L'hyperphagie boulimique chez l'adulte - Alice Hussonnois - E-Book

L'hyperphagie boulimique chez l'adulte E-Book

Alice Hussonnois

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Beschreibung

L'hyperphagie boulimique est un trouble du comportement alimentaire qui consiste en l'absorption de quantités excessives de nourriture de manière compulsive et caractérisée par des crises alimentaires répétées. Cette pathologie est souvent taboue et cachée est pourtant très fréquente. 

Comment la repérer chez soi ou chez un proche ? Comment identifier les causes sous-jacentes ? Et surtout, comment s'en libérer et redevenir un mangeur intuitif ? 

" Vous n'êtes pas responsable de votre maladie ni de vos symptômes, mais vous êtes acteur de votre guérison." 

Alice Hussonnois vous accompagne pour (re)créer un rapport sain à la nourriture et vous engager sur le chemin de la guérison avec bienveillance. Au travers de témoignages, de conseils, d'outils concrets, de tests d'auto-évaluation et de nombreux exercices pratiques, cet ouvrage vous propose de développer et renforcer vos stratégies et techniques pour apprivoiser vos envies alimentaires, vous réconcilier avec vos émotions et retrouver confiance en vous. 

Ce livre d'adresse aux personnes présentant ce type de trouble, diagnostiqué ou non, mais également aux proches et aux professionnels de la santé qui souhaitent être outillées pour les accompagner.



À PROPOS DE L'AUTRICE 


Alice Hussonnois est diététicienne et nutritionniste, spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire et en ACT (thérapie d'acceptation et d'accompagnement). Elle reçoit en consultation et anime régulièrement des formations, des ateliers thérapeutiques et des groupes d'échanges sur ces thématiques. 

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Couverture

Page de titre

Note de l’autrice

Note de l’autrice :

Dans cet ouvrage, le genre masculin est utilisé dans le seul but d’alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine.

En diététique comportementale, nous utilisons des outils pour travailler sur les émotions, l’estime personnelle, la relation à soi, mais parfois, les causes sont plus profondes. Les psycho-traumas par exemple, ou les troubles psychiques associés, doivent être pris en charge par des psychologues et psychiatres formés.

Préface

Pendant longtemps l’hyperphagie boulimique est restée un trouble méconnu. Ce n’est qu’en 2013, lors de la publication du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), qu’il est reconnu comme un trouble du comportement alimentaire à part entière, au même titre que l’anorexie mentale et la boulimie nerveuse.

De fait, les personnes concernées par l’hyperphagie sont longtemps restées invisibles. Les comportements compulsifs avec la nourriture étaient principalement considérés comme un manque de contrôle personnel. Très fréquemment, ces comportements vécus dans la honte s’accompagnent d’une prise de poids. C’est ce qui explique que la plupart des personnes souffrant d’hyperphagie se tournaient en premier lieu vers un professionnel de santé pour « régler leur problème de poids ».

Si ce poids était jugé problématique au regard de l’IMC (une mesure remise en question aujourd’hui), ces personnes étaient vivement invitées à contrôler leur alimentation dans le but de perdre du poids. C’est ainsi que, durant des années, les personnes souffrant d’hyperphagie se sont vues prescrire des régimes amaigrissants qui n’ont fait qu’aggraver leur trouble.

Vous remarquerez que j’écris ces lignes au passé, et pourtant, ces pratiques sont encore bel et bien d’actualité. Les personnes qui souffrent d’hyperphagie peinent encore à trouver une aide appropriée. Elles font face à un véritable défi. Celui de guérir dans une société qui prône de toutes parts la culture des régimes qui nous dit que la minceur est une vertu et qu’elle est accessible à tous, avec suffisamment de volonté. Cette même société, qui est foncièrement discriminante et stigmatisante envers les personnes grosses.

Les personnes grosses sont en effet particulièrement concernées par ce trouble. Elles tentent donc de guérir, alors qu’on leur rappelle fréquemment qu’elles devraient se contrôler et prendre moins de place. Il est très difficile dans ce contexte de construire son identité, d’apprendre à avoir de la compassion pour soi, d’avoir une relation sereine aux aliments, de réguler ses émotions, de se sentir en sécurité dans le lien à l’autre… Pour faire face à ce défi, les personnes qui souffrent d’hyperphagie ont besoin de soutien, notamment celui des professionnels de santé qui sont encore trop nombreux à adopter une attitude grossophobe.

