L'Archer du marais - Alain Marty - E-Book

L'Archer du marais E-Book

Alain Marty

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Beschreibung

Une série de meurtres sur la presqu'Île d'Arvert lance le capitaine Rémy Noisier sur une nouvelle enquête, aidé par ses adjoints Maud et Arnaud.

Un meurtre entre deux claires dans le marais ostréicole de la presqu’île d’Arvert, cela ne s’était jamais vu ! Le capitaine de gendarmerie Rémy Noisier de La Tremblade devra résoudre cette énigme avec l’aide de ses adjoints, la gentille Maud et Arnaud.
Ce meurtre sera rapidement suivi d’un autre : un marin pêcheur se faisant épingler comme un papillon par une flèche contre la cabine de son bateau. La série est-elle vraiment terminée ?
Qui est cette romancière qui vient s’asseoir chez Paulo au bistrot du port ? Vient-elle seulement se documenter sur la vie locale pour écrire son roman d’amour ? Maud va essayer de le savoir pour aider son Capitaine à résoudre l’affaire.
Et quelle est cette mystérieuse confrérie de chasseurs ? Chassent-ils seulement les animaux en voie de disparition ? Quel est le lien avec cette jeune fille assassinée près d’une tonne pour la chasse au canard l’an passé ?
Qui est cet archer qui tue les chasseurs un par un ? Un défenseur des animaux ? Maud ne risque-t-elle pas de s’engager trop loin… au péril de sa vie… devenant une proie à son tour !

Laissez-vous surprendre par cette nouvelle enquête en Charente-Maritime aux côtés de la brigade de La Tremblade, qui ne recule devant rien pour faire éclater la vérité !

EXTRAIT

Que fait cet homme, sur un chemin qui ne mène nulle part, en habit de camouflage, la capuche relevée, un étrange objet à la main ?
Les insectes nocturnes, un instant dérangés, reprennent leurs stridulations avec hésitation, avec des arrêts, pour s’assurer que nul prédateur ne s’approche d’eux.
Et celui-là ? Qui fut debout il y a peu de temps et qui est maintenant allongé sur le sol, tête nue, en pantalon et chemise, comme s’il sortait d’un rendez-vous mondain... que fait-il ainsi ?
Il n’est pas encore mort, sa main posée sur une petite fleur du marais est agitée de mouvements spasmodiques. Dans le ciel, leur luminosité éclipsée par l’éclat d’une lune rousse, les étoiles se voilent la face ; depuis que le monde existe, elles ont choisi de ne rien entendre et si, par inadvertance, elles parvenaient à voir quelque chose, elles préféreraient ne rien dire, ce ne serait pas leur affaire.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alain Marty récidive dans le roman policier. À la retraite depuis 2004, il troque les algorithmes de ses programmes informatiques contre les méandres bien plus complexes du cerveau des hommes. Pourquoi un homme est-il amené à tuer ? Pire ! À commettre des horreurs ? Certains sont-ils pardonnables ?

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Table des matières

Résumé

L’archer du marais

Précisions

Remerciements

Du même auteur

Résumé

Un meurtre entre deux claires dans le marais ostréicole de la presqu’île d’Arvert, cela ne s’était jamais vu! Le capitaine de gendarmerie Rémy Noisier de La Tremblade devra résoudre cette énigme avec l’aide de ses adjoints, la gentille Maud et Arnaud.

Ce meurtre sera rapidement suivi d’un autre : un marin pêcheur se faisant épingler comme un papillon par une flèche contre la cabine de son bateau. La série est-elle vraiment terminée?

Qui est cette romancière qui vient s’assoir chez Paulo au bistrot du port ? Vient-elle seulement se documenter sur la vie locale pour écrire son roman d’amour ? Maud va essayer de le savoir pour aider son Capitaine à résoudre l’affaire.

Et quelle est cette mystérieuse confrérie de chasseurs? Chassent-ils seulement les animaux en voie de disparition ? Quel est le lien avec cette jeune fille assassinée près d’une tonne pour la chasse au canard l’an passé?

Qui est cet archer qui tue les chasseurs un par un ? Un défenseur des animaux ? Maud ne risque-t-elle pas de s’engager trop loin… au péril de sa vie… devenant une proie à son tour !

