L'estime de soi - Nathalie Vancraeynest - E-Book

L'estime de soi E-Book

Nathalie Vancraeynest

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Beschreibung

Il est important de bien développer l'estime de soi durant l'enfance pour ne pas qu'elle devienne un frein plus tard!

Loin d’être innée, l’estime de soi se construit au fil du temps. Et elle peut devenir un véritable moteur... ou un frein, si elle s’est mal développée ! Les parents jouent un rôle crucial dans ce processus délicat, mais sont-ils toujours bien outillés pour l’endosser ?

L’enfant commence à former très tôt une image de lui-même, et ses besoins évoluent en fonction de son âge. Pour cette raison, Nathalie Vancraeynest fournit aux parents une palette de conseils et de gestes quotidiens adaptés à chaque étape de la vie de l’enfant, des premiers mois à la fin de l’adolescence ! Pour faire face aux difficultés, l’auteure propose une “trousse de secours”, reprenant des principes de l’éducation bienveillante et de la psychologie positive. Une mine d’outils dans laquelle les parents pourront puiser sans réserve, pour préparer au mieux leurs enfants et ados à devenir d’heureux adultes !

Un ouvrage qui offre aux parents des outils efficaces pour développer l’estime de soi de leurs enfants à tout âge !

Les parents trouveront les outils nécessaires dans cet ouvrage afin de guider l'estime de soi de leurs enfants.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Il sera question d'éducation bienveillante, de sentiment de sécurité, d'identité, d'appartenance, de compétence, de responsabilité." - Sylvie Honoré, Vivacité
"Un ouvrage qui offre aux parents des outils efficaces pour développer l'estime de leur enfant à tout âge." - Edith Vallée - Vivacité
"Le travail sur l'estime de soi est fondamental si nous voulons une société avec des adultes motivés, persévérants face aux défis de la vie." - Cathy Verdonck - L'Appel

À PROPOS DE L'AUTEURE

Nathalie Vancraeynest est coach scolaire et parentale depuis près de 15 ans. Son travail est axé autour de la (re)construction de l’estime de soi des enfants et de la parentalité positive et bienveillante. Elle est déjà l’auteure de Et si je croyais en mon pouvoir de séduction ? (Eyrolles, 2017) avec Julie Arcoulin.

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Couverture

Page de titre

Introduction

« Un homme passe sa vie à compenser son enfance1 », confiait Jacques Brel. Lorsque l’estime de soi ne se construit pas solidement durant l’enfance, l’adulte s’évertue à neutraliser, à compenser, à suppléer aux faiblesses, aux failles de son estime personnelle. Bien sûr, nous pouvons vivre avec une estime de soi faible ou instable, mais combien de souffrances, de renoncements, d’insatisfactions puisent-ils leurs origines dans ces manques ? Nos blessures à l’estime de soi dans l’enfance handicapent trop nos vies et celles des générations futures pour ne pas agir. Comme dit Maxime Le Forestier dans sa chanson, « Né quelque part », « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille… ». Les enfants n’ont pas choisi de naître et de grandir sous le joug et l’emprise d’un parent toxique.

Au début du XXe siècle, la recherche sur l’estime de soi s’est rapidement accompagnée d’études sur l’éducation et son influence. Des voix s’élèvent, pour considérer les enfants différemment. Maria Montessori, médecin et pédagogue, ouvre ses premièresCasa dei Bambini. Alfred Adler, médecin et fondateur de la psychologie individuelle, devient premier directeur de la clinique viennoise de psychologie de l’enfant. Rudolf Dreikurs adhère à la psychologie individuelle et détermine les conditions pour mieux apprendre. Les années 1960 marquent un tournant dans la transformation de la famille. En France, Françoise Dolto affirme que « l’enfant est une personne à part entière ». Ces propos ne seront pas toujours biencompris ni interprétés. Outre-Atlantique, Thomas Gordon, Adele Faber et Elaine Mazlish, Marshall Rosenberg, Jane Nelsenet Lynn Lott rendent populaire une éducation respectueuse des besoins, des capacités de l’enfant et de l’adolescent. En Europe, Alice Miller dénonce, à partir des années 1980, la violence ordinaire faite aux enfants et l’impact de celle-ci sur leur vie d’adulte. Isabelle Filliozat, Catherine Dumonteil-Kremer, Béatrice Sabaté multiplient les interventions dans les médias, les livres, les formations pour rendre l’éducation positive et bienveillante accessible aux parents en recherche d’une relation apaisée avec leurs enfants et leurs adolescents. La docteure Catherine Gueguen utilise sa formation de pédiatre pour sensibiliser le grand public aux découvertes des neurosciences, qui valident la bienveillance éducative. Olivier Maurel fonde l’observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO), car nous ne pouvons plus ignorer les dégâts de la VEO et les bénéfices d’une éducation bienveillante sur nos enfants et sur notre relation avec eux.

Cette éducation n’est en rien laxiste, comme voudraient le faire croire ses détracteurs. Elle s’appuie sur la compréhension des besoins fondamentaux, du vécu, des capacités de l’enfant, de l’adolescent, pour lui fournir une structure et les meilleures conditions pour développer ses compétences psychosociales et son estime de soi. Sa devise pourrait être « Comprendre pour éduquer de manière efficace et à long terme ». L’autorité saine d’un parent s’établit sur la confiance, qui s’obtient par la coopération de l’enfant à un fonctionnement qu’il comprend, et ce processus se construit dès les premiers jours. L’autorité d’un parent ne s’exprime ni par la contrainte ni par la séduction. La vraie discipline qu’un parent peut transmettre conduit l’enfant/l’adolescent à une autodiscipline et un respect de soi et des règles. La méconnaissance des capacités de l’enfant, les croyances erronées conduisent les parents à des attitudes inadaptées.