J’ai donc été vraiment heureuse et enthousiaste d’apprendre qu’Alice écrivait un livre pour accompagner les personnes concernées à travers ce défi. Les professionnels de santé comme Alice sont rares, et pourtant ô combien nécessaires pour changer les mentalités autour de ce trouble et améliorer son accompagnement.

À travers cet ouvrage, vous trouverez un grand nombre d’éléments de compréhension de votre trouble, mais surtout des pistes pratiques pour cheminer à votre rythme vers la guérison. Car si comprendre est important, mettre en place des actions concrètes est primordial pour soigner sa relation à la nourriture. Vous allez découvrir quelque chose de formidable : sortir de la lutte contre votre corps pour enfin faire équipe avec lui.

Je vous encourage à vous entourer le plus possible de douceur et de compassion envers vous-même à travers toutes ces étapes. Oui, c’est un défi de guérir de l’hyperphagie, mais c’est possible avec l’aide adéquate, et ce livre y contribuera certainement.

Vous méritez d’être aidé, vous méritez d’être respecté, vous méritez d’exister.

Ariane Garcia

Psychologue spécialiséedans les troubles des conduites alimentairesInstagram : @ariane_la_psy

Introduction

Il y a encore quelque temps, de nombreuses personnes considéraient qu’elles manquaient de volonté, ayant un problème de poids, ayant pris des kilos émotionnels à la suite d’une rupture, étant trop gourmandes, trop fêtardes, trop grosses, mal tombées au niveau de la génétique, pas assez sportives, trop fainéantes, n’ayant pas suffisamment de contrôle…

Aujourd’hui, l’hyperphagie boulimique est définie dans le DSM-51 comme l’absorption d’une grande quantité de nourriture en un temps très court (moins de deux heures), avec le sentiment de perte de contrôle (de ne pas réussir à s’arrêter de manger et de ne pas contrôler les quantités). Ces crises ne sont pas suivies de comportements compensatoires (tels que les vomissements, l’hyperactivité physique ou l’abus de laxatifs). Ce critère premier doit être associé à au moins trois comportements parmi la liste suivante :

•Manger beaucoup plus rapidement que la normale, dans les mêmes circonstances ;

•Manger jusqu’à éprouver des douleurs abdominales ;

•Manger de grandes quantités sans signe de faim physique ;

•Manger seul par sentiment de honte, de culpabilité ;

•Ressentir un sentiment de dégoût envers soi et un état de déprime.

Ces comportements compulsifs représentent un trouble en ce qu’ils provoquent une grande souffrance et des conséquences psychiques, physiques et sociales sur la vie de la personne. La sévérité du trouble est basée sur la fréquence des crises :

•Trouble léger : 1 à 3 épisodes par semaine ;

•Trouble modéré : 4 à 7 épisodes par semaine ;

•Trouble sévère : 8 à 13 épisodes par semaine ;

•Trouble extrêmement sévère : 14 épisodes ou plus par semaine.

Et si c’était le trouble de l’hyperphagie boulimique, et que vous n’aviez pas « juste un problème de poids, de contrôle, de gourmandise » ? L’hyperphagie emprisonne dans un système ambivalent : « J’ai besoin de ces crises, sinon comment me réconforter, comment affronter mes angoisses, mes ennuis, le vide en moi ? Et à la fois, je rêve de manger librement, simplement, sans obsession. » Un combat permanent contre son corps. Un rejet de ses sensations. La peur d’avoir faim, la peur de manquer, la peur de trop, de pas assez, la peur de faire des crises qui les engendre finalement et, à la fois, cette honte dévastatrice d’avoir (trop) mangé.

Lorsqu’on prend connaissance de l’hyperphagie boulimique et de ses symptômes, que l’on se reconnaît, qu’on ne se sent plus seul, cela peut être un premier soulagement. Ensuite, le problème demeure : « Je n’arrive pas à guérir. » « Je n’arrive pas à me débarrasser de cette obsession pour la nourriture », m’a dit Sandrine ; « Plus j’essaye de contrôler mes crises, plus je crise », m’a confié Laura ; « À la moindre contrariété, quelque chose s’empare de mon corps et j’ai besoin de me remplir. C’est incontrôlable. Pourtant, j’essaye de me distraire, de bien faire, de penser positif, tout ça », m’a expliqué Éric, désespéré.

