenir que nous ne viendrions pas. Dimitri ne sembla pas satisfait par cette réponse. Il demanda à me parler. Il parvint finalement à me convaincre de venir, car il n’était pas que le beau-père de ma sœur, mais aussi à l’origine de ma venue. En effet, il m’avait demandé de faire une contre-expertise archéologique. Je ne pouvais qu’accepter son invitation.
1 cf. Intrigues sur la Côte d’Azur, Une enquête d’Emma Latour tome 3, de la même auteure.
Jour J
La journée commença très bien.
En milieu de matinée, je me rendis sur le lieu des fouilles. Dimitri avait prévenu l’équipe de mon arrivée et je reçus, dans un premier temps, un accueil plus que mitigé. J’étais là à la demande du propriétaire pour remettre en cause leur diagnostic. Ce n’était pas agréable pour l’équipe, ce que je comprenais aisément.
Je m’adressai à eux sans tarder.
— Je ne suis pas là pour juger de la pertinence de quoi que ce soit, mais pour donner un second avis et comme je suis spécialisée dans la période sur laquelle vous travaillez, je pourrai peut-être vous apporter un peu de mon savoir sur ces sépultures.
Thierry Berthemont, le responsable des fouilles, un petit homme chauve à moustache, un peu bedonnant, qui devait approcher la soixantaine, me remercia.
— Nous apprécions votre vision de cette intervention. Vous êtes en effet une référence dans les fouilles sur le haut Moyen Âge et vos commentaires nous seront très utiles. Sachez que ce n’est pas ce que Monsieur Milawitch pense. Il nous a accusés d’être des incompétents à la solde des écologistes.
Je masquai un soupir. Je savais, par ma sœur, que Dimitri pouvait parfois être rugueux dans sa communication et je me rendais compte qu’elle n’avait pas exagéré. Tout cela n’allait pas nous aider à collaborer efficacement. Je voulus comprendre d’où venaient ses accusations.
— Pourquoi pense-t-il cela ?
— Il est persuadé que nous ne sommes pas impartiaux, mais proches des milieux écologistes qui sont opposés à de nouvelles constructions pour préserver le territoire de la Chevêche d’Athéna, une petite chouette menacée de disparition dont plusieurs couples ont choisi de nicher sur ces terrains.
Je fis la grimace.
— Il y a des chouettes protégées sur ce terrain ?
— Oui, sur la friche qui doit servir au parking mutualisé et sur le terrain de Monsieur Milawitch. Vous voulez que je vous en montre une ?
Nous nous rendîmes sur la friche qui était un ancien verger. Il se dirigea vers un vieux pommier.
— C’est un rapace nocturne sauf quand elle nourrit ses petits. Elle dort en ce moment. Il ne faut pas faire de bruit.
Nous nous approchâmes en douceur, j’aperçus une chouette de la taille d’un pigeon, avec une grosse tête, une courte queue et de longues pattes. Je fus instantanément charmée par ce petit animal au pelage brun et blanc.
— Et pourquoi sont-elles protégées ?
— Elles sont en danger de disparition à cause de l’urbanisation, l’utilisation des pesticides, le remembrement, la rénovation des vieilles maisons en pierre, l’abattage des arbres morts… Les raisons sont multiples. Les écologistes ont déjà fait des pétitions pour conserver cet endroit tel qu’il est.
J’étais surprise que Dimitri ne m’ait pas avertie.
— Ils sont venus sur site ?
— Oui, plusieurs fois. Sur la friche. Pas sur les parkings des entreprises.
—À qui appartient la friche ?
—À la LMD.
Nouveau soupir. Il aurait pu m’en parler…
— Je découvre toutes ces informations. Je vais en parler avec lui. Comment s’appellent les associations d’écologistes qui viennent sur les lieux ? Il y a eu des dégradations ?
— Il y a la LPO qui est la plus connue. Elle fait des pétitions, distribue des tracts, organise des marches. Mais il y a aussi des activistes locaux, dont le fils de Monsieur Milawitch fait partie, qui sont beaucoup plus agressifs.
Si le mari de ma sœur avait fait partie d’une association qui œuvrait contre ces constructions, Marie me l’aurait dit. Il ne restait donc qu’un seul autre fils, Benoît.
Thierry poursuivit.
