L'amour au bureau - Rodolphe Fouano - E-Book

L'amour au bureau E-Book

Rodolphe Fouano

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Beschreibung

Témoignages sur la sexualité au travail.

Au travail, la promiscuité invite à la confusion des genres : plus d’un Français sur quatre déclare être tombé amoureux d’un(e) collègue. Sur fond de relations hiérarchiques, de rapports de force, de rivalités ou d’affinités, un moment se dessine – entre désir et refoulement, prise de risque et frustration – où tout devient possible. De belles histoires naissent, moins nombreuses toutefois que les moments d’égarement sexuel sans lendemain.
« Ça » se passe au bureau, au parking, dans l’ascenseur, dans le secret d’un cabinet médical, à l’hôtel, lors d’un entretien d’embauche ou d’un déplacement, après un déjeuner ou un dîner qui ont créé les conditions du passage à l’acte, brusqué, consenti. Ou pas…
Promotion-canapé assumée, respiration anti-routine, drague lourde, romantisme fleur bleue, démon de midi, exploitation de la naïveté humaine… le sexe dans le cadre professionnel a mille facettes.
À l’opposé d’un énième essai sociologique sur le monde de l’entreprise ou d’une vision d’expert des rapports humains, L’amour au bureau donne la parole à des « vrais gens » qui témoignent sans tabou de leur expérience, encouragés par la méthode de l’auteur : un entretien en toute liberté et sans fausse pudeur, une relation de confiance entre enquêteur et interviewé(e), de l’humour, de l’émotion, aucun jugement.

Ce livre réunit, sous forme d'entretiens, les témoignages de personnes ayant vécu une expérience sexuelle ou amoureuse sur leur lieu de travail.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Docteur ès Lettres de l’Université Paris-Sorbonne, Rodolphe Fouano est auteur et journaliste. Il collabore à différents supports dont Challenges et L’avant-scène théâtre où il traite de sujets sociétaux et culturels qui déclinent l’art de vivre. Après La Tentation libertine (La Boîte à Pandore, 2018), voici sa seconde enquête consacrée aux questions de sexualité.

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© Éditions La Boîte à Pandore

Paris

http://www.laboiteapandore.fr

Les Éditions Jourdan sont sur Facebook. Venez dialoguer avec nos auteurs, visionner leurs vidéos et partager vos impressions de lecture.

ISBN : 978-2-39009-446-3 – EAN : 9782390094463

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

RODOLPHE FOUANO

L’amour au bureau

Témoignages sur la sexualité au travail

À ZZ

La racine du travail

est parfois amère,

mais la saveur de ses fruits

est toujours exquise.

AVANT-PROPOS

L’hôtesse de l’air sexy, le pilote sûr de lui, l’infirmière trop zélée, le médecin au regard de feu, la secrétaire bimbo, la stagiaire innocente, le patron qui se croit tout permis, la prof qui drague ses élèves… Autant de personnages bien connus du théâtre, du cinéma, des romans, voire de l’actualité.

Mais que se passe-t-il quand ce sont nos collègues ? Au bureau, mariés, en couple, célibataires, avec des enfants ou pas, ils apparaissent seuls, semblent « libres ».

Plus contraignants, le regard des autres, les jalousies, le risque des rumeurs, les sous-entendus… Ils imposent une limite à la libido, surtout quand, au moindre dérapage, le harcèlement et son arsenal juridique peuvent désormais faire entrer l’allusion plus ou moins déplacée dans le monde pénal. Alors, entre désir et refoulement, rencontre érotique et renoncement, prise de risque et routine, comment choisir ?

La vie des collègues se découvre assez vite : un anneau d’or à la main, des photos d’enfants, par exemple, sont des informations capitales ; elles indiquent l’obstacle et la marge de liberté. Plus la famille est importée au bureau, moins « il » ou « elle » paraît disponible ou, au contraire, invite à un badinage sans conséquence.

Pour autant, une fréquentation quotidienne, des difficultés ou des réussites partagées, des potins ou des événements à commenter, créent une proximité d’autant plus grande que le temps au bureau est largement supérieur à celui passé à la maison.