L’éducation bienveillante tient compte de besoins spécifiques qui dépendent de son âge, de son développement cérébral et de ses capacités. Elle offre une structure éducative, afin que l’enfant adopte une autodiscipline respectueuse pour lui et les autres. Il grandit et devient un adulte responsable, autonome, motivé, capable de faire face aux difficultés et de s’adapter aux aléas de la vie.

J’ai développé ma pratique professionnelle de coach scolaire formée à la psychopédagogie positive et à la parentalité bienveillante autour de la construction de l’estime de soi chez l’enfant/l’adolescent, pour les parents à la recherche de solutions concrètes. Ce livre a pris forme lorsque, lors de mes consultations, j’ai pris conscience que j’aidais un enfant et un parent sans vivre leur quotidien. Or, les gestes éducatifs du quotidien façonnent l’estime de soi.

Dans ce livre, j’ai rassemblé mon expérience et mes con­naissances afin d’accompagner les parents au fil des jours, au fil des années. L’estime de soi se tisse toute la vie, mais c’est dans l’enfance et l’adolescence qu’elle trouve sa structure et ouvre tous les possibles. Elle n’est jamais acquise définitivement et s’entretient jour après jour.

Cet ouvrage permettra aux parents d’aider leurs enfants à se (re)construire, à (re)prendre conscience de leur valeur dans des situations aussi diverses que la séparation parentale, la recomposition familiale, lorsque leur estime de soi vacille face à des comportements hostiles et violents de leurs condisciples, lorsqu’ils rencontrent des difficultés d’apprentissage, ou encore lorsqu’ils sont nés« différents », qu’ils pen­sent et apprennent différemment.

Avec ce livre, je souhaite être à côté de chacun d’entre eux, dans les moments où ils douteront de leurs capacités de parents et de leur valeur. Éduquer un enfant n’est pas unetâche simple et les recettes infaillibles n’existent pas. Chaque enfant est spécial, car ses parents sont uniques. Ils ont des histoires, des vécus, des expériences différentes, et celles-ci les façonnent. Parfois, cet héritage ne convient pas. En tantque parents, nous sentons au fond de nous un malaise lorsque nous agissons vis-à-vis de nos enfants. C’est alors que nais­sent les doutes sur notre rôle.

Nous aborderons en premier lieu la notion de l’estime de soi en définissant précisément ses piliers. Puis nous analyserons les origines, les causes, du manque d’estime de soi, que ma pratique professionnelle m’a permis de mettre en exergue. Nous consacrerons un chapitre à la parentalitétoxique, et à la façon d’aider un enfant à construire son estime de soi dans ce contexte. Enfin, nous suggérerons comment mettre en œuvre les principes fondamentaux de l’éducation bienveillante et positive par le biais de jeux, de gestes éducatifs et d’exercices qui aideront à révéler et maintenir l’estimede soi de vos enfants. Tout au long de l’ouvrage, les termes en gras vous renverront à cette dernière partie de mise en pratique.

Nous sommes des transmetteurs, sans prise de conscience de notre part nous répétons en matière d’éducation les gestes et paroles de nos propres parents. La prise de conscience ne doit pas amorcer notre culpabilité, mais notre bienveil­lance.

Sans savoir, nous élevons nos enfants de façon automatique avec les bons et les mauvais gestes de nos ancêtres. Mais lorsque nous savons, alors nous pouvons évoluer et améliorer notre modèle parental. Nous consolidons notre estime de soi et notre sentiment de compétence de parent tout en agissant positivement sur celle de nos enfants.

Ce livre vous permettra d’offrir à vos enfants une éducation sensée et satisfaisante.

Chapitre 1

Le concept de l’estime de soi

« L’éducation est au centre de toutes les stratégies de construction de l’avenir. C’est un enjeu mondial, un des grands défis du troisième millénaire. Un processus primordial de survie, d’adaptation et d’évolution de l’espèce humaine que l’homme va devoir conduire dans le respect des diversités et des libertés. Sans éducation, il ne peut y avoir de participation consciente et responsable à la gouvernance des sociétés de demain2. »

Joël de Rosnay

La notion de l’estime de soi s’avère complexe : selon les époques et les auteurs, elle revêt différents fondements. Dans l’Antiquité, Socrate la conçoit comme la connaissance de soi et exhorte ses contemporains à l’aide de son assertion « Connais-toi toi-même ! ». Marc Aurèle déclare la valeur intrinsèque de l’Homme en le comparant à une pierre précieuse : « L’émeraude ne perd pas de sa valeur faute de louanges3. » L’idée de la valeur de l’être humain traverse la réflexion des philosophes et les siècles.

À l’aube du XXe siècle, la psychologie renouvelle le con­cept d’estime de soi en mettant en valeur son émergence, sa construction chez l’individu, ainsi que ses conséquences sur la perception de l’individu. Les personnes avec une bonne estime de soi vivent différemment en comparaison de celles qui ont une faible estime de soi, et cela se manifeste dans leur façon d’envisager la vie et autrui.

