Je savais que tu m’attendais - Line Dubief - E-Book

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Line Dubief

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Beschreibung

40 ans après leur séparation, une femme reprend contact avec son premier amour.  Meurtrie par une rupture récente et pour surmonter un sentiment d’abandon infantile jamais surmonté, elle recherche un absolu dans cette relation amoureuse retrouvée. Fatalement, sa demande d’amour massive et ses attentes démesurées l’amènent à franchir l’irréparable. Pourtant, tout avait si bien commencé…


À PROPOS DE L'AUTRICE

Line Dubief partage sa vie entre la Franche-Comté et la Charente Maritime. Grande lectrice de polars et désormais auteure à succès, elle nous entraîne dans un drame sociétal avec son 5ème roman "Je reviens te chercher". Elle vit à Besançon (25).

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Line Dubief

Je savais que tu m’attendais

Du même auteur

Meurtre sur Oléron – Les mouettes ne se marrent plus (2017) – Prix Ostréa 2019

Meurtre en Franche-Comté – Sale temps pour le Minotaure (2019)

Disparition sur Oléron – Pas de merveilles pour Alice (2020)

Quand la fée verte s’en mêle (2022)

© – 2023 – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Ce roman est une œuvre de fiction.

Les person­nages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur.Toute ressemblance avec des personnes réelles serait pure coïncidence.

L’absence n’est rien d’autre qu’une présence obsédante.

Éliette Abécassis

à mon père.

PARTIE 1

Besançon – Novembre 1979

Les deux vantaux des portes s’ouvrirent, expectorant leur souffle caractéristique de succion. Je présentai ma carte au chauffeur qui ne la regarda pas, embrayant aussitôt pour démarrer. Une place était libre au cinquième rang. Je m’y assis. Déjà, le bus ralentitissait pour stopper à l’arrêt « Champagne ».

Il était là.

D’un mouvement leste, il grimpa sur le marchepied avant de s’accrocher à la barre de maintien. Par le reflet de la vitre, je l’observai. Sa veste en daim marron s’ouvrait sur un pull clair. Son cartable en cuir brun pendait à sa main libre. Son visage affichait celui des matins difficiles, exhibant pourtant une moue irrésistible, sous des yeux bleu azur. Ce garçon me fascinait. Il m’hypnotisait littéralement. Mais déjà, la station « Siffert » se profilait. Il descendit pour s’engager vers les escaliers en pierre qui le menaient, chaque matin, au lycée Jules-Haag.

La journée se passa comme les précédentes, les cours s’enchaînant les uns derrière les autres. J’écoutais les profs ; juste ce qu’il fallait pour que le temps passât au plus vite. Heureusement, les deux heures de français avec Laclos m’entraînaient dans les coulisses des plus belles histoires de la littérature française. Là, mon esprit buissonnier se lâchait. Ce jour-là, Aragon me racontait l’histoire d’Aurélien, ce rentier bourgeois désœuvré qui vivait une passion dévorante pour Bérénice, une jeune provinciale en quête d’absolu. Ils évoluaient dans le Tout-Paris du début des années 20. Mais l’amour, ou plutôt l’idée de l’amour, se délitait insidieusement au contact de la réalité. Bientôt, Bérénice retournait à son existence provinciale pendant qu’Aurélien s’installait définitivement dans sa vie assommante de bourgeois. Séparés pendant dix-huit ans, ils éprouvaient une profonde nostalgie pour leur amour malheureux. Lorsque le hasard les réunit à nouveau, lui était marié et père de deux enfants, elle était engagée en politique. Un soir, lors d’une promenade en voiture, leur véhicule fut mitraillé par l’armée allemande. Bérénice, touchée, mourut sur l’épaule de son amant.

— Ce qu’il faut retenir de cette histoire, s’exclama notre enseignant exalté par l’écriture du poète romancier, c’est que ce roman explore le côté sombre du sentiment amoureux. Pas de romantisme, ni de bons sentiments, pas non plus de grandes déclarations, il n’y a que la vie. Furieuse et dévastatrice. Aragon met, ici, l’accent sur ce qu’il y a avant et après l’amour. Sur ses illusions… Sur son hypothétique existence… Dans ce roman, Aragon voit ses deux héros tenter de sortir de leur mal-être respectif, s’accrochant à l’idée d’un amour qu’ils savent pourtant impossible.

Alors que la fin du cours approchait, l’enseignant éleva la voix pour tenter de retenir encore quelques instants l’attention de ses élèves et masquer les piétinements d’impatience déjà perceptibles :

— Pour la semaine prochaine, vous commenterez sur une vingtaine de lignes cette question : L’amour n’existe-t-il que par l’idée que nous nous en faisons ?, ou la maxime d’Aragon Il n’y a pas d’amour heureux. N’oubliez pas qu’il a écrit Aurélien au moment où Elsa voulait le quitter… Cet exercice ne sera pas noté, vous serez cependant amenés à vous exprimer oralement.