De ce point de vue, les fumeurs ont une longueur d’avance et tous les prétextes du monde pour faire naître une rencontre, un essai à transformer. Une cigarette, du « feu » et c’est parti ! La tâche est plus dure pour les non-fumeurs : quoi inventer ? Arroser ensemble les plantes du bureau, ranger une armoire, reprendre une synthèse, inviter sans complexe à dîner… ? Peu naturelles, ces stratégies ont le mérite d’être plus directes, sur un mode quitte ou double.

De très belles histoires, des coups sans lendemain, des couples qui explosent, des familles détruites, des rencontres improbables, tout est possible dans un cadre professionnel.

Les seuls tabous naissent de chacun, ceux qui s’autocensurent pour leur renommée, ceux au contraire dont la réputation est de ne rien s’interdire, les Moines, les Allumeuses, les Dragueurs, les Timides, les « Porcs »…, tous les caractères sont représentés au bureau.

Les directions des Ressources humaines, au moment du recrutement, étudient-elles vraiment le cocktail que tel ou tel ingrédient va rendre explosif, la situation qu’une bombe ou un sosie de George Clooney va générer ?

Le bureau fait penser à la classe du collège, aux premiers frémissements, aux premières tentations, à la découverte d’une altérité excitante. Mais au bureau, on est entre adultes, majeurs et responsables, avec une image de soi à gérer et des conséquences à assumer ; être séduit(e) ou vouloir séduire, à nouveau, c’est une manière de retrouver ces émois adolescents, de rester jeune, de se sentir vivant, de ranimer une flamme que la routine professionnelle ou la famille éteint peu à peu. Un clin d’œil, un sourire, parfois juste l’envie de passer de la complicité à… un peu plus, voilà ce qui réveille une libido que l’on croyait en berne, l’Éros renaît.

Au bureau, les différences générationnelles sont lissées, on peut sans choquer personne passer des heures avec un(e) collègue de vingt ans de moins ou de plus, exercice difficile à provoquer spontanément ailleurs. En revanche, hiérarchies, rapports de force, rivalités professionnelles, courtisaneries en tous genres ajoutent des obstacles et prolongent le labyrinthe ; cela dit, ils peuvent aussi être vécus comme des défis à relever…

Cette promiscuité que crée le lieu de travail invite à la confusion des genres : plus d’un Français sur quatre déclare être tombé amoureux d’un(e) collègue. Entre flirt, infidélité, mails ambigus, drink after work prolongé, pauses à répétition, double vie, un moment se dessine où tout devient possible, à condition d’en prendre le risque.

Après les Trente Glorieuses du sexe au bureau, les open-spaces, le home-working et autre flex-office contrarient les escapades comme les histoires parallèles. Difficile de se cacher dans des locaux aux parois en verre, impossible de faire croire que l’on est dans une réunion en province si l’on travaille chez soi, plus du tout évident de mentir dans le monde de la transparence obligatoire. Aux États-Unis par exemple, l’employeur peut exiger la révélation des sex affairs dans l’entreprise et licencier pour ce motif ; en France, elles relèvent de la vie privée, sauf si elles impactent l’activité professionnelle. Il est amusant de noter à ce propos que plus les gens sont amoureux d’un(e) collègue, que la réciproque est vraie, que le sexe au bureau est bien vécu, plus ils sont épanouis et productifs. Mais les choses se gâtent si la situation se détériore et l’inefficacité pointe son nez, d’autant plus que croiser quotidiennement quelqu’un qui ne vous aime plus est insupportable et mène à la dépression. Qui imaginerait vivre chez son ex après un divorce ou une rupture ?

Au bureau, la vie continue, parfois pour le pire, sans parler des scandales qui peuvent faire irruption dans l’entreprise, dans la famille, lorsque le/la partenaire « officiel(le) », mais trompé(e) l’apprend par hasard ou intentionnellement.

Toutes les facettes du sexe au bureau existent : promotion-canapé assumée, envie torride incontrôlable, romantisme fleur bleue, respiration anti-routine, perspective de refaire sa vie, drague lourde, allumage gratuit, moment d’égarement, déstabilisation d’un(e) rival(e), vengeance, démon de la quarantaine, de la cinquantaine, de la soixantaine, baroud d’honneur avant la retraite, bizutage, exploitation de la naïveté humaine, magie fusionnelle, chance à ne surtout pas rater, jeu du chat et de la souris…

Elles ont un point commun : « ça » se passe au bureau, dans l’entreprise, au parking, dans l’ascenseur, au fond d’un cagibi, à l’hôtel, lors d’un congrès, d’un déplacement, après un déjeuner ou un dîner qui ont créé les conditions du passage à l’acte, brusqué, provoqué, consenti. Ou pas… Faits divers sordides et « affaires » défraient régulièrement la chronique.