Nous le savons aujourd’hui : le traitement à l’hyperphagie n’est pas un régime amaigrissant ou un programme alimentaire équilibré. La guérison est longue. C’est un processus, un cheminement, un changement d’intention envers soi, envers son assiette. C’est réécrire un nouveau livre, réapprendre. Effacer ses anciennes croyances sur la nourriture et recommencer. En revanche, il existe un panel d’outils à tester, jusqu’à trouver ceux qui vous permettront de vous en sortir. De commencer à réduire progressivement les crises d’hyperphagie boulimique, comprendre les déclencheurs pour agir dessus, trouver les clés d’une nutrition bienveillante, prendre soin de vous et de votre corps sur le long terme.

Diététicienne-nutritionniste spécialisée dans les troubles des conduites alimentaires (TCA), l’image corporelle et la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), je rencontre quotidiennement des personnes qui souffrent de leur façon de manger et de leur poids. Elles ont besoin de clés pour se délivrer de ces pertes de contrôle qui les font souffrir. L’hyperphagie boulimique et les compulsions alimentaires sont les problématiques que je rencontre le plus souvent dans ma pratique professionnelle.

Nous développerons, d’une part, le versant théorique, pour vous permettre de comprendre l’hyperphagie boulimique, la cause des crises, les facteurs déclencheurs, les difficultés du quotidien et, d’autre part, le versant pratique, avec des exercices et des outils pour travailler sur votre rapport à la nourriture, à votre corps, à vos émotions, et vous engager dans la guérison. Je vous propose des témoignages, des astuces et des schémas explicatifs. Ce guide pourra servir à tous ceux qui, de près ou de loin, souffrent de ce trouble : à vous-même, si vous êtes concerné, à l’entourage des personnes malades mais aussi aux professionnels de santé qui souhaitent accompagner ces malades avec une boîte à outils plus complète. Il servira aussi aux personnes n’ayant pas reçu de diagnostic officiel mais qui souffrent de compulsions alimentaires, peu importe leur intensité.

Cet ouvrage ne prétend pas remplacer un accompagnement personnalisé par des professionnels de santé. Il est d’ailleurs conseillé d’être suivi, si on le peut, de façon pluridisciplinaire. Les professions recommandées sont la diététique (de préférence, comportementale spécialisée dans les TCA), la psychologie et la psychiatrie. Cet ouvrage recueille de façon non exhaustive mes connaissances, mes acquis de formation et de terrain, mon quotidien avec mes patients, leurs témoignages, ce qui les a aidés aussi. Il ne s’agit pas d’une énième recette miracle pour maigrir ou faire fonctionner son régime. Il s’agit d’une thérapie, d’un changement de relation avec la nourriture pour manger autrement, sereinement.

Chapitre 1Comprendre l’hyperphagie boulimique

Avant de présenter le versant pratique de cet ouvrage et d’utiliser les exercices, il est important de comprendre les facteurs en cause dans l’hyperphagie boulimique. Pourquoi naissons-nous mangeurs intuitifs, sans préoccupation, et développons-nous à un moment ces comportements inappropriés avec la nourriture ? Pour quelles raisons commençons-nous à interagir de façon problématique avec notre assiette et notre propre corps, comme si nous désapprenions des mécanismes pourtant innés, tels que comprendre ses besoins pour survivre et s’alimenter ? Comment se déclenchent les crises d’hyperphagie et pourquoi ? C’est ce que nous allons explorer ici.

Le développement de l’hyperphagie boulimique

L’hyperphagie boulimique est un trouble complexe et extrêmement difficile à vivre ; beaucoup de personnes concernées témoignent de cette relation ambivalente avec leur trouble. Il est le sas de décompression, les crises canalisent les angoisses, emplissent le sentiment de vide en nous, nous apportent un réconfort à court terme et néanmoins provoquent une grande souffrance et une détresse émotionnelle intense ; notre image corporelle se dégrade, l’estime de soi s’amenuise, nous vivons en dehors de notre propre corps tant il nous paraît étranger. Et pourtant, ces mécanismes perdurent…

Bien que chaque personne soit différente, lorsque j’accueille un patient, le récit commence souvent comme celui de Sylvia, 37 ans : « Lorsque j’étais petite, j’étais la petite fille potelée de la famille et parmi mes camarades. On m’a, toute ma vie, fait comprendre que je devais surveiller mon poids. Ma mère, obsédée par sa santé et son apparence ; mon père, qui critiquait les femmes grosses. Et avec le recul, lorsque je revois des photos de moi, tout allait bien. Je n’avais pas de problème de poids. » Les personnes souffrant de troubles alimentaires et d’image corporelle à l’âge adulte se sont vues, plus tôt, devoir porter une attention excessivement élevée à la forme de leur corps et à leur alimentation.

