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Extrait : "ULRIC : Quand le ciel est ainsi chargé de pluie et de brouillard, je ne sais que devenir. BARBERINE : Mon cher cœur, je vous demande une grâce. ULRIC, à la fenêtre : Quel hiver ! quel hiver s'apprête ! Quels chemins ! quel temps ! La nature se resserre en frissonant, comme si tout ce qui vit allait mourrir. BARBERINE : Je vous prie d'abord de m'écouter, et en second lieu de me faire une grâce."
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● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 49
BÉATRICE D’ARAGON, reine de Hongrie.
Le comte ULRIC.
BARBERINE, sa femme.
ASTOLPHE DE ROSEMBERG.
Le chevalier ULADISLAS.
POLACCO.
COURTISANS, etc.
(Bohême et Hongrie.)
Une chambre
Entrent Ulric et Barberine.
Quand le ciel est ainsi chargé de pluie et de brouillard, je ne sais que devenir.
Mon cher cœur, je vous demande une grâce.
Quel hiver ! quel hiver s’apprête ! Quels chemins ! quel temps ! La nature se resserre en frissonnant, comme si tout ce qui vit allait mourir.
Je vous prie d’abord de m’écouter, et en second lieu de me faire une grâce.
Que veux-tu, mon âme ? Pardonne-moi : je ne sais ce que j’ai aujourd’hui.
Ni moi non plus, je ne sais ce que tu as ; et la grâce que vous me ferez, Ulric, c’est de le dire à votre femme.
Eh ! mon Dieu, non, je n’ai rien à te dire, aucun secret.
Je ne suis pas une Portia ; je ne me ferai pas une piqûre d’épingle pour te prouver que je suis courageuse. Mais tu n’es pas non plus un Brutus, et tu n’as pas envie de tuer notre bon roi Mathias Corvin. Écoute ; il n’y aura pas pour cela de grandes paroles, ni de serments, ni même besoin de me mettre à genoux. Tu as du chagrin. Viens près de moi ; voici mes lèvres, c’est le vrai chemin de mon cœur, et le tien y viendra, si je l’appelle.
Comme tu me le demandes naïvement, je te répondrai de même. Ton père n’était pas riche ; le mien l’était : mais il a dissipé ses biens. Nous voilà tous deux, mariés bien jeunes, et nous possédons de grands titres, mais bien peu avec. Je me chagrine de n’avoir pas de quoi te rendre heureuse et riche, comme Dieu t’a rendue bonne et belle. Notre revenu est si médiocre ! et cependant je ne veux pas l’augmenter en laissant pâtir nos fermiers ; ils ne paieront jamais de mon vivant plus qu’ils ne payaient à mon père. Je pense à me mettre au service du roi, et à aller à la cour.
C’est en effet un bon parti à prendre ; le roi n’a jamais mal reçu un gentilhomme de mérite ; la fortune ne se fait point attendre auprès de lui, quand on te ressemble.
C’est vrai ; mais si je pars, il faut que je te laisse ici, car pour quitter cette maison, où nous vivons à si grand-peine, il faut être sûr de pouvoir vivre ailleurs ; et je ne puis me décider à te laisser seule.
Pourquoi ?
Tu demandes pourquoi ? Et que fais-tu donc maintenant ? Ne viens-tu pas de m’arracher un secret que j’avais résolu de cacher ? Et que t’a-t-il fallu pour cela ? Un sourire.
Et un baiser.
Ah ! que tes baisers m’appartiennent ! qu’ils soient comme une source fraîche, et que tu me la verses goutte à goutte jusqu’à la mort ! Mais, hélas ! Barberine, ton sourire ne m’appartient pas ; ta beauté est à tous les yeux, au premier passant qui lève la tête quand tu le penches à ta croisée.
Tu es jaloux ?
Non, mon amour, mais vous êtes belle ; que feras-tu si je m’en vais ? Tous les seigneurs des environs ne vont-ils pas rôder par les chemins ? Et moi, qui m’en irai si loin courir après une ombre, ne perdrai-je pas le sommeil ? Ah ! Barberine, loin des yeux, loin du cœur.
Écoute ; Dieu m’est témoin que je me contenterais toute ma vie de ce vieux château et du peu de terres que nous avons, s’il te plaisait d’y vivre avec moi. Je me lève, je vais à l’office, à la basse-cour, je prépare ton repas, je t’accompagne à l’église, je te lis une page, je couds une aiguillée, et je m’endors contente sur ton cœur.
Ange que tu es !
Je suis un ange, mais un ange-femme ; c’est-à-dire que si j’avais une paire de chevaux, nous irions avec à la messe. Je ne serais pas fâchée non plus que mon bonnet fût doré, que ma jupe fût moins courte, et que cela fît enrager les voisins. Je l’assure que rien ne nous rend légères, nous autres, comme une douzaine d’aunes de velours qui nous trainent derrière les pieds.
Eh bien donc ?
Eh bien donc ! le roi Mathias ne peut manquer de te bien recevoir, ni toi de faire fortune à la cour. Je te conseille d’y aller. Si je ne peux pas y aller aussi, comme je l’ai tendu tout à l’heure mes lèvres pour le demander le secret de ton cœur, ainsi, Ulric, je te tends la main, et je te jure que je te serai fidèle.
Voici la mienne.
Celui qui sait aimer peut seul savoir combien on l’aime. Fais seller ton cheval ; pars seul, et toutes les fois que tu douteras de ta femme, pense que ta femme est assise à ta porte, qu’elle regarde la route, et qu’elle ne doute pas de toi.
Un banc devant un cabaret
Le chevalier Uladislas et Rosemberg, assis.
Je ne connais rien de plus agréable, après qu’on a bien dîné, que de s’asseoir en plein air, avec des personnes d’esprit, et de causer librement des femmes sur un ton convenable.
Vous allez à la cour du roi de Hongrie ?
Oui, seigneur ; c’est mon début.
Ne doutez pas du succès, et vous en aurez. Pendant la dernière guerre que nous fîmes contre les Turcs, sous le vaïvode de Transylvanie, je rencontrai un soir, dans une forêt profonde, une jeune fille égarée.
Quel était le nom de la forêt ?