— Et oui, ils ont fait des dégradations sur le chantier pour nous faire prendre du retard. Ils ont défait nos quadrillages, ils ont forcé la porte de nos installations et détruit des documents. Ils ont coupé l’électricité, volé nos tenues de travail, nos outils… Rien de très grave en soit, mais c’est l’accumulation des actions qui est fatigante.
C’était plus sérieux que je le pensais.
— Dimitri sait que son fils est activiste ?
— Oui bien sûr. C’est l’un des principaux organisateurs… même si on n’a jamais pu les prendre sur le fait, mais tout se sait.
Les relations entre le père et le fils devaient être des plus tendues.
— Merci de m’avoir expliqué tout cela. Revenons à ma mission. Qu’avez-vous découvert ?
Nous retournâmes sur le parking de la LMD et Thierry me montra quelques-unes des trouvailles qu’ils avaient faites. De très belles sépultures du haut Moyen Âge datées du VIIe siècle avec des artefacts typiques de l’époque mérovingienne. L’équipe n’avait pas encore fini de délimiter la surface de ce qu’elle pensait être une nécropole de grande envergure. Ils voulaient un peu plus de temps, car les lieux n’étaient pas référencés et ils souhaitaient prendre la mesure de leur découverte qui semblait considérable.
Thierry m’emmena vers le lieu où leurs trouvailles étaient stockées. Boucles de ceintures, bijoux cloisonnés avec des grenats, fibules avec des fils d’or, épées… C’était fabuleux ! J’allai voir les squelettes sur le site. Ils étaient très bien conservés, certains dans leur sarcophage.
— Il n’y a pas que des sarcophages et toutes les sépultures n’ont pas des objets funéraires de la qualité de ceux que tu as pu voir. Nous sommes très vite tombées sur deux sarcophages de ce que nous pensons être un couple de grands aristocrates…
Nous étions entre spécialistes et nous parlions d’un très beau butin. Nous étions de la même famille scientifique et entre passionnés, nous nous comprenions. Le tutoiement est venu tout seul et il ne m’a pas choquée.
J’étais heureuse d’être là, de participer à ces fouilles et d’essayer de comprendre comment ces personnes étaient mortes, comment elles avaient été enterrées.
Je m’emballais… surtout que seules la friche et une partie du parking de la LMD avaient été sondées. Une autre tranche de fouilles allait débuter sur les parkings des trois autres entreprises. Il y avait donc un potentiel important !
La journée passa très vite et je partis à contrecœur afin de me préparer pour la soirée d’anniversaire de Dimitri.
Jour J
Tout se déroula parfaitement jusqu’à ce dîner…
Comme je n’aimais pas les mondanités, j’allai à reculons à la soirée. Prétextant être débordée alors que ce que j’avais à terminer pouvait parfaitement attendre, nous étions partis une bonne demi-heure après ma sœur.
Sans nous presser, nous avions parcouru en voiture les cinq kilomètres qui nous séparaient de la demeure familiale des Milawitch. Arrivés les derniers, nous avions salué rapidement l’assemblée avant qu’Edmond ne me demande de le suivre pour retrouver Dimitri, réfugié dans la bibliothèque, son sanctuaire. Je laissai donc Éric à mon beau-frère.
Edmond, âgé d’une soixantaine d’années, domestique d’allure très digne et compassée, dans la maison depuis plus de trente ans, avait préparé un bon feu dans la pièce. Dimitri, debout, buvait un excellent whisky écossais tourbé de quinze ans d’âge, face à la cheminée. Cet homme ne faisait pas son âge, grand, très mince et élégant, avec des cheveux très fins et rares complètement blancs et des traits coupés à la serpe. Il semblait très pensif.
Sans attendre, je me dirigeai vers lui en lui tendant la main et pris la parole.
— Bon anniversaire, Dimitri !
Il me serra la main et me répondit.
— Merci, Emma, c’est très gentil, mais je n’ai pas l’esprit à la fête.
La réponse de Dimitri jeta un froid tant son ton était triste et lointain. Inquiète, je demandai :
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
Il ne me répondit pas immédiatement. Il semblait chercher ses mots ou hésiter à se confier. Impossible de le savoir. Il lança d’un ton volontairement anodin afin de minimiser l’impact de sa phrase :
– Je suis préoccupé. Certaines personnes ont des raisons de vouloir ma mort…
Je ne sus pas quoi répondre, saisie par la brutalité de son affirmation. Pourquoi me disait-il cela ? Je n’étais pas une de ses proches. Après quelques instants, je lui demandai d’une voix hésitante :
— Vous en avez parlé à votre famille ou un ami ?