Ces théories émergent, alors que les conditions de vie d’une partie de l’humanité s’améliorent. Que les individus se détachent peu à peu de la nécessité de chercher à satisfaire leurs besoins purement physiologiques et sécuritaires. Qu’ils s’émancipent de l’ordre politique et religieux, qu’ils s’affranchissent de leur classe d’origine et qu’ils aspirent à un accomplissement personnel. La psychologie, les sciences humaines (comme la sociologie) s’emparent de la valeur de l’homme pour l’étudier selon les principes de la science (observations, méthodologies, théories).

Une notion fondamentale de la personnalité

Depuis la définition de l’estime de soi par le psychologue et philosophe William James (1842-1910) en 1890, la notion s’est enrichie et a évolué en intégrant diverses dimensions. Pour James, l’estime de soi représente l’écart entre les aspirations, les attentes d’un individu et la réalité de cet individu. Le niveau de l’estime de soi de l’individu serait inversement proportionnel à l’amplitude de l’écart. Pour le sociologue Charles H. Cooley (1864-1929), l’estime de soi revêt une dimension sociale, la perception de sa valeur modelée par l’individu dépendrait de l’intériorisation des regards et jugements portés sur lui. La psychologue Mary Ainsworth (1913-1999) va dans le sens de la théorie de l’attachement du psychiatre John Bowlby (1907-1990) : c’est dans les interactions avec sa mère que l’enfant intériorise sa valeur. Le psychologue Abraham Maslow (1908-1970), il reprendra, dans la théorie de la hiérarchie des besoins, la notion de compétence et de reconnaissance de l’extérieur pour définir l’estime de soi et l’ouvrir au domaine de la motivation. Le docteur Morris Rosenberg introduit la notion d’attitude positive ou négative de l’individu vis-à-vis de lui-même. Cet ajout ouvre la voie aux recherches sur des facteurs qui favoriseront ou non l’estime de soi chez une personne. Il développe un test d’auto-évaluation,« l’échelle d’estime de soi de Rosenberg », qui est toujours utilisé.Le chercheur Stanley Coopersmithmet en évidence l’influence de la qualité de la relation parent/enfant comme un facteur favorisant l’estime de soi. La professeure en psychologie Susan Harter poursuit les recher­ches sur les facteurs favorisant l’émergence d’une estime de soi haute et stable. Elle propose un modèle de l’estime de soi intégrant plusieurs dimensions :l’impact de laréussitedans les domaines importants pour l’enfant/ l’adolescent. L’influence des personnes significatives dans l’évaluation personnelle. En 1988, elle élabore un questionnaire pour évaluer l’estime de soi des adolescents.

L’estime de soi est toujours un champ de recherche important, tant dans la compréhension de ses composantes que desfacteurs qui l’influencent, des implications d’une haute ou basseestime de soi pour les individus. Josiane de Saint Paul réussit à mon sens la synthèse de ces différentes notions :

L’estime de soi est l’évaluation positive de soi-même, fondée sur la conscience de sa propre valeur et de son importance inaliénable en tant qu’être humain. Une personne qui s’estime se traite avec bienveillance et se sent digne d’être aimée et d’être heureuse. L’estime de soi est également fondée sur le sentiment de sécurité que donne la certitude de pouvoir utiliser son libre arbitre, ses capacités et ses facultés d’apprentissage pour faire face, de façon responsable et efficace, aux événements et aux défis de la vie4.

Aujourd’hui, il semble y avoir un consensus sur le fait qu’une bonne estime de soi participe à la santé mentale, qu’une estime de soi équilibrée permet aux personnes de se sentir bien, d’avoir une certaine maîtrise sur leur vie, de pouvoir faire face aux difficultés sans s’effondrer et d’entretenir des rapports sereins avec les autres.

Même si le concept d’estime de soi s’est démocratisé, il reste difficile à cerner pour les parents. Ces derniers con­sultent plus facilement en évoquant un manque de confiance dans les tâches quotidiennes, dans la prise de parole à l’école, un manque d’audace ou d’affirmation Ils s’inquiètent des doutes exprimés par l’enfant sur ses capacités, sur lui, son image. Et les détracteurs de la notion l’associent volontiers à la vantardise et au narcissisme.

Je vous propose un tour d’horizon de ces notions pour mieux les comprendre :

–La confiance en soise définit comme la croyance en nos capacités, en notre potentiel, en nos ressources pour accomplir une tâche, faire face à une situation. La confiance nous pousse à agir, à entreprendre. Nous naissons avec un capital confiance en soi maximal, ce sont les réactions extérieures et les résultats de nos expériences qui brident et détruisent, ou au contraire favorisent et augmentent, la confiance. La confiance en soi et l’estime de soi s’imbriquent. La confiance et la réussite nourrissent l’estime de soi, lorsque l’enfantprend conscience de sa capacité à réaliser ce qu’il souhaite. L’estime de soi encourage l’action, les expériencesnouvelles et la confiance en soi par l’actualisation des compétences et capacités.« Je ne l’ai jamais fait, alors je pense que je saurai le faire », affirme Astrid Lindgren par la voix de Fifi Brindacier ;