La pression exercée par les médias et l’environnement familial ou social conduit de nombreuses personnes à poser un regard différent sur leur corps dès l’enfance et à intégrer l’idée que grossir les amènerait à être rejetées, à décevoir ou à ne pas plaire. À l’inverse, l’enfant intègre rapidement que son corps est sexualisé et objectivé, qu’il est une part de son identité, de l’image qu’il projette. Son apparence aura un rôle à jouer dans sa place en société. Lorsque l’enfant apprend à considérer son corps comme potentiel objet de contrôle, il évalue l’écart entre le corps qu’il perçoit et le corps admiré et véhiculé comme standard de la part de ses figures d’autorité et de son entourage – d’autant plus s’il perçoit une plus grande attention ou admiration accordée dès lors qu’il mincit ou mange moins. À l’adolescence, l’insatisfaction corporelle peut augmenter lorsque l’on est concerné par l’anxiété et la dépression. Même les jeunes enfants considèrent le fait d’être gros comme indésirable2. D’ailleurs, une majorité de filles entre 12 et 14 ans commencent un régime à l’adolescence, et 66 % d’entre elles considèrent ces comportements comme bons pour leur santé3. Les adolescentes restreignent leur alimentation pour contrôler leur poids, les amenant à consommer seulement 76,5 % de leur ration journalière4, alors que la restriction alimentaire et le contrôle excessif de l’alimentation peuvent entraîner un risque accru d’hyperphagie5. Nous savons donc aujourd’hui que la pression liée à l’idéal de minceur, la grossophobie et les stigmatisations sur le poids peuvent comporter de lourds facteurs de risque dans le développement de l’hyperphagie boulimique6. Bien que les restrictions alimentaires soient délétères, plusieurs événements peuvent renforcer les affects positifs de ces restrictions (félicitations, compliments, augmentation de la confiance en soi via l’amaigrissement). D’autre part, nous vivons tous des expériences qui renforcent notre croyance qu’être gros, c’est être mis à l’écart en société. Les préoccupations corporelles dans l’hyperphagie seraient semblables à celles rencontrées dans l’anorexie mentale et la boulimie nerveuse, alors même que l’hyperphagie boulimique est caractérisée par l’absence de comportements compensatoires et, souvent, la grande difficulté à (re)perdre du poids. Cette volonté profonde de réussir à contrôler son poids sans y parvenir concrètement renforce l’image négative de soi.

Les personnes développant l’hyperphagie boulimique ont aussi des terrains personnels, émotionnels et comportementaux prédisposants : schémas obsessionnels compulsifs, tendance à la pensée dichotomique (en tout ou rien, noir ou blanc), forte impulsivité et recherche de sensations (néanmoins, il conviendra d’étudier s’il s’agit d’un trait de personnalité à l’origine des crises ou si ce sont les restrictions, cognitive et alimentaire qui engagent cette impulsivité). Les émotions ont aussi leur rôle à jouer, notamment un déficit de régulation des émotions négatives, comme la colère, la tristesse et la peur, une anxiété sociale ou une dépression. On trouve aussi un lien entre risques de frénésie alimentaire et expériences négatives et traumatiques dans l’enfance (abus sexuels, physiques et autres) ainsi que l’exposition répétée aux commentaires négatifs des membres de la famille sur la forme, le poids ou l’alimentation7.

Le rôle de la famille, leur propre rapport à la nourriture, au corps, à la performance et l’activité physique est à prendre en compte. Camilia, une jeune patiente de 19 ans souffrant d’hyperphagie boulimique, m’a expliqué qu’elle n’avait jamais reçu de commentaires sur son poids ou la forme de son corps. Néanmoins, sa mère était obsédée par le sien. Toute sa vie, elle l’a entendue parler de ses régimes et des calories qu’elle ingurgitait. Camilia a quitté le foyer familial à 18 ans et, depuis, elle souffre de crises compulsives quotidiennes. Arthur, 31 ans, a souffert de la comparaison avec son frère, grand, mince et musclé à l’adolescence ; lorsque Arthur est tombé en dépression à la suite d’une rupture amoureuse, il a développé de véritables crises d’hyperphagie boulimique et un sentiment de vide immense, amenuisant son estime de soi. Marion, 26 ans, a vu sa sœur grossir de vingt kilos en deux ans lorsqu’elles étaient adolescentes ; elle s’est mise au régime de peur de grossir elle aussi. Et c’est finalement ce qui lui est arrivé lorsque le régime a échoué et que son corps, dénutri, réclamait son dû.