— Non. Surtout pas. Je ne fais confiance à personne. Je ne suis entouré que de profiteurs.
— Vous êtes très dur envers votre famille et vos proches. En quoi pensez-vous que je puisse vous aider ?
— Vous n’avez aucun lien avec moi si on exclut celui avec votre sœur. Vous ne toucherez pas d’argent si je meurs et j’ai cru comprendre que l’argent n’était pas un sujet pour vous suite à l’héritage d’Édith Delafond2, n’est-ce pas ?
Soufflée, je le regardai, interdite. Comment pouvait-il savoir cela ? Comme s’il avait deviné mes pensées, il ajouta :
— Votre sœur et mon fils n’ont eu aucune difficulté à me parler de vous.
Je me promis de demander à Marie et son mari d’être plus discrets à mon propos à l’avenir. Dimitri poursuivit.
— Je suis très sérieux. Je sais aussi que vous avez participé à la résolution de plusieurs meurtres. Or je recherche une personne de confiance et elles ne courent pas les rues. Vous me semblez en être une. Je suis conscient de prendre un risque en vous parlant, mais le temps presse. Je n’ai pas le choix. Il faut que je choisisse quelqu’un et si vous le voulez bien, ce sera vous.
Je le regardai sans un mot. Il prit cela pour une autorisation à poursuivre. J’étais tellement surprise que je ne savais pas quoi lui dire. Regardant par la baie vitrée, il continua.
— Je reçois des lettres de menaces depuis quelque temps et je suis le seul à savoir certaines choses très gênantes.
Il se tourna vers moi et me regarda longuement. Sa voix devint un peu plus rauque :
— Emma, si je meurs prochainement, ce ne sera pas par accident ou raison de santé… J’ai des documents que je souhaite vous remettre. Il faudra les conserver précieusement et en faire bon usage si je devais disparaître prématurément.
Ce que Dimitri venait de me confier était grave. Je voyais bien qu’il ne plaisantait pas. Malgré tout ce qu’il m’avait dit, je n’arrêtais pas de me poser la même question : pourquoi moi ?
Il aurait pu se confier à ses enfants ou à Edmond. Vrai ou pas, il se croyait en danger et comptait sur moi pour être la dépositaire de ses secrets. C’était un honneur et, en même temps, un sacré fardeau. Pour en arriver à de telles extrémités, la situation devait être critique. J’eus soudain très peur pour lui.
Il n’eut pas le temps d’être plus précis dans ses allégations, car Edmond nous interrompit :
— Nous vous attendons pour dîner, monsieur.
— Nous arrivons Edmond.
Edmond s’éclipsa. Dimitri reprit la parole :
— J’ai des choses à vous expliquer. Pouvez-vous passer me voir demain dans la journée ? Je vous donnerai en même temps les documents dont je vous ai parlé.
Moi qui comptais lui rappeler mon indépendance et le risque que mon rapport puisse ne pas être en sa faveur ! Cela me semblait maintenant terriblement déplacé, vu les circonstances. J’acquiesçai.
— Parfait. Nous nous verrons demain matin dans les locaux de LMD ?
— Je préfère que cela soit ici. Vers 9 heures ? Je vous demande expressément de ne parler de cette discussion à personne. Je dis bien personne, pas même à votre sœur. Je peux vous faire confiance ?
Je ne pus que lui dire oui. Il soupira.
— Bon, il va falloir qu’on rejoigne les autres.
Je le suivis en me disant que je continuerais dès le lendemain matin cette discussion avec lui afin de comprendre comment il en était arrivé là.
2 Cf Meurtre à Dancé, Une Enquête d’Emma Latour, tome 1, de la même auteure.
Et maintenant, Dimitri était mort. Je n’arrêtais pas de penser à ce qui s’était passé une fois le corps enlevé. Le médecin avait signé le certificat de décès sans poser la moindre question et personne n’avait trouvé la mort de Dimitri étrange. Quand j’avais voulu savoir si j’étais la seule à trouver sa disparition anormale, on m’avait regardée comme si j’étais une extraterrestre. Apparemment, j’étais sous le choc et je n’arrivais pas à accepter ce drame.
