La Cité sous l'Opale - L.A. Traumer - E-Book

La Cité sous l'Opale E-Book

L.A. Traumer

0,0

Beschreibung

Alors qu'il plongeait avec son cousin sur la côte méditerranéenne, Matt - jeune homme brisé par la vie - se retrouve par accident entraîné dans une cité cachée sous le fond marin. Privé de ses souvenirs, il découvre un peuple énigmatique, vivant loin des regards de la surface. À leur tête, la jeune et belle princesse Cynella. Dès le premier regard, quelque chose d'intense et d'inexplicable les lie. Un amour soudain, passionnel, déroutant. Mais dans ce monde régi par l'équilibre fragile du silence et du secret, les sentiments ont un prix. Entre souvenirs flous d'une vie oubliée, devoir royal et abandon de soi, Matt et Cynella pourront-ils choisir leur amour sans trahir leurs origines ?

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 269

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Table des matières

PLONGÉE DANS LE BASSIN DE LA ROCHE

UN INTRUS DANS LA CITÉ

UN ÉTRANGE HÔPITAL

LA PRINCESSE DU ROYAUME SOUS-MARIN

UNE SOIRÉE ROMANTIQUE

UNE SEMI-LIBERTÉ

LES RÉVÉLATIONS DE CYNELLA

L’ANGOISSE D’UNE PRINCESSE

L’INSTANT LE PLUS MAGIQUE DE LEUR VIE

UN DOUX RÉVEIL

TENSIONS DANS LES CHAMPS

DANS LES JARDINS

LA GRANDE FÊTE EN L’HONNEUR DE MATT

UNE DANSE AQUATIQUE DANS LA NUIT

UN PASSE QUI LE HANTE

UNE RANCŒUR ACCUMULÉE

LE PROCÈS

L’AVEU DE CYNELLA

L’ADIEU DE MATT

UN RETOUR A LA RÉALITÉ ?

CHAPITRE 1:

PLONGÉE DANS LE BASSIN DE LA ROCHE

La baie des Échos s'étendait paisiblement sous la lumière dorée du début d'après-midi, bordée par une végétation dense typiquement méditerranéenne. Les oliviers noueux, les pins parasols et les arbustes sauvages formaient un rempart verdoyant autour de la petite berge où un vieux ponton en bois grinçait sous le roulis des vagues. Adossée à la colline, une grande cabane en bois blanc surplombait le rivage, avec son toit légèrement incliné et ses volets défraîchis par le sel marin. Derrière elle, un 4x4 poussiéreux était garé sur un sentier de terre battue, ses pneus marquant encore la trace d'un récent passage. L’air était empli du chant des cigales et du bruissement du vent dans le feuillage, un tableau figé dans une sérénité trompeuse. Sur le modeste bateau de pêche de leur oncle Archibald, Matt et son cousin Henri se préparaient à plonger. L'embarcation, bien équipée malgré sa peinture écaillée, tanguait légèrement sous la brise marine, tandis que son moteur, bien entretenu, ronronnait doucement.

Matt ajustait son harnais de plongée, le regard perdu vers l'immensité bleue. Grand, aux épaules larges et au teint hâlé, il portait les marques d'un homme ayant passé sa vie entre le soleil et la mer. Ses cheveux châtain foncé, encore humides de la brise marine étaient légèrement désordonnés, et son regard noisette semblait toujours perdu dans des réflexions lointaines.

À ses côtés, Henri, plus trapu mais tout aussi athlétique, vérifiait l'équipement de plongée en ployant les genoux. Ses cheveux blond foncé, légèrement bouclés, s'agitaient sous la brise marine. Sa peau était plus bronzée et, avec son torse nu, son collier de coquillages et son short large, il ressemblait à un surfeur californien. Contrairement à Matt, il affichait un sourire facile et avait toujours un éclat de malice dans les yeux.

Matt n’était pas en forme moralement depuis des semaines. L’idée de cette excursion venait d’Henri, qui espérait lui changer les idées, sachant que pour rien au monde Matt n’aurait refusé une plongée. Le temps était idéal et la mer en parfaite condition.

— Tu as une de ces têtes d’enterrement…, lança Henri.

Matt haussa les épaules.

— Rien de bien nouveau.

Henri s’appuya contre la rambarde et l’observa avec attention.

— Tu devrais arrêter de cogiter tout le temps, ça va finir par te donner des rides prématurées. Regarde-toi, on dirait un homme de quarante ans en pleine crise existentielle !

