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Dans son ouvrage intitulé 'La chanson des gueux', Jean Richepin explore le monde sombre et réaliste des exclus de la société. À travers une poésie crue et directe, il dépeint la souffrance, la misère et la lutte pour la survie. Ce recueil de poèmes met en lumière la condition humaine dans toute sa brutalité, offrant une perspective sans fard sur les marginaux de la société. Richepin utilise un style poétique dense et nuancé pour exprimer la douleur et le désespoir qui habitent ses personnages, créant ainsi un portrait saisissant de la vie des gueux. Dans le contexte littéraire de l'époque, cet ouvrage défie les conventions esthétiques et sociales en donnant une voix à ceux que la société ignore souvent. Jean Richepin, écrivain engagé et poète provocateur, s'inspire de sa propre expérience et de sa sensibilité sociale pour donner vie à ces poèmes puissants. Sa révolte contre l'injustice et son désir de donner une voix aux opprimés transparaissent dans chaque vers de 'La chanson des gueux'. Recommandé aux lecteurs cherchant à explorer les aspects les plus sombres de l'âme humaine et les injustices de la société, cet ouvrage intense et poignant ne laisse pas indifférent.
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de l’Académie Française
La Chanson des
Gueux
ÉDITION INTÉGRALE
DÉCORÉE
DE252COMPOSITIONS ORIGINALES
DE
STEINLEN
EDITIONS D’ART
EDOUARD PELLETAN
125, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 125
PARIS
1910
Venez à moi, claquepatins,
Loqueteux, joueurs de musettes,
Clampins, loupeurs, voyous, catins,
Et marmousets, et marmousettes,
Tas de traîne-cul-les-housettes,
Race d’indépendants fougueux!
Je suis du pays dont vous êtes:
Le poète est le Roi des Gueux.
Vous que la bise des matins,
Que la pluie aux âpres sagettes,
Que les gendarmes, les mâtins,
Les coups, les fièvres, les disettes
Prennent toujours pour amusettes,
Vous dont l’habit mince et fongueux
Paraît fait de vieilles gazettes,
Le poète est le Roi des Gueux.
Vous que le chaud soleil a teints,
Hurlubiers dont les peaux bisettes
Ressemblent à l’or des gratins,
Gouges au front plein de frisettes,
Momignards nus sans chemisettes,
Vieux à l’oeil cave, au nez rugueux,
Au menton en casse-noisettes,
Le poète est le Roi des Gueux.
ENVOI
O Gueux, mes sujets, mes sujettes,
Je serai votre maître queux.
Tu vivras, monde qui végètes!
Le poète est le Roi des Gueux.
Dors, mon fieux, dors,
Bercé, berçant.
Fait froid dehors,
Ça glace l’ sang.
Mais gna d’ chez soi
Qu’ pour ceux qu’a d’ quoi.
Le vent pince et la neige mouille,
Berçant, bercé.
Dans un chez-soi on a d’ la houille
Ou du bois d’automn’ ramassé,
Berçant, bercé,
Bercé grenouille.
Dors, mon fieux, dors,
Bercé, berçant.
Fait froid dehors,
Ça glace l’ sang.
Mais gna d’ chez soi
Qu’ pour ceux qu’a d’ quoi.
Not’ maison à nous, c’est ma hotte,
Berçant, bercé.
Et l’ vieux jupon qui t’emmaillotte
Jusqu’à ta chair est traversé,
Berçant, bercé,
Bercé marmotte.
Dors, mon fieux, dors,
Bercé, berçant.
Fait froid dehors,
Ça glace l’ sang.
Mais gna d’ chez soi
Qu’ pour ceux qu’a d’ quoi.
Ton bedon est vide et gargouille,
Berçant, bercé.
C’est pas pour nous qu’est la pot-bouille
Ni le bon pichet renversé,
Berçant, bercé,
Bercé grenouille.
Dors, mon fieux, dors,
Bercé, berçant.
Fait froid dehors,
Ça glace l’ sang.
Mais gna d’ chez soi
Qu’ pour ceux qu’a d’ quoi.
J’aurions seul’ment un p’tit feu d’ mottes,
Berçant, bercé,
T’y chauff’rais petons et menottes
Et ton derrièr’ d’ang’ tout gercé,
Berçant, bercé,
Bercé marmotte.
Dors, mon fieux, dors,
Bercé, berçant.
