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Après une année de formation intensive, Spiros est envoyé comme astro-pilote sur le site d'Alpha-3, tandis que Julius est assigné comme aide stratégique sur le vaisseau amiral Odysséas. Au cours de leurs actions, les deux agents se rendent compte de l'enjeu que représente le conflit et alors que la Police Spatiale subit ses premières pertes, la peur et le doute s'installent dans l'esprit des défenseurs de la septième colonie. Lorsqu'un officier est capturé par les forces black-trons, une expédition périlleuse va envoyer nos héros au coeur de l'armée ennemie pour tenter de le sauver, sans se douter qu'un danger encore plus grand se prépare. En ces temps sombres, ils devront faire appel à tout leur et leur Foi pour ne pas succomber aux sentiments néfastes que la colonie a rejeté pendant soixante-dix ans. Toujours dans une ambiance Spacesynth, ce deuxième volet des aventures de la Police Spatiale vous emmènera plus loin dans le système Promesso, où l'homme tente désespérément de construire un monde sans violence. Mais dans la nuit la plus obscure, une lumière sera éternellement présente pour guider l'humanité...
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Seitenzahl: 405
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Le monde reste persuadé d’être la raison même,
alors qu’il s’enfonce inexorablement dans les
tréfonds de son ignorance. Mais celui ou celle qui
s’humiliera et admettra cette ignorance trouvera
grâce aux yeux de Celui qui l’élèvera.
L.A. TRAUMER
****
« Le synthétiseur est le seul instrument à
caractériser la science-fiction spatiale. Probablement
une institution de la pop culture »
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT ET UN
EPILOGUE
Dans le silence et la plénitude de l’espace, deux vaisseaux étaient en approche de l’orbite de Jéricho, seconde lune de la planète Tôma.
Le premier était un croiseur de combat Commander aux couleurs bleu et noir, d’une vingtaine de mètres, arborant le signe de la Police Spatiale de Terre Nouvelle sur les flancs. Les vitres et la verrière étaient d’un rouge vif comme le sang.
Le second était un chasseur Protector aux mêmes couleurs que le Commander qui le précédait.
À l’instar des trois autres lunes de Tôma, Jéricho était sans atmosphère et avait une attraction quasi nulle. Pauvre en ressources nécessaires pour la colonie, elle n’était nullement exploitée et aucune activité minière n’était présente. Son seul intérêt pour la colonie était uniquement scientifique mais depuis le conflit avec les unités Black-Trons, le site était utilisé par la Police Spatiale comme base d'observation et de surveillance.
— C-03 à PR-21 ! appela le navigateur du Commander dans le communicateur. Hé, le bleu ! Ne te colle pas aussi près de mon aile droite ! S’il y a la moindre perturbation extérieure, je peux t’envoyer valser dans les étoiles !
— Compris, C-03 ! répondit le pilote du PR-21.
Ce dernier soupira d’exaspération. Depuis des jours, Spiros subissait ce genre de brimade et réprimande de la part de ses aînés, bien qu’aucune ne soit réellement méchante. Ça devenait simplement agaçant à la longue, comme s’il était empoté et ignare, lui qui avait des années d’expérience de navigation sur des satellites de surveillance et d’astronefs. Et puis sur Jéricho, qui était dépourvue d’atmosphère, quelle perturbation pouvait-il y avoir ?
Il ne tarda pas à avoir la réponse. Alors qu’il observait son écran de contrôle, une violente éruption de gaz et de roche se produisit en surface à seulement quelques mètres de lui, l’obligeant à manœuvrer pour esquiver quelques morceaux de pierres qui retombaient. Le Commander se déporta également afin d’éviter une collision avec le chasseur.
— Je te l’avais dit, le bleu ! railla le pilote du C-03. Et ne nous refais pas des acrobaties comme sur Shimon !
Spiros ragea intérieurement. Cette expédition sur Jéricho était enfin l’opportunité de briller et voilà qu’il faisait déjà une erreur de conduite. Bien qu'il s'agisse d'une mission de sécurité d'un mois, c'était de loin la plus importante qu'il avait jamais effectuée depuis son accréditation en tant qu’astropolicier.
D’ordinaire, les agents de la Police Spatiale étaient destinés à la protection des sites de forage et de minage, mais cette fois-ci, c’était un tout autre lieu qu’ils devaient défendre.
Station Alpha-3. Ainsi était le nom de ce poste d’observation utilisé pour la surveillance du Lunar Centaury. Il y a cinq ans, c’était encore un centre d’astronomie réservé à l’examen des planètes du système Promesso situées au-delà de la première ceinture d’astéroïdes. Ces planètes étant difficilement visibles depuis Terre Nouvelle, Jéricho représentait une zone idéale pour une structure de ce genre.
Sa position actuelle la plaçait sur un angle ouvert à l’ensemble des révolutions présentes entre la première et la seconde ceinture et ne sera cachée derrière Tôma que dans une vingtaine d’années.
Mais avec l’apparition de la Lune Noire dans l’orbite de Yohanan, une surveillance constante de celle-ci devint une priorité et Alpha-3 fut alors réquisitionnée par la Police Spatiale.
Lorsqu’ils arrivèrent en vue de la station, Spiros annonça leur approche :
— Ici chasseur d’escorte PR-21, matricule B24-DCFSP, accompagné du croiseur C-03, Matricule B22-XVDSP. Nous demandons autorisation d’atterrir.
— Alpha-3 à PR-21, leur répondit une voix dans le communicateur. Autorisation accordée. Plateforme d’alunissage dégagée, vous pouvez vous poser.
Une relève des agents occupant Alpha-3 était effectuée tous les mois, déchargeant par la même occasion du ravitaillement en matériel, eau et vivres.
Spiros était de cette relève : avec son Protector, sa tâche était d’accomplir des rondes autour de la station en vol à basse altitude, afin de s’assurer qu’aucun ennemi n’était à proximité.
Les deux vaisseaux traversèrent un tunnel creusé dans la roche qui débouchait sur un cratère. Celui-ci était délimité par des pics rocailleux recourbés comme des griffes qui donnaient un aspect sinistre au reste du décor déjà lugubre.
Au centre se trouvait Alpha-3, un bâtiment cubique flanqué d'une tour radar rotative. Plus loin, un télescope géant était relié au complexe par un couloir semblable à ceux de l’académie. Le cratère formait une protection naturelle contre les météorites qui bombardaient la surface de la Lune, éliminant ainsi la nécessité de tourelles laser qui pourraient trahir la présence d’activités humaines.