Matt laissa échapper un petit rire, mais son regard restait sombre.

— Tu devrais essayer de profiter un peu et te détendre, dit Henri en s’adossant à la rambarde et en se mettant face au soleil. Tu as l’air d’un type qui va chercher des ennuis plutôt que du poisson.

— Peut-être que les ennuis me cherchent va savoir, répliqua Matt en haussant un sourcil amusé.

Henri leva les yeux au ciel avant de rejoindre la cabine. Cela faisait plus d’une heure qu’ils se préparaient pour leur excursion, et il était enfin l’heure d’appareiller. Il démarra le moteur d'un geste expert, et le bateau quitta la marina avant de s'élancer vers le large, déchirant le silence de la baie.

Plus ils s'éloignaient de la côte, plus Matt ressentait cette impression familière monter en lui : celle d'un appel diffus, inexplicable, qui vibrait dans son ventre comme une note tenue. C’était comme si un secret l’attendait sous l’eau depuis toujours et qu’il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas découvert de quoi il s’agissait, transformant cette sensation en quête personnelle.

Le monde sous-marin était sa passion. Il plongeait dès qu’il en avait l’occasion depuis l’âge de huit ans et il était même devenu une référence dans la région. Il organisait parfois des excursions pour des baptêmes de plongée et donnait régulièrement, en période estivale, des leçons pour tous les âges. Et c’était encore la seule chose qui l’aidait à supporter sa vie.

À vingt-sept ans, Matt trainait derrière lui une jeunesse aussi agitée qu’instable. Entre virées nocturnes sans fin et conquêtes sans lendemain, il avait longtemps cru que ce mode de vie pouvait combler quelque chose en lui. Mais l’ivresse avait laissé place au vide, et le tumulte à la lassitude jusqu’au jour où, lassé de ce rythme chaotique, avait décidé de se ranger et de mener une vie plus paisible, changer et trouver une femme à aimer, construire quelque chose de vrai, profond, durable. Mais ce rêve s’était heurté à la réalité. Les rendez-vous s’étaient succédé, les espoirs s’étaient éteints les uns après les autres. Certaines femmes l’avaient quitté sans raison, d'autres s’étaient évanouies dans le silence, sans même un adieu.

À travers ces déceptions, Matt avait découvert une facette de lui qu’il ignorait : une sensibilité brute, une propension à s’attacher trop vite, trop fort. Et chaque rupture, chaque silence, avait laissé une blessure plus profonde que la précédente.

Peu à peu, il avait cessé de croire. En l’amour. En lui-même. Il s’était refermé. Les choses n’avaient plus le même goût. Et dans ce brouillard émotionnel, il ne lui restait plus que la mer… et ses espoirs perdus.

Après une heure de navigation, ils atteignirent un point de plongée éloigné des itinéraires habituels. L’eau était d’un bleu profond, presque noir, et le silence qui régnait donnait l’impression qu’ils se tenaient au seuil d’un autre monde. Le bassin de la Roche était un de ces lieux encore sauvages, loin de toute activité humaine, un endroit idéal pour s’isoler du monde.

Matt scruta la surface après avoir jeté l’ancre.

— Fais gaffe au bastingage, lui dit Henri. Il est en train de partir en morceaux…

Matt vérifia en secouant la structure en bois, et celle-ci craqua par endroits, laissant entrevoir la visserie rouillée qui traversait les vieilles planches. À bien y regarder, il était évident que La Carpe salée était un bateau ayant fait son temps. La peinture s’écaillait un peu partout, les joints des fenêtres de la cabine partaient en lambeaux, la cabine elle-même, faite en métal, rouillait de toutes parts, et le bois pourrissait. Heureusement, la coque était en parfait état, et le moteur ainsi que tout l’équipement fonctionnaient bien.

Le bateau appartenait à leur oncle Archibald, un homme ayant fait fortune dans les affaires mais suffisamment pingre pour leur laisser un modeste « navire » de pêche en piteux état.

— L’oncle Archi aurait pu restaurer cette coquille de noix quand même, railla Matt en essayant de remettre la balustrade en place.

— Ne va pas lui dire ! lança Henri. Il va faire une attaque…

— En même temps, on parle d’une barque qui s’appelle « la Carpe salée »… On devrait lui faire une mise en terre et en faire un restaurant, ça passerait mieux !

— Bonne idée ! acquiesça Henri. Tu sais que j’ai cette idée en tête depuis un moment ?

— Quoi ? Ouvrir une baraque à frite ?

