L'estime de soi chez l'enfant et l'adolescent - Nathalie Vancraeynest - De Lathouwer - E-Book

L'estime de soi chez l'enfant et l'adolescent E-Book

Nathalie Vancraeynest - De Lathouwer

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Beschreibung

Tous les parents du monde souhaitent voir leurs enfants  épanouis, en confiance et ayant une bonne estime d’eux-mêmes.

Mais les défis et les questionnements pour y parvenir sont nombreux. Comment faire face aux difficultés rencontrées ? Quels gestes éducatifs adopter pour que nos enfants s'épanouissent sur des bases solides de confiance et d'estime de soi ?

Dans cet ouvrage très concret, l’autrice explique les bases de l’estime de soi et de la confiance en soi, mais pas seulement ! Elle offre surtout une foule d’outils, d’exercices et d’exemples pour guider les parents dans leur apprentissage de la parentalité. De la naissance à l’adolescence, toutes les périodes sont abordées et les exercices adaptés en fonction de la situation. Elle analyse également les failles et les causes du manque d’estime de soi et propose des pistes concrètes et efficaces pour la (re)construire et la protéger.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Nathalie Vancraeynest - De Lathouwer est formatrice, conférencière, coach scolaire et parentale depuis plus de quinze ans. Son travail est axé sur la (re)construction de l’estime de soi des enfants, ainsi que de la parentalité positive et bienveillante.

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Couverture

Page de titre

Introduction

« Un homme passe sa vie à compenser son enfance1 », confiait Jacques Brel. Lorsque l’estime de soi ne se construit pas solidement durant l’enfance, l’adulte s’évertue à neutraliser, à compenser, à suppléer les faiblesses, les failles de son estime personnelle. Bien sûr, nous pouvons vivre avec une estime de soi faible ou instable, mais combien de souffrances, de renoncements, d’insatisfactions y puisent-ils leurs origines ? Les blessures à l’estime de soi issues de l’enfance entravent trop nos vies et celles des générations futures pour ne pas agir. Comme dit Maxime Le Forestier dans sa chanson Né quelque part, « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille… » Les enfants n’ont pas choisi de naître et de grandir sous l’emprise d’un parent toxique.

Dès le début du XXe siècle, la recherche sur l’estime de soi s’accompagne d’études sur l’éducation et son influence. Des voix s’élèvent pour considérer les enfants différemment. Maria Montessori, médecin et pédagogue, ouvre ses premières Case dei Bambini. Alfred Adler, médecin et fondateur de la psychologie individuelle, devient le premier directeur de la clinique viennoise de psychologie de l’enfant. Rudolf Dreikurs adhère à la psychologie individuelle et détermine les conditions pour mieux apprendre. Les années 1960 marquent un tournant dans la transformation de la famille. En France, Françoise Dolto affirme que « l’enfant est une personne à part entière ». Ces propos ne seront pas toujours bien compris ni interprétés. Outre-Atlantique, Thomas Gordon, Adele Faber et Elaine Mazlish, Marshall Rosenberg, Jane Nelsen et Lynn Lott rendent populaire une éducation respectueuse des besoins, des capacités de l’enfant et de l’adolescent. En Europe, Alice Miller dénonce, à partir des années 1980, la violence ordinaire faite aux enfants et l’impact de celle-ci sur leur vie d’adulte. Isabelle Filliozat, Catherine Dumonteil-Kremer, Béatrice Sabaté multiplient les interventions dans les médias, les livres, les formations pour rendre l’éducation positive et bienveillante accessible aux parents en recherche d’une relation apaisée avec leurs enfants et leurs adolescents. La docteure Catherine Gueguen utilise sa formation de pédiatre pour sensibiliser le grand public aux découvertes des neurosciences qui valident la bienveillance éducative. En 2005, Olivier Maurel fonde l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO).