Une grande plateforme entourée de panneaux réflecteurs servait de piste d’alunissage pour les vaisseaux de petite et moyenne taille. Un véhicule à chenilles, équipé de fourches frontales, était garé sur le côté, servant à décharger les caisses et les conteneurs des cargos pour les transporter vers un entrepôt modeste.
Le site était faiblement éclairé pour ne pas révéler la présence d’Alpha-3. Pour atteindre la plateforme en toute sécurité, les deux vaisseaux suivaient un chemin tracé dans leur ordinateur de bord.
Spiros entama sa descente sur la piste après que le croiseur eut terminé son alunissage. Lorsque les réacteurs eurent refroidi, les agents déchargèrent la soute du croiseur. L’un d’entre eux approcha le véhicule à chenilles et sortit une caisse lourde qu’il déposa soigneusement au sol. Spiros et un troisième agent l’ouvrirent ensuite pour en retirer d’autres, plus petites.
— Faites attention avec celle-ci ! s'écria un homme aux deux astropoliciers qui soulevaient la première d’entre elles. Son contenu est très fragile, si vous le cassez, vous irez en chercher un autre sur Terre Nouvelle !
L’homme en question portait une combinaison blanche et grise avec le logo Exploria sur la poitrine. Son casque était gris avec une visière jaune fluorescente.
— C’est lui, le scientifique ? demanda Spiros à son camarade.
— Oui. C'est Jody Corson, responsable du département spatial d’Exploria. Il a piqué une colère auprès du Conseil de Centralville lorsqu'ils ont décidé de prendre sa base comme poste de surveillance. Il a réussi à négocier un compromis afin de continuer ses études d’observation tous les six mois en échange de l'accès à certaines de ses recherches.
Ils déposèrent la caisse dans le sas d’entrée et activèrent la pressurisation. Une fois l’air stabilisé dans la pièce ils retirèrent leur casque.
— Il a l'air austère, non ? fit remarquer Spiros en secouant ses cheveux noirs en bataille, humidifiés par les heures de vol.
— Tu n’es pas au bout de tes peines avec lui, répondit son camarade. Il paraît qu’il est invivable.
— Génial…
— Allez, laissons ça là et allons chercher le conteneur de déchets.
— Qu’est-ce qu’on va en faire ?
— On va le charger dans la soute du vaisseau, pardi ! Les détritus sont récupérés pour être envoyés directement sur le soleil pour être détruits.
Ils se dirigèrent vers une pièce spéciale où étaient entreposées deux caisses identiques à celle qu’ils avaient apportée. Un dispositif électronique sur chacune d’elle indiquait leur taux de remplissage. L’une était pleine. Pierrik, le camarade de Spiros, le désamorça et ferma son écoutille puis il procéda à l’échange avec la seconde qui était vide.
Pierrik avait encore un visage jeune, mais ses cheveux étaient déjà grisés sur l’ensemble. Il portait une barbe naissante et ses yeux clairs semblaient analyser chaque objet qu’il manipulait. Son corps efflanqué et ses bras minces mais solides lui conféraient cette allure caractéristique des bricoleurs et des mécaniciens. Ses mains, quant à elles, semblaient taillées dans la pierre, tant elles étaient habituées au travail.
Les caisses étaient équipées d'un système de roulettes permettant de les déplacer d'une simple poussée et qui les arrêtaient à l'approche d'un obstacle sur leur trajectoire.
— Il y avait un système différent sur les conteneurs chez M:Tronic, fit remarquer Spiros. On les déplaçait grâce à un procédé magnétique : une borne était logée sur le dessus des caissons pour que les bras articulés puissent les agripper et les transférer. Ils étaient ensuite acheminés vers les cargos sur un tapis roulant.
— Ah oui ? Tu étais chez M:Tronic ?
— Ouais. Il y a plus d’un an que je suis parti maintenant.
— Pour quelles raisons ?
Spiros redoutait cette question à chaque fois.
— Je… voulais changer de routine, répondit-il simplement.
— Je te comprends. Pour mon premier boulot, j’étais dans le service de maintenance de la ville, mais comme je m’ennuyais à mourir, j’ai demandé à être transféré dans l’usine de montage de Futur-On. Tu étais présent lors du grave incident qui s’était produit sur Képhas ?
Et voilà ! pensa-t-il. Je devrais apprendre à me taire…
— Non, mentit Spiros. J’étais déjà parti quand c’est arrivé.
— Ah, d’accord…
Il n’insista pas sur le sujet.
Pierrik était un agent de service qui était spécialisé en maintenance aérospatiale. Il travaillait depuis trois ans en tant qu’astromécanicien pour le corps défensif de la colonie, après avoir été assembleur chez Futur-On dans la construction des vaisseaux d’exploration interplanétaire. Sa mission sur Alpha-3 consistait à s’occuper de l’entretien du chasseur de Spiros après chaque ronde ainsi que de l’ensemble de la station.
Après le déchargement et le rangement complet du matériel, l’équipe qui rentrait sur Terre Nouvelle embarqua à bord du Commander, laissant l’autre groupe prendre place sur la base.
Les dortoirs étaient similaires à ceux de la caserne : des lits dans des box empilés sur deux niveaux. Les matelas étaient cependant tout à fait confortables et malgré l’espace restreint à l’intérieur des caissons, ceux-ci étaient assez bien équipés.
Les douches étaient limitées à une seule par personne tous les trois jours et un planning était mis en place afin que tous puissent s’organiser, ceci dans le but d’économiser les réserves au maximum, les stocks d’eau et de nourritures étant uniquement prévus pour la durée de la mission d’un mois.
L’équipe était constituée de cinq personnes en tout : Spiros, qui était principalement chargé de la surveillance en extérieur, Pierrik qui assurait la maintenance, le caporal Abell et l’agent Godrik, tous les deux assignés aux postes de contrôle radar, et le scientifique Jody Corson qui menait ses propres activités d’études et dirigeait l’établissement.
La tâche de Spiros se résumait à voler en basse altitude autour du cratère afin de repérer les lieux. Il estima que cette surveillance était tout à fait futile, car aucune autre activité humaine n’était présente sur cette Lune. Il avait le sentiment amer d’avoir été relégué à cette tâche inutile à cause de son incompétence hasardeuse. Lui qui pensait pouvoir se distinguer…
Après relecture de son ordre de mission, Spiros avait compris que cette mesure était prise après la découverte de nouvelles stations radars black-tron sur les satellites naturels de Shimon et Képhas. Il se posait cependant la question suivante : si une autre infrastructure était repérée, quelle serait la procédure à observer ?