— Pas une baraque à frite, gros malin ! Mais un bistrot sympa avec des spécialités locales, un truc sans prise de tête où les gens seraient contents de venir.

— Et tu ferais la cuisine ? demanda Matt, amusé par l’ambition de son cousin.

— Non, pour ça j’embaucherai Virginie, la reine de la cuisine du sud !

— Pas bête… elle cuisine vachement bien !

— Moi je m’occuperai du bar, une partie du service et de la caisse. J’offrirai un digestif aux clients réguliers, tous les vendredis soir ça sera moule/frites à volonté…

— C’est un beau projet. Et tu comptes le financer comment ? T’es fauché comme moi et aucune crédibilité auprès des banquiers…

— Ouais, je sais… Peut-être que l’oncle Archi… non, laisse tomber.

Une mouette vint se percher sur la cabine en lorgnant les seaux remplis de chair de poisson exposés sur le pont. Elle se mit à chanter bruyamment par des cris nasillards, arrachant un soupir excédé à Henri.

— Hé, fiche-moi le camp, toi ! pesta-t-il en tapant du poing sur le plafond de la cabine. Ne cherche pas à bouffer, c’n’est pas pour toi !

L’oiseau ne bougea même pas.

— Saleté ! Il se fiche de moi, en plus ?

Matt esquissa un sourire. Son cousin était aussi râleur que lui. C’était probablement pour cette raison qu’ils s’appréciaient autant.

Henri jeta un regard vers l’horizon et plissa les yeux en voyant quelques nuages sombres au loin.

— Tu as vu ça, là-bas ? demanda-t-il à Matt.

— Quoi ?

— Ces nuages, au fond, répondit-il en tendant le bras. Ils ont pourtant annoncé un plein soleil toute la journée !

— Tu sais, la météo est aussi fiable que la politique, alors si tu dois t’y fier…

— Hm… Ça m’a l’air louche, quand même… Je vais appeler la côte.

Il attrapa la radio et régla la fréquence avant de parler.

— Ici La Carpe salée, je distingue une masse nuageuse en direction du sud-est. Vous pouvez me confirmer la météo pour cet après-midi ?

Un grésillement précéda la réponse :

— Pas de tempête prévue, Carpe salée, juste un ciel couvert en soirée. Rien d’inquiétant à signaler. Restez vigilants et n’hésitez pas à revenir si vous voyez le temps changer malgré tout.

— Bien reçu, merci.

Henri raccrocha et haussa les épaules.

— Tant mieux. Je préfère éviter de me faire surprendre en pleine plongée.

Matt acquiesça distraitement. Son regard s’était perdu sur l’eau calme. Henri le remarqua et changea de sujet :

— Tu sais, je me disais l’autre jour que ce serait cool de partir en Grèce pour explorer des cités englouties. Ce serait une super expérience, tu n’crois pas ?

Matt sourit en coin.

— Tu veux découvrir l’Atlantide ?

— Pourquoi pas ? Il n’y a pas de raison qu’elle n’ait jamais existé, comme les extraterrestres.

— Ouais, sauf que d’après les légendes, l’Atlantide serait vers les îles Canaries, pas en Grèce.

— Ah ? OK, ben on ira s’entraîner en Grèce d’abord puis on partira vers les îles Canaries ensuite. Au fait, pour rester dans les mythes, tu sais qu’on est pile là où des gens ont vu un vaisseau spatial plonger au fond de la baie il y a vingt ans.

Matt jeta un regard amusé vers son cousin.

— Sérieux ?

— Ouais, j’ai entendu les anciens en parler au bistrot l’autre jour. C’est fou que ce genre d’histoire puisse exister…

— Tu y crois, toi ? demanda Matt, amusé de voir Henri intrigué par ce genre de ragot.

— Non… enfin je n’sais pas… si plusieurs personnes l’ont vu. Enfin, ils ont vu quelque chose, probablement. Quant à savoir ce que c’était…

— Eh ben, si on trouve la moindre chose dans la baie qui ressemble à quoi que ce soit d’extraterrestre, je te paye la bouillabaisse ce soir !

— Marché conclu !

Alors qu’ils enfilaient leur équipement, Henri changea encore de sujet.

— Au fait, tu as revu cette fille que tu avais rencontrée il y a deux mois ? Tu m’avais dit que ça avait l’air bien parti...

Matt serra légèrement les sangles de son gilet avant de répondre.

— Elle a commencé à me répondre de moins en moins, puis un jour, je l’ai vue à la terrasse d’un restaurant avec un mec, genre grosse caisse et pété de thunes.