Alain Marty récidive dans le roman policier. À la retraite depuis 2004, il troque les algorithmes de ses programmes informatiques contre les méandres bien plus complexes du cerveau des hommes. Pourquoi un homme est-il amené à tuer ? Pire ! À commettre des horreurs ? Certains sont-ils pardonnables ?

Alain Marty

L’archer du marais

Roman policier

ISBN : 9782378735708

Collection Rouge

ISSN : 2108-6273

Dépôt légal : février 2019

© couverture Ex Æquo

© 2019 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

Toute modification interdite

Éditions Ex Æquo

6 rue des Sybilles

88370 Plombières Les Bains

Et si les victimes étaient des personnes parmi les plus méprisables du monde, et si l’assassin méritait d’être applaudi ?

***

1

Dans le Grand Ouest charentais, la presqu’île d’Arvert, aux multiples attraits, n’est que partiellement connue des touristes, ces « baignassouts », comme on disait au siècle dernier, expression que certains anciens utilisent encore.

 Ces touristes ne fréquentent que les plages avec des villes balnéaires, comme Saint-Georges-de-Didonne, Royan, Ronce-les-bains pour n’en citer que quelques-unes. Bien entendu, les huîtres n’ont plus de secrets pour eux avec la Cité de l’huître à côté du chenal de la Cayenne près de Marennes, ainsi que La Grève, le long du chenal de La Tremblade, avec ses cabanes d’ostréiculteurs, dont certaines ont été transformées en restaurant.

Mais lequel d’entre eux est parti à la découverte d’endroits mystérieux sur les abotteaux, ces passages étroits formés de monticules de vase tassée, tapissés d’herbe, de débris de briques et de coquilles ; ces chemins qui entourent les parcs où les huîtres vont finir de grandir et de s’épurer ? Bien peu ! Certains peut-être, iront s’aventurer, sans risque, sur le sentier qui commence au port de Mornac pour atteindre la Seudre. Ce fleuve qui s’étale majestueusement entre ses deux rives, dont les eaux sont pressées de rejoindre l’Océan Atlantique, un instant ralenties par la présence de l’île d’Oléron.

À moins d’être guidé par un autochtone pour une découverte des oiseaux et des plantes, personne n’irait non plus dans le marais de Coux, entre La Tremblade et Avallon, encore moins la nuit... pas même un chasseur, et puis ce n’est pas la saison.

Mais alors ?

Que fait cet homme, sur un chemin qui ne mène nulle part, en habit de camouflage, la capuche relevée, un étrange objet à la main ?

Les insectes nocturnes, un instant dérangés, reprennent leurs stridulations avec hésitation, avec des arrêts, pour s’assurer que nul prédateur ne s’approche d’eux.

Et celui-là ? Qui fut debout il y a peu de temps et qui est maintenant allongé sur le sol, tête nue, en pantalon et chemise, comme s’il sortait d’un rendez-vous mondain... que fait-il ainsi ?

Il n’est pas encore mort, sa main posée sur une petite fleur du marais est agitée de mouvements spasmodiques. Dans le ciel, leur luminosité éclipsée par l’éclat d’une lune rousse, les étoiles se voilent la face ; depuis que le monde existe, elles ont choisi de ne rien entendre et si, par inadvertance, elles parvenaient à voir quelque chose, elles préféreraient ne rien dire, ce ne serait pas leur affaire.

Un pied, chaussé d’un ranger noir couvert de poussière de vase, se pose sans ménagement sur le dos de l’homme au sol ; par la pression sur sa cage thoracique, des bulles roses apparaissent à la commissure de ses lèvres.

Des doigts gainés d’un vieux cuir usagé saisissent la hampe de la flèche profondément enfoncée entre ses côtes et l’extraient d’un mouvement puissant. Avec des gestes lents, l’inconnu essuie la pointe sanglante avec un chiffon qu’il range soigneusement dans sa poche, il s’en débarrassera plus tard. Il dépose la flèche aux côtés de ses compagnes dans un carquois de peau accroché à sa ceinture. Il se penche vers le moribond, observe une veine du cou dont les saccades qui s’espacent indiquent un cœur qui va s’arrêter. La petite grenouille des marais qui avait assisté à la scène, si elle avait osé lever la tête, aurait pu apercevoir sous la capuche de l’assassin un sourire fugitif, vite effacé. Rassuré sur la fin inéluctable de son gibier, l’inconnu s’éloigne d’un pas souple.