Rien de ce qu’il avait appris à l’Académie de police ne concernait ce genre de situation et lors du briefing, rien n'avait été dit à ce sujet. Evidemment, Spiros n'avait pas eu l'esprit de demander.
Jéricho se trouvait bien loin de Terre Nouvelle, avec le Lunar Centaury entre les deux. La moindre communication mettait des jours à arriver à Neyria et les Black-Trons pouvaient parfaitement intercepter les messages. Corson avait expliqué, lors d’un repas, que pendant les trois prochaines semaines, Terre Nouvelle, Képhas et Tôma seraient en parfait alignement avec la base sidérale ennemie, réduisant considérablement la fenêtre de sortie en cas d’attaque.
Le chasseur de Spiros, équipé d’un caisson spécial afin d’embarquer la troupe entière à bord, ne suffirait pas à atteindre Képhas, même avec un maximum de carburant dans le réservoir et ses batteries EP chargées. Ce type d’appareil n’était pas prévu pour les longues distances comme l’avait précisé Niki lors des cours théoriques sur le pilotage, bien que Pierrik avait affirmé être apte à le modifier pour le rendre plus autonome.
L’équipe actuelle était venue à bord du Destiny jusqu’à la Révolution de Philippos avant d’être acheminée avec le Commander et le Protector. Or le vaisseau amiral ne reviendrait pas avant plusieurs semaines. Quand il y repensa, Spiros n’était guère rassuré par la situation, mais il avait accepté cette mission et tenait à faire du zèle pour montrer ses capacités.
***
Un matin, Spiros était à bord de son Protector dans le hangar pressurisé de la station. Pierrik effectuait des réglages sur le dispositif de navigation et Spiros lui communiquait les indications affichées sur son tableau de bord. Un des soucis majeurs de ce type d’appareil était le déréglage du mécanisme de guidage après plusieurs heures de vol, dû à un bug du sous-système de pilotage.
— Le problème peut être corrigé par une mise à jour du microprogramme de la carte mère principale, expliqua Pierrik en pianotant sur un moniteur relié au chasseur. J’ai bien fait de prendre cette console de commande pour te la faire. Sans ça il m’aurait fallu le rectifier manuellement après chacune de tes rondes.
— Ils ne pouvaient pas le faire avant ? demanda Spiros en sortant la paille de sa gourde.
Bien qu’alimenté en oxygène, le hangar n’était pas pressurisé afin d’économiser les générateurs d’énergie. Tout ce qui était liquide flottait donc comme des bulles, d’où l’utilisation de ces gourdes. Le mécanicien se déplaçait avec des semelles magnétiques pour adhérer au sol, mais Spiros se mouvait dans les airs en prenant appui sur tout ce qu’il trouvait, s’amusant de bouger ainsi.
— La faille a été découverte il y a quelques mois, mais la mise à jour n’a été finalisée que récemment. Avec le nombre important de chasseurs dont dispose la Police Spatiale, on attendait que les résultats soient suffisamment probants pour la déployer à l’ensemble des machines. On peut dire que tu sers de cobaye actuellement.
— Super ! Et si je rate une manœuvre d’évitement à cause d’une défaillance technique ?
— T’inquiète ! rassura Pierrik. J’ai déjà vu cette mise à jour à l’œuvre. En plus de ça, ton système de visée sera plus précis et le déplacement du curseur sera plus fluide.
— C’est vrai qu’il a tendance à saccader lorsqu’une cible est en vue.
— Bon ! Pendant que le programme se charge, je vais huiler le carter. Tu peux tirer la manette qui se trouve à côté de ta jambe gauche ?
— OK !
Il actionna la poignée en question, déclenchant un mouvement sous le fuselage. Une trappe s’ouvrit, permettant au technicien d’opérer.
— Pourquoi as-tu choisi de devenir pilote ? demanda ce dernier en graissant les mécanismes.
— Ben… J’ai toujours aimé diriger des appareils volants. J’en rêvais depuis que j’étais gosse. J’ai appris quand…
— Oui ?
Spiros s’était arrêté, conscient qu’il était de nouveau en train de parler de son passé.
— … quand j’étais chez M:Tronic dans les satellites de sécurité.
— Ah ! Tu conduisais ces engins ? J’en ai monté quelques-uns avant. C’était pour surveiller les zones d’approches des cargos, c’est ça ?
— Oui, oui. Je leur évitais de prendre des astéroïdes dans la face, en quelque sorte, ou de se rentrer les uns dans les autres. La ceinture est trop proche de Képhas pour y atterrir sans risque.
— J’imagine. L’atmosphère de Képhas n’est pas très dense en plus de ça…
— Le site minier était protégé par un champ d’énergie à haute concentration. Tout corps qui passait au travers était désintégré.
— Comment faisiez-vous pour traverser cette barrière, alors ? demanda le mécanicien curieux de cette technologie.
— Je ne saurais pas t’expliquer en détail, mais chaque véhicule était équipé d’un dispositif qui créait le même champ énergétique, permettant de passer sans encombre.
— Ah ! Je vois ! s’exclama Pierrik. Les deux champs doivent utiliser une dispersion d’énergie sur une fréquence identique. C’est comme si le vaisseau était dans une bulle de savon qui en rejoignait une autre plus grosse.
— Ouais… si tu le dis.
La porte qui donnait accès à la station s’ouvrit. C’était le professeur Corson, portant sous son bras une boite dont le contenu était inconnu. À l’instar de Spiros, il flottait dans les airs tout en se dirigeant vers Pierrik.
— Dites-moi, jeune homme, lui dit-il en tendant son carton. Installez-moi cet appareil dans le chasseur, voulez-vous ?
— Heu… qu’est-ce que c’est ?
— Un système de relevés géographiques, répondit-il simplement. J’ai besoin qu’il effectue quelques calculs de reconnaissance pendant que vous faites votre ronde.
Il laissa sa boite au pied de Pierrik et s’en alla. Arrivé vers la porte il se retourna et lança :
— Lorsque vous reviendrez, sortez la cassette qui se trouve dans l’appareil et ramenez-la vers moi au plus vite.
Puis, il repartit sans rien ajouter.
— J’hallucine ! s’exclama Spiros. Mais il se prend pour qui ? S’il vous plait et merci, il connaît ?
— Je te l’avais dit qu’il était spécial. Voyons son engin…
Il ouvrit la boite que le professeur avait laissée. C’était une carte mère avec des câbles et d’autres composants.
— Je vais m’amuser à installer ça moi, dit-il d’un ton ironique. C’est tout en pièces détachées !
— Tu en as pour longtemps ?
