La Saga Suikoden - Jonathan Remoiville - E-Book

La Saga Suikoden E-Book

Jonathan Remoiville

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Beschreibung

Développée durant l’âge d’or de Konami, Suikoden est une licence à part dans le monde du J-RPG. Pour l’imaginer, son créateur Yoshitaka Murayama s’est inspiré d’une légende chinoise célèbre, Au bord de l’eau, qui raconte la rébellion de 108 individus aux compétences diverses contre un empire corrompu. De la même manière, Suikoden permet aux joueurs d’unir 108 personnages, les étoiles du Destin, contre la menace d’un ennemi commun. Cet ouvrage rend hommage à cette série culte. Il revient sur les coulisses de sa création, sur son univers et ses personnages, puis en décrypte ses plus grandes spécificités. L’auteur, Jonathan Remoiville, étudie notamment les choix de game design de la saga, sa direction artistique, son héritage, ou encore ses thématiques, qu’il s’agisse des conséquences tragiques de la guerre, du refus du manichéisme ou de la malléabilité du destin. 

Ce livre contient tout ce qu’il faut savoir pour admirer au mieux cette étoile au firmament du J-RPG.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Maniaque de RPG depuis sa plus tendre enfance, Jonathan Remoiville, ce trentenaire professeur d’histoire-géographie intègre la rédaction du site O’Gaming, pour lequel il commet plusieurs articles de 2014 à 2017, avant de rejoindre l’équipe de Hyperlink en tant que chroniqueur. Entre deux parties de Suikoden II, il lui arrive de présenter des émissions sur la Toile et de parler de sa passion sur son blogue, tout en continuant à tester tous les jeux de rôle qui lui tombent sous la main.

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Couverture

Page de titre

À Francis, Sabine, Jérémy, Séverine et Julien,mes étoiles à moi.

À Julie et Isabelle,les étoiles de l’avenir.

AVANT-PROPOS

QUEL EST LE MEILLEUR JEU VIDÉO auquel vous n’avez jamais joué ? Voici une question à laquelle il semble a priori impossible de répondre. Essayons-en une autre : quel est le jeu ou la série de jeux que vous chérissez et qui vous semble trop inconnu du grand public ? Lorsqu’on demande aux amateurs de jeux de rôle japonais (J-RPG) quelle saga chère à leur cœur mériterait d’être plus célèbre, une réponse arrive immanquablement, en particulier chez les trentenaires : Suikoden. Série de J-RPG créée par Konami, de 1995 à 2012, sur PlayStation 1 puis 2, ainsi que sur Game Boy Advance, Nintendo DS et PlayStation Portable, Suikoden a enchanté beaucoup de joueurs grâce à ses batailles à différentes échelles, ses nombreux personnages marquants, ses intrigues refusant le manichéisme, et surtout son univers parmi les plus développés de l’histoire du genre tout entier.

D’abord réalisée par Yoshitaka Murayama, qui impulsa une narration ambitieuse et un gameplay accessible mais plus profond qu’il n’y paraît, la saga connut cinq épisodes numérotés et quelques spin off pendant dix-sept ans, avant de tomber dans une décennie de silence, si ce n’est par le biais de ponctuels retours sur certains services en ligne. La série a toujours été un outsider à côté des mastodontes de Square ou d’Enix, mais cela ne l’a jamais empêchée d’innover, de se distinguer de la concurrence en se posant les bonnes questions sur ce que cherchaient les joueurs de J-RPG, et parfois de s’approcher du million de ventes pour un épisode dans le monde entier. Certes, il y eut des errances, quelques fautes de goût et des choix très discutables qui menèrent la licence à perdre une partie de son public, sans compter la gestion calamiteuse de Konami qui n’a pas compris comment tirer profit de ses licences ou cherché à exploiter tout le potentiel de sa division jeu vidéo. Toutefois, chacun des épisodes numérotés de la saga possède des forces à faire valoir, et les spin off peuvent tout à fait contenter ceux qui apprécient la série principale, même s’ils n’en possèdent pas tous les attraits.

Les Suikoden font partie des meilleurs jeux de tout un genre, possèdent une base de passionnés fanatiques, mais n’ont jamais atteint un succès commercial suffisant pour se faire connaître de l’ensemble des joueurs, du grand public mainstream. Alors que leur mémoire semblait réservée à une petite caste de mélancoliques de la saga, malgré les efforts d’une communauté toujours plus inventive et passionnée, le succès récent de la campagne Kickstarter de son successeur spirituel, Eiyuden Chronicle : Hundred Heroes, a rappelé au monde que les 108 étoiles n’étaient pas oubliées de tous. Ce livre arrive à un moment clef de l’histoire de Suikoden, et même du jeu vidéo dans son ensemble. À l’heure où un nombre croissant de jeux de rôle des années 1990 et 2000 font leur retour sur le marché, améliorés ou non, et qu’une nouvelle génération découvre les classiques d’antan ou bien leurs descendants, la licence de RPG phare de Konami n’a peut-être jamais eu autant d’intérêt à revenir sur le devant de la scène. Alors que le public attend davantage du genre, en particulier sur le plan narratif, Suikoden a des leçons à donner sur la manière de tisser des histoires connectées sur plusieurs volets.

Ce livre a pour but de retracer l’histoire déployée dans le monde de Suikoden, sur la création de cet univers, des origines de la saga à son abandon par Konami. Nous parlerons également des forces de la licence, à travers une étude de son gameplay, de sa narration, et de sa bande-son riche et diverse, qui a bénéficié de plusieurs talents de premier plan. Enfin, nous décrypterons les thèmes forts de la série, ses réussites les plus éclatantes et l’attrait qu’elle peut susciter chez ses fans, en évoquant ses personnages, son traitement de la guerre, sa direction artistique très singulière et sa vision toute particulière du destin. Le tout en parlant de canards, d’écureuils volants, de ballons, et de mini-jeux de cuisine et de pêche, bien évidemment !

