Je t'écrirai mon amour - Hélène Bécot - E-Book

Je t'écrirai mon amour E-Book

Hélène Bécot

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Beschreibung

D'une amitié née sur les bancs du lycée, jaillit un jour une étincelle qui laisse entrevoir à Hélène la joie d'un amour puissant et durable. Mais lui, imperméable, a besoin de continuer sa vie. Parce que leur amitié se voulait vraie, elle l'entretient avec patience et prudence, sans lâcher le fil. Il répond, ils se revoient, entre espoir et nécessaire liberté. Ils s'écrivent et se parlent en vérité.
Quand il faut laisser la place à une autre, elle décide de partir pour deux années de coopération en Afrique. L'occasion de tester ses sentiments et d'affermir ses choix. L'étincelle reste allumée. Mais est-ce le bon moment pour partir, alors qu'il se montre soudain plus sensible ?
À partir d'éléments autobiographiques, Hélène Bécot partage l'intimité d'une jeune fille en quête d'un amour vrai, réciproque, fait de liberté et d'ouverture aux autres. Avec humour et profondeur, elle retrace pas à pas un itinéraire plein de saveurs, de rebondissements et d'exigence. Parce qu'elle aussi espère sa part de bonheur.


À PROPOS DE L'AUTRICE


Hélène Bécot, passionnée de relations humaines, est éditrice. Auparavant, elle a assuré la promotion de plusieurs compagnies théâtrales.


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Je t’écrirai mon amour

Hélène Bécot

Je t’écrirai mon amour

Couverture : Fabrice Mauer Composition : Jacques Motllo

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction réservés pour tout pays.

© 2024 Groupe ElidiaÉditions Nouvelle Cité10 rue Mercœur – 75011 Paris9 espace Méditerranée – 66000 Perpignan

www.nouvellecite.fr

ISBN : 978-2-37582-568-6 EAN Epub : 9782375826263

« Ce qui contrarie notre vie ne fait à terme que la fortifier. » Christian Bobin, L’épuisement

À mon tendre amour et à mes enfants, Étienne, Sidonie, Claire et Juliette

Prologue

22 août 1999

« Fonce et rendez-vous dans deux ans ! »

J’avais imaginé un « Je t’aime » ou un « Ça va être dur sans toi… » Je pars sans certitude et néanmoins je me sens forte pour ces deux années de coopération qui m’attendent. J’ai vingt-deux ans et je m’envole avec un sac de trente kilos contenant toutes mes affaires.

Le hublot sali par les heures de vol laisse entrevoir la piste de décollage. Les escaliers d’embarquement dégagés, l’heure du départ approche. Ceintures bouclées, tablettes relevées, nous assistons au mime des consignes de sécurité, parfois inaudibles, d’une hôtesse de l’air radieuse.

— Bienvenue, je suis votre commandant de bord. Nous partons dans de bonnes conditions météo. Aucune perturbation n’est annoncée. L’arrivée à Djibouti est prévue à 16 h 26 heure locale, la température là-bas est de 35 degrés. Tout l’équipage est à votre disposition pour que vous passiez un agréable voyage.

Je regarde ma terre natale que je quitte, les yeux rivés sur le paysage qui défile, repensant à ces paroles, sans trop savoir qu’imaginer. Les nuages épars tachètent de leurs ombres les champs de nos campagnes. Je choisis d’être sereine, laissant résonner ces mots, qui peut-être contiennent une promesse de futur.

Première partie

Chapitre 1

Printemps 1995

Je viens de souffler mes dix-huit bougies. Ma dernière année de lycée termine un cycle, une période de ma vie, et je me prépare à un bac scientifique. Poussée par une professeure de mathématiques, j’ai choisi la spécialité « mathématiques et sciences physiques », alors que mon rêve, qui n’a rien à voir, est de devenir assistante de direction. La conseillère d’orientation m’en a dissuadée et le flou s’est installé autour de mon avenir. Heureusement, je pense qu’avec les options musique et grec ancien, je pourrai récupérer des points facilement – j’ai arrêté l’allemand pour être certaine de ne pas en perdre ! – et au moins avoir mon bac. Je ne suis pas mauvaise élève, mais ne suis pas excellente non plus. J’ai davantage de facilité à m’engager dans des activités extrascolaires qu’à bachoter toute la journée. Mais il faut quand même que je m’y mette.