Le cri strident de la sonnerie retentit. Trousses et cahiers furent jetés dans les cartables avant que les portes de la salle ne s’ouvrent, relâchant le flot de lycéens et laissant l’enseignant désabusé par tant de détachement devant tant de beauté romanesque. En sortant du cours, je rejoignis Caroline qui m’attendait sous le porche d’entrée du lycée. Elle était en terminale C ; celle des matheux. Des cartésiens. Ceux qui démontrent par a + b que 2 et 2 font 4. Si cela ne fait pas rêver, cela a, du moins, le mérite de rassurer. Nous traversâmes ensemble le passage Pasteur qui séparait la rue du Lycée de la Grande Rue. Cette fois encore, l’objet de notre conversation, ou plus exactement de mon soliloque, fut la présence de mon bel inconnu dans le bus du matin. Lasse de mes rengaines, elle ne commenta pas mais sourit, amusée. Je proposai de lui offrir un café ; il me restait quelques pièces.

Lorsque nous entrâmes au Petit-Vat, une table se libéra. Nous nous y installâmes.

— Deux espresso, s’il vous plait.

Mon amie me proposa de la rejoindre le samedi, en ville. Elle prévoyait de s’acheter un pantalon et souhaitait mon avis sur son choix. Un après-midi shopping n’était pas pour me déplaire. Nous bûmes du bout des lèvres le café trop fort et déjà refroidi, servi dans ces mini-tasses blanches épaisses. C’est ce qui coûte le moins cher. J’aimais ces instants et cet endroit où bon nombre de lycéens se retrouvaient. L’espace était étroit, presque un couloir. Le bar courait le long du mur, laissant peu de place aux tables. Cette promiscuité faisait du bien. Le brouhaha ambiant était rassurant ; la fumée des cigarettes enveloppante. L’attention ou l’ennui se relâchait pour laisser place à la drôlerie, à la rêvasserie, à la futilité. Là, le monde se redessinait, le temps d’un café. Même froid. Trois lycéens de la classe arts appliqués prirent place autour de la table voisine. J’enviai leur sens aigu de la répartie et leur allure décomplexée. Mais déjà, Caroline regardait sa montre.

Lorsque nous sortîmes du bar, un vent léger s’engouffra aussitôt sous nos jaquettes trop fines pour la saison. J’accompagnai mon amie à son abribus avant de regagner le mien, guère plus loin.

— Je crois que, cette fois, il m’a regardée au moment où il est monté. Il m’a frôlée…

— Pourquoi tu ne te places pas à côté de lui ? Peut-être qu’il t’adressera la parole.

— Impossible ! Je reste tétanisée quand je le vois. Tu le verrais, tu comprendrais… Je préfère encore rêver que de me prendre une veste. Jamais, je ne pourrais l’intéresser. Je t’assure ! C’est un mélange de Paul Newman et de Kevin Costner, tentai-je de lui expliquer une fois encore, certaine du bien-fondé de ce raisonnement implacable. Alors imagine…

Caroline rit à cette comparaison maintes fois répétée.

— Eh bien lâche l’affaire. Si tu penses que c’est mort, pourquoi tu t’obstines…

Je m’arrêtai net. Elle se retourna, surprise. Mes yeux lancèrent des éclairs.

— Parce qu’il est mon évidence !

Un samedi de novembre 1979

Le samedi, les bus étaient moins nombreux. Un coup d’œil à ma montre me fit presser le pas pour regagner la station. Caroline devait déjà m’attendre. Au-dessus des immeubles du quartier qui m’entouraient, les nuages se laissaient chasser par le vent léger. Mon esprit voyageait déjà avec eux lorsque je sentis sur mon épaule gauche une légère pression. Je tournai la tête. Il était là. Lui, son sourire ravageur, ses yeux rayonnants.

— Salut ! Tu descends en ville ? Si tu veux, je peux te déposer, fit-il en désignant du menton une vieille Simca jaune.

Sous l’effet de la surprise, je restai un instant sans voix avant de comprendre : Il était là, qui me parlait… La scène défilait dans ma tête. Mince, je porte mes chaussures noires fatiguées et ce gilet vraiment pas terrible. Abasourdie, je parvins cependant à balbutier :

— Euh, oui…

Je le suivis qui s’avançait déjà vers son véhicule avant de m’installer à mon tour dans le carrosse. Ainsi, nous étions assis côte à côte ! Depuis le siège arrière, son chien se redressa et tenta de me renifler. Après une rapide caresse, je le repoussai doucement afin d’épargner mes mitaines en dentelle qu’il tentait de mâchonner.

— Némo, reste tranquille !

Le chien reprit sa place. La voiture démarra.

— Je vais à la Vie-Claire, faire des courses pour ma mère, précisa-t-il en démarrant.