Si vous n’avez jamais touché à un épisode de la saga, alors il est possible de vous le dire sans trembler : les Suikoden font partie des meilleurs jeux auxquels vous n’avez jamais joué. Ce livre ne veut pas imposer de point de vue. Il cherche à comprendre pourquoi un amas de pixels et de polygones ont pu toucher autant de cœurs, et il va essayer de transmettre la flamme de ceux qui ont eu le privilège de jouer à ces titres. Cet ouvrage veut faire connaître une saga trop longtemps confinée aux marges de l’industrie et participer au mouvement de sa renaissance.

Bienvenue dans un monde d’illusions !

L’auteur : Jonathan Remoiville

Maniaque de RPG depuis sa plus tendre enfance, ce professeur d’histoire-géographie a écrit plusieurs ouvrages d’analyse, dont La Légende Final Fantasy IV & V, ainsi que Qui est le tisseur ? L’extraordinaire Peter Parker, tous deux édités chez Third Éditions. Entre deux parties de Persona 5, il lui arrive de présenter des émissions sur la Toile et de corriger les copies de ses élèves, tout en continuant à tester tous les jeux de rôle qui lui tombent sous la main.

CHAPITRE 1

LA GUERRE DE LA RUNE DE LA PORTE

La création des 108 étoiles

Afin de retracer la naissance de la saga Suikoden, il est nécessaire de se replacer dans le contexte de l’époque, celui des années 1990, alors que les jeux vidéo japonais commencent à s’exporter dans le monde entier et touchent une cible de plus en plus étendue. Une tendance qui aiguise les convoitises, y compris celles d’une entreprise touche-à-tout, ambitieuse et désireuse de se faire un nom dans ce milieu de plus en plus compétitif.

Konami, une entreprise dynamique

Avant de devenir un studio d’édition et de développement, Konami était un magasin de location et de réparation de juke-box. Créée en 1969, la société bâtit ses fondations dans la ville d’Osaka et va vite s’intéresser à un marché émergent : celui des jeux vidéo. En effet, on observe dans les années 1970 une évolution très importante de cette petite boutique, qui grossit progressivement et diversifie ses activités. Ce parcours n’est pas si singulier : Enix suivra un chemin similaire quelques années plus tard en partant de l’édition de périodiques pour arriver aux jeux vidéo.

En 1980, Konami effectue sa mue avec succès en investissant un terrain fertile, celui des bornes d’arcade, qui font alors fureur au Japon et explosent tous les records depuis la sortie de Space Invaders en 1978. Après avoir, comme d’autres, surfé sur cette vague fructueuse1, l’entreprise met sur le marché de nouveaux jeux plus originaux et fait recette, avec par exemple Frogger en 1981, jeu de simulation de grenouille cherchant à éviter de se faire écraser sur la route, un concept plus amusant qu’il n’y paraît. Suivent ensuite des jeux plus orientés « action », comme Yie Ar Kung-Fu, l’un des ancêtres du jeu de combat moderne ; Gradius, le mythique shoot’em up dont la compositrice Miki Higashino participera aux belles heures de Suikoden ; Mr Goemon, un jeu de plateforme qui bénéficiera de nombreuses suites ; ou bien Contra, un run & gun nerveux ayant fait rager plus d’un joueur.

Ce succès ne se cantonne pas aux bornes d’arcade : les années 1980 voient l’implantation progressive des consoles de jeux dans les foyers, la Famicom (Nes) en tête, avec le portage de nombreux succès de l’arcade, désormais disponibles chez soi sans avoir à dépenser de l’argent à foison. Konami en profite non seulement pour adapter ses succès, mais aussi pour développer de nouvelles licences. Parmi les plus connues, on trouve bien évidemment Castlevania et Rocket Knight Adventures dans le genre plateforme/action. D’anciens jeux d’arcade comme Track and Field trouvent une seconde jeunesse, International Superstar Soccer ouvre la voie aux futurs Pro Evolution Soccer, et Konami multiplie les jeux à licence, en particulier sur les Tortues Ninja – Turtles in Time étant souvent considéré comme l’un des meilleurs de cet univers. Le studio envahit tous les genres et trouve de nombreux succès.

Tous les genres ? Non, pas tous, car un petit genre d’irréductibles guerriers échappe encore à l’ogre : le RPG. Si Môryô Senki MADARA, avec deux épisodes, se révèle la première tentative de Konami dans le domaine, la firme ne parvient pas à créer une licence lucrative et reconnaissable. Pourtant, le marché est porteur depuis 1986, et le raz-de-marée Dragon Quest d’Enix a déjà entraîné la création des Final Fantasy de Square et des Phantasy Star de SEGA. Alors que la Super Famicom (Snes) vit ses dernières années et que la cinquième génération de consoles pointe le bout de son nez, presque toutes les entreprises de jeux vidéo en vue détiennent leur série de RPG phare. Capcom, souvent comparée à Konami, a déjà développé deux Breath of Fire avec succès, Nihon Falcom a publié trois jeux Ys, et même Nintendo, en 1989 puis en 1994, a généré deux Mother assez singuliers. Cette liste loin d’être exhaustive montre l’étendue d’un marché pour lequel Konami, au début des années 1990, n’a pas encore créé de licence marquante. Cela explique probablement pourquoi les RPG faisaient partie des priorités de l’entreprise lorsqu’elle prévoyait de lancer sa propre console.

