L’énigme de la porte-guillotine - Marie Claire Cardinal - E-Book

L’énigme de la porte-guillotine E-Book

Marie-Claire Cardinal

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Beschreibung

Lore de Courcelles est assassinée de façon sordide. L’unique porte-guillotine monumentale au monde, de sa demeure à Gosselies (Charleroi), s’est refermée subrepticement, mue par un mécanisme ou une main mystérieuse, tronçonnant la victime, une colombophile notoire qui a plus d’un mystère dans son sac. Qui sont les étranges « assistants » cubains, chinois, israéliens… qui viennent, chaque année, étayer leur savoir chez elle ? Pourquoi est-elle mondialement connue et reconnue comme une sommité dans le monde colombophile et scientifique ? Pourquoi ses pigeons sont-ils les meilleurs au monde dans toutes les disciplines colombophiles et autres ? Qui sont les espions internationaux qui sont passés dans ses pigeonniers et repartis avec des caisses de pigeons ? Quel mystère lie son grand-père, Thibault de Courcelles, à son père biologique, le séduisant et raffiné Werther Von Würzburg qui commandait les forces allemandes au Pays-Noir ? Autant de questions qui interpellent les deux enquêtrices de choc Marie Cardinal et Claire Berg dans leur mission.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Passionnée de colombophilie, Marie Claire Cardinal est partenaire du magazine La Colombophilie Belge. Elle est l’auteure de Chers pigeons paru en 2015, de Meurtre au colombier, publié en 2016 et de L’énigme du pigeon qui valait 2 400 000 € paru en 2020.


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Marie Claire Cardinal

L’énigme de la porte-guillotine

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marie Claire Cardinal

ISBN : 979-10-377-3807-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Avertissement

Il existe une ville au monde où l’on peut admirer une incongruité architecturale meurtrière qui subsiste et défie le vieillissement avec l’orgueil de sa beauté intemporelle. En effet, une seule ville au monde à ma connaissance où, à ce jour, vous pouvez découvrir « in situ » l’œuvre de l’architecte Oscar Van de Voorde (1871-1938), contemporain de Victor Horta. Une maison de maître extraordinaire, qui fut édifiée en l’an 1900 pour l’ingénieur des mines Louis Thibaut, directeur des charbonnages de Courcelles-Nord. Une véritable merveille, une énigme indéchiffrée encore. À l’heure où je mets ce livre sous presse, ce bâtiment qui défie le temps, l’espace et l’architecture est en vente publique par la fédération Wallonie/Bruxelles, son nouveau propriétaire, pour la modique somme de 145 000 € et n’a toujours pas trouvé d’acquéreur. Cette maison que je côtoie tous les jours, emplit mon imaginaire d’une étrange langueur. Je me suis documentée sur elle et j’ai aussi imaginé ce qui a dû se produire entre ses murs opaques et clos.

J’ai inventé ce thriller qui est avant tout un polar colombophile, un genre dont je suis encore l’unique représentante autoproclamée !

Cette demeure, entre manoir et château, possède un particularisme unique au monde, une porte monumentale, presque celle du château de la bête et la belle de Cocteau. Il s’agit vraisemblablement de la seule version monumentale de porte-éventail connue à ce jour. Pour ma part, j’ai préféré le vocable français de porte-guillotine, en lisant ce thriller vous comprendrez pourquoi.

J’oubliais, la ville dont je vous parle n’est pas en absurdie ni dans un monde imaginaire. Cette ville que j’ai adoptée depuis des années ou qui m’a adoptée (je n’ai pas encore tranché), c’est Charleroi en Belgique. Et le cœur du Pays-Noir pour un livre noir, cela ne peut qu’engendrer un noir à la Soulages !

Un roman est un jeu d’illusions, tout y est vrai et faux à la fois. Et, l’histoire ne commence à exister qu’au moment où vous la lisez.

Je vais quand même m’entourer des précautions d’usages requises.

Aucun des personnages du roman n’est réel, sauf la narratrice. Quant au volet colombophilie, qu’il ne rebute pas un non-pratiquant. Ce sport dont la Belgique maîtrise parfaitement la pratique, que dis-je, où elle est encore le meilleur élève de la classe, est décrit par l’auteure avec professionnalisme, mais sans jargon abusif aucun.

Bonne lecture !

Chapitre 1

La dernière heure !

Je tressaillis en laissant choir mon journal du matin. Je relus le chapeau de l’article de Gilbert Dupont de la Dernière Heure : « La porte-guillotine de la maison Gaspar Thibaut à Gosselies a tué l’occupante des lieux en se refermant malencontreusement, la coupant littéralement en deux ! »

Machinalement, je regardai par la porte-fenêtre qui s’ouvrait sur la propriété Gaspar Thibaut, ses arbres séculaires et exotiques et sa magnifique bâtisse art nouveau, un fleuron architectural du coin.