La main de l’homme allongé s’est raidie puis elle est retombée au ralenti, son bras a lentement glissé vers le bas, vers le riveau par où s’écoulent les eaux que son sang va rejoindre. Il n’aurait jamais dû croire à ce petit mot qu’il avait trouvé sur son pare-brise, coincé derrière l’essuie-glace, le mot d’une femme à la signature illisible, lui donnant rendez-vous en ce lieu désert à une heure si tardive. Mais il n’avait jamais su résister à une telle proposition, imaginant déjà un accouplement torride sur un abotteau de vase entre deux claires, dans le grand silence du marais...

Dans ses ultimes secondes de vie, comme une bobine qui se dévide à toute vitesse, il se souvient comme si c’était hier de la jeune Marie-Jeanne, celle qui avait les jambes si longues... sa première. Elle l’avait invité un soir comme celui-ci pour « attraper des pibales{1} », disait-elle. Elle avait de l’expérience, lui pas, mais cette émotion nouvelle qu’elle lui avait fait découvrir dans les herbes, après lui avoir offert son triangle sombre sous son ventre si blanc, il l’avait renouvelée souvent, avec elle au début, avec beaucoup d’autres ensuite... jusqu’à cette dernière, aux pupilles dilatées, mais à la peau si douce... la dernière... la...

Dans ses yeux qui deviennent ternes, passe comme une interrogation : il ne saura pas qui l’a tué.

La raison ? Ça, il s’en doute un peu, mais il n’a pas de regret.

***

2

Dans une coquette maison située dans la partie boisée de La Tremblade, Claudine Monvoisier regarde l’assiette de soupe qui attend stoïquement son bon-vouloir dans le four du micro-onde de la cuisine, puis elle dirige ses pas vers le salon. Elle s’assoit sur le grand canapé de cuir brun en laissant échapper un soupir, pas ce soupir de satisfaction que l’on pousse après un repos bien mérité, non, il s’agit d’un soupir de lassitude. Patrick, son mari, l’a appelée pour lui signaler qu’il devait terminer un travail urgent ; cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé, elle avait fini par s’habituer à le voir ouvrir en grand la porte juste à temps pour se mettre à table avec elle et les enfants.

Elle connaît ses qualités, son professionnalisme, un client satisfait est un client qui revient, et le métier de carrossier n’est pas un métier facile.

Les enfants sont couchés, ils sont raisonnables et elle n’aura pas besoin de se fâcher pour qu’ils éteignent après avoir terminé une lecture ou peut-être la révision d’une leçon pour le lendemain ; ils ont de bons résultats scolaires et elle leur fait confiance.

Elle allume la télévision et cherche sur les chaînes ce qui pourrait l’intéresser. Sur l’une, le policier est commencé, elle ne va rien y comprendre, sur une autre un artiste chante en anglais... pourquoi ne pas chanter en français ? Le cachet est-il moins élevé ? Sur une autre chaîne, elle découvre un reportage qui se déroule en Afrique et d’un geste nerveux elle passe rapidement sur la suivante, cela lui rappelle trop les périodes où son mari part avec ses copains en délaissant sa famille... elle revient sur les variétés où maintenant une jeune femme danse en même temps qu’elle chante...

— « Playback » ironise-t-elle... comment peut-on se tortiller ainsi sans perdre son souffle ?

À propos de souffle, le sien devient peu à peu régulier et sa main, qui n’a plus la force de tenir la télécommande, vient s’appuyer sur l’accoudoir... ses yeux se ferment sans qu’elle s’en rende compte.

Les vociférations des partisans d’un homme politique du moment la réveillent. Le présentateur a bien du mal à calmer ses invités qui prennent tous la parole en même temps. Agacée, elle éteint la télévision.

— Plus de minuit ! Il devrait avoir terminé depuis longtemps, où est-il passé encore !

