L’art de ne pas être des moutons - Christophe Léon - E-Book

L’art de ne pas être des moutons E-Book

Christophe Léon

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Beschreibung

Yvon et P'tit Louis, que tout semble opposer, se retrouvent au coeur d'une mystérieuse affaire.

Yvon et P’tit Louis n’ont pas la même vision du monde. Le père d’Yvon est paysan – ou plus exactement exploitant agricole : c’est un chef d’entreprise fier de sa terre, de ses gros tracteurs, de ses beaux fusils de chasse… et de sa grange pleine de produits phytosanitaires. Le père de P’tit Louis, lui, est ouvrier à l’usine du coin et travaille toutes les nuits… ce qui laisse au jeune garçon tout le loisir de s’intéresser aux activités mystérieuses d’un groupe d’activistes qui squatte près de chez lui.

Pourtant, les destins d’Yvon et de P’tit Louis vont se croiser, et chacun va apprendre, à sa manière, l’importance de savoir, parfois, désobéir aux règles.

Plongez-vous sans plus attendre dans ce roman jeunesse aux thèmes d'actualité et découvrez les destins liés d'Yvon et de P'tit Louis face à un groupe d'activistes.

EXTRAIT

Mon père m’a offert mon premier fusil de chasse à l’âge de quatorze ans. Un super poser zolte 12/76 mono­détente full full. Une arme magnifique – crosse en bois vernis prolongée par un canon d’un gris lustré et soyeux –, une arme que je bichonnais avec application et, je l’avoue, une certaine affection.
Papa était chasseur. Je l’accompagnais le dimanche dans les bois avec notre chienne, Ingka, un épagneul breton marron rouanné que j’adorais. Nous partions un peu avant le lever du soleil et parcourions des kilomètres à pied. Mon père connaissait sur le bout des doigts les chemins forestiers et les coins à gibier. Il était rare que nous rentrions bredouilles, la gibecière vide.
Les premières semaines, je m’entraînais à tirer sur des bouteilles vides que papa alignait sur un tronc d’arbre de la plus grande à la plus petite, dans le pré, derrière la maison.
« Vas-y, Yvon, dégomme-les » m’encourageait-il.
Je me tenais à une dizaine de mètres et faisais feu. Pan ! Pan ! Pan ! Le recul de l’arme martyrisait mon épaule. Le soir, dans le miroir de la salle de bain, j’examinais avec intérêt les hématomes violacés et douloureux, résultat de séances plus ou moins longues de mitraillage méthodique.
Au début, je tirais au petit bonheur la chance. Pas une bouteille n’éclatait, les plombs s’égaraient dans la campagne ou venaient frapper le sol devant le tronc, hachant l’herbe et soulevant des gerbes de terre.
Papa m’expliqua avec patience comment m’y prendre, comment bloquer ma respiration, m’appliquer à viser, appuyer doucement sur la détente

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Comme à son habitude, Christophe Léon nous offre des fins ouvertes afin de laisser le lecteur réfléchir et se positionner sur les enjeux d'un monde qu'il reste à construire. - M. Utésa, Nouveautés Jeunesses

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ancien étudiant des Beaux-Arts, ancien joueur professionnel de tennis, Christophe Léon a publié, outre des ouvrages de littérature générale, plus de 40 romans et recueils de nouvelles à destination des ados. La protection de la nature et des animaux, les faits de société et les dangers de la mondialisation sont les thèmes qu’il aborde le plus souvent à travers ses livres.
En octobre 2015, il a créé la collection Rester vivant aux éditions du Muscadier, qu’il a animée jusqu’en octobre 2018.

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L’artde ne pas etredes moutons

Christophe Léon

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© Le Muscadier, 2018

48 rue Sarrette – 75685 Paris cedex 14

www.muscadier.fr

[email protected]

Directeur de collection : Christophe Léon

Couverture & maquette : Espelette

Photographie : © Bruno Courtet/Le Muscadier

Mise en page : Mathilde Huaulmé

Conversion numérique : Chris Ebouquin

ISBN : 979-10-96935-22-2

TABLE DES MATIÈRES
Couverture
Yvon
P’tit Louis
La collection
L’auteur

— C’est cette terre qui nous nourrit, Yvon.

Sa main puissante aux doigts noueux et aux tendons saillants désignait le sol retourné à ses pieds.

J’avais six ou sept ans. Les yeux grands ouverts, étonné, je fixais mon père.

— Elle nous nourrit, ’pa ? je questionnai, perplexe, doutant soudain du sens de ce verbe.

— C’est exactement comme je te dis, fils… répondit-il.

Et il me gratifia d’un clin d’œil complice.

Je baissai les yeux et observai le labour que venait de creuser le Case IH Magnum 315, un tracteur monumental, que mon père conduisait comme s’il s’était agi d’une quelconque voiture de tourisme. Un engin dont je connaissais le prix, parce qu’il me l’avait un jour révélé.

Je me souviens qu’il se pourléchait les babines et dégustait chaque syllabe de ce roboratif nombre – 258 000 euros ! Une somme inconcevable pour le petit garçon que j’étais à l’époque. Un montant si considérable qu’il me mettait en joie sans que je sache vraiment pourquoi.