Venant de Bruxelles, je m’étais établie avec mon mari dans une maison qui jouxtait cette propriété, mise en vente par la fédération Wallonie/Bruxelles pour une somme assez modique, mais elle n’avait pas eu l’heur de « capter » un acheteur, je m’en étonnais tous les jours.

La propriétaire s’avérait être une vieille dame nimbée de brumes et de mystères sur laquelle circulait une légende urbaine qu’on véhiculait à Gosselies. On la voyait rarement sortir de sa tanière, je l’avais rencontrée à l’occasion d’un reportage sur sa colonie de pigeons voyageurs.

Je précise que je suis journaliste colombophilie, eh oui, cela existe, je suis journaliste-écrivaine tout court.

Pendant des années j’ai couvert l’actualité européenne puis, je me suis consacrée à ce hobby phagocytant qu’est la colombophilie. Un art, un sport, une discipline dans laquelle la Belgique fait figure de leader mondial. Les pigeons belges de hautes lignées s’arrachent sur le Net et dans les ventes publiques ou privées à des prix faramineux. Le dernier en date est une pigeonne olympique. New Kim nous fut achetée par un Chinois à 1 600 000 €, ce qui, pour une pigeonne de 425 grammes, nous donne un montant de 3 765 € le gramme, soit la denrée d’exportation la plus chère de notre petite terre d’héroïsme.

Bref, cette colombophile que je connaissais à peine s’était fait occire par cette fameuse et mondialement connue porte-guillotine que d’autres préfèrent nommer moins martialement porte-éventail. Le chroniqueur du journal, toujours très visuel, avait, lui aussi, opté pour le vocable de porte-guillotine.

Je me rappelais fort bien ma visite dans cette ancestrale demeure. C’était la première fois que j’y entrais et, je fus frappée de la beauté du site, mais aussi de son état de vétusté, lamentable pour un chef-d’œuvre mondialement reconnu et classé !

Lore de Courcelles, la maîtresse des lieux, m’avait reçue fort accortement pour une dame de plus de 70 ans à cette époque.

Elle habitait seule cette maison, enfin un appartement le long de la façade sud et avait regroupé ses pigeons dans l’ancien colombier qui communiquait avec son gîte. Il était digne des écuries du Grand Condé. Je l’avais fait rire en lui demandant si elle croyait à la métempsychose comme lui qui, persuadé qu’il reviendrait dans une autre vie sous forme de cheval, avait fait construire ses écuries comme un palais.

Les pigeonniers de Lore étaient à tomber par terre. Ils avaient été créés par feu son arrière-grand-père, Arnault de Courcelles en 1914. Une triste époque de début de guerre pendant laquelle il avait rendu des services aux armées pour l’acheminement des missives militaires par ses pigeons, mondialement renommés déjà.

Pendant la Seconde Guerre, les Allemands qui avaient réquisitionné la maison pour en faire la kommandantur avaient autorisé le propriétaire, Thibault de Courcelles, à garder ses oiseaux, mais à les claquemurer dans leur pigeonnier pour éviter qu’ils ne fussent abattus. L’aïeul, qui était bricoleur, avait amélioré encore l’ordinaire en construisant un colombier digne de ses voiliers du ciel qu’il affectionnait au plus haut point. Il avait réussi aussi à sauver de la fusillade qui les attendait nombre de grandes lignées belges que les colombophiles lui avaient déposées en prêt, l’autorisant à les reproduire si nécessaire, ce que ce colombiculteur averti et passionné n’hésita pas à faire.

C’est ainsi que ce pigeonnier était devenu le réceptacle de tout le gotha colombophile. On y retrouvait des grands noms de la colombophilie belge des années 40 comme, F. Pittonvils, de Vissenaecken, J.Van Den Bosch de Wavre ND, Verhaegen de Saint Antoine, Éd. Version de Woluwe SL, Juvenal Vogelaere de Bruxelles, Rousseau de Pont sur Sambre, Van Cabeke de Braine-l’Alleud, Fernand Glorieux de Mouscron, Angel Windal de Flobecq, Doyen Henri d’Ougrée, Verdonck Gaston de Dottignies, Nicolas Van Dievoet de Stokkel, Armand Bosmans de Courcelles, Seghers Ernest de Marche-Ecaussines, Louis Servaes de Liège, Michel Peeters de Bruxelles, Jules Eliet de Dînant, Ernest Loiseau d’Agimont, Émile Stoclet de Fleurus… et tant d’autres.

Beaucoup de propriétaires ne revinrent jamais chercher leurs pigeons, ils avaient d’autres chats à fouetter. C’est ainsi que Thibault de Courcelles se trouva à la tête d’un colombier d’exception et qu’il put, à sa guise, croiser et recroiser les meilleures têtes de lignées belges, un rêve pour un passionné de perfection colombophile comme lui.