Cette « éducation bienveillante » n’est en rien laxiste, comme voudraient le faire croire ses détracteurs. Elle s’appuie sur la compréhension des besoins fondamentaux, du vécu, des capacités de l’enfant, de l’adolescent, pour lui fournir une structure et les meilleures conditions pour développer ses compétences psychosociales et son estime de soi. Sa devise pourrait être « Comprendre pour éduquer de manière efficace et durable ». L’autorité saine d’un parent s’établit sur la confiance, qui s’obtient par la coopération de l’enfant à un fonctionnement qu’il comprend, et ce processus se construit dès les premiers jours. L’autorité d’un parent ne s’exprime ni par la contrainte ni par la séduction. La vraie discipline qu’un parent peut transmettre conduit l’enfant/l’adolescent à une autodiscipline et à un respect de soi et des règles. À l’inverse, la méconnaissance des capacités de l’enfant, les croyances erronées conduisent les parents à des attitudes inadaptées.

L’éducation bienveillante tient compte de besoins spécifiques qui dépendent de l’âge, du développement cérébral et des capacités de l’enfant. Elle offre une structure éducative afin qu’il adopte une autodiscipline respectueuse pour lui et les autres. Il grandit et devient un adulte responsable, autonome, motivé, capable de faire face aux difficultés et de s’adapter aux aléas de la vie.

J’ai développé ma pratique professionnelle de coach scolaire formée à la psychopédagogie positive et à la parentalité bienveillante autour de la construction de l’estime de soi chez l’enfant/l’adolescent pour les parents à la recherche de solutions concrètes. Ce livre a pris forme lorsque, lors de mes consultations, j’ai pris conscience que j’aidais enfants et parents sans rien vivre de leur quotidien. Or, les gestes éducatifs du quotidien façonnent l’estime de soi.

Dans ce livre, j’ai rassemblé mon expérience et mes connaissances afin d’accompagner les parents au fil des jours, au fil des années. L’estime de soi se tisse toute la vie, mais c’est dans l’enfance et l’adolescence qu’elle s’ancre et trouve sa structure. Elle n’est jamais acquise définitivement et s’entretient jour après jour.

Cet ouvrage permettra aux parents d’aider leurs enfants à se (re)construire, à (re)prendre conscience de leur valeur dans des situations aussi diverses que la séparation parentale, la recomposition familiale, les comportements hostiles et violents des condisciples, les difficultés d’apprentissage, ou encore lorsqu’ils pensent et apprennent différemment.

Avec ce livre, je souhaite être à côté de chacun d’entre eux, dans les moments où ils douteront de leurs capacités de parents et de leur valeur. Éduquer un enfant n’est pas une tâche simple et les recettes infaillibles n’existent pas. Chaque enfant est spécial, car ses parents sont uniques. Ils ont des histoires, des vécus, des expériences différentes, et celles-ci les façonnent. Parfois, cet héritage ne convient pas. En tant que parents, nous sentons au fond de nous un malaise lorsque nous agissons vis-à-vis de nos enfants. C’est alors que naissent les doutes sur notre rôle.

Nous sommes des transmetteurs ; sans prise de conscience de notre part, nous répétons en matière d’éducation les gestes et paroles de nos propres parents. La prise de conscience ne doit pas amorcer notre culpabilité, mais notre bienveillance.

Sans savoir, nous élevons nos enfants de façon automatique avec les bons et les mauvais gestes de nos ancêtres. Mais lorsque nous savons, nous pouvons évoluer et améliorer notre modèle parental. Nous consolidons notre estime de soi et notre sentiment de compétence de parent tout en agissant positivement sur ceux de nos enfants.

Ce livre vous permettra d’offrir à vos enfants une éducation sensée et satisfaisante.

Chapitre 1

Le concept d’estime de soi

« L’éducation est au centre de toutes les stratégies de construction de l’avenir. C’est un enjeu mondial, un des grands défis du troisième millénaire.Un processus primordial de survie, d’adaptation et d’évolution de l’espèce humaine que l’homme va devoir conduire dans le respect des diversités et des libertés.Sans éducation, il ne peut y avoir de participation consciente et responsable à la gouvernance des sociétés de demain. »2

JOËL DE ROSNAY

La notion d’estime de soi s’avère complexe : selon les époques et les auteurs, ses fondements sont différents. Dans l’Antiquité, Socrate la conçoit comme la connaissance de soi et invite ses contemporains avec son exhortation « Connais-toi toi-même ». Marc Aurèle déclare la valeur intrinsèque de l’homme en le comparant à une pierre précieuse : « L’émeraude ne perd pas de sa valeur faute de louanges3. » L’idée de la valeur de l’être humain traverse la réflexion des philosophes et les siècles.