–L’amour de soiest une composante de l’estime de soi, comme la confiance en soi. Il représente notre capacité à nous aimer, indépendamment des circonstances,de nous accorder de la valeur tout en regardant avecindulgence nos défauts, nos manques. Cet amour prendses racines dans l’amour que nous avons reçu de nos parents et des adultes significatifs pour nous. Selon Christophe André et François Lelord, l’amour de soi est« le socle de l’estime de soi, son constituant le plus profond5 ». L’amour de soi influence notre comportement et notre capacité à aimer l’autre. Il participe à notre sentiment de sécurité intérieure. Il nous fait nous sentir dignesd’exister, d’avoir droit au bonheur, d’éprouver de la joie. Mais aussi de nous protéger, de nous faire respecter ;

–Le narcissimene doit pas être confondu avecl’amour de soi, car il est un amour de soi excessif qui conduit à l’anxiété et à ne plus aimer que soi.Dans ce cas de figure, l’individu se surestime, il est égocentrique et centré sur lui-même. Cultivant un sentiment de grandeur et d’omnipotence, niant ses faiblesses, il ne con­serve que l’amour de soi là ou l’estime de soi saine se combine à l’amour des autres. Le narcissisme contemporain s’affiche sur les réseaux sociaux et s’entretient à coup de« like ». Il traduit un amour excessif de son apparence, qu’il donne à voir aux autres. L’estime de soi ne dépend alors plus de la valeur que la personne s’accorde, mais de la valeur que les autres lui octroient. Autrement dit, l’estime de soi fluctue avec l’approbation ou la désapprobation des autres ;

–La vantardise, quant à elle, apparaît comme un écran de fumée pour sauvegarder la face. Lorsque nous nous vantons, nous soutenons artificiellement une image de nous positive pour l’extérieur, tout en nous leurrant sur nos capacités, nos forces. Nous tentons vainement de restaurer, de protéger une estime de soi faible. L’estime de soi et la connaissance de soi qu’elle permet ne s’y apparente en rien.

Lorsque l’on parle d’avoir une estime de soi saine, ou une bonne estime de soi, il s’agit de qualité d’estime. Dès lors, nous devrions plutôt envisager le terme de « juste estime de soi ». Pour construire son estime de soi, l’enfant va utiliser ce que nous mettons à sa disposition. S’il trouve le bon matériau, il se construira une estime de soi saine, forte. En tant que parents, nous pouvons procurer à nos enfants les éléments pour soutenir la construction de l’estime de soi, mais nous ne pouvons pas construire son estime à sa place.

Je compare souvent l’estime de soi à une plateforme posée sur des piliers, qui sont édifiés par l’enfant/l’adolescent : comme un jeu de construction, vous fournissez les blocs et votre enfant les agence à sa façon. Parfois, il accepte votre intervention, mais ne vous risquez pas à modifier son agencement, car il passera derrière vous pour remettre les blocs à son goût. À l’instar de cette image, vous mettrez en place les bases et votre enfant érigera les différents piliers qui soutiendront son estime personnelle.

Les piliers de l’estime de soi

Nos enfants bâtissent ces piliers à partir de leurs ressentis personnels et du sentiment de sécurité, d’identité, d’appartenance, de compétence et de responsabilité, qu’ils éprou­vent et développent depuis leur premier jour. Chacun de ces piliers s’avère primordial à l’équilibre de l’estime de soi de l’enfant. À chaque étape de sa vie, ils prendront tour à tour une dimension plus ou moins prépondérante, c’est ce que je vous expliquerai dans le chapitre 2.

Le psychologue Abraham Maslow considérait dans sa théorie de la hiérarchie des besoins que ceux-ci progressent selon l’ordre suivant :

1)les besoins physiologiques, liés à la survie ;

2)les besoins de protection et de sécurité ;

3)les besoins sociaux, comme l’appartenance ;

4)les besoins d’estime, de reconnaissance d’une identité et des compétences ;

5)les besoins d’accomplissement, de buts à poursuivre.

Selon lui, les besoins physiologiques et sécuritaires doi­vent être satisfaits pour que nous ayons accès aux autres niveaux. À l’instar de cette pyramide, l’estime de soi suit cette logique. Si l’un des piliers n’est pas suffisamment développé, le suivant peinera à se déployer. Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple d’Arthur, 3 ans.

ōLes copains d’Arthur le rejettent, car il est brusque, impulsif dans ses gestes : il bouscule et fait tomber ses amis dans son enthousiasme à aller vers eux. Il agit de la même façon avec son petit frère de 8 mois, il le serre si fort que ses parents ont peur qu’il lui fasse mal. En consultation, à l’aide d’un jeu symbolique, nous jouons à dire bonjour, à demander à l’autre s’il consent à un bisou, à une étreinte. Arthur rigole beaucoup et s’engage dans ce jeu avec passion, ce qui indique que celui-ci a un impact sur lui. J’encourage la maman d’Arthur à reproduire ce jeu aussi souvent qu’il le souhaite pour l’aider à rentrer en relation avec les autres. Le jeu aide Arthur à reconnaître les émotions des autres et les besoins associés.

Arthur n’a pas encore suffisamment développé ses compétences émotionnelles, il est rejeté à l’école et n’arrive pas à construire son sentiment d’appartenance à ce groupe d’enfants. En quelques séances, il améliore son vocabulaire émotionnel, ses aptitudes sociales et, comme il exprime mieux ce qu’il ressent et ses besoins avec l’aide de l’adulte, il passe moins par la colère, la violence et l’agression.

Chacun de ces piliers à son importance, ils sont intrinsèquement liés : si l’un devient fragile, moins solidement ancré, c’est tout l’édifice de l’estime de soi qui se trouve en péril.