Henri grimaça.

— Ah, merde. Encore une opportuniste… Vraiment désolé.

— Pas grave, répondit Matt avec un sourire de façade. J’ai l’habitude à force.

Henri posa une main sur son épaule avant de prendre son masque.

— Allez, à l’eau ! Et on oublie les soucis !

Ils plongèrent en se jetant en arrière. La fraîcheur de l’eau les enveloppa aussitôt, coupant le bruit du monde en surface. Lorsque l’écume créée par le plongeon se dissipa, tout changea autour d’eux, comme s’ils entraient dans un monde nouveau. Tout était bleu, baigné dans la lumière du soleil qui traversait la surface jusqu’au fond, situé à une trentaine de mètres. La surface immergée était tapissée d’algues et de roches de différentes tailles, certaines recouvertes de coraux.

Matt se sentait enfin à l’aise. L’ambiance mystérieuse et silencieuse lui procurait une certaine paix. Il resta immobile quelques instants, profitant de l’effet d’apesanteur, puis nagea vers le fond, juste derrière Henri. Ce dernier attira son attention en pointant un petit trou dans une formation rocheuse. Il sortit un morceau de chair de poisson de son sac et le laissa dériver vers l’ouverture. Une murène jaillit brusquement, refermant ses mâchoires sur l’appât. Matt, équipé de l’appareil photo sous-marin, profita de l’instant pour capturer l’action. Henri lui fit un signe de victoire avant de continuer l’exploration.

Ils progressaient lentement à travers l’immensité marine, quittant les falaises rocheuses qui menaient vers le rivage pour aller en direction du large, tout en restant à proximité du bateau et gardant l’ancre comme point de repère. Le fond marin s’étendait sous eux comme un vaste désert aquatique, parsemé de dunes mouvantes sculptées par les courants. De temps à autre, une étoile de mer solitaire reposait sur le sable, immobile, tandis que des bancs de poissons transparents glissaient entre les faisceaux de lumière filtrant depuis la surface. Des anémones ondulaient mollement sur les rares formations rocheuses, déployant leurs tentacules dans un ballet hypnotisant. Plus loin, un petit crabe à la carapace tachetée s’enfouit précipitamment sous le sable au passage des deux explorateurs, ne laissant derrière lui qu’une fine trainée. L’eau était d’un bleu sombre et profond, presque mystique, et chaque mouvement des plongeurs soulevait une fine brume de particules en suspension, comme une poussière d’étoiles dérivant dans l’infini océanique. Les coraux semblaient danser sous la légère houle. De temps en temps, un poisson coloré surgissait, fuyant leur présence. Mais plus ils avançaient, plus l’environnement changeait.

Ils atteignirent une zone où le sol marin était étrangement vide. Matt expira lentement, laissant les bulles s’élever vers la lumière lointaine. Sous lui, une immensité sablonneuse s’étendait, d’une monotonie presque irréelle, une vaste étendue de sable fin, sans la moindre roche ni la moindre structure corallienne.

Henri, n’y voyant rien à observer, fit demi-tour et fit signe à son cousin de le suivre, revenant vers les récifs. Matt nageait légèrement en retrait quand un éclat vers une grosse roche à demi enfouie sous le sable attira son regard. Il était quasiment certain d’avoir vu une petite lumière clignoter deux fois au fond d’une fissure. Peut-être était-ce l’éclat d’un métal tombé d’un bateau, un bijou ou une montre en or. Ce genre de chose arrivait assez fréquemment.

Curieux, il s’approcha et vit un poisson aux couleurs éclatantes s’y engouffrer. Sans réfléchir, il le suivit. La fissure était assez large pour qu’il puisse s’y faufiler. Avec sa lampe fixée sur sa tempe, il examina chaque recoin à l’intérieur lorsque, du coin de l’œil, il revit ce clignotement à peine perceptible. Pourtant, il ne distinguait rien de précis.

Une chose était sûre : ce n’était pas un simple reflet métallique provoqué par le soleil. L’éclat semblait venir de l’intérieur même de la roche, un endroit où la lumière extérieure ne pouvait pas pénétrer.

Cette fois, le clignotement réapparut sous ses yeux. Il comprit alors pourquoi il ne l’avait pas remarqué plus tôt : la source de la lumière était enfouie sous le sable. Il frotta le sol de sa main, mais cela ne fit que soulever un nuage de particules, obscurcissant sa vision. Il insista malgré tout, sentit qu’il appuyait sur quelque chose, comme un interrupteur, puis, soudainement, son corps entier fut happé dans la fissure. Il sombra dans l’obscurité, laissant Henri seul, qui n’avait rien vu de la scène.