Comment ça se passe ? L’amour au bureau répond dans une passionnante galerie de portraits de femmes et d’hommes qui racontent, sans tabou, leurs expériences, leurs pratiques, leur manière de gérer la situation pendant et après. Parce qu’au bureau, une fois que « c’est fait » (plus ou moins bien : en matière de sexe au bureau, il y a aussi une première fois – qui peut être la dernière…), tout change : se cacher ou assumer ? Tromper ou divorcer ? Céder et oublier ? Passer à un(e) autre ? Être rongé(e) de remords ? Avouer ? Se marier ? Fuir ? Stop ou encore ?

Sous leurs prénoms d’emprunt, Marie-Pierre, Margaux, Sarah, Bruno, Véronique, Rachel, Samira, Laurence, Daniel, Nathalie, Marianne, Gabrielle, Sabrina, Frédéric, Estelle, Jean-Luc, Guillaume, Louis dévoilent ce moment qui a, d’une manière ou d’une autre, transformé leur vie1.

À l’opposé d’un énième essai sociologique sur le monde de l’entreprise ou d’une vision d’expert des rapports humains, L’amour au bureau donne la parole, à cru, à des « vraies gens » qui témoignent de leur expérience de la sexualité au travail.

Dans tous les cas, ils ne simulent pas. Ils y sont encouragés par la méthode : un entretien en toute liberté et sans fausse pudeur, une relation de confiance entre enquêteur et interviewé(e), de l’humour, de l’émotion, aucun jugement. Leurs confidences intimes peuvent choquer, donner envie de créer ou de céder à la tentation, pour le meilleur ou pour le pire.

Il est temps de commencer la promenade et de passer au salon, ou plus précisément, au bureau…

Yves Bardon

Ancien élève de l’École normale supérieure

Consultant Ipsos, spécialiste des sujets de société

1. Les prénoms des témoins ont été changés pour garantir leur anonymat.

I - Où sont les hommes ?

(Marie-Pierre).

Faut-il coucher pour réussir ? Archétype de la femme moderne décomplexée, Marie-Pierre, la quarantaine rayonnante, assure dans un éclat de rire que c’est un fantasme d’homme. Mais elle parle aussi d’« accélérateur de carrière »…

***

Ça change quoi d’être une femme en entreprise ?

Marie-Pierre : C’est d’abord une chance ! Nos sourires font des merveilles. Là où un homme se braquerait, montant sur ses ergots comme si son honneur était en jeu, la femme esquive, comprend, rassure. Diplomate, elle arrondit les angles. En un mot, elle démine. Elle dénoue des situations explosives ou réputées insolubles.

Talleyrand, séducteur hors pair, assurait qu’en amour, la beauté fait gagner quinze jours. Par analogie, je dirais que nous avons toujours une longueur d’avance sur les hommes… Combien de fois, en allant moi-même directement voir le chef d’atelier cinq minutes, j’ai obtenu ce que le vendeur n’avait pas eu en une semaine d’efforts et de tensions !

Dans quel domaine travaillez-vous ?

Marie-Pierre : J’ai pas mal roulé ma bosse. J’ai commencé ma carrière dans la grande distribution, travaillé ensuite dans le nautisme de luxe, puis pour un préparateur de rallyes automobiles avant de lancer mon propre business dans l’œnotourisme, ce qui n’a vraiment rien à voir.

Je suis une femme active, qui aime les challenges et qui ne rechigne pas à aller au contact…

Vous usez de votre charme sans ambiguïté ?

Marie-Pierre : Je n’ai jamais dit ça ! J’ai des armes, je m’en sers. [Rires] Quel mal y a-t-il à dire merci ou à faire un joli sourire si cela permet d’arriver plus vite à ses fins ? Mais je n’ai jamais eu le sentiment de me pervertir, que ce soit avec mes collègues ou avec ma hiérarchie…

Même quand il fallait coucher ?

Marie-Pierre : Il ne « faut » jamais coucher ! C’est un fantasme. Si l’on couche, c’est un choix personnel. Simplement, quelquefois c’est utile, je vous l’accorde… Le sexe fonctionne comme un accélérateur de carrière, rien de plus… Mais on peut toujours dire non.