— Une bonne demi-heure, je dirais. Il y a aussi des réglages à faire…
— Bon, bah… je te laisse faire, dit Spiros en prenant ses aises dans le cockpit.
Pendant que le mécanicien s’affairait à sa tâche et tout en sirotant le contenu de sa gourde, Spiros se demandait ce que pouvait bien faire Julius en ce moment. Il avait appris avant de partir que ce dernier avait été assigné sur l’Odysséas. Il ne le verrait probablement pas avant son retour, les missions sur les vaisseaux amiraux étant parfois aussi longues que les postes de surveillance sur Alpha-3.
Il pensa ensuite à Nadeige. La nouvelle de sa relation avec cet abruti de Jude Beyller l’avait mis à mal et il ne lui avait plus parlé depuis la cérémonie d’adoubement. Elle lui avait laissé un message, un soir après son service, pour le convier à prendre un verre avec elle dans l’espace de détente, mais il avait été assigné à une ronde sur Shimon à ce moment-là.
Cependant, même s’il avait été disponible, il aurait sûrement refusé l’invitation. Il était inutile de se faire autant de souffrir à la voir régulièrement alors qu’elle était désormais inaccessible. Il avait bien essayé d’oublier ses sentiments, mais ces derniers étaient encore bien trop forts à l’heure actuelle. Il était si horrible d’aimer quelqu’un et de ne pas partager cet amour avec cette personne…
Tout ceci lui avait coupé l’appétit pendant plusieurs jours après la sortie de l’académie. Le médecin de la caserne sur Neyria lui ayant fait remarquer une perte de poids conséquente en peu de temps, il s’était mis à faire des séances de musculation intensives, lui redonnant l’envie de manger. Son corps avait alors repris ses formes en quelques semaines et même réaugmenté de volume. Son moral en revanche faisait des hauts et des bas. Seule sa foi nouvelle lui avait permis de tenir le coup.
Lorsqu'il prit conscience que Dieu lui avait adressé un message lors de son coma, il priait régulièrement quand il était isolé. Julius lui avait également donné un programme de lecture de la Bible et lui avait prêté sa version électronique en attendant de s’en procurer une.
Depuis ce jour, il avait reçu la guérison. Il ressentait de la joie dans son quotidien et ne pouvait s’empêcher de fredonner des louanges à n’importe quel moment.
Mais un doute persistait dans son cœur : si Dieu lui avait promis qu’il ne l’abandonnerait pas, pourquoi vivait-il autant de circonstances compliquées ? Pourquoi toutes ces difficultés depuis qu’il était agent ?
Il était submergé de ces questions et il lui était impossible de s'en débarrasser pour le moment.
Julius était penché sur la table holographique où plusieurs unités de la flotte miniaturisées étaient représentées. L’un d’eux était celui du vaisseau amiral Odysséas, en orbite stationnaire de Képhas depuis quatre jours, et rien jusqu’à présent ne s’était produit. Machinalement, il se gratta son crâne chauve en réprimant un long bâillement tout en observant sur un moniteur au-dessus de lui la planète minérale, rendue verdâtre par son atmosphère hautement riche en divers gaz.
La mission du puissant bâtiment était de protéger un gros cargo rempli de minerais de fer raffinés à destination de Terre Nouvelle. Ce chargement était destiné en majeur partie pour les ateliers de montage des vaisseaux destinés à la Police Spatiale mais également au matériel, véhicules et outils divers pour la colonie. Un convoi suffisamment important pour intéresser les Black-Trons, dont certains vaisseaux-espions avaient été repérés un peu plus tôt dans le secteur. De ce fait, les instances supérieures de la Police Spatiale redoutaient une attaque sur la procession, dont le contenu devenait vital pour la colonie. Depuis quatre jours, l’équipage était sur le qui-vive, prêt au combat, dans une ambiance tendue et pesante.
Le jeune Néo-sapiens avait été affecté sur l’Odysséas en tant qu’aide stratégique. Celui-ci savait pertinemment que c’était pour son intelligence qu’il avait été sélectionné et non pour son expérience. Seuls les grades de caporal et de sous-lieutenant étaient habituellement préposés à ce poste.
Depuis leur départ de Neyria, il réfléchissait à la situation sur cette table holographique afin d’anticiper les mouvements ennemis, mais il n’aboutissait à rien par manque de données. Les apparitions de vaisseaux black-trons étaient trop aléatoires, voire hasardeuses.
Après un examen approfondi sur les pertes engendrées sur les ressources à la suite des affrontements de ces trois dernières années, Julius avait déterminé que la quantité volée n’était pas suffisante pour l’ensemble de la base stellaire des Black-Trons. Autant d’efforts pour si peu de résultats… Julius, tout comme les officiers supérieurs, soupçonnait que cela cachait quelque chose. Ces ressources devaient probablement leur servir à autre chose qu’à l’expansion de leur infrastructure, à moins qu’il ne s’agisse d’agressions pour tester les défenses de la colonie et que d’autres, de plus grandes envergures, étaient à prévoir.
De plus, le Lunar Centaury allait entrer en alignement parfait avec Terre Nouvelle dans quelques jours, ne laissant que la ceinture d’astéroïdes comme obstacle entre les deux. Le haut commandement redoutait un assaut d’importante ampleur et une opération de contre-attaque était en discussion à Centralville. Cependant, l’incertitude était dans chaque point soulevé et il était difficile de prédire les actions de l’ennemi.
— Agent Derry ?
Julius releva la tête. C’était le capitaine Ferne. Il se redressa subitement et salua son supérieur. Par rapport à sa grande taille, il se rendit compte qu’elle était bien petite que lui.
— Repos, dit-elle. Est-ce que vous avez des nouvelles à me donner ?
— Pas le moins du monde, se résigna-t-il. Les actions de l’adversaire sont trop fortuites et illogiques. Quelque chose nous échappe ou alors ils ne sont absolument pas organisés. Il y a peut-être aussi autre chose de plus sournois.
— Ce n'est pas impossible, répondit-elle en hochant la tête. Depuis que nous sommes là, nous avons constaté une activité étrange à proximité, mais rien qui ne nous permette de tirer des conclusions. Enfin… Nous avons reçu une communication de Képhas : le convoi est prêt à décoller de la base, il sera à notre portée dans une heure. Nous partirons dès qu’il nous aura dépassés. Transmettez-moi toutes vos nouvelles observations. L’ennemi va probablement se mettre en activité à ce moment-là.
— Bien capitaine.