Au moment où je me dirigeai vers le hall pour partir, Edmond vint à ma rencontre et demanda à me parler. J’étais fatiguée et je m’apprêtai à lui proposer de remettre notre discussion au lendemain lorsque je remarquai son regard. Un regard qui me suppliait d’accéder à sa requête. Il insista :
— Peut-on s’entretenir, Madame Latour ? Tous les deux ? Discrètement ?
Il se mit à chuchoter :
— Je préfère vous voir tout de suite, cela sera plus discret
que si vous revenez et que des membres de la famille sont là.
Éric fut évidemment surpris par la demande du major-
dome, mais ne chercha pas à en savoir davantage.
— Je vais chercher la voiture. Je t’attendrai dehors.
— Merci Éric. Je vous suis, Edmond.
Je me retrouvai à nouveau dans la bibliothèque. Cela devenait une habitude.
— Maintenant que Monsieur est mort, je dois vous remettre des documents.
Il ne voulut pas en dire davantage. Edmond avait caché sous des journaux disposés sur la table basse une grosse enveloppe. Devant mon air interrogatif, il me la remit tout de suite. Elle contenait divers papiers et photos. Je ne pus réprimer ma surprise :
— Comment avez-vous eu ces papiers ?
— Catherine m’a demandé, il y a quelques semaines, de faire du rangement dans la penderie de Monsieur pour donner de vieux vêtements aux bonnes œuvres, comme nous le faisons chaque année. C’est en faisant ce tri que j’ai trouvé les documents. Ils étaient cachés dans une valise en haut des étagères. Monsieur avait trouvé là une bonne cachette, c’était évidemment un endroit où Madame ne va jamais. Dans la chemise contenant les documents, une note m’était destinée.
Edmond, si vous trouvez ces documents, c’est que je suis mort avant d’avoir eu le temps de les mettre à l’abri et de les donner à une personne de confiance. Si vous jugez nécessaire que certaines choses soient connues, pouvez-vous vous charger de cette tâche ?
Je n’étais pas censé tomber sur ces documents tant que Monsieur était vivant. Je n’ai rien dit et je les ai laissés à leur place. Lorsque Monsieur est mort, je suis tout de suite allé les chercher.
— Pourquoi me les donner à moi ?
— Parce que Monsieur m’a dit juste avant d’aller dîner qu’il avait enfin trouvé la personne de confiance qu’il recherchait et que c’était vous.
— Il vous avait déjà parlé de ces documents ?
— Oui, mais de manière très sibylline. Il était souvent comme ça. En tout cas, j’ai immédiatement fait le rapprochement.
Il me regarda droit dans les yeux avant de murmurer.
— Ces documents, que je me suis permis de survoler lorsque je les ai trouvés, sont compromettants et je suis persuadé que cette mort n’est pas naturelle.
— Comment cela ?
— Je sais maintenant pourquoi il a revu son testament… Et je préfère vous laisser le découvrir par vous-même. Si l’on sait que vous avez ces informations, vous risquez d’avoir des problèmes. C’est pour cela que j’ai préféré que personne ne sache que je vous ai remis ces papiers. Cette famille a un lourd passé. Si vous cherchez à comprendre la mort de Dimitri, vous allez le réveiller.
Je n’avais pas le temps de l’interroger sur le contenu du testament. Je me promis de revenir sur le sujet avec lui plus tard.
— Je commence à me dire que vous avez raison, Edmond. Mais je ne peux pas rester sans rien faire.
Je retrouvai, devant la voiture, Éric qui patientait en regardant les informations sportives sur son portable. Il me demanda :
— Tout va bien ?
— Je te raconte tout dans la voiture.
Je me méfiai des oreilles indiscrètes. Nous n’étions pas les derniers à partir. Les enfants de Dimitri discutaient ensemble devant la voiture de Michel. Je ne m’approchai pas d’eux, cachant sous mon manteau le dossier remis par Edmond.
Je montai dans la voiture et nous partîmes avenue d’Albigny. J’étais à la fois excitée par ma discussion avec Edmond et toujours sous le choc de la mort de Dimitri.
Sans attendre qu’Éric me questionne, je lui racontai tout ce qui venait de se passer : ma conversation avec Dimitri dans la bibliothèque, mes échanges pendant le repas avec mes voisins de table puis avec Edmond.