Cela vous est arrivé souvent ?

Marie-Pierre : De recevoir des propositions ? Je vous laisse deviner… [Rires]

Le monde des rallyes est un milieu très masculin… Je suis assez rapidement parvenue à être reconnue pour mes compétences, mon énergie, ma capacité de travail, ma rigueur. Bref, mon professionnalisme. Mais on n’a jamais pour autant cessé de voir en moi une bombasse à inscrire à son tableau de chasse ! 1,75 mètre, 55 kg, 85 D, des yeux bleus… Vivant seule. Immanquablement, ça attire…

Comment avez-vous géré ?

Marie-Pierre : J’ai toujours fait en sorte que mes collègues aient besoin de moi au niveau professionnel. C’est comme ça que j’ai réussi à les tenir en respect. S’ils étaient en difficulté, ils savaient qu’ils pouvaient m’appeler et que je tenterais de trouver avec eux une solution. Cela instaure un certain climat de confiance. Quand vous avez sorti de l’embarras quelqu’un deux ou trois fois, il vous est redevable. Il a une dette symbolique qui l’oblige envers vous.

Cela suffit-il à neutraliser les velléités sexuelles ?

Marie-Pierre : Par expérience, je vous réponds oui. De proie potentielle, on devient alors plutôt confidente. J’ai désamorcé par cette attitude des situations périlleuses. Et rapidement, je pense que j’en savais sur eux plus que leurs propres épouses…

Et puis, vous savez, on se fait une image fausse. La plupart des hommes parlent plus qu’ils n’agissent, croyez-moi. Ils m’apparaissent collectivement comme des supporters de foot qui auraient suivi un match devant la TV en buvant de la bière et qui diraient : « On a bien joué ». Ou une bande de copains qui, ayant visionné un film porno, s’exclameraient : « On a bien baisé ! »

C’est souvent de la vantardise, du bagout, mais peu assurent.

Ne cherchez-vous pas à rassurer les épouses inquiètes qui vous liront peut-être ?

Marie-Pierre : J’exagère à peine. Je vous accorde que certains sont plus entreprenants que d’autres… Mais dans ce cas, leur réputation les a précédés. On sait à quoi s’en tenir. Si l’on y va, c’est que l’on aime ça.

Quelles propositions avez-vous reçues ?

Marie-Pierre : C’est rarement direct. Le plus souvent, l’approche est insidieuse. Beaucoup d’hommes visent un rapport furtif. Les commerciaux, par exemple, sont volontiers adeptes des 5 à 7…

Dans le cadre provincial où j’ai travaillé, leurs propositions étaient à leur image. Étriquées. Sans panache. Ils n’allaient pas m’inviter pour un week-end à Venise ou à Marrakech dans un riad…

Au mieux, ils vous emmènent déjeuner. La pause du midi est favorable à la partie de jambes en l’air. Ah ! Ça, ils savent faire. Ils ont toujours en tête un « petit resto sympa » à vous faire découvrir ou un point de vue pittoresque dans la campagne qu’ils aimeraient vous montrer…

Sans parler du b.a.-ba, lorsque j’évoluais dans le secteur de la compétition automobile, comme partir récupérer une carte grise à la préfecture ou aller chercher une carcasse sur une chaîne pour la préparer dans les ateliers en version rallye. Ça prend la journée…

Pause « hygiénique » comprise, j’imagine…

Marie-Pierre : Appelons ça comme ça !

Vous n’avez donc jamais dit oui ?

Marie-Pierre : Je ne dis pas cela… Mais je préfère parler d’autre chose, si vous le voulez bien. J’ai honte de mes faiblesses…

Avez-vous observé une évolution dans le comportement des hommes au sein des entreprises ?

Marie-Pierre : Incontestablement. Le sexisme ordinaire qui prévalait appartient à une autre époque. Les plaisanteries sexistes de corps de garde ont disparu. Les hommes ont peur désormais et se tiennent à carreau.

Vraiment ?

Marie-Pierre : Une entreprise impose une vie en communauté, cinq jours par semaine, dans un espace réduit. Si le type se dévoile et que vous ne suivez pas, il a l’air malin !

Aujourd’hui, la drague au bureau est devenue un exercice périlleux. Trop de risques pour un homme.