Oui, vous avez bien lu la phrase précédente : Konami planifiait de sortir sa propre console de jeux. Ce projet, très secret au sein du studio, fut confié à une liste restreinte de développeurs, qui n’étaient d’ailleurs pas informés des envies à long terme des pontes de Konami, ce qui empêche de connaître avec certitude les raisons de l’annulation. Originellement prévue pour être une console de salon capable de lire des cartes permettant aux joueurs de s’échanger des sauvegardes ou des données, elle aurait été dévoyée de cet objectif originel pour devenir une machine portable bénéficiant de graphismes 3D, quelque chose de très ambitieux au milieu des années 1990, en particulier pour un support qui aurait utilisé des cartouches ROM. Il est permis de penser, étant donné les informations disponibles, que Konami avait commencé à expérimenter en interne pendant près d’un an, avant d’obtenir des informations sur la future PlayStation de Sony, et de décider finalement de concentrer la production de ses jeux sur cette console, un pari qui allait assurer à l’entreprise une reconnaissance forte des joueurs et beaucoup de ventes pour toutes ses licences. Un projet avorté de plus au sein d’une société habituée à l’exercice, alors ? Non, plusieurs, car Konami avait aussi commencé à développer des jeux pour cette machine, des concepts totalement abandonnés. C’est dans ces derniers que se trouve la matrice originelle de Suikoden, les premiers jets de ce qui deviendra la licence aux 108 étoiles. Matrice qui trouve son origine avec les efforts d’un homme central dans l’histoire de la saga : le réalisateur des deux premiers volets, Yoshitaka Murayama.

Yoshitaka Murayama, un génie au firmament du jeu vidéo

En 1992, Murayama est un jeune diplômé de programmation à l’université de Tokyo. Assez érudit en matière de littérature, initié au RPG avec des titres phares comme Dragon Quest, il profite de l’ouverture du nouveau siège tokyoïte de Konami pour y soumettre sa candidature. Il est embauché comme programmeur, puis enchaîne pendant un an les petites missions et les débogages pour se faire remarquer et montrer ses compétences. Il est ensuite assigné au développement de deux jeux pensés pour le projet de nouvelle console évoqué plus haut, dont un RPG et un jeu de course. C’est à cette période qu’il travaille avec l’autre future tête pensante de la saga Suikoden, Junko Kawano, spécialisée dans le character design, embauchée par Konami dans le but de produire des concepts pour le RPG finalement annulé. Il faut d’ailleurs préciser que ce fameux RPG n’est pas une première version de Suikoden dont les idées auraient été recyclées par la suite. Selon Murayama, ce projet devait mettre en avant de nombreux personnages, et surtout plus de soixante classes très variées ressemblant aux jobs de Final Fantasy2. Le scénario devait mettre aux prises deux pays en guerre et suivre deux amis d’enfance, chacun dans un camp. Ce RPG n’est donc pas la matrice de Suikoden premier du nom, mais plutôt celle du deuxième épisode, puisque cette idée constitue bien la base du conflit entre Highland et les cités-États de Jowston. La seule chose qui reste de ce projet dans Suikoden I ? Le nom du meilleur ami du héros, Ted, qui va rester pour devenir celui du porteur de la Rune Mangeuse d’âmes.

Environ une semaine après l’abandon de ce projet, Murayama est convoqué, avec une douzaine d’autres développeurs dont Kawano, pour travailler sur un nouveau concept de jeu, cette fois pour la PlayStation. Konami propose à ses employés de se pencher sur cinq pistes : un jeu de courses, un jeu de base-ball et trois RPG. Comme on s’en doute, Murayama et Kawano choisissent de travailler sur un RPG, bien que le premier n’aurait pas refusé de développer un shoot’em up s’il en avait eu l’occasion. Kawano se consacre alors au design des personnages et aux graphismes, tandis que Murayama se concentre sur la programmation et sur la direction du projet tout entier, ce qui lui permet de planifier l’histoire selon ses volontés. Toujours d’après lui, l’entreprise laisse alors une très grande liberté créative à l’équipe de développement, dans la limite du budget alloué, avec une seule contrainte : créer une série qui pourrait donner lieu à une franchise, et ce, afin de s’imposer sur le marché RPG de la PlayStation avant Square et Enix, les deux pontes du genre.

Au moment de créer le pitch de ce nouveau jeu, le réalisateur veut reprendre l’idée d’un casting très étendu avec de nombreuses individualités marquantes, plutôt qu’un seul personnage principal entouré de sa petite équipe. L’expérience de Murayama dans les RPG lui fait dire que, à ses yeux, le protagoniste a beau mener l’intrigue, les personnages secondaires se révèlent mieux caractérisés et plus mémorables. Amateur de manga et de shônen nekketsu3 en particulier, Murayama est friand d’histoires remplies de personnages attachants ; il souhaite alors s’inspirer de Saint Seiya et de Captain Tsubasa4 pour mettre en place un ensemble choral, dans lequel chaque joueur pourrait trouver son favori. Pour illustrer son idée, il aime citer Bruce Harper, ou Ryô Ishizaki en version originale, le défenseur assez peu doué de l’équipe d’Olivier/Tsubasa, qui passe son temps à bloquer les tirs avec sa tête, l’une des meilleures contributions qu’il puisse apporter à l’équipe : un personnage assez peu compétent au départ, dont la persévérance et le courage deviennent, aux yeux de Murayama, une raison suffisante de l’apprécier davantage que le protagoniste.

Petit problème : si Murayama est persuadé du bien-fondé de son idée et de la pertinence d’un groupe élargi de personnages, il ne croit pas que la référence à des mangas destinés à la jeunesse parvienne à convaincre son supérieur – âgé de 50 ans – de valider le projet et de lancer le développement. Pour mieux faire comprendre son point de vue, il décide de mettre en avant un autre exemple, quelque chose que son chef puisse comprendre facilement et qui parle au plus grand nombre. Il choisit donc Au bord de l’eau, un roman chinois, pour illustrer son propos et démontrer l’intérêt d’un récit choral. Le résultat dépasse toutes ses espérances : non seulement son patron comprend la référence, mais ce dernier pense que le RPG de Murayama aura 108 personnages, comme les 108 étoiles du roman. Ce n’était pas l’idée que le réalisateur souhaitait avancer, certes, mais le projet est validé à partir de ce concept. C’est ainsi que Suikoden, grâce à une relative incompréhension, va puiser son nom et une base narrative assez solide depuis un récit qui irrigue l’imaginaire populaire de l’Asie de l’Est depuis plusieurs siècles.