Régulièrement, nous devons renforcer ces piliers qui nous semblaient acquis pour faire repartir la construction du pilier suivant. Nos enfants, selon leur âge, œuvrent différemment à la construction de chaque pilier de leur estime.

Le sentiment de sécurité

Le premier de ces piliers s’appuie sur le sentiment de sécurité ressenti durant l’enfance. Le sentiment de sécurité se bâtitsur des besoinsphysiologiques et affectifssatisfaits, lorsque l’enfant peut exprimer ses émotions et qu’il rencontre des adultes capables de lui expliquer le monde et son fonctionnement.

Pour beaucoup d’auteurs, le sentiment de sécurité précède la construction de l’estime de soi. Pour moi, il représente le pilier porteur. Si celui-ci est fragile, l’estime de soi de l’enfant comportera des failles, des fissures. Par ailleurs, il mettra beaucoup d’énergie à compenser les sécurités physique, émotionnelle et psychologique qu’il n’a pas rencontrées et qui lui manquent pour construire les autres piliers (identité, appartenance, compétence et responsabilité).

> Le sentiment de sécurité physique

Tous les humains, peu importe leur âge, leur statut, l’endroit où ils vivent sur la planète, doivent satisfaire leurs besoins physiologiques :boire, manger, dormir, respirer, maintenir sa température corporelle… ceux-ci sont essentiels à la survie. Ils recherchent la sécurité en se protégeant des éléments climatiques, de l’arbitraire, de la violence…

Les adultes apportent cette sécurité physique et répon­dent aux besoins des nourrissons, des enfants et des adolescents. Cette sécurité mise en place par l’extérieur dans une prime enfance se transforme en un sentiment de sécurité interne. Pour cela, nos enfants doivent rencontrer les attitudes favorables et bienveillantes de la part des adultes qui prennent soin d’eux. Nos enfants passent ainsi de la dépendance totale du nourrisson à l’indépendance et l’autonomie relative de l’adolescence. Les parents les accompagnent dans la prise d’autonomie, jusqu’à ce qu’ils puissent subvenir à leurs besoins et devenir indépendants. La plupart des parents font en sorte de pouvoir satisfaire les besoins physiologiques et affectifs de leurs enfants. La négligence et la maltraitance commencent lorsque les parents et les adultes en charge des soins de l’enfant ne répondent pas, volontairement ou non, à ces besoins de sécurité.

Pour appréhender le besoin, il est nécessaire de distinguer cette notion de l’envie, bien que les deux revêtent une grande importance pour l’enfant.

–Les besoinssont universels (« J’ai faim, j’ai soif, je suis fatigué, j’ai froid, je veux jouer, bouger, etc. »). Ils doivent être satisfaits à plus ou moins court terme. Lorsqu’un nourrisson crie car il a faim, son besoin doit être comblé sans trop attendre. La faim lui est une sensation désagréable et menaçante pour sa survie.Lorsque l’adulte répond à son besoin de manger, il l’aideà créer son sentiment de sécurité. La situation est différente dans le cas d’un enfant plus grand qui n’aurait pas voulu déjeuner et qui réclamerait des biscuits à 14 heures. Nous pouvons, facilement et avecempathie, le faire patienter jusqu’à l’heure du goûter.

–Les enviessont particulières (« Je veux du chocolat, untee-shirt rose, du soda, le camion de pompiers… »). L’envie s’apparente à une invitation à parler, elle peut être postposée, abandonnée, modifiée. Mais elle ouvre toujours à un partage avec l’enfant. Par exemple, au supermarché, votre fils pile devant une voiture de course. Il vous arrête et vous dit qu’il la veut. Plusieurs réactions s’offrent à vous :1) vous lui offrez la voiture, 2) vous négociez pour vous soustraire (« Es-tu sûr de vouloir celle-là ?Réfléchis etregarde d’abord à la maison »). Vous espérez détourner l’attention de l’enfant, cette négociation peut s’accompagner de chantage (« Si tu as de bonnes notes »,« Si tu es sage »). Il s’agit plus d’un refus déguisé sous des aspects économiques (« Je n’ai pas d’argent pour ça ») ou« temporels »(« Pas maintenant ! »que d’une réelle négociation, 3) vous postposez (« On verra plus tard ! »). Je vous propose d’essayer cette alternative :arrêtez-vous un instant et discutez de l’objet en question (« Que ferais-tu avec cette voiture ? »,« Qu’est-ce qui te plaît dans celle-ci ? »,« Avec qui jouerais-tu ? »). Proposez-lui des options, comme l’inscrire sur sa liste de cadeaux, économiser, prendre une photo pour l’afficher sur untableau des envies. Dans cet échange, votre enfant aura exprimé ses souhaits. L’envie est un moteur formidable, elle crée la motivation !À vous de l’entretenir. Vous n’avez pas dit non, vous ne vous êtes pas retranché derrière des considérations économiques (« Je n’ai pas d’argent pour ça ! »). Vous n’avez pas cédé, votre enfant peut vivre avec l’envie et cette mini-frustration n’aura pas de conséquences dommageables. Bien au contraire, elle lui apprendra à supporter les frustrations inhérentes à la vie en société (attendre son tour, partager, etc.). Autre exemple :vous préparez le repas et votre enfant réclame du chocolat, la première réponse qui vous vient ressemble à un« non ». La seconde du type« Si tu manges bien à table, tu auras du chocolat »vous implique dans une forme de chantage et votre enfantpourrait bien un jour vous imiter (« Si je range machambre, tu m’achètes… »). Ici aussi, arrêtez-vous sur son envie et parlez-en (« Chocolat au lait, noir, avec ousans noisettes… »). Vous remplissez lecaddie, c’est doncvous qui veillez à la qualité des aliments pour nourrir votre famille. Les enfants ne sont pas des prescripteurs d’achats, contrairement à ce que la publicité veut nous laisser croire. Lorsque l’enfant aura expriméson envie de chocolat, placez-le dans une assiette pourle dessert. Il sait qu’il l’aura et il vous laissera tranquille,à moins que son envie cache un besoin de contact avecvous. Bonbon et chocolat sont des friandises, donc accordez-les avec modération et toutes les friandises ne possèdent pas les mêmes qualités.