S’il tombe sur une féministe hystérique, elle le balancera au mieux avec une plainte pour harcèlement, au pire avec une accusation de tentative de viol ! Et probable que le temps de l’instruction, il aura déjà perdu son poste et sa femme se sera barrée avec les enfants…

De fait, depuis un moment, j’ai l’impression de vivre comme une nonne au milieu d’eunuques ! Rappelez-vous le tube de Patrick Juvet, « Où sont les femmes ? ». Aujourd’hui, il ferait un tabac, mais il chanterait : « Où sont les hommes ? » Plus rien n’est possible. On leur a coupé les couilles ! Pardonnez-moi cette image, mais elle traduit les choses clairement.

Vous le regrettez ?

Marie-Pierre : Peu importe, ce serait vain. On ne peut pas être nostalgique du temps où l’on se faisait chambrer (sans jeu de mots !) à tout-va et qu’on vous mettait régulièrement une main aux fesses, comme cela m’est arrivé souvent quand j’ai commencé à travailler.

Mais observer en revanche que des collègues ne sont pas insensibles à votre charme et évoluer dans un certain climat de séduction ne me déplaisait pas. Encore fallait-il respecter la plus élémentaire civilité et les limites que j’imposais.

Quelles étaient-elles ?

Marie-Pierre : Mon envie, mon désir, ou mes… caprices ! [Rires]

Je n’ai pas été aimable avec vous tout à l’heure en refusant de vous répondre. Bien sûr que j’ai parfois dit oui. Faute avouée, à demi pardonnée, n’est-ce pas ? [Rires]

Accepteriez-vous de nous raconter l’un de vos refus ?

Marie-Pierre : Dans la seconde société où j’ai travaillé, le boss a tenté sa chance. Il était cloué chez lui par une hernie discale ou je ne sais plus quoi. Son absence a duré trois semaines. Il travaillait depuis son domicile, avec son ordi et son téléphone. Mais comme il était parano et que personne n’était habilité à signer à sa place, on lui portait les documents préparés et les chèques préremplis.

Un jour, on m’a demandé d’y aller, son assistante étant en journées de formation. Et il m’a coincée.

Parapheur posé sur son bureau, je tournais les pages au fur et à mesure qu’il signait. II m’a attrapée par le bras et m’a plaquée sur ses genoux. Du genre : « Assieds-toi sur ma bite et causons ! »

Quelle fut votre réaction ?

Marie-Pierre : J’étais stupéfaite. Il avait une soixantaine d’années, moi trente environ. Je n’avais pas imaginé être confrontée à ce genre de situation avec lui. Je me suis relevée d’un bond, droite comme un piquet.

Il a pris un air mielleux : « Ne le prenez pas mal, m’a-t-il dit posément en articulant chaque mot avec affectation. Je vous apprécie beaucoup. Vous n’avez pas dans l’entreprise la place que vous méritez, il faut que nous en parlions. Il ne tient qu’à vous... »

Je l’ai giflé. J’en avais assez entendu. Je n’ai jamais été à vendre ! Je suis toujours flattée, le cas échéant, qu’on tente de me séduire, pas qu’on me prenne pour une pute !

Il vous a laissé partir ?

Marie-Pierre : Sans doute a-t-il eu peur que je fasse un scandale. Il s’est confondu en excuses, en m’assurant que cela ne se reproduirait plus. Et il a tenu parole.

De toute façon, je n’ai pas tardé à quitter l’entreprise.

II - Jouer ? Chiche !

(Margaux).

Mariée et déjà mère de trois jeunes enfants, Margaux tombe dans les filets de son nouveau supérieur hiérarchique que sa réputation de séducteur a précédé. Un jeu de ping-pong endiablé va changer sa vie.

***

Comme un quart de la population, vous avez rencontré votre futur mari sur votre lieu de travail.

Margaux : Oui, en étant déjà mariée et mère de trois enfants.

Dans quel genre d’entreprise travailliez-vous alors ?

Margaux : Dans le secteur de l’automobile. Mon mari avait été muté quelques mois auparavant dans le sud-ouest de la France, je l’ai suivi. C’est même par son intermédiaire que j’avais obtenu mon poste.