CHAPITRE 2:

UN INTRUS DANS LA CITÉ

L’obscurité l’enveloppait entièrement. Son corps se raidit sous l’effet de la pression tandis qu’un frisson glacé lui parcourait l’échine. Ses poumons se contractèrent, et l’instinct lui cria de lutter contre cette attraction invisible, mais c’était inutile.

Un flash lumineux jaillit soudainement, l’aveuglant. Tout son corps fut secoué d’un spasme violent, et avant même qu’il ne comprenne ce qui se passait, il fut projeté hors de l’eau, s’échouant brutalement sur une surface sableuse, son corps secoué par la transition brutale entre les profondeurs et cet endroit inconnu. Il retira machinalement son détendeur, même si sa respiration était haletante, comme s’il venait de faire une course effrénée. La chaleur d’un soleil inconnu caressait sa peau humide, contrastant avec la fraîcheur de l’eau qu’il venait de quitter. Il n’entendait qu’un sourd bourdonnement à ses oreilles et il n’avait plus la force de bouger. Son corps semblait vidé de toute énergie, son esprit flottant entre conscience et inconscience.

Autour de lui, la lagune s’étirait en un miroir d’eau cristalline, reflétant un ciel légèrement irisé. Les berges étaient bordées d’une végétation étrange, composée de plantes aux feuilles effilées et translucides, parcourues de reflets violets scintillants sous le soleil. De hautes tiges aux extrémités luminescentes ondulaient doucement au gré du vent marin, émettant par moments une faible phosphorescence. L’air était saturé d’un parfum inconnu, à michemin entre le sel marin et une senteur florale envoûtante.

Juste avant que ses paupières ne se ferment, il aperçut deux silhouettes se découper contre le ciel éclatant. Des voix s’élevèrent, mais il ne comprit aucun des mots prononcés. Puis, tout devint noir.

Les deux silhouettes s’immobilisèrent, les yeux écarquillés, en découvrant la forme inerte sur la plage. Le premier, un homme élancé à la peau singulièrement bleutée et aux cheveux sombres coupés court, s’accroupit prudemment à côté du corps étendu. Il observa les vêtements étranges de Matt, s’interrogeant sur leur nature. Il n’avait jamais vu une telle combinaison auparavant. Il posa une main sur la poitrine de l’inconnu et sentit la lente montée et descente de sa respiration. Il était vivant.

— C’est… c’est un animal ? murmura la deuxième personne, une femme à la chevelure argentée et, à la différence de son compagnon, une peau d’une nuance rosée et claire.

Le regard de la femme était empli de curiosité et d’inquiétude, n’osant s’approcher davantage. L’aspect de cette créature inconnue était des plus étranges, avec ses pieds palmés, sa peau noire et bleue avec un trait jaune sur les côtés et son œil unique et disproportionné par rapport à son crâne.

L’homme secoua la tête, plissant les yeux.

— Non… Regarde son visage. C’est un terrien… Un homme de la surface !

Elle recula légèrement, son expression oscillant entre la surprise et la crainte.

— Tu… tu es sûr ? Le Grand Sage nous a pourtant expliqué que les terriens d’en haut nous ressemblent parfaitement !

— Mais oui, regarde ! Il porte d’étranges vêtements, ceci dit… ce doit être un équipement pour leur permettre de vivre sous l’eau… cela expliquerait sa présence ici, juste devant le dessalinisateur…

— Comment est-ce possible ? Personne n’a jamais trouvé notre monde ! Il ne devrait pas être ici !

— Et pourtant, il l’est. Il a l’air en difficulté, nous ne pouvons pas le laisser là. S’il a traversé la barrière atmosphérique, il a peut-être subi un transfert…

L’homme hésita un instant avant de se redresser.

— Nous devons prévenir le Grand Sage. Lui seul saura quoi faire.

Avec précaution, ils hissèrent son corps inconscient sur une charrette rudimentaire. Sans perdre de temps, ils avancèrent le long d’un chemin sablonneux bordant la lagune. Le sol était doux sous leurs pas, et l’eau scintillait d’un éclat irréel sous la lumière ambiante, comme un miroir liquide reflétant le ciel d’un bleu profond.