À l’aube du XXe siècle, la psychologie renouvelle le concept d’estime de soi en mettant en valeur son émergence, sa construction chez l’individu ainsi que ses conséquences sur la perception de l’individu par lui-même. Les personnes ayant une bonne estime de soi vivent différemment de celles qui présentent une faible estime de soi, et cela se manifeste dans leur façon d’envisager la vie et autrui.

1.Un élément fondamental de la personnalité

Depuis la définition initiale de l’estime de soi par le psychologue et philosophe William James (1842-1910) en 1890, la notion s’est enrichie et a évolué en intégrant diverses dimensions. Si, selon cette première définition, l’estime de soi représente l’écart entre les aspirations, les attentes d’un individu et sa réalité, au fil du temps, des notions comme l’importance des regards et jugements portés sur l’individu (Charles H. Cooley (1864-1929)), l’importance des interactions entre la mère et son enfant (Mary Ainsworth (1913-1999) et John Bowlby (1907-1990)), la compétence (Abraham Maslow (1908-1970)), l’attitude (positive ou négative) de l’individu vis-à-vis de lui-même (Morris Rosenberg) s’invitent dans l’équation. Depuis la fin du XXe siècle, les recherches sur le sujet ne cessent d’apporter de l’eau au moulin.

Ainsi, l’estime de soi est toujours un champ de recherche important, pour la compréhension tant de ses composantes que des facteurs qui l’influencent et des implications d’une haute ou basse estime de soi pour les individus. Josiane de Saint Paul réussit à mon sens la synthèse de ces différentes notions :

L’estime de soi est l’évaluation positive de soi-même, fondée sur la conscience de sa propre valeur et de son importance inaliénable en tant qu’être humain. Une personne qui s’estime se traite avec bienveillance et se sent digne d’être aimée et d’être heureuse. L’estime de soi est également fondée sur le sentiment de sécurité que donne la certitude de pouvoir utiliser son libre arbitre, ses capacités et ses facultés d’apprentissage pour faire face, de façon responsable et efficace, aux événements et aux défis de la vie4.

Aujourd’hui, il semble y avoir un consensus sur le fait qu’une bonne estime de soi participe de la santé mentale, qu’une estime de soi équilibrée permet aux personnes de se sentir bien, d’avoir une certaine maîtrise sur leur vie, de faire face aux difficultés sans s’effondrer et d’entretenir des rapports sereins avec les autres.

Même si le concept d’estime de soi s’est « démocratisé », il reste difficile à cerner pour les parents. Ces derniers consultent plus facilement en évoquant chez leur enfant un manque de confiance dans les tâches quotidiennes, dans la prise de parole à l’école, un manque d’audace ou d’affirmation. Ils s’inquiètent des doutes exprimés par l’enfant sur ses capacités, sur lui, sur son image.

Pour construire son estime de soi, l’enfant va utiliser ce que nous mettons à sa disposition. S’il trouve le bon matériau, il se construira une estime de soi saine, forte et juste. En tant que parents, nous pouvons procurer à notre enfant les éléments pour soutenir la construction de son estime de soi, mais nous ne pouvons pas construire son estime à sa place.

Je compare souvent l’estime de soi à une plateforme posée sur des piliers édifiés par l’enfant/l’adolescent : comme un jeu de construction, vous fournissez les blocs et votre enfant les agence à sa façon. Parfois, il accepte votre intervention, mais ne vous risquez pas à modifier son agencement, car il passera derrière vous pour remettre les blocs à son goût. À l’instar de cette image, vous mettrez en place les bases et votre enfant érigera les différents piliers qui soutiendront son estime personnelle.