L’officier supérieur sortit en refermant la porte. Julius se laissa aller sur son fauteuil et il prit soudainement conscience de sa fatigue : cela faisait maintenant vingt-sept heures qu’il n’avait pas dormi. Il avait été tellement concentré sur son travail qu’il n’avait pas fait attention au temps écoulé. Il enfouit sa tête dans ses mains et se posa un moment pour récupérer. La porte se rouvrit à nouveau.
— Julius ?
Cette fois-ci, c’était Junie. Elle aussi avait été affectée sur l’Odysséas comme opératrice dans le hangar de vaisseau.
— Ah ! Bonjour Junie, dit-il en la voyant. Je ne t’ai pas entendu arriver.
— Est-ce que ça va ? demanda-t-elle. Tu es tout pâle.
— Je vais bien, ne t’inquiète pas.
— Je remarque bien que tu n’as pas pris ta pause depuis un moment, répliqua-t-elle. Tu as les traits de ton visage tirés par la fatigue.
— C’est vrai, admit-il. J’étais concentré sur mon travail.
— Allez, viens avec moi, insista-t-elle en lui saisissant le bras. Je partais manger. Allons-y ensemble.
— Désolé Junie, mais je n’ai pas le temps. Nous sommes en état d’alerte de niveau 1 et je dois évaluer la situation afin d’anticiper les actions ennemies.
— Tu n’y arriveras pas si tu tombes dans les pommes. Allez, viens te nourrir un peu !
Il finit par céder, battu par les grognements de son estomac, et accompagna sa camarade au réfectoire. Ils prirent chacun un plateau-repas et s’installèrent à une table. À la première fourchette, Julius se sentit revivre.
— Tu as bien fait de me sortir de ma planche holographique finalement, dit-il entre deux bouchées. Je n’avais pas constaté à quel point j’étais affamé.
— Je te l’avais dit, fit-elle remarquer. Tu es peut-être un peu trop exploité. Mais à toi aussi de t’organiser dans ton emploi du temps.
— Tu as raison. C’est ma première longue mission dans l’espace et je ne sais pas comment est la vie à bord d’un vaisseau amiral.
— Il faut s’arrêter de temps en temps, tout simplement.
— Il m’arrive d’envier Spiros, avoua-t-il. Il est en poste à Jéricho à faire des rondes de surveillance. Rien de plus tranquille…
— Mais si les Black-Trons attaquent de son côté ?
— Avec un seul chasseur, je doute qu’il puisse faire quelque chose. Son rôle consistera surtout à alerter la base pour l’évacuer.
— Dans ce cas, à quoi ça sert de faire des rondes sur une lune éloignée, où les communications mettent des heures à atteindre Neyria ?
— C’est un protocole obligatoire depuis la découverte des sites black-trons sur Damass. On doit s’assurer qu’ils ne cherchent pas à s’implanter sur d’autres planètes ou lunes du système.
— J’ai entendu dire que lors de leur libération, les prisonniers ont reçu un message du Conseil de Centralville à faire passer à leurs chefs. Tu penses qu’ils ont répondu ?
— J’en doute, rétorqua Julius. On nous en aurait parlé. Bon, je dois retourner travailler. Merci de m’avoir accompagné, on se revoit à la prochaine pause.
— Mais… ? Tu n’as pas terminé ton…
Elle constata avec dépit que le plateau-repas de Julius était déjà vide.
— Je dois faire vite, dit-il. Ce que j’ai à faire est assez urgent, le capitaine Ferne attend un rapport très rapidement.
Le Néo-sapiens déposa ses restes sur un chariot approprié et s’en alla.
— Et moi qui pensais passer plus de temps avec lui…, souffla Junie en plantant sa fourchette avec agacement.
De retour à son poste, Julius se remit tranquillement à sa table, revigoré par ce repas simple, mais consistant. Il pianota rapidement sur le clavier afin de superposer une mise à jour de la carte de la zone spatiale et….
Il se leva d’un bond. Quelque chose était apparu à la suite de cette synchronisation. Un détail suffisamment important qui pouvait expliquer clairement l’activité des Black-Trons à proximité. Il sortit en toute hâte après avoir copié les données sur son Holocom et se rendit sur le pont de commandement.
— Capitaine ! s’écria-t-il en entrant dans la vaste pièce où opérait une grande partie de l’équipage sur des moniteurs holographiques.
— Oui agent Derry ? répondit Ferne, étonnée de le voir arriver si précipitamment.
— Je crois avoir découvert quelque chose, dit-il, essoufflé. Les dernières informations nous ont bien indiqué qu’une activité ennemie avait été observée dans les environs depuis des mois ?
— Effectivement, pourquoi cette question ?
— Voici pourquoi. Tenez…
Il lui tendit son Holocom avec une cartographie de la zone. Elle étudia un instant l’image holographique sans comprendre.
— Je ne vois pas où vous voulez en venir…
— Un objet spatial est entré dans notre champ de vision il y a une heure à peine, d’où la raison de notre ignorance. Capitaine, ils ont probablement un avant-poste avancé dans l’orbite de Képhas !
***
Le cargo avait enfin décollé du site de raffinerie, accompagné de trois chasseurs Protectors et du Striker piloté par Niki. Ils rejoignirent l’Odysséas sur l’orbite de Képhas avant de prendre la route de Terre Nouvelle. Le vaisseau amiral resta en retrait, protégeant les arrières du convoi. Leur vitesse était adaptée à celle du navire de charge, ce dernier étant le plus lent de tous.
Il était impossible pour un bâtiment de ce type d’avoir un réacteur semiluminique. Les chasseurs virevoltaient de tous les côtés, le soutenant ainsi sur les deux flancs à la fois. Sur leur gauche, à environ quatre cent mille kilomètres de leur position, la petite lune ferreuse Damass leur apparut, minuscule à côté de Képhas qui était l’une des planètes les plus imposantes du système.
Le voyage allait durer trois jours à ce rythme. Les chasseurs devaient être remplacés toutes les cinq heures afin que les pilotes puissent se reposer. Il y avait trois escadrilles en tout : la première était dirigée par l’adjudant Bannoc qui coordonnait également l’ensemble des appareils de combat, à bord d’un Striker modifié. La seconde et la troisième étaient respectivement menées par les sergents Pellia et Desrives. Une seule flottille était en vol, permettant aux deux autres d’être en pause de manière alternative.
Sur le pont de l’Odysséas, le capitaine Ferne et le lieutenant Perguet observaient le convoi sur le plan holographique tandis que Julius analysait une énième fois les informations de la carte.
— Êtes-vous sûr de vos conclusions, agent Derry ? demanda Perguet, peu convaincu par la théorie de ce dernier.