Au bord de l’eau, une inspiration-fleuve

Chaque aire culturelle possède des mythes, des histoires qui transcendent les frontières des États et parviennent à constituer un substrat culturel commun à plusieurs centaines de millions, voire des milliards d’individus. L’Iliade et l’Odyssée, l’Énéide, puis la légende du roi Arthur et la Bible aussi d’une certaine manière sont de bons exemples de mythes et de personnages que quiconque en Occident peut prétendre connaître au moins en partie sans jamais les avoir lus, puisque ces œuvres ont été reprises, de manière plus ou moins consciente, par les raconteurs d’histoires se succédant au fil des siècles. L’aire culturelle que nous désignons comme l’Extrême-Orient n’échappe pas à ce phénomène : on y trouve des légendes qui dépassent les simples frontières de la Chine, de la Corée, du Japon ou des pays d’Asie du Sud-Est. Parmi elles se trouvent trois légendes fondatrices chinoises, trois histoires progressivement constituées en romans très longs et fourmillant de personnages. La plus connue mondialement est sans nul doute La Pérégrination vers l’Ouest, ou Voyage en Occident, dans laquelle le roi des singes – Sun Wukong, ou Son Goku en japonais – et son maître bonze doivent voyager vers l’ouest, en Inde, pour retrouver les écritures sacrées du Bouddha. Cette œuvre a donné lieu à de nombreuses adaptations, dont certaines parodiques, Dragon Ball étant de loin la plus connue5. N’oublions pas non plus Les Trois Royaumes, une histoire épique qui inspirera Murayama pour Suikoden II, et qui met en scène les personnages historiques s’étant affrontés à l’époque des Trois Royaumes, de 220 à 280 apr. J.-C., dans un fracas de batailles ayant mené à la réunification de l’Empire chinois. Il s’agit d’une œuvre-fleuve plus politique et remplie d’archétypes de personnages flamboyants, très connue dans tout l’est de l’Asie.

Enfin, il y a le Shui-hu-Zhuan, traduit par Au bord de l’eau en français et Suikoden en japonais. Il est impossible de définir avec précision un seul et même auteur pour cette œuvre réécrite et éditée à plusieurs reprises, avec plus ou moins de chapitres selon l’édition. Dans tous les cas, ce roman conte les tribulations d’un groupe de bandits et autres hors-la-loi en conflit avec les autorités, ici l’Empire chinois. Notez que les adversaires en question ne sont pas l’Empereur lui-même, mais certains de ses conseillers, par exemple Gao Qiu, un maréchal ayant réellement existé. Il est ici présenté comme un archétype d’antagoniste vengeur, fourbe et corrompu – une description s’étendant à d’autres membres de sa famille ou de son entourage. La corruption revient d’ailleurs régulièrement comme la raison principale des malheurs du peuple et des protagonistes. Plusieurs personnages viennent des rangs de l’Empire et se retrouvent en délicatesse avec la loi à cause d’intrigues et de complots divers et variés.

Cette histoire n’est pas conventionnelle pour les Occidentaux, qui sont davantage habitués aux récits linéaires dans leur littérature en prose : le point de vue navigue entre plusieurs personnages principaux – tous ou presque faisant partie des « 108 étoiles du Destin » –, qui se regroupent progressivement dans les Monts-Liang, une forteresse cachée au milieu d’un lac. Ce dernier se situe sur une montagne abritant depuis longtemps des groupes assez épars, qui vont prendre de l’importance au fur et à mesure de l’arrivée lente et désordonnée des protagonistes. Pour vous donner une idée, sur les soixante et onze chapitres de l’œuvre6, les Monts-Liang n’apparaissent qu’au dix-septième. Et encore, il faudra une bonne quinzaine de chapitres supplémentaires pour que l’action s’y centre davantage.

Cette structure et ce récit fournissent une base à l’histoire du jeu, même si Murayama a le champ libre et n’est pas forcé par Konami de suivre à la lettre le roman et ses conventions. Une fois le feu vert de ses supérieurs obtenu, il s’interroge sur la meilleure manière d’adapter le récit. Pour des raisons diverses, il décide d’en faire une adaptation assez lâche, qui reprend le canevas et certaines idées tout en se démarquant grandement du matériau originel. Tout d’abord, le cadre de la Chine médiévale est abandonné afin de créer un nouveau monde « hybride » reprenant à la fois une esthétique asiatique et des éléments issus de la fantasy occidentale7, dont la magie et des créatures fantastiques (dragons, licornes, griffons, etc.). À ce propos, notez que si Au bord de l’eau comporte quelques éléments merveilleux – comme les démons représentant les esprits des 108 étoiles dans le premier chapitre –, le récit reste de prime abord terre à terre, et ce sont les personnages qui accomplissent des actes extraordinaires. Par exemple, Wu Song, un brave capable de rosser un tigre à mains nues, est présenté comme une force de la nature, sans lien avec quelque puissance magique que ce soit. Le fantastique ne s’impose qu’un peu plus tard dans la narration, alors que les ennemis des bandits se dotent d’un mage noir qui requiert l’intervention d’un autre sorcier pour le contrer. Cela dit, cette incursion de la magie ne s’impose que durant deux ou trois chapitres, pas plus : le reste du temps, c’est la stratégie, et parfois la technologie, qui apportent la victoire aux braves. On y trouve d’ailleurs des explosifs et des lance-fusées ayant inspiré les lances de feu si importantes dans les premiers Suikoden.