Sa petite fille, Lore, naquit en 1944, à la fin de la guerre, fruit d’une union furtive entre sa fille, la sculpturale et juvénile Éléonore de Courcelles (19 printemps à l’époque !) et… un officier allemand, Werther Von Würzburg, lui aussi colombophile passionné (je n’en connais, pour ma part, pas d’autres). Pourtant, le père et la fille étaient bien connus comme résistants notoires du fameux groupe zéro et sauvèrent de la déportation ou des fusillades revanchardes, nombre de citoyens de Charleroi et des environs. Mais, allez comprendre l’amour, cet enfant de bohème !

La petite Lore qui nous occupe ne fut pas reconnue par son père, Werther Von Würzburg, officier SS. La légende raconte que celui-ci s’accusa d’avoir communiqué des informations à la résistance pour sauver Éléonore, enceinte de ses œuvres, ce qui lui valut illico le peloton d’exécution devant les yeux du châtelain et de sa fille qui accoucha, sous le choc, d’une enfant très prématurée, mais qui survécut pourtant. Lore fut élevée au colombier et devint, elle aussi, colombophile et colombicultrice. Elle ne fréquenta que très peu l’école du coin, de santé fragile, atteinte d’un mal qu’on identifiera tardivement comme la maladie HTAP (hypertension artérielle pulmonaire), elle bénéficia d’un précepteur à la maison et ne côtoya pas les « tchots »1 de Gosselies.

De plus, sa mère qui parlait parfaitement la langue de Goethe avait exigé qu’on l’éduque en allemand et en français, ce qui faisait jaser les habitants encore traumatisés par des années d’occupation, parfois sanglantes au Pays-Noir.

Pourtant, Éléonore avait été, à 18 ans déjà, une héroïne de la résistance. Elle appartenait au groupe zéro et s’était maintes fois introduite en tapinois dans la kommandantur dont elle connaissait tous les coins et recoins, les souterrains et les accès inconnus, pour faire disparaître des listes de suspects, des résistants, des juifs, tous ceux que le régime nazi souhaitait éradiquer. 

On ne lui a jamais pardonné cette faiblesse de jeune fille pour un officier allemand qui passait son temps avec son père dans le colombier et dont j’ai déjà annoncé la fin tragique et tellement wagnérienne.

Je savais tout cela avant de rencontrer Lore de Courcelles, sa fille. La rumeur publique continuait à véhiculer cette légende urbaine dont je ne connaissais pas les réelles sources originelles.

Je rencontrais une charmante septuagénaire, mince, svelte, élégante, qui me tendit une main que je jugeais indolente et moite, ce qui m’étonna de prime abord. Elle semblait aux aguets, terrorisée par ma venue, je ne comprenais vraiment pas pourquoi.

Tout était de bon goût, délicieusement désuet et pourtant tellement branché aussi dans sa demeure, et je constatais que l’ameublement s’avérait ergonomique. Elle se déplaçait avec difficultés et lenteur. Tout était de plain-pied et étudié pour qu’elle fasse un minimum d’efforts. Un élévateur électrique avait été construit pour qu’elle accède à son pigeonnier sans devoir sillonner un escalier en colimaçon qui en aurait fait choir plus d’un.

Elle venait de gagner, haut la main, la fameuse Route du Rhône avec un team de pigeons extraordinaires et, en apothéose, elle s’était classée première du grand concours international de Marseille qui rassemblait, en ces années bénies, plus de 20 000 pigeons originaires de Belgique, de France, d’Allemagne, des Pays-Bas, du Luxembourg et même de Grande-Bretagne (dont les pigeons Windsor de la reine d’Angleterre).

Je me souviens très bien de cette entrevue pas banale, il y a déjà plus de 7 ans.

Elle se fichait comme d’une guigne de ces titres, enviés pourtant par tous les colombophiles. Elle me confia qu’elle avait voulu concrétiser une expérience avec ses pigeons aérodynamiques, une race qu’elle avait non pas créée, mais poussée à la perfection colombophile sur cette ligne de vol en tout cas. Elle se définissait surtout comme colombicultrice, mais elle avait aligné cette équipe pour prouver l’importance de la transmission génétique par les mères chez les pigeons.