Fait froid dehors,
Ça glace l’ sang.
Mais gna d’ chez soi
Qu’ pour ceux qu’a d’ quoi.
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien froid.
Les petiots claquent des dents.
Ohé! ils vous écoutent!
S’il fait chaud là-dedans,
Bonnes gens,
Il fait froid sur la route.
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien faim.
Les petiots claquent des dents.
Ohé! il faut qu’ils entrent!
Vous mangez là-dedans,
Bonnes gens;
Eux n’ont rien dans le ventre.
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont sommeil.
Les petiots claquent des dents.
Ohé! leur faut la grange!
Vous dormez là-dedans,
Bonnes gens;
Eux, les yeux leur démangent.
Ouvrez la porte
Aux petiots qu’ont un briquet.
Les petiots grincent des dents.
Ohé! les durs d’oreille!
Nous verrons là-dedans,
Bonnes gens,
Si le feu vous réveille.
Dans le ciel clair, à tire-d’aile,
Les hirondelles
De l’autre année
Reviennent à leurs cheminées.
Et nous, nous revenons aussi,
Et nous voici
Par les chemins,
Les va-nu-pieds tendant la main.
Après le pain et la piquette
Toujours en quête,
Nous ons la gorge
Plus rouge qu’un brûlant de forge.
Donnez du pain, donnez des sous!
Car nous sons saoûls
D’aller à pied
Sans avoir rien dans le gésier.
Du pain de son! Des sous de cuivre!
C’est pour nous vivre.
Mais va-t’-fair’ fiche!
On nous prend pour des merlifiches.
Des sous! Des sous! Ou nous volons
Les beaux p’tiots blonds,
Les beaux amours,
Qu’on les vend cher aux faiseux d’tours.
Mes braves bons messieurs et dames,
Par Sainte-Marie-Notre-Dame,
Voyez le pauvre vieux stropiat.
Pater noster! Ave Maria!
Ayez pitié!
Mes braves bons messieurs et dames,
La charité des bonnes âmes!
Un p’tit sou, et Dieu vous l’ rendra.
Pater noster! Ave Maria!
Ayez pitié!
Mes braves bons messieurs et dames,
Chez ceux qui ne voient pas les larmes,
Quand Dieu le veut, grêle il y a.
Pater noster! Ave Maria!
Ayez pitié!
Mes braves bons messieurs et dames,
La vache qui vêle, ou la femme,
Si je le dis, son fruit mourra.
Pater noster! Ave Maria!
Ayez pitié!
Mes braves bons messieurs et dames,
Au jeteu d’ sorts, au preneu d’âmes,
Donnez un p’tit sou, qui qu’en a.
Pater noster! Ave Maria!
Ayez pitié!
L’épine est en fleurs; à l’épine blanche,
En me promenant, j’ai pris une branche.
J’avais emporté mon petit couteau,
Oh! Oh!
Avec mon couteau
J’ai coupé la branche
Bien haut.
Je vais dans le ru pêcher à la ligne.
Beaux poissons d’argent, je vous ferai signe.
Voyez au soleil briller mon couteau,
Oh! Oh!
Avec mon couteau
Je vous ferai signe
Dans l’eau.
Quand je serai grand, pour gagner des sommes,
J’en ferai ma lance et tûrai les hommes.
Pour fer elle aura le fer du couteau,
Oh! Oh!
Avec mon couteau
Je troûrai aux hommes
La peau.
Quand je serai vieux et la barbe blanche,
Pour béquille alors je prendrai ma branche.
Pour manche elle aura le bois du couteau,
Oh! Oh!
Avec mon couteau
Finira ma branche.
Hé ho!
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Je suis un fieux né en Flandre,
Je ne sais où.
On m’a trouvé dans la cendre
Comme un grillou.
Ma naissance fit esclandre,
Car j’étais fou.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Fou, fou, en venant au monde,
Le roi des fous!
Ma mère n’étant pas blonde,
Moi je fus roux.
Et l’on me dit à la ronde:
D’où venez-vous?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
D’où je viens, moi petit homme?
Je n’en sais rien.
Là-bas, plus haut que la Somme,
On n’est pas bien,
Car le ciel y est froid comme
Le nez d’un chien.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Je viens d’un lieu où l’on entre
Et d’où l’on sort.
C’est au plus creux de cet antre
Qu’est notre sort.