Les 108 étoiles du roman vont aussi donner aux 108 étoiles de Suikoden un modèle sur lequel se baser. Le joueur devra donc, au fil de l’aventure, recruter 108 personnages correspondant aux étoiles du Destin, et tous les réunir dans un quartier général situé au milieu d’un lac, à l’instar des Monts-Liang dans le roman. Il est d’ailleurs assez intéressant, pour qui a joué au RPG de Konami, de lire Au bord de l’eau et d’y repérer les archétypes ayant inspiré les personnages du jeu. Une inspiration totalement assumée, puisque chacun des 108 individus de Suikoden correspond à l’archétype lié à son étoile dans le roman. Par exemple, l’étoile Tenki, qui est représentée par Wu Yong, le stratège des bandits des Monts-Liang, est systématiquement associée aux stratèges des jeux Suikoden. Chaque fois qu’on lit la description d’un personnage du livre, on devine facilement son adaptation vidéoludique. Ainsi, lorsqu’on nous présente Zhang Heng, le nautonier, qui remonte les rivières en barque avec son frère Zhang Sun, et que ces derniers finissent par s’occuper de la pêche et des barques au quartier général des héros, on pense évidemment au duo constitué de Tai Ho et Yam Koo, les deux pêcheurs sur lesquels le héros du premier Suikoden se repose pour se rendre au milieu du lac Toran. Et devinez quoi ? Ils correspondent aux étoiles 28 et 30, tout comme les personnages du roman ! Même chose pour Li Kui, un enragé doté de deux haches qui a pu inspirer Fu Su Lu, armé de la même manière. Tang Long, le forgeron attitré des Monts-Liang, correspond à l’étoile de Mace, le chef des forgerons de Suikoden, tandis qu’on retrouve le même parallèle pour les médecins et les aubergistes. De manière générale, les personnages du premier jeu sont plus ou moins inspirés de ceux du roman, tandis que ceux des suites restent dans la même veine que leurs prédécesseurs partageant la même étoile. Signalons enfin que la tablette énumérant les 108 étoiles existe aussi dans l’œuvre littéraire, sauf qu’elle n’apparaît aux protagonistes qu’une fois toutes les étoiles rassemblées, ce qui n’est pas le cas dans le jeu. L’arrivée de Leknaat, une fois la base établie, nous permet d’obtenir la Tablette du Destin, qui devient un moyen de contrôler le nombre de personnages obtenus et de savoir combien il en reste à recruter. Une manière utile et assez noble de respecter le canevas d’Au bord de l’eau.

Dans Suikoden I et II, Murayama reprend également quelques passages du roman à sa propre sauce. Ainsi, Song Liang, le commandant des bandits, est sauvé in extremis d’une exécution dans une séquence qui aura probablement inspiré, au moins dans l’idée, la scène d’exécution avortée de Riou et Jowy au début de Suikoden II. Le recrutement d’un adversaire qui vient d’être battu est aussi une situation que l’on retrouve transposée du livre au jeu, assez logiquement d’ailleurs, puisque dans les deux cas, ce sont les forces vives de l’Empire qui fournissent une bonne partie des membres de l’armée rebelle. L’idée d’un destin supérieur qui s’impose aux personnages est également présente dans le roman, notamment dans le cas de Song Liang. Ce dernier respecte les bandits, mais ne veut pas les rejoindre afin d’honorer la demande paternelle de ne pas s’attirer les foudres définitives des autorités. Le destin l’amène finalement à prendre leur commandement. Suikoden reprend cette idée, mais l’inclut plus généralement dans une guerre que les personnages n’ont pas voulue, et dans laquelle ils doivent pourtant s’impliquer pour mettre fin aux souffrances. Le héros du premier volet, par exemple, n’était pas voué à prendre les armes contre son empereur et son propre père, mais le destin en a voulu autrement. Notons également que la salle d’assemblée du quartier général – celle où tous les personnages se rassemblent avant un événement important, ou bien pour se consulter – est aussi présente dans le roman, le décorum en moins. Enfin, dans la version longue de ce dernier, la mort de certaines étoiles lors des combats a sûrement influencé Murayama, qui a permis le trépas définitif de ses héros pendant les batailles rangées du jeu.

Le réalisateur décide ainsi de faire de son Suikoden un monde de fantasy épique en partant d’un scénario et de personnages inspirés d’Au bord de l’eau. Un groupe de résistants s’oppose à un empire maléfique et corrompu, parvenant progressivement à prendre le dessus, et ce, jusqu’à l’apothéose couronnant leur victoire. Notez que les héros de ce premier volet affrontent directement l’Empereur, qui tient le rôle de boss de fin (quand bien même Murayama n’en fait pas un génie du mal, mais plutôt une figure tragique). Il s’agit d’une différence fondamentale avec le livre, dans lequel les étoiles n’affrontent jamais directement l’empereur de Chine. Dans Suikoden, pas besoin de ménager la cour de l’Empereur ou de faire périr les étoiles les unes après les autres comme dans le roman : il faut que le joueur puisse aller jusqu’au bout de l’aventure et renverser le pouvoir inique de l’Empire. Une liberté prise vis-à-vis de l’œuvre originelle et qui s’illustre dans le nom complet du jeu, Gensô Suikoden, tel qu’il est appelé au Japon. Vous vous étonnerez peut-être qu’un jeu au nom japonais exporté dans le monde entier ait perdu son préfixe d’origine. Sans pouvoir être certain de la raison de ce choix, on peut néanmoins penser qu’il vient d’une basse histoire de marque déposée dans ce territoire bien précis.

L’autre Suikoden

Si Suikoden s’appelle ainsi en Occident, au Japon la saga a toujours été désignée par Gensô Suikoden (幻想水滸伝), Gensô (幻想) signifiant « illusion » ou « rêve », un terme qui se retrouve dans le nom du thème musical principal de la licence, Into a World of Illusions. Pourquoi ne pas l’avoir simplement appelé Suikoden au Japon, dans ce cas ? Il existe une piste assez convaincante, celle d’une marque déjà déposée au moment de la sortie : un jeu vidéo appelé Suikoden était déjà sorti cinq ans avant celui de Konami.

Ce jeu édité par Kœi s’appelle Suikoden : Tenmei no Chikai, le sous-titre pouvant se traduire en français par « le serment du destin ». Celui-ci est sorti en 1989 sur MSX, MS-DOS, Amiga et Macintosh, et en 1990 sur Nes. Précisons que le jeu est aussi paru aux États-Unis sous le titre anglais Bandit Kings of Ancient China, ce qui a le mérite de poser le décor, sans subtilité toutefois. Il s’agit d’un jeu de stratégie reprenant assez fidèlement le scénario d’Au bord de l’eau, ce qui en fait un jeu historique mâtiné néanmoins de fantasy puisque des unités magiques sont disponibles. Pas de 108 personnages à gérer, mais une histoire qui demande de se battre contre le ministre de la Guerre et non l’empereur de Chine – comme dans le livre, donc. Une adaptation plus proche du roman que celle pilotée par Murayama, afin d’exploiter le matériau originel et sa popularité.