2.Les piliers de l’estime de soi

Nos enfants bâtissent ces piliers à partir de leurs ressentis personnels et du sentiment de sécurité, d’identité, d’appartenance, de compétence et de responsabilité, qu’ils éprouvent et développent dès leur premier jour. Chacun de ces piliers s’avère primordial. À chaque étape de sa vie, ils prendront une dimension plus ou moins prépondérante, comme nous le verrons au chapitre 2.

Selon le psychologue Abraham Maslow, la hiérarchie des besoins s’établit selon l’ordre suivant :

1)les besoins physiologiques, liés à la survie ;

2)les besoins de protection et de sécurité ;

3)les besoins sociaux, comme l’appartenance ;

4)les besoins d’estime, de reconnaissance d’une identité et des compétences ;

5)les besoins d’accomplissement, de buts à poursuivre.

Ainsi, les besoins physiologiques et sécuritaires doivent être satisfaits avant d’avoir accès aux autres niveaux. L’estime de soi suit la même logique. Si l’un de ses piliers n’est pas suffisamment développé, le suivant peinera à se déployer.

Les piliers de l’estime de soi sont les suivants :

1)le sentiment de sécurité, physique, émotionnelle et physiologique ;

2)le sentiment d’identité ;

3)le sentiment d’appartenance ;

4)le sentiment de compétence ;

5)le sentiment de responsabilité et les objectifs.

Tous ces piliers sont donc intrinsèquement liés : si l’un devient fragile, moins solidement ancré, c’est tout l’édifice de l’estime de soi qui se trouve mis en péril.

Nous devons régulièrement renforcer ces piliers qui nous semblaient pourtant acquis pour permettre la construction du pilier suivant. Selon son âge, l’enfant œuvre différemment à la construction de chacun des piliers de son estime.

2.1. Le sentiment de sécurité

Ce premier pilier s’ancre dans le sentiment de sécurité forgé durant l’enfance grâce à la satisfaction des besoins physiologiques, à la possibilité d’exprimer ses émotions et à la rencontre d’adultes capables de lui expliquer le monde et son fonctionnement.

Si ce premier pilier est fragile, l’estime de soi de l’enfant comportera des fissures. L’enfant devra mettre beaucoup d’énergie à compenser le défaut de sécurité physique, émotionnelle et psychologique pour pouvoir construire les autres piliers (identité, appartenance, compétence et responsabilité).

Le sentiment de sécurité physique

Tous les humains, peu importe leur âge, leur statut, l’endroit où ils vivent, doivent satisfaire leurs besoins physiologiques : boire, manger, dormir, respirer… ceux-ci sont essentiels à la survie. Ils recherchent la sécurité en se protégeant des événements climatiques, de l’arbitraire, de la violence…

Les adultes apportent cette sécurité physique en répondant aux besoins du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent. Cette sécurité mise en place depuis l’extérieur dans la prime enfance se transforme en un sentiment de sécurité interne. Pour cela, l’enfant doit rencontrer des attitudes favorables et bienveillantes chez les adultes qui prennent soin de lui. C’est ainsi qu’il passe de la dépendance totale du nourrisson à l’indépendance et à l’autonomie relatives de l’adolescence. Les parents l’accompagnent dans cette prise d’autonomie jusqu’à ce qu’il puisse subvenir à ses propres besoins et devenir indépendant.

Pour appréhender le besoin, il est nécessaire de distinguer cette notion de l’envie, même si les deux revêtent une grande importance pour l’enfant.

•Les besoins sont universels (« J’ai faim, j’ai soif, je suis fatigué, j’ai froid, je veux jouer, bouger, etc. ») et doivent être satisfaits à plus ou moins court terme. Lorsqu’un nourrisson crie car il a faim, son besoin doit être comblé sans trop attendre. La faim lui est une sensation désagréable et menaçante pour sa survie. Lorsque l’adulte répond à son besoin de manger, il l’aide à créer son sentiment de sécurité. La situation est différente dans le cas d’un enfant plus grand qui n’aurait pas voulu déjeuner et qui réclamerait des biscuits à 14 heures. Nous pouvons, facilement et avec empathie, le faire patienter jusqu’à l’heure du goûter.