Les troubles alimentaires se développent donc sur des terrains propices. Prenez l’exemple d’une jeune adolescente : elle vivrait des préoccupations corporelles importantes en raison d’une pression familiale et sociétale. Si elle venait à vivre un échec, un événement difficile, voire traumatique, engendrant un fort stress et un besoin de développer un comportement de défense et de survie, le recours à des comportements à risques comme les crises d’hyperphagie boulimique pourrait être accru ; ou bien, le recours à des restrictions alimentaires pour reprendre le contrôle sur son corps et sa vie, la conduisant à développer des accès hyperphagiques. Si l’on ajoute de faibles compétences émotionnelles, une impulsivité marquée et/ou d’autres troubles mentaux associés, il y a là aussi de forts risques de développer un trouble alimentaire.

Figure 1. Les facteurs psychologiques et psychosociaux contribuant au développement et au maintien de l’hyperphagie boulimique8.

L’hyperphagie : l’ange et le démon

Margaux, 30 ans, a longtemps travaillé sur les causes de son hyperphagie. Elle témoigne : « Souvent, j’aime dire que l’hyperphagie a été ce qui m’a sauvée et détruite. Monange et mon démon. J’ai grandi dans une famille où être gros n’était pas admis et où la minceur était l’objectif de vie numéro un. J’ai fait des tas de régimes lorsque j’étais adolescente. Avec le recul, je n’étais même pas grosse, comme je le regrette… J’ai abîmé mon corps et je n’ai jamais pu apprendre à l’écouter, car j’ai grandi avec les feuilles “aliments interdits et autorisés” des médecins. J’ai été diagnostiquée du trouble borderline et j’ai développé une addiction aux drogues. J’ai vécu deux agressions sexuelles en l’espace d’une année, et là, j’ai commencé à manger comme jamais je n’avais connu cela. Je me jetais sur la nourriture en pleurant, comme si j’allais mourir si je ne mangeais pas. La nourriture a accompagné tous mes traumatismes. Mais j’ai compris un jour que si elle n’avait pas été là, je ne saurais pas où j’en serais ni comment j’aurais pu rester en vie. »

D’autres personnes, expérimentant les mêmes facteurs de risques et déclencheurs d’un rapport troublé à la nourriture et à leur corps, seront pourtant concernées par des formes sous-cliniques ou atypiques de l’hyperphagie boulimique.

Les hyperphagies atypiques

Nombreux sont les patients ayant passé la porte d’un cabinet médical ou paramédical pour parler de leurs compulsions alimentaires ou de leur souffrance liée à l’image de leur corps, et à qui l’on a simplement prescrit un régime sans chercher à creuser les mécanismes psycho-comportementaux. Nombreuses sont celles que j’ai rencontrées, perdues face à leur comportement alimentaire, comme Claudia, 52 ans, qui m’a expliqué ne pas se reconnaître dans les critères diagnostiques de l’hyperphagie boulimique : « Je fais des crises la nuit. Je me réveille et suis prise d’une faim extrême. » « Moi, c’est lorsque je commence mon repas que je n’arrive pas à m’arrêter de manger, mais je ne fais pas de crises en dehors », m’a confié Anastasia, 46 ans. Pierre, 31 ans, m’explique grignoter toute la journée en quantité modérée : « Ce ne sont pas de vraies crises de perte de contrôle, mais je ne peux pas m’empêcher d’aller dans les placards toutes les heures. »

Les troubles alimentaires atypiques concerneraient 4 à 5 % des femmes ayant entre 15 et 35 ans, contre 4 % pour l’hyperphagie boulimique9. On les distingue principalement des troubles alimentaires dits « stricts », tels que l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie parce qu’ils ne répondent pas à tous les critères spécifiques de ces troubles ; souvent, ils n’en comportent pas l’ampleur, la visibilité ou la gravité somatique, mais engendrent tout de même une souffrance psychique et une détresse émotionnelle. La plupart des personnes souffrant de TCA atypiques se plaindront de leur image corporelle, de la souffrance liée à leur poids, d’une peur intense de trop manger ou de « mal » manger, d’alternances de pertes de contrôle et d’hypercontrôle, tout en conservant un poids dit « dans la norme » ou au-dessus de la « norme ».