Il est probable que le Suikoden de Konami ait bénéficié du préfixe Gensô pour éviter les litiges tout en indiquant subtilement qu’il ne s’agissait pas d’un calque d’Au bord de l’eau, mais plutôt d’une réinterprétation, le tout dans un univers de fantasy un peu plus occidental que l’original. Notons d’ailleurs que Kœi a sorti un remake Saturn et PlayStation de Tenmei no Chikai en 1996, soit un an après la sortie du Gensô Suikoden de Konami. De là à penser que Kœi a senti le bon filon, il n’y a qu’un pas.

En tout cas, lorsque Gensô Suikoden sort dans le monde entier, rien ne s’oppose à ce qu’il enlève son préfixe et s’affiche sous son nom d’origine, sans traduction. Une idée par ailleurs risquée, étant donné que la plupart des grandes licences de RPG japonaises exportées en Occident portent alors des noms anglais, comme Final Fantasy, Dragon Quest, Phantasy Star, Breath of Fire, Chrono Trigger, Tales of, etc. Certes, « Suikoden » se distingue d’emblée, mais ce n’est pas un mot facile à prononcer, aussi bien pour les anglophones que les francophones. Une fois de plus, il s’agit probablement pour Konami d’un moyen de se distinguer à peu de frais d’une concurrence aux titres plus compréhensibles et potentiellement moins accrocheurs, moins porteurs de mystère, sans se baser sur la traduction du nom de l’œuvre originale, quasiment inconnue en Occident. Étant donné que ni Murayama ni les membres du département marketing de Konami ne se sont exprimés sur le sujet, il est toutefois difficile de dépasser le stade de la conjecture. Cela dit, la volonté de distinguer Suikoden de la masse de J-RPG de l’époque ne doit pas être sous-estimée, puisqu’elle a conduit à la création d’un game design original, ainsi que d’un univers au background particulièrement riche.

1. Rien qu’en 1979, la liste des jeux Konami sur arcade fait mention d’Astro Invader, de Space King, Space King 2, Space Ship et Space War, des shoot’em up fortement inspirés de Space Invaders.

2. Le nombre varie selon les interviews, Murayama évoquant même des classes de personnages comme boulanger.

3. On parle beaucoup de shônen nekketsu, qui veut dire « jeune garçon au sang bouillonnant », pour évoquer les œuvres centrées sur le combat et une quête d’apprentissage, comme Dragon Ball, One Piece, Naruto, Bleach… Cela dit, cette expression ne semble utilisée qu’en France.

4. Plus connus comme Les Chevaliers du Zodiaque et Olive et Tom chez nous. Murayama cite aussi Hokuto no Ken, ou Ken le Survivant, dans la même veine.

5. Cela dit, comme Murayama pour Suikoden, Akira Toriyama ne s’est inspiré que de quelques éléments de La Pérégrination vers l’Ouest pour son histoire, comme le bâton magique.

6. Plusieurs versions existent, comme nous l’avons dit précédemment, et nous avons retenu la plus digeste, celle qui est actuellement lisible aux éditions Folio avec soixante et onze chapitres (en deux volumes). Celle de la Pléiade ajoute des chapitres qui ramènent les bandits sous le giron de l’Empire pour les confronter à d’autres scélérats.

7. Par exemple, des villages à l’architecture asiatique côtoient des châteaux médiévaux européens.

Légendes de la création du monde

Épée et Bouclier

Au commencement, il y avait les Ténèbres. Celles-ci existèrent pendant des éons dans une solitude complète. De leur peine et de leur désespoir, elles versèrent une larme, de laquelle naquirent deux frères : Épée et Bouclier. Le premier prétendait pouvoir tout couper. Le second, lui, jurait de pouvoir protéger n’importe quoi et de résister à tous les assauts. De ces deux discours naquit leur conflit, un combat qui dura sept jours et sept nuits. Épée finit par découper Bouclier, tandis que Bouclier parvint à éclater Épée en mille morceaux. Les débris d’Épée se séparèrent et formèrent le ciel, tandis que ceux de Bouclier bâtirent la terre. Des étincelles provoquées par les combats naquirent les étoiles, tandis que les vingt-sept joyaux qui ornaient Épée et Bouclier devinrent les 27 Vraies Runes.

Les 27 Vraies Runes

Toutes uniques, les 27 Vraies Runes représentent des pouvoirs liés à la trame même de l’univers1. Douées d’un certain degré de conscience, elles confèrent aux personnes qui les portent une jeunesse éternelle, une résistance surnaturelle et des pouvoirs sans commune mesure. Selon la nature de la Rune, celle-ci peut se lier fortement à son hôte et devenir plus puissante en développant une symbiose. Certaines développent des traits parasitiques, contrôlant la volonté de leurs porteurs, semant le carnage et la destruction dans leur sillage. D’autres peuvent être scindées et offrir leurs pouvoirs à plusieurs personnes différentes. Si ces artefacts diffèrent tous grandement, il est toutefois clair qu’ils sont à l’origine de la création des Runes plus communes et qu’ils détiennent la clef des mystères de ce monde.

Il semble qu’à la manière d’Épée et Bouclier, destinés à s’affronter encore et encore, les Vraies Runes auraient une volonté secrète, celles de se réunir afin de revenir à l’état originel du monde, un néant dépourvu de vie, de couleur et de conflit. Pour ce faire, il est possible que leur stratégie consiste à se débarrasser des humains en provoquant des guerres. En effet, c’est bien le récit de leurs combats et la marque sanglante de leurs pouvoirs qui pavent les chroniques des historiens du monde entier. Pour un mortel, la rencontre avec une Vraie Rune bouleverse tout sur son passage, à cause de la jalousie et de la folie qu’elles induisent parfois chez lui, de leurs pouvoirs capables de renverser un pays, ou encore de la dévastation que leur usage peut provoquer. Malgré tout, un peuple désormais disparu semble avoir possédé la sagesse et la tempérance nécessaires afin de canaliser le pouvoir de plusieurs Vraies Runes.

