Nénuphar Grigrimaldit - Christophe Léon - E-Book

Nénuphar Grigrimaldit E-Book

Christophe Léon

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Beschreibung

Des aventures amusantes et hautes en couleurs vous attendent aux côtés de Grigrimaldit !« Le jour où j'ai rencontré Nénuphar Grigrimaldit, comment aurais-je pu imaginer me retrouver au cœur d'une révolution, d'un coup d'État qui allait mettre à feu et à sang la Principauté du Prince Régnait, au sud du Japiam ? À bord de ma moquette volante, j'allais découvrir une ville étrange et ses habitants non moins ahurissants ! Le Prince Adalbert et sa passion pour les sports d'hiver, l'affreuse Scaramoche et la belle Épiphanie, fiancée à un pêcheur de morues… tous atteints du syndrome de Gilles de la Tourette qui, comme chacun sait, consiste à insulter involontairement mais copieusement son interlocuteur. »Ce roman désopilant est d'abord un roman d'aventure palpitant et plein de rebondissements. Truffé de jeux de mots savoureux (serez-vous capable de les repérer tous ?), qui mêlent allégrement les classiques du petit et du grand écran, les ragots de la presse people, les chansons populaires et bien d'autres choses encore, n'est pas sans rappeler les ingrédients qui ont fait le succès de Boris Vian, Raymond Queneau ou René Goscinny, par exemple. En effet, on y trouve une histoire passionnante, avec des dialogues percutants, des jeux de mots (de langue aussi bien que des clins d'œil à l'actualité et aux « grands de ce monde » ou à l'histoire), bref, un cocktail que petits et grands, pour des raisons similaires ou différentes, boiront goulûment…Un livre complètement fou, à consommer sans modération !EXTRAIT— Zigoïste ! Judale ! Diableur ! Goujik ! Macroco ! Ainsi s’exprimait Nénuphar la première fois que je le rencontrai. Sa voix de stentor sauçait tout l’espace autour de lui. Son écho se répercutait longtemps au-dessus des têtes. Il en avait après un coolie d’une dizaine d’années dont la longue tresse descendait bas dans le dos. Le pauvre garçon s’était recroquevillé sur lui-même. La carapace de ses frêles épaules ne lui était d’aucune utilité. Il pédalait à perdre haleine, penché sur les antennes de coléoptère de son vélo dont la chaîne chantait la triste chanson de la pauvreté et de la soumission.A PROPOS DE L’AUTEURChristophe Léon est né le 2 avril 1959 dans un pays qui n’existe plus. Il passe son enfance sous le soleil tropézien à manger des glaces. Plus tard, après avoir été Beauzarien à Marseille pendant un an, il entame une carrière de joueur de baballe. Il sera aussi redresseur de torts, avant de s’installer en Dordogne en 1995. Un temps, il barbouille des toiles, puis gribouille du papier et devient graphomane. En 2002, les Éditions du Rouergue publient son premier roman, Tu t’appelles Amandine Keddha. Suivra, en 2003, Palavas la Blanche, chez le même éditeur. Longtemps, son premier roman jeunesse, paraît en avril 2006 à L’École des Loisirs. Voici son nouveau roman, destiné cette fois aux petits comme aux grands : Nénuphar Grigrimaldit !

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Pour Arno le beau Loulou.

CHAPITRE 1

— Zigoïste ! Judale ! Diableur ! Goujik ! Macroco !

Ainsi s’exprimait Nénuphar la première fois que je le rencontrai.

Sa voix de stentor sauçait tout l’espace autour de lui. Son écho se répercutait longtemps au-dessus des têtes.

Il en avait après un coolie d’une dizaine d’années dont la longue tresse descendait bas dans le dos. Le pauvre garçon s’était recroquevillé sur lui-même. La carapace de ses frêles épaules ne lui était d’aucune utilité.

Il pédalait à perdre haleine, penché sur les antennes de coléoptère de son vélo dont la chaîne chantait la triste chanson de la pauvreté et de la soumission.