Quand ma mère ouvrit son ventre,
Je pris l’essor.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Je pris l’essor, et mes ailes
Dans le ciel bleu
Ont fondu comme chandelles
Qu’on jette au feu.
Aussi, nulle entre les belles
Ne m’aime un peu.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Mais à l’amant qui assiège,
En soupirant,
Leur cœur, plus léger qu’un liège
Sur un torrent,
Je vends pour deux liards un piège,
Crac! qui les prend.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Mon piège est un sac en serge
Noir comme un trou,
Où chante un papillon vierge
Piqué d’un clou,
Et où flambe comme un cierge
Le cœur d’un fou.
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège,
Mon joli piège?
Ah! qui donc m’achètera
Mon joli piège à rat?
Où est le prunier joli?
Cherchez-le et cherchez-l’y,
Lanturli,
Le prunier que nul n’émonde,
Le prunier pour tout le monde,
Cherchez çà et cherchez ci,
C’est ainsi,
Pour les pauvres gueux aussi.
Dans ton jardin bien rempli,
Cherchez-le et cherchez-l’y,
Lanturli,
Il n’est pas, monsieur le riche,
Qui pour tous te montres chiche,
Cherchez çà et cherchez ci,
C’est ainsi,
Pour les pauvres gueux aussi.
Il est dans le bois joli,
Cherchez-le et cherchez-l’y,
Lanturli.
C’est le beau prunier sauvage.
Il est à qui le ravage.
Cherchez çà et cherchez ci,
C’est ainsi,
Pour les pauvres gueux aussi.
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac.
Il pleut, ça mouille,
Et pas du vin!
Quel temps divin
Pour la guernouille!
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac.
Cochon, patauge!
Mais le cochon
Trouve du son
Au fond de l’auge.
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac.
Le cochon bouffe;
Toi, vieux clampin,
C’est pas le pain,
Vrai, qui t’étouffe.
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac.
Bah! sur la route
Allons plus loin.
Cherche un bon coin,
Truche une croûte.
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac.
Après la pluie
Viendra le vent.
En arrivant
Il vous essuie.
Il tomb’ dè l’eau, plic, ploc, plac,
Il tomb’ dè l’eau plein mon sac!
M’a dit la pluie: Écoute
Ce que chante ma goutte,
Ma goutte au chant perlé.
Et la goutte qui chante
M’a dit ce chant perlé:
Je ne suis pas méchante,
Je fais mûrir le blé.
Ne sois pas triste mine!
J’en veux à la famine.
Si tu tiens à ta chair,
Bénis l’eau qui t’ennuie
Et qui glace ta chair;
Car c’est grâce à la pluie
Que le pain n’est pas cher.
Le ciel toujours superbe
Serait la soif à l’herbe
Et la mort aux épis.
Quand la moisson est rare
Et le blé sans épis,
Le paysan avare
Te dit: Crève, eh! tant pis!
Mais quand avril se brouille,
Que son ciel est de rouille,
Et qu’il pleut comme il faut,
Le paysan bonasse
Dit à sa femme: il faut
Lui remplir sa besace,
Lui remplir jusqu’en haut.
M’a dit la pluie: Écoute
Ce que chante ma goutte,
Ma goutte au chant perlé.
Et la goutte qui chante
M’a dit ce chant perlé:
Je ne suis pas méchante,
Je fais mûrir le blé.
Les blés coupés sont en buriots.
Eh! hue! oh! dia! les chariots
Prendront d’main la part la meilleure.
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.
Hardi! la mère et les morveux,
Battons l’ chaum’ qu’est dru comm’ nos ch’veux,
Et qu’ pas un seul épi n’y d’meure.
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.
L’année est bonn’, les grains sont gros.
Fourrez-moi-z-en un sous vos crocs.
C’est-il plein, dur, et comm’ ça fleure!
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.
Il en reste au ras du sillon
D’ quoi remplir plus d’un corbillon,
Assez pour empêcher qu’on n’ meure.
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.
Si j’en pouvions vend’ pour queuq’ sous,
J’irions boire à la branch’ de houx
Un pichet d’vin qui sent la meure.
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.
En passant auprès des buriots,
Volez un peu les proprios.
Faut du pain à ceux qu’a pas d’beurre.
C’est l’ tour des glaneurs
A c’t’ heure,
C’est l’ tour des glaneurs.