Elle n’ose pas appeler, elle pourrait le déranger en plein travail et le mécontenter... mais il pourrait la prévenir tout de même !

Et puis... elle le connaît bien, il n’y a pas que la carrosserie qui le passionne, la mécanique féminine aussi, ce ne serait pas la première fois. Pourtant il avait promis... mais que vaut la promesse d’un coureur de jupons ?

Est-ce une jalousie inconsciente qui la pousse ? Elle se saisit de son téléphone et compose le numéro de l’atelier.

— ... ...

Sonnerie dans le vide. Elle ne la laisse pas se prolonger, s’il est occupé, il va terminer son action en cours et la rappeler, il va bien se douter que c’est elle... qu’elle s’inquiète.

Dans l’attente, elle retourne dans la cuisine et s’assure que l’assiette de soupe est toujours dans le micro-onde, son mari a pu arriver pendant son sommeil, se servir et être allé se coucher n’osant pas la déranger... ce serait étonnant, mais c’est une possibilité. Par acquit de conscience, elle va également vérifier dans leur chambre à l’étage. Il n’y est pas... elle redescend, son inquiétude augmente encore... elle devient angoisse !

Peut-être était-il en route quand elle a appelé et va-t-il arriver ? Elle ouvre la porte d’entrée et s’assure que le porche est bien éclairé, elle attend quelques instants et écoute au cas où un bruit de moteur de voiture serait en approche, mais elle n’entend que le grondement du pertuis de Maumusson, là où les vagues de l’Atlantique se heurtent aux eaux de la Seudre, leur combat millénaire se distingue bien dans le silence de la nuit... mais pas de voiture...

Ne pouvant plus tenir, elle appelle à nouveau l’atelier.

— ... ... ...

Après plusieurs sonneries, cette fois le répondeur se met automatiquement en fonction. Elle raccroche.

Est-il encore parti courir la « greluche » ? À moins qu’il se soit attardé chez des copains avant de revenir à la maison ? Et s’il avait eu un malaise ?

Il est plus d’une heure du matin, n’arrivant plus à se raisonner, elle s’habille rapidement et sort dans la nuit, les enfants dorment à l’étage et ils ne risquent rien.

Avec son 4X4, il ne lui faut que quelques minutes pour atteindre l’atelier vers le port, non loin du centre-ville. « L’Alpha » de son mari n’est plus là. Elle descend et s’approche de la porte principale : fermée, ainsi que celle du côté. Par acquit de conscience, ayant par habitude le double des clefs à son trousseau, elle ouvre et éclaire... tout est calme. Au bureau, la veste de son mari n’est pas sur le dossier de son siège, là où il la dépose dès son arrivée. C’est certain, il n’est plus ici.

Elle retourne à sa maison au cas où ils se seraient croisés, mais il n’est toujours pas rentré, sa voiture n’est pas dans l’allée ni dans le garage. Un peu honteuse d’être une femme qui ne sait pas où est son conjoint, elle se décide à appeler ses principaux amis, chez qui il s’arrête parfois boire un verre. Des voix ensommeillées lui répondent : il n’est pas là et il n’est pas passé non plus dans la soirée.

Le coucou qui est accroché dans le salon, souvenir d’un voyage au Tyrol, indique près de deux heures bien sonnées.

Il ne s’endort jamais chez une femme, elle sait que ce n’est généralement qu’une prise rapide avant que le mari ne rentre, à moins que celui-ci ne soit un commercial, dans quel cas cela peut durer plus longtemps, mais ce serait bien la première fois qu’il découcherait. Pourquoi faut-il qu’il coure ainsi le jupon ?

Au début, elle avait pensé que ces femmes étaient plus belles qu’elle, plus attirantes. Un soir qu’elle l’attendait, encore seule, elle avait osé se regarder, dans le plus simple appareil, dans la grande glace de l’armoire de sa chambre, et elle avait vu une jolie brune, bien en chair, mais pas trop, de beaux seins fermes, un petit ventre à peine arrondi comme aiment les hommes, des hanches fines et des jambes musclées, mais fuselées que lui envieraient beaucoup de femmes... elle sait qu’elle plaît et que son mari la désire toujours autant, alors pourquoi ? Elle avait fini par comprendre qu’il s’agissait du plaisir de la conquête, et contre ça elle ne pouvait rien. Elle avait éteint sa jalousie comme on souffle une flamme, elle avait accepté pour le garder.