Il remorquait derrière lui une espèce de cage à guitarpe (le guitarpe est un oiseau de ces pays lointains que l’on enferme dans une cage pour l’engraisser afin de le manger vivant et, ensuite, l’entendre gazouiller dans son ventre).

Dans cette cage, un bonhomme, gras et ventripotent, fumait un cigare qu’il tenait entre son pouce et son index boudinés. Des volutes de fumée en spirale empuantissaient l’air, le rendant irrespirable.

— Papouf ! Vandit ! Jussaire ! Diabète ! criait Nénuphar.

La pomme blette de son visage virait au violet. Les cerneaux de noix de ses yeux giclaient hors de leurs coquilles. De son nez en trompette jaillissaient des vapeurs jazzys qui faisaient swinguer les poils de ses narines.

La cage à guitarpe chaloupait, tanguait et menaçait de rompre sous l’effet du roulis de son corps obèse.

J’étais sur le trottoir. Je regardais la scène avec consternation, désolé de voir un humain en maltraiter un autre.

Je bouillais en mon for intérieur. La cocotte-minute de mon exaspération échauffait les lobes de mes oreilles ce qui, chez moi, est un signe d’indignation.

Je sentais gronder dans le cumulus de mes entrailles l’orage qui n’allait pas tarder à éclater. Déjà des gouttelettes d’une pluie lacrymale inondaient les réservoirs de mes yeux effarés.

Quand Nénuphar lança son cigare au bout incandescent dans le dos du coolie en signe de mécontentement, je ne pus me contenir et criai à l’énergumène :

— Quelle honte, Monsieur ! Arrêtez donc !

Le cigare n’acheva jamais sa course, du moins il se perdit dans la pochette surprise de l’indifférence générale.

Le temps suspendit le balancier de son bras armé.

Une famille de Scottiche (sorte de rats dont la fourrure à carreaux bordeaux et noirs est appelée jupe-kiltlotte), mit le nez à la porte de son terrier, intriguée.

Un vendeur de chaudchows, ces friandises bleu pétrole en forme de langue, s’emmêla dans ses comptes.

Un policier en fraction – c’est-à-dire qu’ils étaient deux mais ne touchaient qu’un seul salaire, l’un perché à califourchon sur les épaules de l’autre – porta à sa bouche son énorme pipeau à boulettes.

Sans lui laisser le temps de souffler dans la couscoussière de son sifflet, je répétais, plus fermement :

— Quelle honte !

Non mais.

CHAPITRE 2

Quel âge avais-je ? Peut-être vingt ans mais guère plus.

L’âge ici a peu d’importance. Si ce n’est de dater à la mine de plomb les insuffisances d’une mémoire qui, il est vrai, joue parfois à saute-moumoute sur le crâne déplumé de mes souvenirs.

Le pays s’appelait le Japiam.

C’était un État d’Asie qui n’existe plus, remplacé par un autre ou abandonné à la faune et à la jungle. Je ne sais plus très bien.

Deux jours après, je me baladais sans but dans l’inextricable labyrinthe du marché aux animaux.

Les cris de bêtes, relayés par les hennissements bonimenteurs des marchands, s’emberlificotaient au point de devenir indistincts entre eux. On en avait les oreilles tympanisées et la cervelle en effervescence.

Il y avait toutes sortes de bêtes.

Des grosses, poilues, qui vous regardaient avec des airs à ne pas s’y frotter. Des petites, emplumées, qui vous montraient du bec en croassant et en roulant des yeux qu’elles avaient dénudés de leurs paupières. Des longues, couvertes d’écailles, qui sifflaient leur venin sonore et s’enroulaient le long de vos jambes si vous n’y preniez garde.

Toute une ménagerie s’offrait à la convoitise d’une clientèle qui tâtait, examinait, soupesait, flairait, prenait la température, léchouillait avant, enfin, de la toper.

Le rituel d’achat était toujours le même. On se tapait dans les mains. On trépignait sur place en tortillant du croupion. On se donnait un violent coup de tête. Et si aucun des deux négociateurs n’était assommé, l’affaire était conclue.

Les paysans étaient revêches. Les ménagères de moins de cinquante ans, leur panel en osier dans le creux de leurs bras replets, intransigeantes quant à la qualité des produits.

