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Après un premier opus ("la flamme retrouvée" aux éditions du Lys Vert) paru à l'été 2023, ce nouveau recueil de poèmes et de textes écrits par Gérard Clech tout au long de l'année 2023 reprend les histoires personnelles et les ressentis de l'auteur face à l'amour et parfois face à la mort. Petites histoires qui viennent se heurter à l'actualité et sa cruauté. Le titre du recueil est tiré d'un des vers de la chanson "Nuit et Brouillard" de Jean Ferrat et d'un poème de Charles Baudelaire.
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Seitenzahl: 70
Veröffentlichungsjahr: 2024
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« La fuite monotone et sans hâte du temps Survivre encore un jour, une heure obstinément Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir »
Jean Ferrat – Nuit et Brouillard & Charles Baudelaire
Le monde n’allait pas bien. Il ne tournait plus rond. Je veux dire encore moins rond que d’habitude… La guerre en Ukraine et puis le massacre du 7 octobre, suivi de la riposte sanglante à Gaza, ruinaient les espoirs de l’humaniste que j’étais, désespéré de voir les crises se succéder à si grande vitesse.
La fuite monotone et sans hâte du temps s’accélérait et me savoir presque sexagénaire faisait pâlir un peu plus mes espoirs de changer le monde, à commencer par ma propre vie.
Alors je décidais de demander en mariage celle dont je partageais la vie depuis tant d’années. Et puis je prenais des risques en quittant mon job bien trop confortable pour ne pas être ennuyeux. Et puis je reprenais mes manuscrits là où je les avais laissés, c’est-à-dire en jachère…
Parmi eux je compilais, comme je l’avais fait naguère, quelques textes et poèmes écrits au fil de l’eau de cette année 2023, si particulière et si banale à la fois.
Les voici. Puissent-ils recueillir un intérêt et mettre du baume sur mes plaies anciennes ou plus récentes…
Gérard CLECH, le 30 janvier 2024.
Elias
Je n’ai pas peur
Dans le fond du jardin
Quand Alain est parti
Jeunesse abimée
Pour mon frère…
Merci aux femmes
Au pays de l’absence
Là-Bas à Palma
A l’école de l’amour fou
Ma fille
Dors Rémi, dors…
Six Haikus du matin
En vers et contre tout
Au bout de la contre-allée
Absence
Ombre portée
Sur les réseaux sociaux
Mon auto-remaniement
La vie c’est quoi…
Toujours ce qu’elle était
La libellule
Je me tire
Insomnie traumatique
Mauvais départ
Féminicide
Ma fille, ma blessure
Le feu d’artifices
Kaddish 80
La suite…
La révolution ? Sans moi !
Un appétit d’ogre
Entre parasol et parapluie
Provence
Si…
Douceur de Corfou
Putain… de vie
Fiers dépositaires
Ils ne m’ont pas tuée Papa
Un café… l’addiction !
Pour Valérie
Pour Valérie… encore
Pour Micheline (1932 - 2023)
Fantômes
Dans de beaux draps
L’amour fou
Fugace
Sauver les bouquinistes de Paris
Ensorcelée
Retour raté
Artichaut
Pour l’éternité
A l’équilibre
LA PANENKA
Un 1er octobre
7 jours après...
Les crocodiles
J’avais…
Plus jamais cigale
Et t’avoir à mes côtés
Pour T. née un 1er octobre
Pour Shani
On fera comme ça
Gaza 26 11
Au bout du corridor
Pour Gérard N
Au revoir Gégé
Si loin, si Pré
Avant qu’il ne soit trop tard
Plus de cent jours
C’était un temps de rage
Il venait du sud et regardait au nord… Personne.
Il tourna le regard à l’ouest, puis à l’est, ne vit
personne non plus. Que de l’eau à perte de vue.
La terre semblait inatteignable. Les vagues
venaient, de plus en plus brutalement, frapper la
coque rouillée, jusqu’à hauteur du bastingage,
de l’embarcation de fortune sur laquelle il était
monté avec ce qu’il lui restait d’espoir chevillé au
corps.
Il avait quitté son pays. Il avait fui son continent.
Il s’était éloigné de son monde, de ses parents,
de ses soeurs et de ses frères, pour tenter
d’accéder à un monde meilleur.
Et tout ce qu’il voyait autour de lui n’était qu’un
désert bleu.
Le symbole de son impuissance face aux
éléments déchainés.
Le vent cinglait son visage où une larme traçait
sa route. Et la larme tombait à l’eau…
Bientôt ce serait la nuit. La dernière de sa jeune
existence.