Où est-il ?

Une crise cardiaque ? Un AVC ? Un malaise soudain qui l’aurait fait rouler au hasard ne se sentant pas bien et il serait quelque part, sur le bord de la route ou dans un fossé... c’est idiot, elle le sait, mais dans l’angoisse tout devient possible. Elle laisse une petite lumière dans le salon, referme soigneusement la porte et repart. Elle revient au canton, remonte à Ronce-les-Bains, la place Brochard, bien silencieuse, l’avenue Gabrielle en vérifiant les allées de droite et de gauche jusqu’à l’avenue de la Cèpe et aux dernières maisons avant la forêt. Rien. Demi-tour et retour vers La Tremblade en passant par la rocade, s’assurant qu’elle ne voit pas sa voiture sur le bas-côté, qu’elle n’est pas non plus sur le parking du Super U à la sortie sud, puis revient vers le centre, passe dans une rue, dans une autre, une autre encore... elle remonte jusqu’à La Grève, jusqu’à l’embarcadère de l’ancien bac qui reliait La Tremblade et Marennes... toujours rien... les larmes coulent sur son visage.

Un espoir soudain lui traverse l’esprit.

— Il a certainement dû rentrer maintenant, se dit-elle.

Faux espoir... il n’est pas revenu à la maison !

Les mains tremblantes, elle compose le 17.

— ...

— Mon mari a disparu, arrive-t-elle à articuler.

Une femme lui demande des précisions, elle réussit à affermir sa voix et donne tous les renseignements demandés. La préposée essaie de la rassurer, mais elle sait bien qu’elle lui dit cela parce qu’on lui a appris à calmer les personnes angoissées suite à une disparition, souvent volontaire, elle acquiesce par politesse, mais elle n’en croit pas un mot, elle a la conviction qu’il est arrivé quelque chose de grave à son mari. « Nous faisons le nécessaire, on vous tiendra au courant » conclu la voix à l’autre bout du fil.

— Merci...

Elle s’assoit sur le canapé... le peu qui reste de la nuit va être difficile. A-t-elle pu ne pas voir sa voiture ? Non, elle est rouge et elle la reconnaîtrait entre mille... elle l’aurait vue, c’est sûr.

Prise d’une ferveur soudaine, elle qui ne va jamais à la messe, elle joint ses mains comme pour une prière.

— Mon Dieu, faites qu’il se soit simplement endormi dans les bras d’une femme, qu’il ait fauté encore une fois... je ferai celle pour qui cela n’a pas d’importance, comme d’habitude... rendez-le-moi et j’irai porter un cierge à l’église du Sacré-Cœur{2} tous les dimanches... je l’aime.

À l’aube, ses yeux lui brûlent à force de fixer le téléphone qui s’obstine à se taire. Au fond de son âme, elle a le sentiment d’une catastrophe !

***

3

Dès qu’il entre dans son bureau à la brigade de La Tremblade, le capitaine Rémy Noisier est mis au courant de cette disparition par la sous-lieutenante Maud Novalis, qui arrive toujours la première pour lui préparer son café ; attention certes féminine, mais qui s’est accrue depuis que leur relation est devenue beaucoup plus proche depuis quelques mois. Pendant les heures de service, rien ne laisse supposer qu’il existe un lien particulier entre elle et son capitaine.

Maud, petite brune énergique, est la dernière arrivée, mutée à sa demande, ayant préféré la proximité de la mer à ses montagnes grenobloises. Elle a su se faire apprécier de ses collègues par son efficacité et de la population par sa gentillesse et son dévouement. Son attachement pour Rémy s’était noué peu à peu, presque à son insu. Elle était regardée par les hommes, mais elle trouvait toujours les bons mots pour qu’ils comprennent qu’elle n’était pas disponible pour une liaison, qu’elle soit éphémère ou durable. Mais lors de leur dernière affaire{3}, où elle avait vu la souffrance de Rémy, obligé d’arrêter la femme qu’il avait aimée à son arrivée à La Tremblade, elle s’était senti une âme de consolatrice... mais pas seulement, elle se sentait vraiment amoureuse de lui et elle espérait que ce serait réciproque de son côté, quand son cœur sera complètement cicatrisé... elle a le temps pour elle.