Le syndrome d’hyperphagie nocturne

Il s’agit de compulsions alimentaires qui surviennent la nuit ou tard le soir ; la personne va être réveillée par une faim importante ou une grande impulsivité à manger, faire une crise et se rendormir, plus sereine. Ces crises ont elles aussi des causes multifactorielles, et il conviendra d’y travailler avec des professionnels de santé afin d’aborder toutes les sphères de vie ; il peut s’agir d’une conséquence à de trop fortes restrictions alimentaires la journée et d’un excès de contrôle, une angoisse nocturne, la peur de perdre le contrôle dans son sommeil, un traumatisme…

L’hyperphagie prandiale

Ce comportement alimentaire définit le sentiment de perte de contrôle au sein d’une prise alimentaire ; souvent, la personne concernée ressentira de la honte ou de la culpabilité à l’idée d’avoir trop mangé, la sensation de ne paspercevoir son rassasiement ou de manger toujours au-delà de sa faim. Ainsi, elle peut manger jusqu’à éprouver de fortes douleurs abdominales, des haut-le-cœur et un déplaisir. Toutefois, il faut comprendre d’où provient ce comportement, et les causes peuvent être nombreuses :

•Des phases de suralimentation : si l’on veut toujours maîtriser son assiette, que l’on a peur de trop manger ou de faire un écart à notre régime (ou bien de ne pas manger assez aux repas précédents), il arrive alors de contrôler sa faim aux repas suivants (avec des schémas de pensée comme « Foutu pour foutu ») ;

•Le signe d’une faible intéroception (capacité à percevoir nos signaux internes, comme la faim et le rassasiement) : ce qui conduit à manger jusqu’à l’inconfort, car nous ne savons pas quand nous arrêter tant que nous ne sommes pas en inconfort au niveau de notre estomac ;

•Une « habitude comportementale » : une fois habitués à une certaine quantité de nourriture pour nous sentir satisfaits de notre repas, nous avons constamment besoin de cette même quantité (avec des schémas comme la peur de manquer de nourriture, de la frustration, ou avec des injonctions, telles que « Finis ton assiette », apprises dans l’enfance) ;

•Enfin, l’anxiété, la dépression ou le sentiment de mal-être peuvent déclencher ces épisodes d’hyperphagie prandiale. Le repas étant le seul moment qui apporte du plaisir, comble l’ennui et le sentiment de vide, la personne prolonge sa prise alimentaire pour calmer son anxiété ou éprouver davantage de plaisir en mangeant.

La compulsion programmée ou contrôlée

Dans ce cas, nous ne perdons pas réellement le contrôle : nous programmons, à la même heure, dans les mêmes quantités, avec les mêmes aliments et souvent au même endroit, une crise. Elle est donc pensée et réfléchie à l’avance et procure souvent du plaisir à court terme, bien que nous puissions ensuite, à moyen terme, nous sentir coupables, honteux ou regretter la compulsion. Souvent, les personnes pensent avoir « le contrôle » de la situation, car ces crises s’imbriquent dans une alimentation millimétrée le reste du temps (par exemple, suivent ou précèdent à ces crises des règles strictes à respecter, des aliments interdits, des quantités établies…). Dans la majorité des cas, les causes sont d’ordre physiologique : le régime alimentaire imposé est trop restrictif s’agissant de quantité et de qualité (pas suffisamment d’aliments « plaisir »).

Dans ces cas-ci, il faudra donc travailler sur la réinstauration d’une alimentation quotidienne aux quantités suffisantes et suffisamment variée, réintroduisant progressivement les aliments interdits dont la personne a pourtant envie, en travaillant sur les croyances liées au poids et aux aliments, sur la culpabilité de manger ainsi que sur la peur de perdre le contrôle.

Les grignotages compulsifs

Il s’agit de prises alimentaires répétées en petites quantités, d’aliments « plaisir » (carré de chocolat, morceau de pain, bout de fromage…). Cette consommation d’aliments « plaisir » provoque à court terme une satisfaction, un apaisement qui ne durent pas (et qui peuvent même se suivre de culpabilité). Il faut donc remanger à nouveau pour retrouver cette satisfaction. Il peut là aussi y avoir plusieurs causes :

•D’ordre physiologique : les repas principaux ne sont pas assez consistants et rassasiants ou le rythme de repas est déstructuré (c’est un cercle vicieux, les grignotages répétés empêchent de ressentir sa faim aux repas et on ne mange donc pas suffisamment ensuite, ce qui fait revenir son envie de manger rapidement car on ne se rassasie jamais totalement) ;