Les besoins insatisfaits, comme les envies réprimées sans être entendues, donnent naissance aux émotions dites « négatives » : colère, tristesse, peur, jalousie…

Les tout-petits ont besoin de sentir un adulte disponible et bienveillant. Pour les petits explorateurs, les parents peu­vent adapter l’environnement, toutefois ne transformez pas votre intérieur en jardin d’enfants. La protection est adéquate, la surprotection nuit à la confiance en soi et à l’estime de soi. Les bébés ont un grand besoin de se sentir aimés. Cet amour passe par les contacts doux, dans le respect de leur corps, par les massages, les caresses, la douceur dans les soins quotidiens, mais aussi par les chuchotements, les comptines fredonnées, les regards et les échanges bienveillants. Ces attitudes participent à la sécrétion de l’ocytocine, aussi appelée « hormone du bonheur », qui participe au sentiment de sécurité et au développement cérébral des enfants.

> Le sentiment de sécurité émotionnelle

La sécurité émotionnelle influence fortement la confiance en soi dans un premier temps, puis la construction de l’estime de soi. Le cerveau atteint sa pleine maturité vers l’âge de 25 ans, et chez certains individus, même à un âge plus avancé, elle semble absente tellement leurs comportements sont immatures. À tout âge, nous pouvons apprendre à réguler nos émotions et nous sentir en sécurité.

Les nourrissons ne savent pas qu’ils vivent des émotions : ils ressentent seulement des sensations agréables et désagréables. Bien sûr, celles-ci représentent les manifestations physiologiques des émotions. Comme, avant 7-8 ans, lesenfants n’ont pas la capacité de comprendre leurs émotions et d’adapter leurs comportements, l’adulte est donc un support pour les aider à réguler leurs manifestations. C’est à travers les contacts avec les adultes que les enfants apprennent à reconnaître leurs émotions. À titre d’illustration, le bébé, par ses babillages, tente de provoquer une réaction émotionnelle chez ses parents. Il sourit au visage qui lui sourit, il pleure si on lui présente un visage en colère. Les petits explorateurs s’emportent et se laissent submerger par la colère à la moindre frustration, la peur les envahit, la tristesse de quitter le square s’empare d’eux… Lors de ces moments, nos enfants ont besoin que nous reconnaissions leur vécu, leurs émotions, sans les minimiser (« Ce n’est pas grave, ce n’est qu’un poisson rouge ») ni les nier (« Il n’y a pas de raison d’avoir peur »). À nous de les aider à mettre des mots sur ce qu’ils vivent, à leur offrir des pistes pour vivre cette colère de façon « socialement acceptable », pour dépasser cette tristesse, surmonter ou apprivoiser cette peur. Pour cela, nous pouvons exprimer ce que nous observons et proposer des hypothèses, car nous ne sommes pas eux. C’est parce que nous aurons mis des mots que l’enfant identifiera ce qui lui arrive et pourra trouver des solutions.

ōJennie a 12 ans. Elle vient me voir, car à l’école elle devient facilement agressive et même violente physiquement, lorsqu’un camarade la cherche, émet une remarque, la regarde avec insistance… Elle a tendance à partir au quart de tour. J’explique à Jennie le rôle protecteur et légitime de sa colère pour son identité. Je lui montre aussi que, dans certains cas, ce sont ses propres pensées qui provoquent sa colère. Je prends le temps de lui décrire le circuit court et le circuit long des réactions émotionnelles. Nous cherchons ensemble des solutions, des répliques, afin qu’elle puisse réguler et exprimer sa colère, sans devenir violente physiquement. En quel­ques séances, Jennie réussit à se maîtriser et à exprimer sa colère non avec ses poings, mais avec des mots. Ce qui est socialement acceptable, surtout lorsque ce ne sont pas des insultes !

Pour qu’ils se sentent en sécurité, les adultes doivent aussi répondre à leurs besoins émotionnels. Une tâche qui s’avère souvent difficile, car beaucoup n’ont pas reçu d’éducation émotionnelle, ni appris à reconnaître leurs émotions et besoins. Parfois même, ils répriment leurs émotions et restent sourds à leurs besoins. En outre, les préoccupations personnelles (surcharge de travail, menace de licenciement, divorce, deuil, maladie, etc.) peuvent venir altérer nos capacités à répondre adéquatement aux besoins émotionnels des enfants. Pour rappel, les parents parfaits n’existent pas et c’est tant mieux ! En aucun cas, nous ne subordonnons les besoins de l’adulte à celui de l’enfant.