Cette recommandation fut donc à l’origine de votre séparation…

Margaux : A posteriori, ce détail est croustillant à relever, je vous l’accorde. Mais sur le moment, il ne pouvait pas deviner ce qui arriverait. D’autant que, lorsque j’ai intégré la boîte, celui que j’allais rencontrer quelques mois plus tard n’était pas encore en poste. Mais comme Zorro, il est arrivé.

Voulez-vous raconter ?

Margaux : J’étais là depuis bientôt un an lorsque le chef de vente a changé. Le directeur du groupe avait décidé de permuter une partie du personnel entre les différents sites de la concession. Je m’entendais bien avec mon supérieur précédent. J’ai demandé de le suivre, mais la direction a refusé.

Craigniez-vous tant le nouvel arrivant ?

Margaux : Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’avait pas bonne réputation. Je le connaissais de loin pour l’avoir rencontré lors d’une foire commerciale et à l’occasion d’opérations de promotions. Il était redouté de tous, avait la réputation d’être sanguin et… séducteur.

Un matin, il a donc débarqué, en s’installant dans mon bureau. Il a posé ses deux sacoches noires sur la table, en face de moi exactement, comme s’il avait planté son drapeau pour marquer son nouveau territoire.

Et ce fut rapidement le début de la fin ! [Rires]

Expliquez-nous…

Margaux : Nous n’avions pas les mêmes méthodes de travail. On s’est rapidement frottés. Un peu comme des chats qui émettent des feulements les poils hérissés, mais qui évitent le combat. On s’est jaugés. Professionnellement s’entend. J’ai été bien soulagée de retrouver l’usage exclusif de mon bureau quand, la semaine suivante, il a intégré le sien tout juste repeint.

Un mois plus tard à peine, mon mari est parti en stage de formation à Bordeaux pour suivre un séminaire de quelques jours. Cette absence m’a obligée à demander un aménagement de mes horaires. Devant conduire les enfants moi-même à l’école – ce que faisait ordinairement leur père – il fallait que l’on m’accorde d’arriver plus tard le matin et que je reparte plus tôt le soir pour les récupérer à la fin de l’étude. J’avais sollicité mon chef de vente pour obtenir cet arrangement. Il savait ainsi pertinemment que j’étais seule.

On croit deviner la suite…

Margaux : En fin de matinée, il est entré dans mon bureau à brûle-pourpoint, disant à peine bonjour et m’a lancé laconiquement : « Êtes-vous libre demain soir ? » Je lui ai demandé : « Pourquoi ? » Il m’a répondu : « J’aimerais vous inviter à dîner ». Et sans plus d’explication, il a disparu.

Je ne m’y attendais pas du tout. J’ai réfléchi à sa proposition toute la journée. Je me suis demandé si je comprenais bien. Son comportement n’avait jamais été équivoque. Pas d’allusion non plus qui aurait pu laisser penser qu’il avait des vues sur moi.

Vous avez évoqué pourtant sa réputation de séducteur…

Margaux : Eh bien justement. Comme, depuis qu’il était arrivé, il n’avait jamais esquissé la moindre tentative, j’en avais conclu que je ne l’intéressais pas.

Un habile séducteur est un fin stratège. Le choix du moment de l’attaque est un principe de base et l’effet de surprise une condition décisive…

Margaux : Vous semblez parler en connaissance de cause… [Rires]

Quoi qu’il en soit, je lui ai répondu dans l’après-midi que j’acceptais son invitation. Il me provoquait ? Je n’entendais pas me dégonfler !

Vous parliez de chats. Chez ces félins, la frontière entre conflit et bagarre de jeu est souvent subtile. Chacun menace l’autre et le défie…

Margaux : La démarche de Max – appelons-le par son prénom – manifestait un effort de socialisation, si j’ose dire. S’il était resté chat, j’étais devenue souris… Les lignes bougeaient ! Une nouvelle phase de jeu, en somme.

On s’est retrouvés comme convenu le lendemain soir dans un endroit discret et élégant. Il y avait des photophores sur les tables dressées dans le jardin intérieur. Le repas fut agréable, arrosé d’un Château Haut-Marbuzet, inoubliable Saint-Estèphe.

De quoi avez-vous parlé ?

Margaux : De tout, de rien. De la vie, de nos vies. Il m’a appris qu’il était en instance de divorce. Et presque sans transition, il m’a demandé si j’aimais mon mari. J’ai senti la question piège.

Dans ces moments-là, on ne laisse échapper naturellement que ce que l’on a envie de dire. Mais j’ai trouvé qu’il attaquait direct et j’ai admiré son audace.