A Lampedusa, un bateau serait envoyé au petit
matin pour récupérer son corps, flottant, au
milieu de l’océan bleutée qui avait fini par
retrouver son calme après l’avoir englouti.
Qui citerait son nom ? Qui dirait en Europe que
ce jeune homme avait aimé, avait été aimé, qu’il
adorait la poésie et les fleurs – surtout le
jasmin ?
Il était venu du sud et le nord, qu’il avait scruté
en vain, ne l’accueillera jamais.
Pas plus à l’ouest et à l’est, il ne vit quelqu’un lui
faire signe. Personne pour lui porter secours.
Elias est mort en méditerranée le 12 mai dernier,
jour de mon anniversaire, et la honte m’envahit.
Une forme de colère impuissante aussi.
Vague à lame dans les quarantièmes rugissants
Coupante comme un diamant
Que le premier pleur alarme
Au fond de mon esquif
Heurté par le flot nu
Il écope le trop plein d'eau
Que l'océan me livre
Entêtante rumeur
Et envoûtant écho
De l'écume qui se joue
De mon bateau, secoué par les flots
Tanguant sur l'onde indomptable
Il s'accroche à son bateau ivre
Loin du monde qui abuse
Et des malheurs à terre
Il sent le courant d'air
S'engouffrer en hurlant
Sur son radeau méduse
Qui se croit paravent
Mais ne peut rien face aux vents
Embrassant mes voiles ouvertes
Qu’il a hissées comme un grand
Il ne prie pas Dieu
Il refuse les alertes
Il poursuis son chemin
Au moins jusqu'à demain
Il arrivera peut-être
Mais ne peux en jurer
Ou bien comme le Colas
Et son Manureva
La mer aura sa peau,
Décidant de son sort
De sa vie de Skipper…
… Il n’a pas peur.
En souvenir d’Alain (1969-1981)
Dans le fond du jardin
Au pied d’un conifère
Je pleure de ne savoir faire
Autrement qu'hurler mon chagrin
J'invoque un nom, le tien
Ou plutôt ton prénom
Tutoie la déraison
Crie qu'il n'y a plus de demains
Mais mes cris se transforment en silence
Mon chagrin en colère
Ai-je encore envie de rester sur la terre ?
Devant moi les arbres dansent
Après un temps à l'ombre
Et transi par le froid
Revenant de l'effroi
Je me relève, sombre
Je cours vers la maison
Que je hais désormais
Retrouvant la raison
Mais plus celle d'espérer
Les parents sont au loin
Enterrant nos espoirs
Pensant que c'est un soin
De ne rien donner à voir
On ne t'a pas dit adieu
Même pas une prière
Tu ne seras jamais vieux
Nous n'aurons plus jamais l'air...
D’être Heureux
Le mardi 16 juin 1981. Je n'ai pas vu partir mon
frère. J'ai juste entendu qu'il était parti.
Et encore, je n'ai pas compris ce que disait
Maman depuis l’hôpital Gustave Roussy de
Villejuif, à l’autre bout du téléphone : "ton petit
frère se repose". Ça ne voulait rien dire. Rien que
je puisse comprendre en tous cas.
C’est madame B qui m’a tiré une balle dans le
cœur à bout portant, quand j’ai raccroché : "tu
n'as pas compris, ton petit-frère est
mort !". Déflagration…
Impossible ! Impensable ! Inacceptable cette
idée que mon petit frère à cette heure ne respire
plus, ne parle plus, ne rira plus jamais, ne fera
plus mine de jouer sur son petit synthé jouet la
lettre à Élise, « When the saints go marching in »
ou un air de Joe Dassin.
Inimaginable qu’il ne soit jamais plus en mesure
de jouer en boucle, sur son mange-disque en
plastique rouge, « mon fils ma bataille ». Qu’il ne
prenne plus jamais ma main en sortant de
l’école. Qu’il ne court plus dans l’allée de
gravillons qui conduit à notre maison.
Dans quelques heures tout au plus, il va être
porté en terre sans que je sois là pour lui dire
adieu.
Quand madame B a lâché sa bombe, avec un air
navré, je suis parti en courant, les larmes
dévorant mon visage. J’ai zigzagué comme un
chien fou, à travers le jardin. J’ai franchi, en
m'égratignant les bras et les jambes, la haie de
cognassiers qui séparait le jardin de Mme B de
notre jardin. Ces poires de Cydonie dont ma
mère tirait pour nous cette incroyable gelée
dont, quelques mois plus tôt, nous nous étions
encore régalés après le jeûne de Kippour. Avec
Alain, nous avions tartiné cette gelée
miraculeuse et sucrée sur le « Boulou » que
Maman nous avait concocté, avec des graines de
sésame et des raisins secs (je n’aimais pas les