La civilisation des Sindars

Il y a longtemps, le mystérieux clan des Sindars parcourait le monde. Ce peuple maîtrisait une technologie sans commune mesure sur terre et avait percé les secrets de l’alchimie et de la mécanique, mais il finit toutefois par disparaître, ne laissant derrière lui que des ruines. Disséminées dans le monde entier, celles-ci donnent encore le tournis aux érudits et aux archéologues, des siècles après leur déclin. Si les légendes entourant les Sindars sont nombreuses, il est certain qu’ils étaient parvenus à maîtriser et canaliser la puissance de plusieurs Vraies Runes, en les scellant dans des bâtiments ou des objets contrôlant leur pouvoir. Certains mythes racontent que le chef des Sindars portait sur son front la Rune du Changement, ce qui aurait empêché son peuple de s’établir définitivement en un lieu, et l’aurait donc forcé à se déplacer constamment d’un continent à l’autre. Quelques spéculations existent sur l’implication des Sindars dans certains événements de l’Histoire, mais toute information sur eux reste difficilement vérifiable.

À l’époque des Sindars, d’autres humains parvinrent à conquérir la grande partie des terres connues, reléguant les Elfes, les Nains et les autres peuples humanoïdes, hostiles ou non, aux marges des nations fondées par l’humanité. C’est aussi pendant cette ère que les Vraies Runes commencèrent à manipuler leurs porteurs en leur accordant l’immortalité, en leur transmettant des pouvoirs dépassant l’entendement et en contrôlant leur volonté de manière insidieuse. Ainsi, des pays entiers se firent peut-être la guerre à cause du désir implicite des Vraies Runes.

Parmi les anciens événements attestés, la Rune de la Lune posséda une jeune fille nommée Sierra Mikain et l’obligea à boire le sang de ses victimes. Celle-ci engendra plusieurs monstres morts-vivants, dont Neclord, un vampire qui finit par trahir sa confiance en lui dérobant la Rune, afin d’en obtenir les pouvoirs. Depuis, Sierra le traque pour récupérer son bien.

La volonté d’Hikusaak

À cette époque, le continent au nord du monde était gouverné dans son entièreté par un royaume nommé Aronia. On ne sait que peu de choses sur ce dernier, si ce n’est qu’il fut détruit et renversé par celui qui allait officialiser l’histoire telle que nous la connaissons : Hikusaak le Héros. La guerre qu’il mena (nommée la Guerre du Héros) afin de renverser le royaume d’Aronia est pétrie de mystères, et seule la date de fin de ce conflit est officiellement connue. Ce que le monde retient, c’est que deux ans après la fin des hostilités, Hikusaak fut intronisé Grand Prêtre d’un nouveau pays baptisé « Saint royaume d’Harmonia », recouvrant peu ou prou les mêmes terres que celui d’Aronia. Cet événement marqua l’an 0 du calendrier harmonien, qui deviendrait la référence temporelle de tout le continent du nord et même au-delà.

Hikusaak semblait n’avoir qu’un seul objectif : retrouver et regrouper les 27 Vraies Runes, dans un but inconnu. Lui-même possédait la Rune du Cercle, réputée préserver l’ordre et chasser le chaos. Prêt à tout pour obtenir les artefacts et peu désireux de s’embarrasser de scrupules, Hikusaak envoya ses armées et ses sbires partout dans le royaume, occasionnant parfois de véritables tragédies, comme lorsque les Harmoniens détruisirent un village entier pour s’emparer de la Rune de la Porte. Seules deux sœurs, Leknaat et Windy, purent s’enfuir après avoir scindé la Rune en deux parties.

Progressivement, Hikusaak se retira des affaires politiques, puis il finit par disparaître totalement de la vie publique, près de cent ans après sa prise de pouvoir. En conséquence, le royaume d’Harmonia perdit des parties de son territoire. Si la structure de la théocratie est très stable et que son gouvernement continue de convoiter toutes les Vraies Runes, le sort d’Hikusaak lui-même est inconnu. On sait toutefois que la Rune du Cercle lui assure une vie éternelle pour mener à bien son ambitieux dessein : la maîtrise des 27 Vraies Runes.

1. Les Vraies Runes connues à ce jour sont les suivantes, dans l’ordre chronologique de leur apparition dans la saga : la Rune Mangeuse d’âmes, la Rune de la Porte, la Rune Souveraine, la Rune des Dragons, la Rune de la Nuit, la Rune du Début, la Rune de la Bête, la Rune de la Lune, les Vraies Runes élémentaires du Feu, de l’Éclair, du Vent, de la Terre et de l’Eau, la Rune Octuple, la Rune de la Punition, la Rune du Soleil, la Rune du Cercle et la Rune du Changement.

Scénario de Suikoden

La naissance de l’empire de la Lune écarlate

Malgré la puissance indéniable du Saint royaume d’Harmonia sur tout le continent septentrional, son troisième siècle d’existence faillit signer la fin de sa longue histoire lorsque l’absence d’Hikusaak, censément immortel et pourtant invisible aux yeux du peuple, déclencha une vague de révoltes dans l’aristocratie. L’un des nobles les plus influents, Kranach Rugner, surnommé le chevalier de la Lune écarlate, donna crédit aux rumeurs courant sur la mort d’Hikusaak et décida de faire sécession du Saint royaume en 230. Avec l’aide de son tacticien Julian Silverberg, et sans rencontrer d’opposition militaire de la part d’Harmonia, il s’empara d’une grande portion des terres au sud du continent, principalement dans la région entourant le lac Toran, puis s’installa dans la cité sacrée de Rupanda, qu’il renomma Gregminster, pour en faire sa capitale.