***

Lorsqu’il reprit conscience, Matt se retrouva allongé sur une surface lisse et froide. Il ouvrit péniblement les yeux. Sa vision, d’abord trouble, s’adapta progressivement à la lumière, distinguant alors des murs blancs, arrondis, lisses comme de la porcelaine, qui formaient une sorte de bulle hermétique. Tout semblait d’une pureté irréelle, comme si la pièce avait été sculptée dans un matériau inconnu. Il voulut bouger, mais ses muscles étaient engourdis, comme si son corps refusait encore de répondre à son esprit.

Il portait encore sa combinaison mais son masque, ses palmes ainsi que sa bonbonne d’oxygène avaient été retirés. Ces éléments n’étaient d’ailleurs pas dans la pièce.

Il ferma les yeux un instant, essayant de remettre de l’ordre dans ses souvenirs. Il se rappelait qu’il était sous l’eau, d’avoir été tiré soudainement sans savoir pourquoi ni comment et d’être sortit subitement hors de l’eau. Mais que faisait-il sous l’eau ? Comment s’y était-il retrouvé ? Était-il avec quelqu’un ou était-il tout seul ?

C’était le trou noir absolu et cela l’angoissait. Il cherchait des souvenirs plus anciens mais rien ne lui venait, si ce n’était des choses simples. Il savait encore qui il était, ce qu’il aimait faire, mais les visages et les noms de ceux qu’il avait côtoyés s’étaient évaporés, comme s’ils n’avaient jamais existé.

Son cœur s’emballa, sa poitrine oppressée par une montée de panique. Un vertige le prit, l’obligeant à rester allongé. Il lui sembla que la lumière ambiante, dont la source lui était inconnue, s’intensifia légèrement et il ressentit une chaleur apaisante qui le calma comme par enchantement. Il reprit une respiration calme et préféra se détendre en attendant d’avoir des réponses en temps voulu, encore trop épuisé pour réfléchir davantage.

***

Dans une salle immense au plafond qui semblait inexistant, baignée d’une lumière douce émanant des parois elles-mêmes, une silhouette féminine, assise de manière incongrue sur un grand trône majestueux, se tenait face à un écran ovale suspendu dans les airs. Son regard était fixé sur les images du monde de la surface qui y défilaient, représentations des différentes civilisations passées et présentes de la Terre.

Découvrir l’histoire de ce peuple était son passe-temps favori, fascinée par ce monde si diversifié et aux coutumes parfois bien étranges. Elle aurait pu donner n’importe quoi pour monter à la surface et explorer cette civilisation.

Alors qu’elle était plongée dans sa lecture, la porte de la salle du trône s’ouvrit à la volée et le Grand Sage, son plus éminent conseillé, entra d’un pas précipité.

— Votre Majesté ! Votre majesté ! s’exclamait-il, le souffle légèrement coupé.

— Voyons, Grand Sage, dit-elle calmement d’un ton amusé. Vous voilà bien perturbé…

Cela l’amusait de voir cet homme à la silhouette courbée mais au regard intelligent être dans un tel état d’affolement, lui qui était pourtant si calme de coutume.

— Princesse, dit-il entre deux souffles, il y a un intrus au sein même de la cité !

— Un intrus dites-vous ? s’étonna-t-elle. En êtes-vous sûr ?

— Tout à fait sûr, majesté ! Deux de vos sujets l’ont trouvé près du dessalinisateur, évanoui. Je l’ai fait mettre immédiatement en cellule de restauration mais j’ai ordonné la fermeture de la porte par sécurité.

— Il aurait donc traversé la barrière… et il est en vie ?

— Fortement secoué, majesté. Mais sa vie n’est pas en danger.

La princesse Cynella plissa légèrement les yeux. Un étranger était ici. Un homme du monde d’en haut. Depuis leur arrivée, personne n’avait jamais pénétré leur sanctuaire. Ils avaient pris toutes les précautions nécessaires pour éviter d’être découverts… et pourtant, cet homme était là.

— Montrez-le-moi, s’il vous plait, demanda-t-elle en se levant de son trône et écartant son écran de son passage.

Le Grand Sage l’emmena dans une petite salle annexe où d’autres écrans étaient disposés sur les murs arrondis. Il en saisit un pour l’amener vers lui, pianota dessus quelques commandes et l’image d’une des cellules de restauration apparue.

— Tenez, princesse.

Cynella prit l’écran dans ses mains et observa ce fameux intrus. Ce dernier se relevait sur sa banquette, l’air perdu. Au premier regard, la princesse sentit une étrange sensation parcourir son corps, une vibration intérieure qui lui était totalement inconnue. Son souffle se coupa légèrement alors qu’une vague de chaleur lui traversait la poitrine. L’air autour d’elle sembla se charger d’une tension nouvelle, et même les murs de la grande salle frémirent imperceptiblement sous son émotion soudaine.