Pour le grec ancien, j’ai un ami, Christophe, qui suit la même option que moi et nous révisons ensemble. Nous allons souvent chez lui, où le calme m’aide à me concentrer. Ce matin, il m’a prévenue au téléphone qu’il m’attendait. Il habite avec sa mère un appartement au huitième étage d’une tour de banlieue. Il a dû ranger sa chambre pour que nous puissions y étaler nos affaires et installer deux chaises pliantes, de chaque côté de son bureau. Aller chez lui est une vraie joie à chaque fois, réviser est devenu un prétexte pour se voir. Nous n’habitons qu’à quelques kilomètres l’un de l’autre et j’ai pris l’habitude d’y aller à vélo. En pédalant, je ne peux m’empêcher d’accélérer pour le rejoindre plus vite. Je suis un peu essoufflée lorsqu’il m’ouvre la porte et m’accueille en souriant, nous nous mettons alors à parler de tout et de rien. C’est simple, nous sommes bien. Il m’offre un verre, puis nous nous mettons au travail. Je sors mes cahiers et mon livre, tout en fixant son étagère. À côté de son foulard scout, trônent une croix en bois et la photo de son père – décédé lorsqu’il avait dix ans –, une carte postale d’un pâturage du Mercantour, quelques fossiles rapportés de Barrême – petit village des Alpesde-Haute-Provence – et sa photo de classe de terminale. Il prend son manuel de grec et nous nous asseyons. Nos genoux s’effleurent presque, mais nous nous accommodons de ce petit espace.

L’année précédente, nous participions tous les deux à un week-end de préparation pour notre confirmation. Alors que je suis dans l’équipe cuisine pour le dîner, Christophe apparaît dans l’encadrement de la porte, les yeux pétillants. Il vient apporter son aide. Je le regarde en souriant. Il est jovial et a toujours la petite réplique qui met tout le monde à l’aise. Nous nous connaissons de vue depuis que nous sommes nés – nos parents fréquentent la même paroisse depuis plus de vingt ans –, mais à cet instant, je pose un autre regard sur lui. Son sourire en permanence sur ses lèvres, son sens du service, sa bienveillance envers les autres, ses blagues, sa simplicité dans sa façon d’être font tomber mes rêves romantiques. Je fantasme sur mon prince charmant depuis longtemps : je l’imagine brun aux yeux bleus, à l’image des posters de mannequins accrochés sur les murs de ma chambre, parfumé à l’Antaeus de Chanel, grand, gentil et surtout aimant sa princesse… Lui n’a pas les yeux bleus, il ne porte pas ce parfum emblématique et pourtant… Son regard me bouscule et éveille en moi une dimension inconnue. Ces quelques secondes gravent cette sensation intense d’un trouble évident. Nous avions dixsept ans.

Notre amitié se construit avec le temps. Cette attirance que j’ai pour lui reste secrète et j’ignore ce qu’il pense de son côté. La joie qui passe entre nous est vivifiante. Je suis moi-même, sans artifice.

Au mois de juillet, nous sommes libérés et heureux d’avoir réussi notre bac. Le temps des vacances et l’air doux rendent les journées agréables. Entre deux séjours estivaux, lorsque je suis chez moi, j’aime me poser pour écrire ma correspondance, installée à mon bureau devant lequel se dresse toute une collection de cartes postales en noir et blanc. Elles couvrent les murs de ma chambre encore en travaux. Mes parents ont acquis un vieux corps de ferme et se sont lancés dans sa rénovation sur plusieurs années. Je me suis habituée à vivre dans une décoration fluctuant au rythme des chantiers. L’affichage de belles images et de pages de magazines est une solution. Je suis dans mon univers avec les clichés de grands photographes comme Doisneau ou Cartier-Bresson. Je prends mon stylo bleu, dont la plume glisse divinement sur le papier et fluidifie mon écriture appliquée. Un bloc de feuilles blanches accueille mes pensées aiguillées par un guide ligne en transparence. Je reprends la lettre d’une amie et me penche sur la réponse. Je reste des heures à écrire, à bavarder sur le papier.