Je découvrais sa voix. Elle était telle que je l’imaginais. Masculine et chaude. En tournant la tête pour observer son profil, mes yeux parcoururent la ligne de son visage. Il portait fièrement un nez busqué, caractéristique des personnalités idéalistes aux convictions fortes. Sa joue, qui me faisait face, était marquée d’une petite fossette qui nuançait cette détermination, apportant une malicieuse douceur.

— J’ai rendez-vous avec une copine, fis-je sans développer davantage en ramenant mon regard sur la route.

— Tu t’appelles comment ?

Je lui communiquai mon prénom avant de lui demander le sien.

— Lucien.

Du coin de l’œil, alors qu’il cherchait une place de stationnement sous les platanes du parking Chamars, j’observais ses mains posées sur le volant : carrées avec de longs doigts, elles dégageaient force et élégance. Je réprimai une envie irrépressible de les toucher.

Une fois le moteur arrêté, avant d’ouvrir sa portière, il porta son regard sur moi. Ses yeux bleu azur me transpercèrent de part en part.

Lucien. Ma lumière. Mon soleil.

à côté de la devanture des Nouvelles-Galeries, Caroline me héla. Je lui renvoyai son sourire en exhibant mon excitation.

— Tu ne me croiras jamais… Il m’arrive un truc de dingue !

— Non, fit-elle, les yeux rieurs. Tu lui as parlé !

— Mieux que ça…

Mon récit précis relata ces quelques minutes pendant lesquelles le sol s’était dérobé sous mes pieds.

— J’étais véritablement en apesanteur. Il s’appelle Lucien… J’ai bien cru que son chien allait me dévorer. Je crois que je me serais laissée faire…

Nous éclatâmes de rire.

— Tu vas le revoir.

— Ben, forcément. Déjà, les matins, nous pourrons discuter dans le bus… Je n’en reviens pas de ce qui m’arrive. Merci la vie !

Les papillons dans les yeux, je l’écoutai alors me parler de ce pantalon qu’elle avait repéré dans une boutique un peu plus loin. Je la suivis. Elle pouvait m’emmener où elle voulait. Je ne marchais plus. Je volais.

Automne 1979

Enfin ! Le dimanche passa. Long et ennuyeux. Je me levai de bonne heure pour m’apprêter plus qu’habituellement dans la salle de bain. Caroline m’avait prêté une jolie veste et une longue jupe noire dernier cri. Affublée de ce nouvel accoutrement, la porte de l’appartement se ferma derrière moi. Dans le miroir de l’ascenseur, mon visage me fit face. Mes traits étaient assez doux. Mes cheveux blonds mi-longs encadraient l’ovale de mon visage. L’un de mes yeux était plus vert que l’autre, plutôt marron. Je ne savais pas si cette singularité était un atout. Les portes s’ouvrirent sur la sortie de l’immeuble. Dehors, j’accélérai le pas. Il ne s’agissait pas de louper le bus !

Je pris place sur un siège, le cartable à mes pieds, les yeux rivés sur l’arrêt « Champagne ». Il était là. Je me redressai. Après avoir grimpé, allégrement, les quelques marches, Lucien s’avança vers moi, souriant. Je me déplaçai sur l’assise voisine pour lui permettre de s’installer.

— Salut ! Tu descends à quel arrêt ?

— Chamars. Celui après le tien.

— Tu vas où ?

— Au lycée Pasteur.

Nous nous regardâmes et nous sourîmes. Il me demanda doucement :

— Je peux t’y accompagner ?

Mon cœur s’affola. Avais-je bien entendu ? Le rêve continuait. Je parvins à bredouiller un oui, bien sûr à peine audible pendant que le bus poursuivait son chemin. L’arrêt « Siffert » s’éloigna ; Il était toujours là, assis à côté de moi.

Nous descendîmes du bus puis marchâmes côte à côte, sans parler. Je finis pas demander :

— Ça ne va pas te retarder ?

— Non, je couperai par Marulaz. Il y a des escaliers qui évitent le grand tour…

Lorsque nous arrivâmes devant le portail de mon lycée, son visage entier me sourit.

— Tu termines à quelle heure ?

— 17 heures.

— Si tu le veux, je viens te chercher.

Le visage légèrement rougi, j'entendis un oui, avec plaisir sortir de ma bouche. Je restai quelques instants à le regarder s’éloigner, indifférente à l’agitation de ce début de semaine lycéenne.

La journée égrenait ses heures interminables lorsqu’enfin, la dernière sonnerie se fit entendre. Mes affaires furent projetées dans mon cartable. Alors que je m’élançais vers la sortie, Caroline sortit de la salle de classe voisine.

— Ça va, je n’ai pas les cheveux en vrac ?

— Parfaite, tu es parfaite ! fit-elle, amusée.

— Viens avec moi. Tu le verras !