L’expérience s’avérait des plus concluantes puisqu’elle avait réussi à innover avec une race de pigeonnes pour la Route du Rhône. Elle ne faisait concourir que des pigeonnes issues d’hybridations de vieilles souches (elle possédait encore deux exemplaires de chaque race des grandes lignées belges originaires du début de la colombophilie, vers 1812, chose inouïe), qu’elle coachait. Elle avait sélectionné les meilleures et les avait soumises à un entraînement spartiate afin qu’elles aient toutes les chances de gagner ces concours réputés meurtriers. Elle ne s’intéressait qu’aux femelles, prétendant que les gènes des mâles n’entraient que très peu dans la performance colombophile, ce en quoi elle n’avait pas tort. Je partage intuitivement cette philosophie et d’autres spécialistes plus compétents que moi aussi ! Mais, ce n’est pas la vulgate colombophile, je précise ! Elle prétendait avoir repris à Eugène Pochet2 (un double champion du Barcelone, autre concours prestigieux international), entré dans le Guinness book pour avoir aligné deux pigeons de tête, sœurs de nid, dans cette course, et qui cultivait comme particularisme notoire et original à l’époque de n’entraîner que des « trios lesbiens ».

Bref, mon article n’avait pas fait que des heureux dans le landerneau colombophile. En plus, une femme au top de cette ligne de vol réputée exigeante, ça la fichait mal à l’époque (encore à présent ! rire). Ajoutons une disciple qui ne concourt qu’avec des femelles (qui longtemps n’ont pas été considérées au même titre que les mâles) et, en veuvage lesbien (une technique qui garde les oiseaux en couple, cela ne cause aucun problème aux pigeonnes de s’accoupler avec une autre, le coït se faisant anus contre anus, les œufs ne sont pas féconds). Après cela, les colombophiles pratiquent un veuvage classique. On sépare le couple avant une épreuve afin que le participant se carapate pour rentrer au nid. Pour stimuler la chose, certains poussent même jusqu’à montrer à l’encagé(e) son élu(e) avec un(e) autre soupirant(e).

Dans le trio lesbien, on agit de même en montrant à la participante, la veuve3… avec une autre femelle !

Nous avions discouru longtemps sur ses techniques colombophiles un peu hérétiques pour la doxa de notre discipline. Mon article vantant cette audace, il y a des années, avait été reçu assez froidement par les notables qui croient tout connaître sur notre sport alors que, comme j’aime à le proclamer : « Ceux qui disent qu’ils connaissent les pigeons sont des menteurs. »

Mais, certains s’autoproclament pape en colombophilie, je prétends, pour ma part, n’être qu’un petit cardinal sans aucun pouvoir, sinon celui de dire et d’écrire ce que je pense ce qui me vaut souvent quelques animosités, masculines surtout, mais peu m’en chaut !

Chapitre 2

La légende urbaine

Un coup de sonnette tonitruante vint me sortir de mes pensées matinales et dénigrantes. Claire Berg, ma condisciple d’université, devenue « cheffe » divisionnaire de la police judiciaire de Charleroi fit irruption en mon havre de paix dans lequel je me calfeutrais depuis des mois à cause de ce fichu virus qui déferlait sur le monde.

Elle était magnifique, à son habitude, sa crinière fauve de lionne auréolant un visage de piéta que les ans n’altéraient nullement. Elle possède cette qualité rare, sa beauté croît avec le temps qui passe. Quand je l’ai connue, à Louvain-La-Neuve, elle était parfaite, belle et sculpturale. À présent, de fines rides viennent griffer sa peau comme les affluents d’un ruisseau, elles alimentent encore la beauté de son regard d’un vert émeraude époustouflant. Ses longs cheveux, relevés à la Bardot, s’échappent avec luxuriance d’un catogan dans lequel elle essaie vainement de les canaliser. Elle a succombé à la mode carolo de les rougir au henné, ce qui a l’heur de faire resplendir sa carnation parfaite de peau. Elle affiche une silhouette de jeune adolescente attardée qui la fait siffler dans les rues par quelques rhétoriciens qui la prennent (de loin) pour une de leurs condisciples. Mais, ce matin, la blancheur virginale de son teint m’inquiète et sa mine austère m’interpelle :

« Tu passais dans le coin ?

— Je viens de la maison de repos Carpe Diem, à deux pas de chez toi et, je meurs d’envie d’un café bien serré, ma chère Marie.

— Avec plaisir, entre. Je suis contente de te voir, tu es au courant pour la maison Gaspar Thibaut ?

— Ben voyons, c’est le buzz, une porte-guillotine, je n’avais jamais entendu cela, tu sais. Je suis encore sous le choc. »

Elle regarda par la baie vitrée qui donnait immédiatement sur la maison mentionnée.

« Tu es aux premières loges, ma poule, inutile de te demander si tu n’as rien vu ?

— Non, j’ai été abasourdie de lire dans la Dernière Heure…

— Oui, je sais, j’ai vu le journaliste.

— C’est un peu gore non, elle a vraiment été coupée en deux ?