— Je ne peux l’affirmer pour le moment, répondit Julius. Mais les nouvelles données que j’ai pu recueillir expliqueraient l’activité des Black-Trons à proximité.
— Nous n’avons guère le temps pour des suppositions, répliqua Perguet. Il nous faut des preuves concrètes !
— Je confirme la véracité des propos de l’agent Derry, défendit Ferne. Une première station minière de M:Tronic avait bien été installée sur l’astéroïde Orphos, il y a trente ans de ça. Le site a été abandonné à la suite d’une instabilité de la structure rocheuse qui a causé de nombreux accidents.
— Cela ne dit pas pourquoi les Black-Trons opèrent dans ce secteur, insista le lieutenant, ni sur ce tas de cailloux précaire…
— Nous savons qu’ils volent nos ressources afin de concevoir de nouveaux vaisseaux de guerre, expliqua Julius. Ils ont probablement une usine de fabrication au sein du Lunar Centaury, mais la distance est telle que nous aurions dû les rattraper à plusieurs reprises. Or, ils nous ont échappé à chaque fois, toujours dans la région de Képhas. L’interprétation la plus plausible réside dans le fait qu’ils ne se rendaient pas sur la Lune noire, mais sur un poste avancé très proche, l’astéroïde Orphos par exemple. Avec ceux découverts sur Damass, cela concrétise mon hypothèse. Et c’est probablement sur ce même site qu’ils entreposent les marchandises volées avant de les acheminer au Lunar Centaury. Voilà comment ils disparaissaient après leurs attaques éclairs.
— Dans un vieux complexe prêt à s’effondrer ? Cela n’a pas de sens !
— Je suis d’accord, affirma le capitaine, mais l’heure n’est qu’aux suppositions et nous ferons une enquête sur le sujet en temps voulu. Nous savons au moins qu’ils souhaitent augmenter leurs forces armées, le reste viendra ensuite.
— Notre police est déjà limitée face à leur puissance de frappe, fit remarquer Perguet. Pourquoi chercheraient-ils à s’agrandir encore ?
— Je l’ignore, lieutenant, répondit Julius. Mais le site d’Orphos est idéalement placé pendant deux semaines tous les mois entre Terre Nouvelle et Képhas. L’astéroïde suit le mouvement de cette dernière, seule la ceinture fait obstacle. Quand on regarde le cycle des attaques avec celui de l’astre, tout coïncide. Et si ma théorie est exacte, celui-ci se situe très près de nous. Une offensive venant de là est donc à envisager.
— Nous aviserons le haut commandement dès que nous aurons dépassé la ceinture d’astéroïde, dit le capitaine. En attendant, nous avons un convoi à escorter et à protéger. Que tout l’équipage se tienne prêt ! Nous passons en niveau d’alerte 2 !
— Bien capitaine, répondit le lieutenant.
Il exhorta le sous-lieutenant à communiquer l’alerte à tout le personnel et donna ensuite quelques ordres à l’équipe d’artillerie et demanda à l’opératrice de contacter les chasseurs qui accompagnaient le cargo.
— Agent Derry, appela Ferne, je souhaite que vous m’établissiez au plus vite les différents scénarios possibles sur la situation. Je veux que nous soyons prêts à la moindre attaque.
— Bien capitaine.
— Mais avant cela, je requiers que vous preniez du repos, agent Derry. Vos cernes vous trahissent.
— Ah… heu… à vos ordres, capitaine.
Pierrik soupira en empoignant sa gourde remplie de café chaud. Tout en rangeant ses outils pour ne pas les laisser planer dans tout le hangar, il prit une grande gorgée puis s’essuya le front, content d’avoir terminé de bricoler.
L’astromécanicien venait enfin d’installer les composants donnés par le professeur Corson pour ses recherches. Fort heureusement, l’opération avait été plus aisée que prévu et cela n’avait affecté en rien les réglages déjà établis. Le chasseur était prêt pour sa mission quotidienne.
— Tu peux aller faire ta ronde, annonça-t-il à Spiros.
Celui-ci ne répondit pas. Il était resté dans son cockpit tout le temps du bricolage. Pierrik prit une clé dans sa caisse et tapa le fuselage :
— Hé ! J’ai dit : tu peux y aller !
Toujours rien. Laissant sa gourde de café en l’air, il prit appui sur ses jambes après avoir coupé le magnétisme de ses semelles et s’élança sur l’aile de l’appareil puis se hissa dessus avec légèreté. Il se dirigea ensuite vers le cockpit où Spiros s’était assoupi. Le mécanicien soupira de nouveau.
— OH ! cria-t-il pour le réveiller.
Spiros fit un bond sur son siège.
— Oh bon sang ! Mais ça ne va pas ?
— Tu es en service vieux ! Ce n’est pas le moment de pioncer…
— Ouais… Je n'arrive pas à me faire au rythme d'ici. Tu as terminé d’installer son truc au moins ?
— Bien sûr. Tu peux décoller.
— OK, OK, j’y vais…
— Hé ! Laisse-moi le temps de ranger avant !
Il descendit du chasseur, débrancha les câbles d’alimentation en gaz après avoir vérifié le niveau, referma les capots d’accès aux circuits et enleva sa clé de sécurité. Celle-ci empêchait que le pilote, par une quelconque maladresse, ne mette l’appareil en route pendant qu’un technicien opérait dessus.
— C’est dégagé, annonça-t-il.
— Parfait. J’ai quelque chose à faire avec la machine du prof ?
— Non, d’après ce que j’ai vu tout se fait automatiquement. C’est un système autonome alimenté par les batteries du vaisseau, mais qui fait son taf tout seul.
— OK…
Spiros se frotta le visage pour se réveiller, enfila son casque et verrouilla sa combinaison à celui-ci. Il démarra électriquement le chasseur, ce qui alluma les instruments de bord. Il enclencha ensuite le préchauffage des réacteurs, tandis que Pierrick sortait du dock. Lorsque ce dernier eut rejoint la salle de contrôle, il prit le poste de l’opérateur.
— PR-21, paré au décollage ! signala alors Spiros. Attente de l’ouverture des portes.
— Dépressurisation du hangar… Ouverture des portes lancée, rampe de lancement déverrouillée.
— Bien reçu, répondit le pilote. PR-21… décollage !
Il poussa légèrement la manette des gaz et le chasseur se décrocha de la rampe de lancement tout en avançant doucement jusqu’en dehors du bâtiment. Il prit un peu d’altitude avant d’accélérer progressivement et atteindre une vitesse de vol stable.