Nous étions arrêtés à un feu. Éric, qui conduisait, tourna sa tête vers moi pour me regarder incrédule.
— Je ne sais pas comment tu fais pour te retrouver dans des situations incroyables comme celle-là. Tu es un aimant. Tu les attires. Je n’en reviens pas. Moi, ma soirée a été calme. J’ai discuté avec plusieurs personnes et c’était très sympa…
Il secoua sa tête.
— Et tu vas faire quoi ?
Il connaissait déjà ma réponse, mais voulait que je confirme.
— Nous allons lire ces papiers avant de faire quoi que ce soit.
— Tu penses qu’il s’agit des papiers que Dimitri voulait te donner ?
— Je n’en sais strictement rien.
Sans attendre l’arrivée de ma sœur et de sa famille, nous nous réfugiâmes dans notre chambre et le contenu de l’enveloppe fut étalé sur notre lit. Quelques heures plus tard, nous rangeâmes avec soin dans l’enveloppe les documents que nous avions commencé à parcourir.
Je ne pus réprimer un frisson. Je consultai ma montre et compris pourquoi j’étais fatiguée : il était 4 heures 30 du matin. Pour autant, pas question d’aller dormir, j’étais trop énervée. Je m’étirai et me levai pour nous servir des verres d’eau. Ainsi mes craintes, que faute de preuves, j’avais tues quand le médecin avait déclaré la mort due à une crise cardiaque, étaient fondées… Certaines personnes avaient de très bonnes raisons pour vouloir le tuer. Il avait eu raison d’être inquiet pour sa vie.
Devais-je aller voir les gendarmes pour leur faire part de ma discussion avec Dimitri ? En même temps, que pouvaisje leur dire ? Dimitri n’avait pas eu le temps de se confier. Il ne m’avait pas remis les documents dont il m’avait parlé. Il ne m’avait même pas expliqué comment les chercher. Étaitce ceux que m’avaient donnés Edmond ou d’autres papiers ? Comment procéder ? Comment faire en sorte qu’il y ait une enquête ? Personne ne me croirait. Une précédente expérience3 m’avait appris qu’aller voir les forces de l’ordre sans preuve ne servait à rien sinon à perdre son temps et à passer pour une imbécile. Non, il fallait que j’amène un dossier solide pour être prise au sérieux, j’en étais persuadée. Certes, les documents que je venais de lire énonçaient des faits graves, mais ne prouvaient pas le meurtre.
Éric était également dans l’indécision. Il me proposa d’aller nous coucher.
— Il est presque 5 heures du matin. On ne peut rien faire maintenant. Je te suggère de cacher cette enveloppe et on en reparle demain matin.
Je décidai d’être raisonnable et me rangeai sagement à l’avis d’Éric.
3Une rue si tranquille, Une enquête d’Emma Latour tome 2, de la même auteure.
Après une nuit blanche, n’en pouvant plus tant le secret était lourd à porter, je changeai d’avis. Éric ne tenta pas de me dissuader, sachant que la tâche était impossible. Je me rendis à la gendarmerie dès 8 heures du matin, en amenant une copie des documents.
Je tombai sur un vieux planton bien misogyne et frustré qui, un peu rigolard et condescendant, m’expliqua que je pouvais au mieux déposer une main courante, au pire ne rien faire du tout.
— Enfin, ma p’tite dame, on ne peut pas prendre les dépositions et ouvrir des enquêtes chaque fois que les gens ont des suspicions… Vous ne vous imaginez pas à quel point on est suspicieux dans ce pays…
Non, en effet, je n’imaginais pas. Une fois de plus, je me faisais renvoyer dans mes buts. J’aurais dû suivre ma première impression et ne rien faire. Je ne résistai pas, choisis de ne pas perdre mon temps, repris mes papiers qui n’auraient de toute façon pas été lus et repartis la tête basse, plus en colère contre moi-même et ma naïveté qu’envers l’abruti qui m’avait rabrouée. J’étais donc revenue au point de départ lorsque je rejoignis Éric pour déjeuner au Clos des Sens, un restaurant trois étoiles situé à Annecy que nous avions réservé des semaines auparavant.
En savourant le plat signature de Laurent Petit, l’envolée de champignons de Savoie.