•Les envies sont particulières (« Je veux du chocolat, un tee-shirt rose, du soda, le camion de pompiers… »). Elles peuvent être postposées ou abandonnées, mais elles ouvrent toujours à un partage avec l’enfant. Par exemple, au supermarché, votre fils pile devant une voiture de course. Il vous arrête et vous dit qu’il la veut. Plusieurs réactions s’offrent à vous : 1) vous lui offrez la voiture ; 2) vous négociez pour vous soustraire (« Es-tu sûr de vouloir celle-là ? Réfléchis et regarde d’abord à la maison »). Espérant détourner l’attention de l’enfant, vous accompagnez parfois cette négociation de chantage (« Si tu as de bonnes notes », « Si tu es sage »). Il s’agit plus d’un refus déguisé sous un aspect économique (« Je n’ai pas d’argent pour ça ») ou « temporel » (« Pas maintenant ! ») que d’une réelle négociation ; 3) vous postposez (« On verra plus tard ! »). Essayez donc cette alternative : arrêtez-vous un instant et discutez de l’objet en question (« Que ferais-tu avec cette voiture ? », « Qu’est-ce qui te plaît dans celle-ci ? », « Avec qui jouerais-tu ? »). Proposez-lui des options, comme l’inscrire sur sa liste de cadeaux, économiser, prendre une photo pour l’afficher sur un tableau des envies. Dans cet échange, votre enfant aura exprimé ses souhaits. L’envie est un moteur formidable, elle crée la motivation ! À vous de l’entretenir. Vous n’avez pas dit non, vous ne vous êtes pas retranché derrière des considérations économiques. Vous n’avez pas cédé, votre enfant peut vivre avec l’envie et cette mini-frustration n’aura pas de conséquences dommageables. Bien au contraire, elle lui apprendra à supporter les frustrations inhérentes à la vie en société (attendre son tour, partager, etc.). Autre exemple : vous préparez le repas et votre enfant réclame du chocolat. La première réponse qui vous vient ressemble à un « non ». La seconde, du type « Si tu manges bien à table, tu auras du chocolat », vous implique dans une forme de chantage et votre enfant pourrait bien un jour vous imiter (« Si je range ma chambre, tu m’achètes… »). Ici aussi, arrêtez-vous sur son envie et parlez-en (« Chocolat au lait, noir, avec ou sans noisettes… »). Lorsque l’enfant a exprimé son envie de chocolat, placez-le dans une assiette pour le dessert. Il sait qu’il l’aura et il vous laissera tranquille, à moins que son envie cache un besoin de contact avec vous. Bonbon et chocolat sont des friandises, donc accordez-les avec modération ; toutes les friandises ne possèdent pas les mêmes qualités.

Les besoins insatisfaits comme les envies réprimées ou qui ne sont pas entendues donnent naissance aux émotions dites « négatives » : colère, tristesse, peur, jalousie…

Le tout-petit a besoin de sentir qu’il a auprès de lui un adulte disponible et bienveillant. Pour un petit explorateur, les parents peuvent adapter l’environnement ; toutefois, ne transformez pas votre intérieur en jardin d’enfants. La protection est adéquate, la surprotection nuit à la confiance en soi et à l’estime de soi. Le bébé a grand besoin de se sentir aimé. Cet amour passe par les contacts doux, dans le respect de son corps, par les massages, les caresses, la douceur dans les soins quotidiens, mais aussi par les chuchotements, les comptines fredonnées, les regards et les échanges bienveillants. Ces attitudes contribuent à la sécrétion de l’ocytocine, ou « hormone du bonheur », qui participe au sentiment de sécurité et au développement cérébral de l’enfant.

Le sentiment de sécurité émotionnelle

La sécurité émotionnelle influence fortement la confiance en soi dans un premier temps, puis la construction de l’estime de soi.