Aujourd’hui, il décida de passer par un itinéraire différent que d’habitude. Toute la zone autour d’Alpha-3 était couverte sur un diamètre de dix kilomètres par les radars de la station. Si ceux-ci avaient une portée très longue dans l’espace, ils ne pouvaient malheureusement pas envelopper la surface de la lune où ils étaient implantés.
Spiros voulait parcourir un plus grand périmètre sur un secteur de trente kilomètres de largeur, mais étant l’unique pilote, il ne pouvait se permettre de mettre trop de distance au cas où les ennemis apparaitraient soudainement. Il devait alors se restreindre à seulement vingt kilomètres d’éloignement et faire également attention aux zones sensibles du satellite où des poches de gaz éclataient régulièrement.
Pierrick avait téléchargé une carte de toutes celles qui étaient connues, mais parfois, de nouvelles poches s’ouvraient là où l’on ne s’y attendait pas. Spiros prenait cela comme un exercice de réflexe, l’obligeant à se concentrer et rester vigilant.
Après quelques minutes de vol sans encombre, une alarme du tableau de contrôle lui indiqua qu’un corps céleste était en approche sur sa trajectoire. L’écran afficha alors une météorite de petite taille dont le point de chute se situait à quatre kilomètres devant, exactement à l’endroit où il se trouverait dans quelques secondes. Un bref calcul de l’ordinateur de bord permit à Spiros de dévier son itinéraire afin de ne subir aucune secousse ou de prendre un projectile dû à l’impact.
Cependant, le nouveau chemin le fit passer non loin d’une zone connue pour ses nombreuses poches de gaz et l’une d’elles éclata très près du chasseur, l’obligeant à manœuvrer rapidement. Il réussit à esquiver les projections de cailloux en se faufilant dans une profonde crevasse dans le sol qui formait un étroit couloir.
Les parois étaient deux murs de roche hauts d’une centaine de mètres, ce qui lui permettait d’être à l’abri de tous projectiles possibles, mais le ravin se rétrécissait par endroit, rendant la navigation parfois compliquée.
Soudain, un piton graveleux se dressa droit devant lui comme un obstacle imparable. Ne pouvant nullement le contourner sur les côtés, il bascula subitement à 90°, faisant racler son aile gauche contre une saillie de la cloison rocailleuse. L’ordinateur de bord lui indiqua alors une faible avarie et Spiros sentit une gêne dans le pilotage. Le choc avait dû dérégler quelques paramètres dans le système. Un bon mécanicien comme Pierrik savait sans aucun doute réparer ça.
Après cette brève, mais intense mésaventure, Spiros gagna en altitude afin d’éviter à nouveau ce genre de désagrément.
***
Quelques heures plus tard, le chasseur PR-21 regagna la base Alpha-3 afin d’y établir son rapport routinier. De retour au garage, Pierrick constata avec effroi l’état de l’aile gauche de l’appareil.
— Mais… qu’est-ce que t’as fait pour en arriver là ? demanda-t-il, une pointe d’énervement dans la voix.
— J’ai dû faire un rase-motte dans un couloir aussi petit que cette porte de hangar, répondit Spiros, l’air de rien.
— Regarde-moi ça ! s’emporta le mécanicien. Je vais en avoir pour des heures à remplacer l’extrémité ! C’est toute la carrosserie qui est à réparer !
— Je crois que ça a également déréglé le système de navigation. J’ai eu un peu de mal à tenir droit…
— Pardon ? Il faut que je refasse tous mes équilibrages ?
Spiros posa sa main sur l’épaule de l’astromécanicien.
— Allez, j’ai confiance en tes talents. Je vais au réfectoire si tu as besoin de moi.
— Attends !
Pierrick ouvrit le capot sous le fuselage et en sortit une petite disquette.
— Tiens, dit-il en la lui remettant, donne ça au professeur. Il doit être dans l’observatoire.
— OK…
Celui-ci se trouvait à l’autre bout de la station, relié au bâtiment principal par un couloir identique à ceux qui joignaient les dortoirs de l’académie au centre d’accueil sur Neyria. C’était un édifice en demi-sphère, surmonté d’un télescope haut de quarante mètres, orientable sur deux horizons.
Spiros n’était encore jamais venu dans cette partie de la base depuis son arrivée. Après avoir traversé le long corridor, il passa son badge dans la serrure de la porte qui s’ouvrit ensuite. En entrant dans la vaste pièce équipée de divers appareils de mesure, le jeune agent eut comme un vertige.
Le regard en l’air, il contemplait le ciel d’un noir d’encre parsemé de milliards d’étoiles, comme s’il n’y avait pas de toit au-dessus de sa tête. La planète Yaakov lui paraissait aussi nette que si elle était à proximité, sans casque ni visière. Le plafond voûté était un immense écran faisant apparaitre ce que le télescope observait en temps réel.
Pendant quelques minutes, le jeune pilote resta devant la porte, saisi par la beauté du spectacle où seul le bourdonnement des appareils accompagnait l’ensemble. Il finit par se ressaisir, se rappelant pourquoi il était là.
En dehors de cela, la salle était une grande pièce unique avec une mezzanine accessible par un escalier en colimaçon. Malgré sa taille, elle n’était pas facilement traversable avec toutes les machines et tous les ordinateurs qui étaient disposés en un dédale électronique, sans parler des innombrables câbles qui traînaient au sol. Spiros parcourut les divers passages possibles, espérant trouver Jody Corson, lui remettre sa disquette et pouvoir aller manger.
C’est un vrai labyrinthe ! se dit-il, exaspéré de tourner en rond.
— Est-ce que vous cherchez quelque chose ? lança soudainement une voix dans son dos.
Spiros se retourna. C’était Corson, une HoloTab dans la main.
— Ah, professeur ! s’exclama-t-il, soulagé. Je vous apporte votre disquette.
— Oui, je vois, et… ?
Comment ça, "et ?" s’étonna Spiros. En voilà, une question stupide, qu’est-ce qu’il veut que je lui réponde…
— Eh bien… je vous la donne.
— En ce cas, posez-la ici, je vous prie.
Spiros réprima un soupir d’exaspération et laissa la disquette sur un bureau où traînaient divers papiers.
Du papier !1
— Vous… vous avez du papier ? Du vrai papier ?
— En quoi cela vous gêne-t-il, jeune homme ?
— C’est que… c’est si rare d’en trouver…
— Sachez, pour votre « légère » culture générale, que ces papiers-là ont presque cent cinquante ans. Ce sont des rapports sur le système solaire de notre monde d’origine.
— Incroyable ! Vous possédez des œuvres exceptionnelles alors !
— Je ne possède rien, c’est la colonie qui les détient. Moi je ne fais que les lire pour mes études.