Le Grand Sage, se tenant à quelques pas derrière elle, ressentit immédiatement le bouleversement de la princesse et ce qu’il percevait à cet instant chez Cynella était d’une intensité inédite.

— Princesse… murmura-t-il avec prudence. Ressentez-vous quelque chose… d’inhabituel ?

Cynella garda le silence quelques instants, observant toujours l’homme sur l’écran. Il était différent de ce à quoi elle s’attendait en voyant un terrien pour la première fois. Sa présence l’attirait d’une manière inexplicable, comme si une force invisible liait leurs âmes sans qu’elle puisse en comprendre l’origine.

Elle inspira profondément avant de se tourner vers le Grand Sage.

— Que l’on envoie le guérisseur pour qu’il prenne soin de lui, ordonna-t-elle d’une voix douce et enjouée mais avec une pointe de nervosité. Je tiens à ce qu’il reprenne ses esprits afin de lui parler personnellement !

L’ancien la scruta un instant, surpris de cet engouement soudain.

— Princesse ! Et s’il était dangereux ?

— Je me mettrais en méditation cette nuit afin de sonder ses intentions. Si je trouve la moindre hostilité, nous le renverrons parmi les siens.

Il hésita, mais s’inclina respectueusement avant de quitter la salle.

Cynella reporta son attention sur l’image de l’homme qui, à présent, tentait de se lever, les sourcils froncés d’incompréhension. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire en l’observant, son cœur battant fortement dans sa poitrine et ses mains faisaient trembler l’écran qu’elle tenait.

Il était tellement beau. Elle devait absolument le rencontrer.

***

Le guérisseur du palais entra dans la cellule, accompagné d’une assistante qui portait un plateau avec un flacon et un petit pot en terre cuite qu’elle déposa sur une tablette attenante au mur. Il s’approcha de Matt qui le regarda, un peu hébété, mais compris qu’il devait être docteur au vu de ses vêtements blancs. Intérieurement, il était méfiant, et pourtant, il se sentait étrangement serein, une quiétude inhabituelle en lui, comme si toute tension avait été effacée de son esprit.

— Comment vous sentez-vous ? demanda le guérisseur à Matt en s’asseyant à côté de lui.

Ce dernier cligna des yeux plusieurs fois, cherchant à se sortir de son état apathique.

— Je… suis fatigué… déboussolé… où est-ce que je suis, d’ailleurs ?

— N’ayez aucune crainte, dit le guérisseur d’une voix apaisante. Vous êtes dans une cellule de restauration. L’apaisement que vous ressentez, ce sont les ondes harmonisantes de cette pièce. Elles calment l’esprit et restaurent l’équilibre du corps.

Matt fronça légèrement les sourcils. Il n’avait jamais entendu parler d’une telle technologie. Était-ce un délire « new age » ? Il était peut-être tombé entre les mains d’une secte…

— Comment vous appelez-vous ? demanda le guérisseur.

— Je… euh…

Il ne savait pas quoi répondre. Même son nom semblait s’être effacé avant de revenir subitement :

— Matt ! Je… m’appelle Matt.

L’hésitation du jeune homme ne passa pas inaperçue aux yeux du guérisseur.

— Êtes-vous sûr que ça va ? Nausées ? Vertiges ? Pertes de mémoire ?

— À vrai dire… Je n’arrive plus à me souvenir de rien…

— Je vois. Le choc que vous avez subi vous a fait perdre la mémoire. Ça ne devrait pas être définitif mais cela peut durer quelque temps…

— Perdre la mémoire… ? répéta Matt, complètement dans le cirage.

Tandis que le guérisseur prenait des mesures avec un petit appareil et en lui tenant le poignet, Matt porta son attention sur l’assistante qui s’affairait sur son plateau. Il remarqua alors une chose des plus étranges : la teinte de sa peau était comme violacée mais dans une nuance très claire. Cela faisait pourtant très naturel et la femme en question était très belle mais il n’avait jamais vu la moindre personne avec une telle couleur.

Après avoir versé le liquide du flacon dans le pot en terre cuite, l’assistante s’en alla, adressant un sourire au patient.