De son bureau au premier étage, Rémy regarde d’un œil distrait le sommet d’un pin sur lequel une tourterelle turque essaie d’assurer sa prise avant de commencer ses roucoulements. Pour chanter ainsi, c’est un mâle évidemment, qui n’a de Turc que le nom et qui a dû naître comme ses comparses, de plus en plus nombreuses, dans un arbre des alentours.

Il revient à la réalité et relit une nouvelle fois le message qui a été déposé devant lui, qu’il tient de la main gauche, avec dans la droite la tasse que Maud lui avait servie.

— Bonjour Capitaine, avait-elle dit d’une voix ferme à son arrivée.

— Bonjour Maud, avait-il répondu.

Il avait vite détourné son regard en constatant qu’elle avait encore les yeux brillants et que ses joues se sont empourprées en se souvenant de leurs ébats d’hier au soir. Il se sent un peu fautif de lui demander de ne pas rester toute la nuit en sa compagnie, mais il n’est pas prêt et il sait qu’elle le comprend. Mais un jour il faudra bien officialiser.

Le capitaine Rémy Noisier, du bon côté de la quarantaine, les cheveux taillés en brosse et les épaules robustes, est arrivé à La Tremblade quelques années auparavant.

En poste dans le Loiret, il avait souhaité changer de région après avoir démantelé un important trafic de drogue sur Saran et Olivet, des banlieues d’Orléans. Brillamment, selon sa hiérarchie, mais qu’il avait ressenti comme un échec. Il avait essayé en vain de sortir de cet engrenage infernal un jeune qui était tombé dans la vente de la drogue en découvrant que sa mère se prostituait pour lui payer ses études. Instruit, intelligent, le garçon avait tenté de trouver un job qui rapporte de l’argent pour que sa mère cesse son activité. Mais quoi faire à dix-sept ans ? Alors il s’était mis à dealer, et automatiquement à avoir de mauvaises fréquentations. Rémy l’avait pris en amitié et le jeune avait accepté de l’aider à faire tomber le gang. Une réussite, certes, mais le gamin avait été découvert mort d’une overdose dans un taudis, un geste criminel bien sûr, une vengeance, mais il lui avait été impossible d’en trouver l’auteur, et de toute façon cela ne rendrait pas la vie au gamin. Alors il avait postulé pour un poste à La Tremblade, où une disponibilité était survenue.

Voyant entrer le lieutenant Arnaud Martin, le troisième élément de leur équipe, il tapote sur la vitre et fait signe à Maud, qui a son bureau à côté, de les rejoindre pour faire le point.

Arnaud, proche de la cinquantaine, est le plus ancien de la brigade, ce qui lui donne une bonne connaissance de la vie locale ; il est bien apprécié de ses chefs comme de la population ; plus âgé que son capitaine, il aurait pu éprouver une difficulté à se laisser commander, mais il avait l’âme d’un militaire et il n’en avait rien été. Au contraire, une amitié très forte s’est rapidement établie entre les deux hommes, Arnaud l’avait introduit dans le milieu ostréicole, certes bon enfant, mais avec ses codes comme partout. Rémy étant célibataire, il l’avait invité chez lui, où sa femme, une pure Trembladaise depuis plusieurs générations, lui avait fait découvrir les plats locaux : les huîtres bien sûr qui peuvent se consommer toute l’année, mais elle connaissait les bonnes adresses pour trouver les plus belles. Elle lui avait fait apprécier également tous ces fruits de mer, achetés le jour même aux marins-pêcheurs, aux vendeurs de coques qui se servaient dans les meilleurs coins. Elle savait faire dégorger les coquillages de tout leur sable et ensuite les donner à déguster avec du pain et du beurre... un régal !

Rémy, Maud et Arnaud ont pris l’habitude de se tutoyer, sauf devant des tiers quand le respect retrouve sa place et à eux trois ils forment une très bonne équipe.