— Non, exagération journalistique, mais bien entamée quand même. La porte semble, s’être refermée sur elle, la blessant mortellement. Elle s’est vidée de son sang tellement vite qu’on se demande comment. Bref, l’anatomopathologiste mandaté par le substitut n’a jamais vu cela et on ne peut rien conclure à cette heure. J’ai eu le triste privilège de devoir annoncer sa mort à sa mère qui affiche 95 printemps et qui séjourne au home Carpe Diem.

— Éléonore de Courcelles ! Une star de Gosselies, la pauvre doit être anéantie !

— Tu penses, quelle triste messagère je fus ! Je ne savais pas comment lui annoncer, mais elle avait deviné déjà intuitivement. Sa fille lui téléphonait le matin, tous les jours, pour lui souhaiter le bonjour, elles ne se voyaient presque plus. Lore ne se déplaçait pas en dehors de son havre aménagé pour son handicap, mais les deux femmes se parlaient matin et soir, plus d’une heure par jour par Skype, et ce ponctuellement et sans exception aucune. N’ayant pas eu de nouvelles de sa fille ce matin, elle supputait que quelque chose fut arrivé et le redoutait. Mais, tu sais, le pire, c’est qu’Éléonore te connaît, elle avait un de tes livres sur son bureau, j’en suis presque tombée de ma chaise !

— Merci pour “le pire” ! Oui, je me souviens qu’elle me l’avait commandé, il y a quelques années déjà. Elle m’avait téléphoné et demandé si je pouvais lui apporter au home, sis à une encablure d’ici comme tu sais ! J’avais complètement oublié cela, j’ai juste déposé le livre à l’accueil.

— Tu savais qu’elle était colombophile ?

— Oui, je connais sa légende, son père surtout l’était et sa fille Lore, je devrais dire colombiculteurs, même s’ils jouaient les concours aussi.

— Tu sais, me répondit-elle, je connais la différence depuis ton écolage !

— J’espère bien, ceux-ci s’intéressent surtout à la reproduction plus qu’aux performances dans les concours, mais souvent ils sont les deux à la fois ! C’est bien que tu te le rappelles.

— Si on remettait cela, Marie, j’ai encore besoin de tes lumières, et puis tu pourras en faire un nouveau bouquin, non ?

— Oui, je suis en manque d’idées, pour une fois je ne me ferai pas prier. Mais, je ne vois pas ce que je pourrais faire pour t’aider. Ici, il ne s’agit pas d’un crime colombophile, mais d’un banal accident domestique bien malencontreux.

— Pas si certain que cela, la mort est violente et suspecte, et que vais-je faire avec les pigeons ? Il n’y a pas d’ayants droit sauf Éléonore qui a toute sa tête, mais ne marche plus beaucoup. Pourrais-tu aller voir le colombier, donner à manger, à boire aux pigeons ? Enfin, tu sais quoi…

— Je suppose qu’elle avait un soigneur. Elle n’aurait pas pu vaquer seule aux obligations imposées à tout colombophile. Son pigeonnier, à une époque, comptait quelque mille pigeons. Je vais aller m’en enquérir comme tu le souhaites. Eh oui, je veux bien prodiguer les soins de nourriture et même de grattage, mais je ne pourrais pas m’y astreindre longtemps. Il faudra bien que quelqu’un s’en charge plus professionnellement. Et puis, je n’ai pas la clé de cette belle demeure, celle des pigeonniers suffira, je suppose que tu as balisé ta scène de crime.

— Je n’ai pas encore parlé de crime, Sherlock !

— Mais, je te connais, tu ne crois pas à l’accident domestique ?

— Non, et là encore j’ai besoin de toi. Il faudrait cuisiner Éléonore, elle connaît les méandres de la vie de sa fille et doit bien savoir si cette porte, vieille de 120 ans, a toujours fonctionné parfaitement. Comment s’est-elle ainsi refermée sur Lore comme une meurtrière guillotine ?

— Le mécanisme doit être vieux et, sans doute pas entretenu. Enfin, je ne sais pas, qu’attends-tu de moi, Claire ?

— Je ne peux pas décemment mener un interrogatoire avec Éléonore. Elle se braquerait et, dans l’état où elle est, elle est bien incapable d’avoir perpétré le crime, si crime ou meurtre il y a. Alors toi, tu pourrais aller la voir, lui dire comme tu t’attristes de la situation, lui suggérer que tu puisses aider pour les pigeons, lui demander la permission pour la clé. Je ne mettrai pas les scellés sur le pigeonnier et tu t’abstiendras bien d’aller faire joujou avec la porte-guillotine. Tu pourrais même inventer que tu ferais bien un article sur le passé colombophile de sa fille. Je connais ton imagination et ton empathie légendaire, tu feras cela très bien et tu me diras, comme d’habitude !

— Je ne peux pas laisser ces pigeons sans soins, je te l’accorde, je n’en dormirais plus ! Tu as prévenu le bien-être animal de Charleroi ?