Répondre aux besoins affectifs de nos petites têtes blondes, c’est partager leurs joies et leurs fiertés. Leur donner envie de se dépasser. C’est aussi accueillir leur colère et leur façon de s’affirmer, de défendre leurs droits, de faire sortir leurs besoins insatisfaits de l’ombre, de placer leurs limites physiques, psychologiques, sociales. Accepter leur retrait, parce qu’ils ressentent de la tristesse, les tenir dans nos bras et les laisser pleurer. Les larmes contiennent du cortisol, une hormone associée au stress. Donc, pleurer aiderait à réguler le taux de cortisol accumulé. Néanmoins, il s’agit de ne pas laisser pleurer trop longtemps et seul, car les pleurs de détresse prolongés causent des dégâts aux structures cérébrales. Proposez-leur une alternative pour sortir de cette tristesse. Écoutez-les lorsqu’ils ont peur et aidez-les à construire leur autoprotection. Rassurer un enfant lui permet de dépasser ses peurs.

ōLes parents de Léon me contactent, car il semble triste depuis plusieurs mois. Très vite, lors de nos entretiens, nous parlons de sa famille. Il dessine son arbre généalogique avec enthousiasme, il donne à chacun des membres de sa famille des qualités qu’il leur reconnaît. Soudain, il s’arrête sur son grand-père paternel et m’annonce qu’il est mort. Il se met à pleurer et me dit qu’il ne devrait pas en parler, pas pleurer. Je l’interroge et il me dit : « Papa est déjà assez triste, je ne vais pas en rajouter une couche. » Lorsque Léon et moi en parlons avec ses parents, ceux-ci ne comprennent pas. Selon eux, Léon a semblé relativement indifférent à la mort de son grand-père. Son papa lui expliquera que lui aussi a le droit à la tristesse, de pleurer son grand-père et d’en parler aussi souvent qu’il le souhaite. Léon prendra les albums photo plusieurs soirs de suite pour les feuilleter, pleurera parfois, se remémorera les bons souvenirs et partagera tous ces moments avec son père. En quel­ques semaines, Léon et son père se sont rapprochés et Léon n’a plus besoin de ressentir de la tristesse en permanence.

L’enfant/l’adolescent se sent exister lorsque les adultes valident ce qu’il ressent comme juste. L’empathie s’exerce, apprenez à mieux connaître vos émotions et les besoins associés à celle-ci et donc à mieux comprendre les émotions et besoins de vos enfants.

> Le sentiment de sécurité psychologique

Les nourrissons naissent sans mode d’emploi du monde dans lequel ils vont vivre. Ici aussi, ce sont les adultes qui fournissent les explications et le cadre, de façon explicite ou implicite (mais, dès lors, il est sujet à interprétation et les malentendus se multiplient). Et, attention, car ce n’est pas évident, comme le pensent souvent les parents avant de venir en consultation.

Pour se sentir en sécurité, les enfants, du nourrisson à l’adolescent, ont besoin de prévisibilité, de stabilité. Lorsque le bébé babille, il s’attend à une réaction de l’ordre de la joie, de l’enthousiasme, de l’adulte pour se sentir en sécurité (« Le babillage attire mes parents de manière invariable »). Pour ressentir la sécurité psychologique, l’enfant recherche ce qu’il connaît, ce qu’il peut prévoir à la fois dans le temps et dans l’espace. Pour créer la continuité et la régularité nécessaires à la sécurité, nous disposons de moyens comme la routine, les règles, l’exemple…

Laroutinedonne aux enfants des repères sécurisants dans le temps et dans l’espace. Les milieux d’accueil et les écoles maternelles l’incluent dans la pédagogie. Mais bon nombre de parents montrent de la réticence, tant elle leur semble synonyme d’ennui, de contraintes. La routine demeure cependant un élément essentiel dans une éducation bienveillante et positive. Elle structure le temps et l’espace de l’enfant, lui offre de l’autonomie dans un univers connu. L’enfant, incapable de prévoir, peut rapidement devenir anxieux et perturbateur. L’introduction de la routine dans le quotidien de l’enfant aplanit nombre de difficultés (sommeil, séparation, rangement, temps consacré aux devoirs, temps d’écran, etc.).La routine évolue avec l’enfant et devient ainsi un repère dans son développement. Elle l’accompagne dans la prise d’autonomie vis-à-vis de l’adulte et lui apprend à s’autovalider. Ainsi, il s’affranchit de l’approbation de l’adulte et se dégage de l’opinion d’autrui.

La règle accompagne la routine pour se construire en toute sécurité. Elle explique à l’enfant comment se comporter. Dire non à un enfant sans lui expliquer ses attentes ne l’aide pas ! En outre, les jeunes enfants ont un comportement qui surprend les parents, voire les exaspère. Par exemple, ils regardent ceux-ci droit dans les yeux et refont les gestes interdits. Comme l’interdit s’avère difficile à comprendre, ils cher­chent à le matérialiser. Alors, imaginez leur trouble lorsque le parent le gronde. La prochaine fois, dites à votre enfant qu’il a très bien compris la règle et que c’est exactement ce que vous lui interdisez. Proposez-lui ensuite des alternatives. Nous partons souvent du principe que les choses semblent évidentes, l’enfant n’en sait rien tant que l’adulte ne lui a pas expliqué ou qu’il ne l’a pas découvert par lui-même. L’enfant naît avec l’envie d’apprendre et de comprendre l’environ­nement dans lequel il évolue. Les questions des premières années (« Qu’est-ce que c’est ? » et « Pourquoi ? ») attestent et précèdent son goût du savoir. En y répondant et en stimulant sa curiosité, les adultes le soutiennent dans sa découverte du monde, comme quand ils le laissent expérimenter. Le monde devient peu à peu compréhensible et accessible !