Le nourrisson ne sait pas qu’il vit des émotions : il ressent seulement des sensations agréables et désagréables. Bien sûr, ce sont les manifestations physiologiques des émotions. Comme l’enfant n’a pas avant 7-8 ans la capacité de comprendre ses émotions et d’adapter ses comportements, l’adulte est un support pour l’aider à réguler leurs manifestations. C’est à travers les contacts avec les adultes que l’enfant apprend à reconnaître ses émotions. À titre d’illustration, le bébé, par ses babillages, tente de provoquer une réaction émotionnelle chez ses parents. Il sourit au visage qui lui sourit, il pleure si on lui présente un visage en colère. Le petit explorateur s’emporte et se laisse submerger par la colère à la moindre frustration, la peur l’envahit, la tristesse de quitter le square s’empare de lui… Lors de ces moments, l’enfant a besoin que nous reconnaissions son vécu, ses émotions, sans les minimiser ni les nier. À nous de l’aider à mettre des mots sur ce qu’il vit, à lui offrir des pistes pour vivre cette colère de façon « socialement acceptable », pour dépasser cette tristesse, surmonter ou apprivoiser cette peur. Pour cela, nous pouvons exprimer ce que nous observons et proposer des hypothèses, car nous ne sommes pas lui. C’est parce que nous aurons mis des mots que l’enfant identifiera ce qui lui arrive et pourra trouver des solutions.

Jennie a 12 ans. Elle vient me voir, car à l’école, elle devient facilement agressive et même violente physiquement, lorsqu’un camarade la cherche, émet une remarque, la regarde avec insistance… Elle a tendance à partir au quart de tour. J’explique à Jennie le rôle protecteur et légitime de sa colère pour son identité. Je lui montre aussi que, dans certains cas, ce sont ses propres pensées qui provoquent sa colère. Je prends le temps de lui décrire le circuit court et le circuit long des réactions émotionnelles. Nous cherchons ensemble des solutions, des répliques, afin qu’elle puisse réguler et exprimer sa colère sans devenir violente physiquement. En quelques séances, Jennie réussit à se maîtriser et à exprimer sa colère non avec ses poings, mais avec des mots. Ce qui est socialement plus acceptable !

Pour que le petit enfant se sente en sécurité, l’adulte doit aussi répondre à ses propres besoins émotionnels. Une tâche qui s’avère souvent difficile, car beaucoup n’ont pas reçu d’éducation émotionnelle ni appris à reconnaître leurs émotions et besoins. Parfois même, il réprime ses émotions et reste sourd à ses besoins. Ses préoccupations personnelles peuvent aussi venir altérer sa capacité à répondre adéquatement aux besoins émotionnels de l’enfant. Pour rappel, les parents parfaits n’existent pas, et c’est tant mieux !

Répondre aux besoins affectifs de notre enfant, c’est partager ses joies et ses fiertés. Lui donner envie de se dépasser. C’est aussi accueillir sa colère et sa façon de s’affirmer, de défendre ses droits, de faire sortir ses besoins insatisfaits de l’ombre, de placer ses limites physiques, psychologiques, sociales. Accepter son retrait, parce qu’il ressent de la tristesse, le tenir dans nos bras et le laisser pleurer. Les larmes contiennent du cortisol, une hormone associée au stress : pleurer aiderait à réguler le taux de cortisol. Néanmoins, il s’agit de ne pas le laisser pleurer trop longtemps et seul, car les pleurs de détresse prolongés causent des dégâts aux structures cérébrales. Proposez-lui une alternative pour sortir de cette tristesse. Écoutez-le lorsqu’il a peur et aidez-le à construire son autoprotection. Rassurer un enfant lui permet de dépasser ses peurs.

Les parents de Léon me contactent, car il semble triste depuis plusieurs mois. Très vite, lors de nos entretiens, nous parlons de sa famille. Il dessine son arbre généalogique avec enthousiasme, il donne à chacun des membres de sa famille des qualités qu’il leur reconnaît. Soudain, il s’arrête sur son grand-père paternel et m’annonce qu’il est mort. Il se met à pleurer et me dit qu’il ne devrait pas en parler, pas pleurer. Je l’interroge et il me dit : « Papa est déjà assez triste, je ne vais pas en rajouter une couche. » Lorsque Léon et moi en parlons avec ses parents, ceux-ci ne comprennent pas. Selon eux, Léon a semblé relativement indifférent à la mort de son grand-père. Son papa lui explique alors que lui aussi a droit à la tristesse, de pleurer son grand-père et d’en parler aussi souvent qu’il le souhaite. Léon prend les albums photo plusieurs soirs de suite pour les feuilleter, pleure parfois, se remémore les bons souvenirs et partage tous ces moments avec son père. En quelques semaines, tous deux se rapprochent et Léon ne ressent plus de la tristesse en permanence.