— Oui, notre charmante Françoise Daspremont, elle a pourtant déjà bien assez à faire avec ses chats errants, ses colombiers anticonceptionnels, ses chiens abandonnés et ses refuges animaux qu’elle chouchoute. C’est elle qui m’a suggéré de te demander, vois avec elle si tu as des frais, elle collabore avec un vétérinaire de la ville si tu en as besoin !

— Rire, tu crois qu’un véto pour chiens et chats est compétent pour les pigeons de ces prix ?

— Non, on ne va pas recommencer avec les prix des pigeons. Quand je vois mes émoluments, comparés aux prix de tes “têtes de lignée”, j’ai vraiment l’impression d’avoir fait le mauvais choix.

— Tu retournes à la maison mortuaire ?

— Oui, Éléonore m’a donné les clés pour éviter à nouveau le serrurier. Tout est aussi domotisé et fonctionne avec le GSM de Lore, pas retrouvé encore ! Il doit être éteint, il ne borne même pas !

— Je t’accompagne alors.

— Et mon café ? »

Chapitre 3

Ce ne sont quand même pas les pigeons

qui l’ont assassinée, mademoiselle !

Cette maison que je voyais de ma demeure, je n’y avais pénétré qu’à deux reprises, lors d’une interview de sa propriétaire, Lore de Courcelles, et une autre fois, parce qu’un de ses pigeons avait atterri dans mon salon en rentrant d’un concours. J’avais réussi à l’attraper et à le ramener à son pigeonnier, elle m’avait été très reconnaissante et nous avions discuté quelques heures de ses ouailles. Sinon, j’avoue que je ne connaissais rien d’elle. J’admirais béatement le manoir auréolé de légendes, de mythes, de mystères. Je n’avais jamais réussi non plus à percer l’énigme du carillon qui retentissait en une petite ritournelle, toujours la même, et que je n’entendais que lorsque je lisais dans mon jardin, en été surtout. Comme si une main invisible jouait de cet instrument dans la tour du colombier. Je m’étais imaginé... tellement de scénarios de films d’épouvante à des thrillers délirants, ou des romans à l’eau de rose, de cape et d’épée pour justifier ce que j’avais fini pas classer en « acouphènes », moins romantiques !

Claire introduisit une clé monumentale dans une serrure bancale qui ne demandait qu’à céder à l’intrusion. La porte se mit en branle comme mue par un mécanisme centenaire dans un fracas épouvantable qui nous laissa pétrifiées. Claire, accoutumée aux ambiances glauques de son boulot, ne sourcilla pas et poussa de toutes ses forces pour entrer. Ma première impression fut olfactive, je ne l’avais pas perçue lors de mes deux visites précédentes, mais c’était l’été et Lore m’avait reçue dans son appartement, je n’avais jamais eu droit à l’entrée principale. Une odeur de cantine scolaire me fit déglutir avec difficulté.

« Ça pue ici !

— Oui, une très vieille odeur doit imprégner les murs.

— Celle d’une école, la maison servit à cela pendant des décennies.

— Oui, quel gâchis, dis-je en lorgnant l’escalier monumental qui occupait presque tout l’espace d’accueil.

— C’est quand même très impressionnant, ajouta ma comparse condescendante.

— Je n’avais jamais vu l’entrée principale, je n’ai eu droit qu’à l’entrée des fournisseurs.

— Tu lui vendais des pigeons ?

— Combien de fois dois-je t’expliquer que je ne vends jamais de pigeons ? J’écris sur les concours, les performances, leurs prix, mais je n’en vends jamais un !

— Et, elle, la victime, elle en vendait ?

— C’est une bonne question, je n’ai jamais rencontré, dans ma carrière, de pigeons de chez elle, achetés par des adeptes. C’est étonnant, elle avait trusté pas mal de prix. Note qu’elle ne venait jamais chercher ses trophées, alors que les autres colombophiles viendraient plutôt deux fois qu’une ! Même lors de sa victoire spectaculaire sur la Route du Rhône et comme grande vainqueure du Marseille national et international, elle brillait par son absence. Elle m’avait demandé de lui fournir un certificat de résultats estampillé par l’organisateur qui est mon mari, comme tu le sais. La médaille, la coupe, elle n’en voulait pas, elle avait même insisté de lui envoyer l’attestation par la poste, sans doute pour bien marquer qu’elle ne souhaitait pas me voir chez elle. J’en avais été fort marrie. En général, les colombophiles aiment me voir arriver pour chanter leurs louanges, surtout quand ils cumulent tant de victoires qu’elle !

— Elle n’a pas voulu que tu mettes ton nez charmant dans son pigeonnier, on ne peut l’en blâmer !