Je lui ai répondu : « D’après-vous ? Évidemment ! Sinon, que ferais-je là ? » Mon ironie l’a fait sourire. Le plus cocasse est qu’ils se connaissaient assez bien et avaient souvent affaire l’un à l’autre dans le cadre professionnel.

Vous étiez sous le charme ?

Margaux : Un peu, oui. J’étais sensible au côté aventurier de Max. Son assurance et sa liberté clairement revendiquées me plaisaient. Le type qui ne fait que ce qu’il veut. Volontiers olé olé. Et qui ne me cacha pas mener une vie de patachon.

Ne reculant pas, le cas échéant, à inviter à dîner l’épouse d’un collège…

Margaux : Certes. Il m’offrait l’occasion de vérifier qu’il méritait sa réputation… J’ai pensé : « Why not ? Allons voir ! »

Je le trouvais drôle. Il s’affichait profiteur et hédoniste sans essayer de se faire passer pour autre chose que ce qu’il était. Désarmante franchise.

À la fin du dîner, il m’a dit : « Qu’est-ce qu’on fait ? »

J’ai affecté un sourire enjôleur : « Je ne sais pas. Que voulez-vous dire ? » Sans baisser le regard.

« Vos yeux brillent, a-t-il repris. On continue ou pas ? »

J’ai lâché : « Continuons ! »

Quelle suite imaginiez-vous exactement à l’instant ?

Margaux : Je ne sais pas. Rien de précis. Je ne voulais pas qu’il se figure que j’avais peur. Je faisais front. Il voulait jouer ? J’en étais capable !

Vous aviez envie de lui ?

Margaux : Je ne dirais pas cela comme ça. L’excitation n’était pas d’ordre sexuel. C’était plutôt une tension ludique. Dans ces moments, on sent qu’on joue avec le feu et on se complaît dans une stimulante griserie. Le moindre mot est sujet à plaisanterie, à surenchère. Suivant un délicieux et précaire équilibre.

En vous demandant si vous « continuiez » ou non, il vous invitait à passer à l’étape suivante. Vous en aviez conscience ?

Margaux : Sans doute ! Je ne suis pas tombée de la dernière pluie…

Nous avons quitté le restaurant. J’ai laissé ma voiture pour monter avec lui. Il s’est arrêté sur le parking d’un hôtel et a demandé une chambre.

Vous ne ressentiez pas d’attirance physique, avez-vous dit. Vous imaginiez bien qu’il n’allait pas vous proposer une partie de cartes…

Margaux : Bien sûr ! Mais, c’était un tout. Je m’étais prise au jeu.

Il a ouvert la porte de la chambre, a glissé la carte magnétique dans le boîtier du couloir. Puis, il s’est effacé pour me laisser entrer.

Je me suis faufilée vivement, en attrapant la carte au vol, ce qui a eu pour effet de nous plonger dans le noir. Comme les rideaux n’étaient pas totalement tirés, un rai de lumière éclairait juste ce qu’il faut pour se repérer.

« Vous êtes décidément joueuse », m’a-t-il dit en refermant la porte.

Je me suis assise sur le bord du lit. Comme le hasard fait bien les choses, mon visage était juste à la hauteur de sa ceinture… [Rires]

Il s’est rapproché. J’ai posé ma main sur son pantalon. J’ai baissé sa braguette. Il était déjà en érection. Je me suis laissé glisser sur la moquette, puis je me suis redressée pour le lécher.

Quand il a appuyé sur ma nuque pour que je le prenne en bouche plus profondément, je me suis dégagée. Je voulais rester seule aux commandes, maîtriser le rythme de mes caresses. J’ai toujours mis un point d’honneur à inverser les rapports de force. J’aime décider. Je l’ai retenu aussi lorsqu’il a commencé à déboutonner mon corsage.

Bref, j’ai joué la femme directive volontairement déconcertante : « Mais restez tranquille ! Je ne voudrais pas que vous me preniez pour une fille facile qui se laisse tripoter dès le premier soir ».

Le tout prononcé la bouche pleine, ça l’a fait rire. Cela l’a d’ailleurs à tel point troublé qu’il n’a pas tardé à éjaculer. Je me suis appliquée jusqu’au bout…

Vous êtes toujours aussi entreprenante ?