L’enfant/l’adolescent se sent exister lorsque les adultes valident ce qu’il ressent comme juste. L’empathie s’exerce : apprenez à mieux connaître vos émotions et les besoins associés à celles-ci et donc à mieux comprendre les émotions et besoins de votre enfant.

Le sentiment de sécurité psychologique

Le nourrisson naît sans mode d’emploi du monde dans lequel il va vivre. À nouveau, ce sont les adultes qui fournissent les explications et le cadre, de façon explicite ou implicite (il est alors sujet à malentendus), ce qui n’est pas évident.

Pour se sentir en sécurité, les enfants, du nourrisson à l’adolescent, ont besoin de prévisibilité, de stabilité. Lorsque le bébé babille, il s’attend à une réaction de l’ordre de la joie chez l’adulte pour se sentir en sécurité. Pour ressentir la sécurité psychologique, l’enfant recherche ce qu’il connaît, ce qu’il peut prévoir à la fois dans le temps et dans l’espace. Des moyens comme les routines et les règles créent la continuité et la régularité nécessaires à sa sécurité.

La routine donne aux enfants des repères sécurisants dans le temps et dans l’espace. La règle accompagne la routine pour se construire en toute sécurité. Elle explique à l’enfant comment se comporter. Ne cherchez pas à ce que votre enfant vous obéisse parce que vous êtes un adulte, mais parce qu’il comprend la règle. C’est alors que vous obtiendrez de lui qu’il coopère sans se soumettre.

Un enfant entre 6 et 12 ans retient un maximum de cinq règles, sans les intérioriser pour autant, car les zones du cerveau qui connaissent la règle ne sont pas encore tout à fait connectées à celles qui contrôlent l’inhibition des actions. L’adulte devra faire preuve de bienveillance, de patience et devra les expliquer souvent, sans se justifier. Les règles servent de repères sécurisants qui permettent à l’enfant/l’adolescent de s’adapter et de vivre en harmonie avec les autres. Elles doivent être claires, concrètes et simples, afin que les plus jeunes puissent les assimiler. L’enfant doit connaître et comprendre le comportement que les adultes attendent de lui, pour se mettre en projet de le tenir. Par exemple, « Soyez sages durant mon absence ! » ne dit rien de l’attitude attendue, contrairement à « Durant mon absence, je vous demande de jouer séparément ! », car ici, les enfants savent comment ils peuvent jouer et ce que vous attendez d’eux.

La constance de la règle la rend juste. Lorsque la règle s’applique à tous, adultes et enfants, dans les mêmes conditions, elle protège, sans devenir une contrainte. L’enfant est un détecteur d’incohérences. Comptez sur votre adolescent pour transgresser la règle si vous ne la respectez pas et pour vous faire part du peu de cohérence de vos actes.

La règle encore limite les comportements d’opposition, car l’enfant a le choix de la respecter ou de passer outre. C’est pour cette raison que son non-respect engendre des conséquences, qui consistent à assumer la réparation vis-à-vis des tiers, et non la punition. Ainsi, il répare son image et son estime, alors que la punition entretient la rancœur, l’esprit de vengeance, la dissimulation et le rejet de la responsabilité sur les autres. Interdire suscite la transgression, le comportement non désiré. Si je vous demande de ne pas penser à un cheval noir, vous pensez à un cheval noir, vous n’imaginez pas un cheval bai… Voilà, vous avez expérimenté l’interdit !

Dans un cas de situation dangereuse, remplacez l’interdit par une formulation qui annonce le danger et invitez l’enfant à venir vous chercher pour réaliser l’action avec vous.

Léo