Pour habiller joliment mes paroles, je confectionne des enveloppes avec des pages de magazines : publicités colorées, photos de mode, peintures, paysages, je récupère tout. Je choisis une belle photo d’îles avec soleil et mer turquoise. Le cérémonial créatif commence : plier la feuille en trois, découper les bords en suivant une règle devenue automatique, et les coller. Trouver une place bien visible pour l’adresse. Sélectionner un joli timbre de collection. Pour terminer, glisser les pages pliées en quatre et refermer d’une touche de colle. Pour cacheter les missives avec encore plus de panache, faire fondre quelques gouttes de cire et appliquer un sceau. La lettre peut partir. J’attendrai la réponse quelques jours ou quelques semaines, au bon vouloir de mon amie.

Le lendemain, une douce chaleur m’invite à m’installer dans la cour devant la maison. En compagnie de quelques oiseaux qui picorent des graines, le jardin fleuri m’inspire. Ce jour-là, à 11 heures pile, alors que j’écris à ma grand-mère, j’entends le claquement distinctif du volet métallique de la boîte aux lettres. Un bruit sourd semble indiquer qu’un paquet de lettres y a été déposé. Je traverse la cour ensoleillée et mets rapidement la clé dans la serrure, récalcitrante, ce qui a le don d’exciter mon impatience. Quelle sera la surprise du jour ? Une pile de lettres et de journaux apparaît, des enveloppes blanches et colorées, cartes postales estivales : j’ai du courrier ! J’en découvre une typique de mes correspondances amicales, faite dans une page de revues comme les miennes, et sur une autre, blanche, mon nom écrit au stylo-bille bleu, en petit lettrage serré. La flamme indique Mimizan : Christophe. J’attendais depuis quelques jours une réponse à mon courrier. J’ouvre rapidement l’enveloppe et m’installe sur le transat au soleil pour lire la carte postale envoyée depuis son lieu de colo :

Le 27 juillet 1995

Ma chère petite Hélène !

C’est après un long silence que je reviens à ma plume pour t’ écrire ce petit mot sur cette somptueuse carte de Mimizan…

Il me raconte son quotidien d’animateur de colo. Je l’imagine. Il me donne son programme, et en cadeau, il a glissé une photo de lui, indiquant : elle te tiendra compagnie durant août comme les tiennes m’accompagnent toujours. Je suis aux anges. Je reste quelques minutes à la contempler. Son sourire est fidèle à ce que j’aime chez lui. Je l’aurai avec moi. L’attente a été récompensée. Nous sommes loin et ne nous verrons pas de l’été. Je sais qu’il pense à moi.

Chapitre 2

Septembre 1995

Ces deux mois m’ont été salutaires. Inscrite à la fac de sciences du langage à l’université René-Descartes, ma nouvelle vie étudiante à Paris peut commencer. Christophe, lui, démarre son année en internat au lycée Saint-Louis en prépa math sup. Sa rentrée approche. La mienne n’est qu’en octobre.

Ce samedi-là, nous devons nous retrouver vers 15 heures pour jouer au ping-pong. Le sport n’est pas ma première passion, mais le tennis de table ne me déplaît pas. Nous nous lançons dans des parties endiablées, interrompues sans arrêt de plaisanteries et d’anecdotes de nos vacances. Concentration : zéro ; score : nul pour moi.

— Tu es trop fort, lui dis-je en éclatant de rire.

J’abandonne ma raquette pour lui faire comprendre que j’arrête là le massacre.

— Oui, mais tu ne fais que de te marrer aussi, me répondit-il en rigolant tout autant.

— Tu fais toujours l’imbécile, sauf que toi tu marques des points ! J’arrête. On va boire un coup ?

Perdre ne me dérange pas. La joie de le voir est bien plus grande, mais je tiens à garder mon honneur. Nous nous installons autour de la table, où mes frères nous rejoignent pour le goûter. Ma mère nous taquine gentiment et je soupçonne sa jubilation de nous voir passer du temps ensemble. Mes frères ont des affinités avec Christophe, ils rient des petites phrases complices qu’ils trouvent à se lancer. On s’amuse. Je suis bien. Désireuse de gagner un peu de temps en tête-à-tête, je lui propose d’aller faire un tour.

Le parc est à deux pas de la maison, la balade habituelle. Nous descendons la rue de l’ancien village, où les maisons en meulière aux volets rouges bordent les trottoirs étroits. Il marche d’un pas rapide. Je cours après lui pour rester à sa hauteur et discuter. Nous arrivons à l’ancienne église et je ne peux m’empêcher de faire un clin d’œil discret en la regardant. Depuis quelque temps, je cultive ma relation à Dieu et elle est devenue quotidienne, d’une grande simplicité. J’ai lu avec intérêt Jade et les sacrés mystères de la vie1, et ce récit m’a aidée à me rapprocher de lui. Je le sais dans cette église, toujours présent, et ce coup d’œil est une façon de lui confier ma relation avec Christophe, secrètement.