— Dites…, souffla Matt au guérisseur, sans vouloir être indiscret… pourquoi la peau de cette dame semble… enfin, pourquoi est-ce que…

— Vous vous demandez pourquoi sa peau est différente ? ajouta le guérisseur avec un sourire. Elle vient de la région de Brunella. Làbas, tous les habitants ont des nuances de violet sur leur peau, un trait distinctif de leur lignée. Cela vient en partie de la culture de plantes contenant un pigment coloré qui agit sur la mélanine cutanée. Je pense que, même vous, vous pourriez avoir une légère teinte si vous en mangiez pendant quelques années. L’atmosphère y joue également un rôle.

Matt hocha lentement la tête, tentant d’assimiler cette nouvelle information bien qu’il n’était pas certain de pouvoir comprendre. Il connaissait parfaitement tout le bassin méditerranéen et il était sûr qu’il n’y avait pas de région qui s’appelait Brunella. Et des plantes qui changeaient la couleur de peau ? Peut-être un nouveau « truc à la mode ».

— Vous allez vous remettre assez vite, dit enfin le guérisseur en se levant.

Il prit le pot contenant le liquide du flacon et le tendit à Matt.

— Buvez ceci, c’est un fortifiant. Cela va vous aider à reprendre des forces et désembuer votre esprit.

Matt prit le gobelet, sentit discrètement le contenu qui était inodore et en bu une gorgée. Cela n’avait pas de goût particulier mais il sentit que cela lui faisait du bien. Il s’assit au bord de la banquette avant de finir le breuvage.

Matt sentit alors tout l’effet inverse, une étrange lourdeur l’envahir. Son corps s’était vidé de toute énergie, et malgré l’agitation de son esprit, un voile de fatigue l’obligeait à relâcher prise. Il savait que sa situation était hors du commun, mais il n’avait plus la force d’y réfléchir. Il s’allongea sur la banquette, ferma les yeux et s’endormit aussitôt.

Le guérisseur du palais, après avoir longuement observé son patient, s’approcha du Grand Sage qui venait d’entrer discrètement dans la pièce.

— Il se porte bien, mais son corps a subi un stress considérable. Son adaptation à notre atmosphère est stable, mais nous ne savons rien des effets à long terme. Je préfère qu’il reste sous surveillance pendant deux ou trois jours.

Le Grand Sage hocha la tête, observant le jeune terrien profondément endormi sur la banquette arrondie de la cellule de restauration.

— C’est une précaution raisonnable, murmura-t-il. Après tout, nous ignorons encore si sa présence ici pourrait causer un déséquilibre.

Le guérisseur acquiesça, posant une main sur l’un des panneaux muraux qui diffusait une lumière douce et apaisante.

— Il est dans un état de sommeil profond. La pièce amplifie cet effet pour que son corps récupère plus vite. Son esprit reste cependant… tourmenté.

Le Grand Sage releva les yeux vers lui, intrigué.

— Tourmenté ?

— Oui. Il semble qu’il ait perdu une partie importante de sa mémoire. En traversant la barrière d’énergie, il a dû subir un transfert, lui causant cette amnésie.

Le vieillard passa une main sur sa barbe.

— Il a survécu, c’est déjà un miracle. Mais cette perte de mémoire… pourrait-elle altérer son comportement ? Le rendre agressif ?

— Difficile à dire… Je ne connais pas suffisamment l’esprit des terriens pour en tirer des conclusions. Mais mes premières impressions sont positives.

— Nous devons rester prudents. Il est peut-être arrivé ici par accident, mais nous ignorons tout de son passé et de ses intentions. La princesse insiste cependant pour le rencontrer quand il sera rétabli. Elle a décidé de le sonder cette nuit.

— Espérons qu’elle sait ce qu’elle fait…

— Notre princesse est sage, répondit le Grand Sage en quittant la cellule. Remettons-nous-en à elle.

CHAPITRE 3:

UN ÉTRANGE HÔPITAL

Matt ouvrit les yeux avec difficulté. Un léger fourmillement parcourait ses membres, encore engourdis par le sommeil profond dans lequel il avait été plongé. Il mit un moment à se rappeler où il se trouvait, mais la lumière diffuse émanant des parois arrondies de la cellule lui rappela immédiatement qu’il n’était pas chez lui… où que puisse être ce « chez lui ».

Alors qu’il se redressait lentement, une porte invisible sembla s’activer d’elle-même, glissant silencieusement sur le côté, faisant sursauter Matt. Le guérisseur entra alors, un sourire aux lèvres, portant un plateau chargé de divers fruits.

— Je vois que vous vous sentez mieux, dit-il.

— C’est vrai… Je me sens étrangement bien.