— Mauvaise, va ! »

Elle me retint avant que ne je tombe dans les balises de la scène de meurtre ou de crime, je ne savais encore comment la qualifier.

« N’avance pas plus loin, les scellés sont apposés déjà, tu vois l’objet du délit ?

— Mazette, quelle porte, c’est une véritable guillotine ! » 

Je frissonnais en me massant le cou.

« Tu développes un syndrome Marie-Antoinette ?

— Oui, je sens le couperet de l’engin », exagérais-je à peine.

J’avais en effet ressenti un froid intense s’abattre sur ma nuque.

« On n’a encore rien nettoyé, une spécialiste viendra.

— Une nettoyeuse de crime ?

— Oui, bien évidemment. Elle sait ce qu’elle doit préserver, ce qui est important ou pas. Je ferai examiner le mécanisme par un ingénieur aussi. Encore faudra-t-il trouver un expert judiciaire, spécialiste de ce type d’engin. »

Nous fûmes interrompues par une visite, une voix mal timbrée s’élevait devant la porte que nous avions laissée béante.

« Madame… »

Une tête dégarnie et blanchâtre apparut dans l’ouverture, je reconnus un colombophile du coin, Hippolyte Durinx, un vieux colombophile de Gosselies que j’avais déjà entrevu dans le jardin de la propriété. Je supputais qu’il venait aider Lore pour ses pigeons depuis qu’elle était devenue presque impotente.

« Madame Cardinal, vous ici ?

— Entrez Hippolyte, mais ne touchez à rien. Je vous présente Claire Berg. »

Je ne sus que dire pour qualifier le drame dans lequel nous baignions, Claire prit la parole :

« Monsieur Hippolyte, je suis en effet en charge de l’enquête (elle exhiba théâtralement sa carte de police) sur la mort de madame Lore de Courcelles. »

L’homme s’effondra d’un bloc :

« Elle est donc morte, mademoiselle ? Le journal n’a pas menti, je l’ai lu ce matin dans la Nouvelle Gazette.

— Oui, continua Claire. Vous la connaissiez bien ? Pourquoi êtes-vous ici ?

— Je suis son soigneur. »

Je rappelais à Claire que cela n’avait rien à voir avec un médecin ou un infirmier, mais qu’il était le soigneur des pigeons.

Elle me rabroua :

« Je sais, je connais quand même l’abécédaire !

— Vous travaillez pour madame de Courcelles ?

— Mademoiselle de Courcelles, précisa Hippolyte.

— Oui, mademoiselle. Vous veniez tous les jours, vous avez la clé ?

— Oui, tous les jours et parfois même deux fois par jour. Je rentre manger chez moi et je reviens faire les volées du soir. Je ne possède pas la clé de cette porte, cette aile n’est plus habitée depuis longtemps. Mademoiselle vit dans son appartement qui jouxte le pigeonnier, elle ne vient plus jamais ici, elle ne peut marcher que quelques pas par jour, 18 exactement, pas un de plus. Après cela, elle s’effondre, c’est spectaculaire, où qu’elle soit elle tombe en syncope et ne peut pas se relever, mais elle compte toujours ses pas, comme moi ma monnaie !

— HTAP, précisais-je.

« Une maladie très invalidante, l’hypertension artérielle pulmonaire. Une cochonnerie de première, héréditaire et incurable. Elle était au stade ultime, celui où l’on compte ses pas. C’est tout à fait exact ce qu’il te dit. J’avais oublié, elle m’avait confié cela lors de son interview et, comme je ne connaissais pas, j’avais investigué un peu, tu trouveras tout cela sur Wikipédia sans problème !

— Je verrai, comment entriez-vous dans le colombier ?

— Par la porte !

— De l’appartement de mademoiselle ?

— Non, seule Emma, ma femme, qui vient pour ses soins entre chez mademoiselle par la porte de son appartement ainsi que le livreur de chez Caddyhome, mais il n’a pas la clé. Elle possède un système d’ouverture qu’elle peut actionner de l’intérieur, elle commande toutes les issues par son smartphone.

— Le colombier communique avec son appartement ?

— Oui, mais je n’y entre jamais sauf pour ma paye. Je possède la clé du colombier, si je devais revenir pour un pigeon malade ou un retour de concours, ainsi je ne dois ni la déranger, ni passer dans son flat.

— Elle vous a payé anticipativement ?

— Oui, comme toujours !

— Vous viendrez donc soigner les pigeons jusque fin du mois ?