Le capitaine leur expose la situation.

— Le Centre d’appels de nuit, nous fait part d’un événement qui nous concerne. « À cinq heures dix-sept ce matin, madame Claudine Monvoisier à signalé la disparition de son mari Patrick Monvoisier ». C’est un carrossier renommé de La Tremblade.

— Je le connais très bien, répond Arnaud, c’est lui qui s’occupe de nos véhicules en cas d’accrochages, mais je suis un peu étonné que sa femme signale sa disparition si tardivement.

— Il est dit qu’elle a commencé à le rechercher par elle-même après avoir téléphoné à ses amis, elle craignait qu’il ait eu un malaise en se rendant chez eux.

— Plus vraisemblablement chez une amie, il est connu pour être volage, continue Arnaud.

— Il arrive que des hommes quittent volontairement le domicile conjugal d’une façon définitive pour de nombreuses raisons et recommencent une vie ailleurs, c’est plus fréquent que l’on pense, ajoute Maud qui apprécie les statistiques.

— C’est un adulte, il est libre de ses déplacements, mais il ne faut rien négliger. Nous allons effectuer quelques contrôles d’usage pour se faire une idée, conclut Rémy, avant de se lever.

— Allons voir cette dame, peut-être son mari s’est-il manifesté depuis son appel.

La maison des Monvoisier est excentrée par rapport au centre-ville, avec un grand terrain attenant, gazonné sur l’avant et en partie boisé sur le côté. En les entendant arriver, une femme sort sur le pas de la porte, le visage décomposé par l’angoisse.

Elle les fait entrer dans le salon. Dans la cuisine, deux jeunes, silencieux, un garçon et une fille âgés d’une dizaine d’années finissent leur petit déjeuner ; il s’agit vraisemblablement des enfants du couple.

En mots hachés, la femme ne peut que répéter ce que les gendarmes connaissent déjà. Elle précise cependant que la voiture de son mari est une Alpha-Roméo rouge récente, décapotable.

— Nous aimerions visiter son atelier, pouvez-vous nous confier les clés ?

Avec empressement, elle se dirige dans une pièce attenante et revient avec la clé.

— Merci madame Monvoisier. Ne vous dérangez pas, occupez-vous de vos enfants.

— D’accord, c’est la clé de l’entrée principale, celle du côté est fermée de l’intérieur. C’est l’heure « d’embauche », vous allez voir les ouvriers.

— Si entre-temps vous avez des nouvelles, appelez-nous immédiatement. Maud va vous donner le numéro de la gendarmerie et son numéro de portable.

Elle fait un signe affirmatif et les raccompagne après avoir coincé le feuillet tendu par Maud sous le socle de son téléphone.

Rémy se demande si une dispute dans le couple n’aurait pas pu motiver l’absence du mari, dispute que sa femme se garderait bien de signaler. Si c’est le cas, celui-ci ne tardera pas à se manifester.

En approchant de l’atelier, le capitaine s’assure d’un regard rapide, qu’il n’y ait pas de trace de gomme sur l’asphalte, indiquant un départ urgent ni sur l’emplacement devant le garage. Les gendarmes constatent qu’un employé attend, adossé à la porte métallique, tandis qu’un autre, plus jeune, arrive en mobylette. En voyant la voiture de gendarmerie se garer, le plus âgé se porte à leur rencontre, pendant que le jeune se hâte de mettre son casque qu’il avait laissé accroché à son guidon... un peu tardivement ; Rémy lui fait seulement un geste de la main, l’index levé, en fronçant ses sourcils, ce n’est pas le moment de dresser un procès-verbal, il y a plus urgent.

— Que se passe-t-il ? Le patron a-t-il eu un accident ? Habituellement il est le premier arrivé pour ouvrir.

— Vous êtes ? demande Rémy.

— Je suis Roger, le contremaître, lui c’est Augustin, chaudronnier, ajoute-t-il en désignant le jeune au cyclomoteur.

— Monsieur Monvoisier n’est-il jamais en retard ?

— Jamais ! Enfin si, la fois où il a choppé la grippe, y a queq’ années, sinon il est toujours le premier... que se passet-il ?

— Sa femme est inquiète, il n’est pas rentré.