Nous arrivons au parc. Après avoir trouvé un endroit au bord du lac, nous prenons place dans l’herbe sèche en regardant les cygnes s’approcher, quêtant quelques morceaux de pain.

— Tu ne sais pas la dernière ? On m’a demandé d’être animatrice d’aumônerie cette année, je pense que je vais dire oui.

— Super. Je te vois bien dans ce rôle !

— Je suis bien contente. Ma mère me dit souvent : « Tu as beaucoup reçu, tu pourras beaucoup donner. » Je pense que je pourrai m’investir et partager ce qui m’anime. En ce moment, Dieu prend une place particulière dans ma vie. Il est de plus en plus proche.

— Comment l’expliques-tu ?

— Cette relation avec Dieu est particulière. Il est un ami à qui je peux tout dire, qui me connaît par cœur, et qui me donne beaucoup de joie. Je prends de plus en plus conscience que son amour me donne des ailes pour aimer à mon tour. L’aimer et aimer les autres. Je me sens chanceuse en sa compagnie, tout est possible.

J’arrache une brindille, que je déchiquette entre mes mains. C’est la première fois que nous abordons un sujet aussi intime, en profondeur. Il m’écoute. Son silence m’encourage à me confier et à avancer sur ce terrain spirituel.

— Dieu, ce n’est pas très compliqué pour moi. Ce que je sais, c’est que je suis heureuse de sentir sa présence. Je me sens profondément aimée. Je n’imagine pas une vie sans lui.

Il ne renchérit pas. Je n’attends rien en retour, j’ai juste été ravie de lui livrer mes pensées.

Journal intime, 10 septembre 1995

Je suis bien en ce moment. Je vis telle que je le souhaite et comme je le veux. J’ai envie de crier mon secret, celui d’aimer les autres, de vivre pour les autres, en Jésus ; car s’ il n’ était pas là, rien ne serait pour moi comme aujourd’ hui : il me fortifie, me fait espérer, m’apaise. Lui dire « Oui » et l’aimer encore plus. Parfois, ça me fait peur, car j’ai l’ impression que ça y est, je vais devenir religieuse, en étant si proche de lui. Alors qu’au fond, ce n’est pas ce à quoi j’aspire. En plus, Christophe me fascine. Il correspond tellement à ce que j’attends d’un homme. Je ne veux rien précipiter. Même si parfois, je voudrais qu’ il y ait des petits gestes sensuels, histoire d’espérer, mais rien. Sauf des regards foudroyants. Je ne peux vraiment pas savoir ce qui se passe dans sa tête, vis-à-vis de moi. Je suis prête à tout. C’est étrange, ce que je ressens pour lui, sacrément fort.

Merci, Seigneur d’avoir mis Christophe sur mon chemin, merci de me donner une telle relation avec lui, aussi simple et aussi profonde.

Allongée sur le ventre, je finis d’écrire ces quelques lignes pour conclure ma journée. Je referme mon stylo et mon carnet, les pose sur ma table de chevet, mes lunettes par-dessus. Après avoir éteint la lumière, je reste quelques minutes en prière.

1. François Garagnon, Jade et les sacrés mystères de la vie, Monte Cristo, 2002.

Chapitre 3

11 septembre 1995

Le lendemain, j’ai rendez-vous avec mon ami Hector. Je partage avec lui beaucoup de mes réflexions sur la vie et nous sommes des confidents l’un pour l’autre. Nous échangeons des conseils de lectures, chantons ensemble dans une chorale de jeunes, marchons des heures à parler de la vie, de la société, de nos choix. Un ami cher avec qui le sentimental ne prend pas le dessus. Nous nous retrouvons pour regarder Le cercle des poètes disparus1. J’ai vu ce film il y a quelque temps et il m’a fait verser mes premières larmes au cinéma. Dans son salon, volets fermés, affalés sur son canapé, nous sommes absorbés par l’histoire. Nous nous révoltons avec Neil contre la dureté de son père et admirons ce professeur qui donne des ailes de liberté à ses élèves. Lorsqu’ils montent sur leur table en criant : « Ô Capitaine ! Mon capitaine ! », saluant leur professeur renvoyé, je pleure, essuyant mes larmes pour ne rien louper de la scène. Blottis contre nos coussins, alors que le générique défile, nous n’osons reprendre la parole. Hector est dans le même état que moi et nous finissons par sourire de notre émotion partagée. Posée sur une table, la lampe rallumée par mon ami révèle nos yeux rougis. Il se lève pour rembobiner ; le bruit mécanique dure quelques minutes, avant l’éjection de la cassette VHS. Nous sortons pour prendre l’air et il me questionne sur Christophe. Je lui relate notre entrevue de la veille, nos discussions, nos échanges de regard, sans aller plus loin.