— Oui, c’est ce que je voulais dire. Et vos recherches portent sur quoi exactement ?
Corson soupira en gardant le nez sur son HoloTab. La conversation semblait l’ennuyer.
— J’analyse les astres qui se situent au-delà de la ceinture d’astéroïdes, répondit-il en pianotant sur l’écran dématérialisé. Le satellite où nous sommes offre un poste idéal pour l’observation. Nous avons une vue d’ensemble sur quasiment tout le système solaire. D’ailleurs, nous entrons bientôt dans un alignement avec Terre Nouvelle et la Lune Noire, vous devriez être sur le qui-vive…
— Le Lunar Centaury ? Comment ça ?
— Vous ne savez pas ce qu’est un alignement ? s’étonna Corson en regardant Spiros par-dessus ses lunettes. C’est affligeant…
— Si, je sais ce qu’est un alignement, mais… pensez-vous que cela va avoir une conséquence pour nous ou… la colonie ?
— À vous de me le dire, c’est vous l’agent de police. Vous avez la charge de notre sécurité, je vous rappelle.
Décidément, ce professeur commençait vraiment à lui taper sur le système avec ces réflexions.
— Je ne suis pas la tête pensante de la Police Spatiale, professeur.
— Non, de toute évidence.
La moutarde monta au nez de Spiros. Il prit une inspiration et lança d’un ton clair et ferme :
— Monsieur, si notre présence au sein de cette base vous dérange, vous m’en voyez désolé. Cependant, nous nous efforçons de déployer les moyens nécessaires pour contrer la menace des Black-Trons. Une collaboration avec l’ensemble de la colonie nous est indispensable pour mener à bien notre objectif.
Corson le regarda à travers ses lunettes, toujours avec son air suffisant.
— Monopoliser ma station ne vous satisfait pas ? répliqua-t-il sans s’énerver. Vous voulez aussi mon papier et ma blouse pendant que vous y êtes ?
— Ce n’est pas…
— Écoutez, jeune homme, coupa le professeur. Faites votre travail et moi, le mien. Utilisez ce dont vous avez besoin, vos collègues le font déjà. C’est ici que nous avons découvert la première fois le Lunar Centaury il y a cinq ans, et vous en avez fait un parfait poste de surveillance. Alors, observez votre Lune Noire et laissez-moi les autres planètes, merci.
Il s’en alla sans rien rajouter en prenant la disquette sur le bureau. Spiros était maintenant dans un état d’énervement et aurait bien envoyé son casque dans la tête de ce professeur hautain, mais il préféra calmer son ardeur.
Je dois protéger les colons en toute circonstance. C’est pour ça que je me suis engagé et ce n’est pas en agissant ainsi que je tiendrais cet engagement.
Ravalant sa rage, il sortit de l’observatoire et alla se restaurer à la cantine.
Les repas n’étaient pas de meilleure qualité que ceux de l’académie. À la différence que, dus à un réapprovisionnement de seulement une fois par mois, les aliments étaient composés de féculents et de viandes séchées sous forme de rations emballées dans des sachets conservateurs. Spiros regrettait même la purée épaisse servie sur Neyria.
Ce régime draconien contenait l’essentiel des besoins journaliers, mais n’avait pas la diversité des goûts des produits frais. De plus, cela donnait une mauvaise haleine et les restrictions d’eau n’arrangeaient pas les choses pour l’hygiène en général. Spiros transpirait beaucoup sous son casque et sa combinaison spatiale. Ne pouvant se laver que tous les trois jours, il avait l’impression de se laisser aller et se sentait mal à l’aise lorsque quelqu’un était à proximité de lui, même si la situation était identique pour tout le monde.
— Tu t’y habitueras, lui avait dit Pierrick en s’asseyant à sa table. Au début, on a du mal à l’assumer, mais au bout d’un moment, tu te dis : « je pue, alors tant pis ». Et ce n’est pas comme si des femmes étaient avec nous en permanence. C’est pour ça d’ailleurs que seuls des hommes sont envoyés dans cette station.
— Une amie de ma promotion avait demandé à être mandatée ici, dit Spiros en se rappelant la requête faite par Morine pour se joindre à lui lorsqu’il reçut son affectation. Mais ils lui ont refusé l’autorisation.
— C’est parce qu’ils ne veulent pas de femmes dans une base comme celle-ci. Ils estiment que les conditions sont trop difficiles pour elles.
— Ah bon…
Hormis ces contraintes, la mission n’était pas des plus compliquées et Morine était une pilote très douée. Et la connaissant, Spiros savait très bien que même des circonstances plutôt rudes ne la dérangeraient pas.
Faire des rondes sur la surface de la lune n’avait rien de palpitant en soi, mais Spiros en profitait pour améliorer son pilotage. Il avait remarqué bien des défauts sur le maniement des commandes malgré les premières modifications apportées par Pierrick et avait décidé de lui en parler.
— Je trouve qu’il y a un certain temps de latence entre le moment où l’on tire sur le manche et quand l’engin répond. L’accélération manque aussi de réactivité.
— C’est parce que c’est un des premiers appareils conçus pour la Police Spatiale, expliqua Pierrick. Ils ont été fabriqués en toute vitesse avec ce qu’on avait sous la main. Au début, on avait de petits chasseurs que l’on a dénichés dans un hangar fermé. Ils étaient déjà là pendant le voyage du Myriam. Ils nous ont permis de nous défendre lors des premières attaques, mais ils avaient leurs limites. C’est alors qu’on a construit les Protectors à partir de ces engins.
— Est-ce que tu pourrais l’améliorer ? Le rendre plus réactif aux commandes ?
Pierrick le regarda, l’air pensif.
— Quoi, j’ai dit une bêtise ?
— Non, je réfléchis…
— Ah !
— Je dois pouvoir corriger la réactivité des coupleurs, oui. Mais pour les réacteurs, c’est une autre paire de manches. Il faut d’abord remplacer plusieurs pièces pour améliorer le conduit de gaz du réservoir qui va aux propulseurs. Eux-mêmes seraient à changer si tu veux vraiment faire toute la différence. Tu devrais attendre la prochaine génération de chasseur qui est en développement chez Futur-On. Ils auront de bien meilleures performances.
— OK. Mais j’aime beaucoup ce chasseur-là.
— Alors que tu trouves qu’il ne répond pas suffisamment à tes exigences ?
— Tu ne peux pas comprendre, c’est un truc de pilote.
— Ben voyons…
— Si tu peux déjà améliorer la réactivité des commandes, ça ira. Comment vas-tu t’y prendre ?