C’est là que je le vis pour la deuxième fois.

Nénuphar achetait un albuzar à tête couronnée. Il se préparait à envoyer un énorme coup de boule (termes désignant la conclusion d’un marchandage) à son vis-à-vis qui, lui-même, retirait sa casquette à l’effigie de la Ouailles Dyspnée Confédération Paysanne du Japiam.

Je me mis en devoir de l’aborder et de lui dire combien son attitude envers le coolie avait été odieuse à mes yeux. Ce qui le stoppa net dans son élan, figé dans l’attitude pompéienne d’un gros lardon carbonisé.

— Bonjour…, commençai-je.

— Bonjour ! Cyraseur ! Épougre ! Moriumé ! me répondit-il en souriant.

J’étais déconcerté. Abasourdi. Sur le point de jeter l’éponge que je prenais toujours soin d’emporter avec moi au cas où les choses tourneraient vinaigre – le Japiam était malgré tout un pays dangereux.

Comment cet homme dodu pouvait-il m’injurier en me souriant ?

Je pensais par-devers moi et dans le dos des bonnes manières : « Non mais non mais non de mais non ! »

Mon sang ne fit qu’un tour et revint à son point de départ, plus chaud que jamais, plus rouge qu’un coquelicot, plus épais qu’une crème en glaise.

— Vous dépassez les bornes ! dis-je en me mettant en garde, les poings à hauteur du visage, prêt à me battre.

Je dansai d’un pied sur l’autre, sur les pointes, mes orteils raidis. J’avais appris cette technique de combat en observant deux vieux matheux s’écorcher pour une question d’équation à trop d’inconnues – technique dite de l’entrechat-perché.

Je respirais par le nez en imitant le bluffe des rizières, une espèce de bovidés très agressive du Japiam, mais en vérité totalement inoffensive. Et j’agitais le moulin à vent de mes bras afin d’affoler l’ennemi et dans l’espoir de l’enrhumer, le poussant à déclarer forfait.

— Ne vous fâchez pas ! Viviste ! Et suivez-moi, je vais tout vous expliquer.

Il mit dans son panier l’albuzar, me saisit le coude, me contraignant à le suivre.

Nous enfilâmes les perles de ruelles ombreuses comme des améthystes violettes. Nous pénétrâmes au cœur de venelles sordides où l’étrange rivalisait avec l’effroyable. Nous chaussâmes des trottoirs jonchés de détritus et enkystés de mendiants aux amandes impayables.

Nous bifurquâmes. Virâmes. Biaisâmes. Ratiboisâmes quelques pieds étrangers. Franchîmes quelques gais larrons. Sautâmes un clair ruisseau.

Nous finîmes, j’étais épuisé, par arriver.

CHAPITRE 3

Nous étions assis chacun dans un fauteuil confortable, tandis qu’à la cuisine l’albuzar grillait sur un lit de ceps des montagnes.

Des odeurs de terre mouillée, de cuirs tannés, de mollusques en décomposition, de roches volcaniques, de dépatouilles séchées (genre de fleurs collantes dont on se débarrasse difficilement et qui étaient, à l’époque au Japiam, très utilisées dans l’assaisonnement des plats), d’épices et autres effluves enivraient nos sens et lançaient la mécanique de nos glandes salivaires.

— Il y a ce midi à déjeuner, expliqua mon hôte (en cours de route Nénuphar m’avait invité à sa table, nous étions chez lui), en entrée de l’albuzar frit, en plat principal de la cigule fourrée de millemeu et pour le dessert de la gourge hypothécaire et son usurier glacé, Pactère et Pyroglou !

Vous devez vous demander comment et pour quelle raison j’avais accepté son invitation.

Je vais éclairer votre lanterne en quelques mots.

Chemin faisant, mon homme s’était présenté.

— Je m’appelle Nénuphar Grigrimaldit. Vermotte, Parasme et Traithe !

Et toujours son sourire désarmant que plaquait, sur la quetsche de ses lèvres généreuses, l’action concertée de ses zygomatiques.