— J’avoue avoir été troublée, mais je ne sais pas si lui l’a été. Nous n’évoquons pas le sujet ensemble. J’ai un peu peur de tout gâcher en ouvrant ce chapitre. Il ne sait pas ce que je pense de lui et je ne sais pas ce qu’il a en tête. Je suis juste bien avec lui. Cette relation est spéciale, mais je ne me l’explique pas vraiment. Je suis consciente que cette situation peut durer longtemps. Ce n’est pas comme les autres histoires que j’ai pu avoir, même si je n’en ai pas eu beaucoup. Il y a un respect très fort entre nous, pour ne rien abîmer de cette simplicité. Dévoiler mes sentiments modifierait notre relation. Intérieurement, je jubile quand je le vois, et je m’en satisfais.

La conclusion d’Hector sur mon histoire claque comme une évidence :

— Oui, bon ben ! Tu es amoureuse, mais tu ne veux pas te l’avouer, et le lui avouer par la même occasion.

Il a raison, pourtant je ne suis pas prête.

La rentrée approche, Christophe sera très pris par sa prépa, nous allons évoluer dans des univers différents, nous nous verrons assez peu. Je ne veux rien précipiter.

1. Film de Peter Weir, avec Robin Williams, sorti en 1989.

Chapitre 4

Printemps 1996

Nos emplois du temps ne correspondent pas cette année et nous nous croisons très rarement. Nous continuons à nous écrire, prolongeant nos maigres discussions volées lors de nos entrevues. À chaque fois que je le vois, je ressens toujours cette attirance particulière. À la fac, j’ai un groupe d’amis avec lequel je passe beaucoup de temps. L’un d’entre eux s’aventure à me faire quelques avances, qui ne me laissent pas indifférente. Étrange sentiment. J’ai l’impression de trahir Christophe si je commence une histoire avec une autre personne. Pourtant nous ne nous sommes rien déclaré. J’attends, peut-être pour rien. Le sentiment amoureux partagé ne me semble pas évident. Dans ma vie sentimentale, je suis la reine des histoires platoniques. J’ai besoin de penser à quelqu’un, d’aimer une personne en particulier, c’est plus fort que moi. Là, quelqu’un me déclare sa flamme, nous nous voyons tous les jours. Mon ego est flatté.

Avant de prendre une décision, j’écris à Christophe pour être honnête, lui avouer enfin mes sentiments et savoir comment il se positionne. Je prends ma plus belle plume, mon plus beau papier et m’applique. Je pèse chaque mot. Je me dévoile. Je sais que je prends un risque. La réponse ne se fait pas attendre. Quelques jours seulement après l’envoi de mon courrier, une lettre arrive. Je prends une grande respiration avant de me mettre à la lire.

Le 25 avril 1996

Ma chère Hélène,

J’ai bien reçu ta lettre, à l’ instant même, elle m’a fait très plaisir ; j’avoue que je ne m’attendais pas à aborder maintenant le dossier « cœur », mais c’est un beau sujet, et il y a tant à dire. Le moment est venu d’en parler. C’est un domaine où l’on est face à l’autre en vérité, et face à soi-même, ce qui explique peut-être la difficulté que l’on a à s’exprimer, mais rien de tel, tu as raison, que d’ être vrai.

À la suite d’une histoire amoureuse qui s’est terminée avant que nous nous rencontrions, il m’a fallu du temps pour me remettre et bien mûrir la question. Depuis, je me cherche et me trouve petit à petit, mais le temps est long. Dans ce domaine, il ne faut pas aller trop vite : même si cette expérience a été positive, puisqu’elle m’a permis de grandir, je m’en suis mordu les doigts pendant six bons mois. Alors, je prends mon temps pour faire le point, prendre du recul.