Ne cherchez pas à ce que vos enfants vous obéissent parce que vous êtes un adulte, mais parce qu’ils comprennent la règle. Alors vous obtiendrez d’eux qu’ils coopèrent sans qu’ils se soumettent. Car comment devenir un adulte responsable lorsque l’on vous a forcé à obéir durant votre enfance ?

Un enfant entre 6 et 12 ans retient un maximum de cinq règles, sans les intérioriser pour autant, car les zones du cerveau qui connaissent la règle ne sont pas encore tout à fait connectées à celles qui contrôlent l’inhibition des actions. L’adulte devra faire preuve de bienveillance, de patience et devra les expliquer souvent, sans se justifier. Les règles servent de repères sécurisants qui permettent à l’enfant/l’adolescent de s’adapter et de vivre en harmonie avec les autres. Elles doivent être claires, concrètes et simples, afin que les plus jeunes puissent les assimiler. L’enfant doit connaître et comprendre le comportement que les adultes attendent d’eux, pour se mettre en projet de le tenir. Par exemple,« Soyez sages durant mon absence ! »ne dit rien de l’attitude attendue, contrairement à« Durant mon absence, je vous demande de jouer séparément ! », car ici les enfants savent comment ils peuvent jouer et ce que vous attendez d’eux.

La constance de la règle la rend juste, c’est le grand sujet de controverse avec les élèves à haut potentiel (HP) (pourquoi l’instituteur accepte-t-il ce comportement d’un élève et pas de l’autre ?). Les enfants sont des détecteurs d’incohérences (« Nous n’avons pas le droit de crier en classe, mais notre institutrice crie toute la journée ! »). Lorsque la règle s’applique à tous, adultes et enfants, dans les mêmes conditions (« Les téléphones portables restent en dehors de la table durant le repas »), elle protège, sans devenir une contrainte. Comptez sur vos adolescents pour transgresser la règle si vous ne la respectez pas et pour vous faire part du peu de cohérence de vos actes.

La règle limite les comportements d’opposition, car l’enfant a le choix de la respecter ou de passer outre. C’est pour cette raison qu’elle engendre des conséquences, qui con­sistent à assumer la réparation vis-à-vis des tiers, et non par la punition. Ainsi, il répare son image et son estime, car la punition entretient la rancœur, l’esprit de vengeance, la dissimulation et le rejet de la responsabilité sur les autres. Les interdits racontent la transgression, le comportement non désiré. Si je vous demande de ne pas penser à un cheval noir, vous pensez à un cheval noir, vous n’imaginez pas un cheval à la robe de couleur bai, blanche ou pie… Voilà, vous avez expérimenté l’interdit !

Dans le cas de situations dangereuses, remplacez l’interdit par une formulation qui annonce le danger et invitez l’enfant à venir vous chercher pour réaliser l’action avec vous.

ōLéo, 3 ans, craque des allumettes en cachette. J’ai conseillé à sa maman de lui montrer comment le feu pouvait détruire et en même temps lui expliquer que, s’il voulait craquer des allumettes, il devait le faire avec elle ou son papa. La première semaine, Léo est venu chercher ses parents régulièrement pour craquer des allumettes. De l’étincelle à l’embrassement, le feu le fascine. Ses parents l’autorisent à allumer le feu de bois avec eux. Léo ne subtilise plus d’allumettes, il s’applique et respecte les consignes de sécurité lorsqu’il utilise celles-ci sous la supervision de ses parents. Attention, je suis consciente du danger et c’est pour cette raison que l’adulte soutient l’enfant dans sa maîtrise. Menacer, interdire ne vous offre aucune assurance de la maîtrise et de la confiance. Léo connaît désormais le pouvoir de destruction du feu, car il a ressenti la chaleur sur ses doigts, il comprend le lien de cause à effet de l’allumette qu’il craque et des bûches transformées en cendres.

Souvent, nous fonctionnons de façon négative à la maison, dans les loisirs, à l’école (« Ne fais pas ça ! », « N’oublie pas ! », « Non, pas comme ça ! », « On ne court pas dans les couloirs ! »). Restez attentif à vos formulations, repérez-les, afin de les exprimer de manière positive et d’attirer l’attention de l’enfant sur le comportement que vous désirez, sur l’action à mener (« As-tu ton manteau et tes cahiers pour les devoirs ? », « Sens-tu le mouvement de ton bras lorsque tu bouges ? », « Au bord de la piscine, je vous demande de marcher pour ne pas glisser », etc.).

Les règles transmettent aussi nos valeurs aux enfants. Par automatisme, par habitude, nous demeurons bien souvent inconscients de nos contradictions. Entre « Vive­ment qu’il soit autonome, qu’il s’habille seul » et « Je l’habille pour aller plus vite », cherchez l’erreur. De même, entre« Je veux que mon enfant réfléchisse par lui-même »et« Il n’obéit jamais ». Nos valeurs s’apparentent au gouvernail d’un bateau, elles donnent la direction à suivre à notre cerveau. Parfois, nous sommes en contradiction avec elles.

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