— Goûte, reprit-il.

Papa souriait à demi. Les paupières plissées, il guettait ma réaction. Un lacis de rides profondes parcheminait son front hâlé par les nombreuses heures passées à travailler dehors, au grand air.

Goûter ? Était-il sérieux ou bien me jouait-il un tour comme il en avait le secret ?

J’hésitais encore, pour la forme, sceptique et pas décidé à lui obéir, quand il s’accroupit et prit dans son poing un échantillon de terre grasse et friable.

Il l’enfourna d’un geste volontaire, avant de le recracher après l’avoir conservé quelques secondes dans sa bouche.

La terre crissait sous ses dents. Il était ravi de l’impres­sion produite sur moi – un mélange d’ahuris­sement et d’écœurement.

— Alors ? m’interrogea-t-il.

Un filet de salive glaiseuse écumait à la commissure de ses lèvres.

Défié et orgueilleux comme on peut l’être à cet âge, je m’exécutai à contrecœur.

* * *

J’avais à peine dix-huit mois quand papa m’a emmené dans un tracteur.

« J’ai installé le siège auto à côté de moi, m’a-t-il raconté. C’était au printemps, en fin d’après-midi. Il avait fait une chaleur inhabituelle dans la journée, t’étais habillé d’une simple liquette. Tes jambes potelées à l’air libre, tu gigotais comme un ver de terre au bout d’un bec de poule. J’ai réglé puis branché l’air conditionné et il a fait tout de suite meilleur dans l’habitacle. C’était la première fois que tu m’accompagnais. Je devais pulvériser de la cyperméthrine, tu sais, l’insecticide, sur six hectares de culture. Ta mère ronchonnait. Elle est comme ça Élisabeth, je ne t’apprends rien. Elle disait que c’était pas bon pour un petit enfant, à cause des secousses et aussi de la chaleur. On est restés ensemble toute la matinée, et tu n’as pas pleuré une seule fois. T’étais comme un poisson dans l’eau. Tu souriais, t’étais aux anges… »

Au fur et à mesure que je grandissais, après l’école, le collège, puis le lycée, dès que j’avais un moment à moi, je rejoignais mon père. Je l’aidais au champ ou bien à entretenir les engins de l’exploitation.

Nous en possédions une large panoplie : décompacteur, déchaumeur, charrue, herse rotative, rouleaux, semoir en ligne, distributeur d’engrais, pulvérisateur… Et je n’énumère pas la quantité astronomique des outils que mon père rangeait avec soin dans un hangar afin de les avoir toujours sous la main.

Je détestais qu’on me traite de paysan, et papa aussi n’aimait pas ça.

« Nous ne sommes pas des paysans mais des exploitants agricoles, rectifiait-il. Nous ne sommes plus à l’ère du bœuf et de l’âne ! Ni de la faux et de la fourche ! Nous sommes des chefs d’entreprise… »

La preuve, papa avait fait construire une annexe qui lui servait de bureau. Une pièce où il avait installé deux ordinateurs, un pour lui et un pour ma mère, ainsi que des cartes du cadastre délimitant ses terres, et des plannings qui indiquaient les cultures et leur rotation. Ce bureau n’avait rien à envier à celui d’un cadre supérieur de l’industrie ou du commerce.

Maman y passait des heures. Son travail consistait à gérer les factures ainsi que les achats.

Au fil du temps, elle devint une spécialiste de la pêche aux subventions. Bientôt, l’Europe agricole n’eut plus de secret pour elle. Papa l’appelait la profileuse. À défaut de chasser les criminels, elle traquait les primes. Armée de son seul clavier d’ordinateur, elle les débusquait dans les moindres recoins de la Pac, la politique agricole commune, une espèce de jungle européenne au sein de laquelle elle se mouvait avec une aisance déconcertante.

Par ailleurs, elle recevait les représentants de matériel agricole ou de produits phytosanitaires que nous utilisions, de plus en plus nombreux au fil des années, afin d’améliorer les rendements. Engrais et pesticides représentaient un sacré budget et il fallait qu’elle discute pied à pied avec les commerciaux de chez Bayer, Syngenta, BASF ou encore Monsanto pour obtenir des prix ou des quantités.

Elle s’en sortait mieux que mon père qui n’était pas un fin négociateur et se laissait facilement embobiner par les belles paroles et les promesses de ces hommes en costume cravate, tirés à quatre épingles, un sourire de squale calqué sur leur bouille rasée au millimètre près. Jeunes quadras aux joues roses et au teint frais, qui personnifiaient le progrès et l’avenir de l’agriculture moderne.

Les engrais et les biocides, nous les conservions dans un local spécialement réservé à cet emploi, et dans lequel papa m’interdisait de pénétrer.

« Ce sont des produits dangereux qu’il faut manipuler avec précaution, Yvon, m’expliquait-il. Je préfère que ce soit Jo qui s’en occupe. »

Jo était l’unique ouvrier de l’exploitation. Un gars sympa, mais un peu limité intellectuellement. Je l’aimais bien pourtant. Petit, il me prenait sur ses épaules et galopait dans la cour de la ferme en imitant le hennissement d’un cheval. J’adorais ça