— Bien entendu et même après sans être payé. Je ne vais pas les abandonner, il y en a plus de 750 encore ! Et quels pigeons ! C’est comme un musée du pigeon ici, mais avec des jeunes, elle garde deux spécimens de chaque lignée belge. Elle a fait don de 500 pigeons à Jersey à la Durrell Wildlife Conservation Trust, il y a quelques années déjà, afin de garder la possibilité de recréer une race belge si certaines souches disparaissaient. Ajoutez 50 donnés à un club colombophile de Würzburg, la ville d’origine de son père. Mais, il en reste encore plus de 750, elle en avait aussi offert à un collectionneur chinois qui est venu en personne les quérir. Je me le rappelle, c’est le seul homme qui ait franchi son seuil, enfin avec Caddyhome, depuis la mort de son grand-père, il y a plus de 20 ans !

— Elle avait gardé des souches de pigeons des origines ? 

— Oui, elle disait toujours qu’engendrer le pigeon belge avait été un exploit des colombiculteurs de l’époque. Pensez ! Sans tests ADN, sans appareillages, sans connaissances des lois de l’hérédité des pigeons, c’était un vrai Lotto.

— Qui a rapporté gros », commenta avec acrimonie Claire.

Hippolyte s’offusqua :

« Pas pour elle, elle n’en vendait jamais, enfin que je sache, elle avait des idées de ouf, comme dit mon fils, sur la colombophilie. Si je vous racontais, mais elle était une sommité dans les universités. Je voyais parfois les lettres, les rapports qu’elle recevait par la poste, toutes les universités qui travaillent sur les pigeons lui écrivaient, elle a été docteur hono…

— Honoris causa !

— Oui, c’est ça, elle n’a pas voulu aller à la cérémonie, mais une femme lui a remis son titre. Son grand-père vivait encore dans les années 1990. Il était tellement fier, je ne l’avais jamais vu comme ça, même quand ses pigeons avaient gagné le Barcelone en 1954 ! Il était fou de joie. Elle s’en fichait comme de tout, les honneurs, elle n’y était pas sensible. Sa mère aussi était sotte. Pour eux, c’était une consécration, une université allemande, Heidelberg, je crois, mais vous trouverez cela dans le livre qu’elle écrivait, sur son bureau, elle ne le lâchait jamais.

— Un livre ? Comme c’est passionnant, vous l’avez trouvé ?

Claire répondit : 

— Pas encore, juste son ordi. que nous allons fouiller de fond en comble si nécessaire, j’attends quand même les conclusions du légiste avant de mettre la machine en branle. »

J’intervins :

« Hippolyte, si vous le souhaitez, je viendrai vous aider pour les pigeons. Nous trouverons une solution pour le mois prochain, ne vous inquiétez pas.

— Vous croyez ? C’est que, pour la paye, je m’en fiche encore, cela fait si longtemps que je travaille ici. Mais, pour les pigeons, je ne voudrais pas qu’on les abandonne, ce sont des têtes de lignées prestigieuses. Mademoiselle les vénérait comme des dieux, vous savez. Elle me disait toujours de ne pas m’inquiéter que si elle devait partir, elle me laisserait un pactole pour les pigeons. Elle prétendait aussi qu’ils n’iraient jamais à Halle, à la fédération, qu’elle avait tout prévu et même… qu’elle m’en laisserait certains en cadeau d’adieu. Je lui rétorquais toujours que nous avions le même âge, que les femmes vivent plus longtemps que les hommes et que ce serait sans doute moi qu’elle enterrerait. Elle souriait tristement et me rappelait tout le temps que ce qu’il lui restait de vie était compté, comme ses pas, mais qu’elle avait tout organisé pour les pigeons, pour la maison et même pour sa maman, madame de Courcelles qui est au home, il faut que j’aille la voir, elle sait ?

— Oui, nous venons de là, attendez demain pour passer, je crains qu’elle ne soit effondrée.

— Moi de même, puis-je monter au colombier ? »

Je pris la parole, témérairement, je l’avoue :

« Non, la commissaire et moi allons monter, je donnerai à boire et à manger, ils mangent au casier ?

— Bien entendu, des pigeons de cette valeur ! Mais elle a tout automatisé, vous savez. Elle a créé un programme avec chaque ration par jour pour chacun des pigeons. Il y en a encore plus de 750. C’est presque impossible à gérer sans sa fichue domotique, mais je suis quand même bien content, cela me soulage. Je dois encore gratter, mais vous verrez, les caillebotis bougent automatiquement et se lavent seuls, mais il faut mettre le système en branle, je peux le faire si vous voulez ?

— Non, il faut d’abord que je jette un œil sur le colombier », coupa Claire fermement.

Hippolyte se renfrogna, il paraissait évident que nous ne souhaitions pas qu’il pénètre seul dans le saint des saints, il avait compris, mais semblât s’y résigner à regret.

« C’est que, dit-il, ils vont être perturbés les pigeons, je dois faire les volées et…

— Ils attendront un jour, je veillerai à libérer les rations d’eau et de nourriture. 

— De l’eau ! laissa-t-il tomber méprisant.