La guerre de succession

Ainsi fondé sur les cendres d’une rébellion, l’empire de la Lune écarlate jouit durant plus de deux cents ans d’une paix sans nuages sous la protection de la Rune Souveraine, une Vraie Rune immunisant son porteur contre tout effet magique. Cette période prospère se termina néanmoins à l’occasion d’une guerre de succession brusque et sanglante. Barbarossa Rugner, l’empereur légitime, dut se confronter à son oncle Geil Rugner, qui cherchait à accaparer le pouvoir, chacun d’eux disposant d’assez de partisans pour déclencher un conflit à grande échelle. Pendant près d’un an, la dynastie impériale se déchira jusqu’à ce que les forces de Barbarossa reprennent possession de la capitale. Geil Rugner fut exécuté et son neveu s’installa sur le trône, mais il perdit sa femme, Claudia, des mains mêmes du félon.

L’incident de Kalekka

Profitant du chaos créé par la guerre de succession, l’alliance des cités-États de Jowston, dont le territoire se trouve à la frontière nord de l’Empire, décida d’attaquer la cité agricole de Kalekka pour étendre son territoire. Les forces de Barbarossa repoussèrent l’assaut sans pour autant débarrasser la région de ses envahisseurs. De nouveau, l’Empire fut accablé par un conflit d’envergure appelé à durer plusieurs mois. En conséquence, le sentiment antiguerre de la population fatiguée se développa et contraria les plans de l’Empereur. Sur les conseils de son stratège en chef, Leon Silverberg, Barbarossa prit une décision tragique : ses troupes incendièrent Kalekka, assassinant tous ses habitants, avant de rendre l’ennemi responsable du massacre pour faire basculer l’opinion publique en faveur de la guerre. Le subterfuge réussit et Barbarossa regroupa les ressources nécessaires pour bouter les forces de Jowston hors de son territoire. Cependant, l’état-major des armées de l’Empire se fissura après cette campagne : Leon Silverberg et son neveu Mathiu, qui avaient orchestré ce qu’on appellerait par la suite l’incident de Kalekka, quittèrent l’armée définitivement1. Une fois encore, la victoire de Barbarossa fut amère puisque le sentiment anti-impérial s’intensifia à tel point qu’une armée de libération se créa quelques années après ces conflits. Sa fondatrice n’était autre qu’Odessa Silverberg, la sœur de Mathiu. Elle cherchait à unir les opposants à l’Empereur, même si ses troupes devaient constamment se cacher de l’armée et peinaient à former une réelle menace pour le pouvoir.

D’un point de vue plus personnel, Barbarossa ressentait encore une profonde douleur due à la perte de sa femme Claudia. Windy, devenue une sorcière plusieurs fois centenaire – et très ressemblante à Claudia –, profita de sa tristesse pour l’approcher et devenir l’éminence grise de son empire.

La volonté de Windy

Windy est, avec sa sœur Leknaat, l’une des deux survivantes du clan de la Rune de la Porte. Elle s’enfuit en possession d’une moitié de la Vraie Rune après le massacre de son peuple en 70 par les troupes d’Harmonia. La destruction de son foyer la remplit de rancœur et l’encouragea à rechercher du pouvoir – et notamment des Vraies Runes –, d’une part pour ne plus jamais se retrouver impuissante, et d’autre part pour se venger du monde abject qui lui avait volé son enfance. Dans sa quête de force, elle s’allia à des entités maléfiques, dont le vampire Neclord, ainsi que Yuber, le porteur de la Rune Octuple, un guerrier obsédé par la guerre, la violence et le chaos. Avec leur aide, elle parvint en l’an 150 à remonter la trace de la Vraie Rune Mangeuse d’âmes, gardée dans un petit village par une communauté discrète. Dans une certaine ironie du sort, elle infligea à ces gens le même destin qu’Harmonia fit subir au clan de la Rune de la Porte, là encore en pure perte : avant de mourir, le chef du village se sacrifia pour permettre la fuite de la Rune, qu’il confia à son petit-fils Ted. Ce dernier erra pendant près de trois cents ans, des Nations des îles aux confins reculés du monde, avant d’être recueilli par Teo McDohl, l’un des cinq Grands Généraux de l’empire de la Lune écarlate. En parallèle, Windy se mit en quête d’autres Vraies Runes, avant de rejoindre la cour de Barbarossa.

Le transfert de la Rune Mangeuse d’âmes

Près d’une dizaine d’années après la guerre de succession, l’Empire semble revenu à son apogée, bien que la corruption gangrène l’armée comme l’administration. Teo McDohl est directement chargé par l’Empereur de sécuriser la frontière nord avec l’alliance de Jowston. Son jeune fils Tir commence quant à lui sa carrière dans les rangs de l’armée impériale. Jeune noble désireux de faire ses preuves et plein d’idéalisme, il est entouré de fidèles alliés, dont ses serviteurs et gardes du corps Gremio, Pahn et Cleo, ainsi que son ami Ted, qui dissimule son statut de porteur de Vraie Rune.

Au cours de ses premières missions, l’entourage de Tir se rend rapidement compte de la corruption de l’Empire et de l’avidité de la bureaucratie. Lors d’un affrontement avec un monstre, le groupe semble dépassé, mais Ted utilise sa Rune Mangeuse d’âmes pour sauver la vie de ses camarades. Windy, qui a vent de l’incident grâce à Pahn, comprend alors qu’elle a retrouvé la piste de ce qu’elle convoite depuis plusieurs centaines d’années. Elle tente de l’arracher à Ted, mais échoue, sans toutefois omettre de le blesser grièvement.

Affaibli, Ted finit par transmettre sa Vraie Rune à Tir et lui demande de la protéger, un choix que son ami accepte d’assumer. Le jeune garçon s’enfuit de la résidence McDohl aux côtés de Gremio et Cleo, tandis que Ted se rend aux soldats impériaux pour leur donner le temps de s’échapper. Le lendemain, un étrange épéiste nommé Viktor les aide à s’extraire de Gregminster en corrompant les gardes, à la condition qu’ils le suivent jusqu’à la planque de l’armée de libération.

La nouvelle armée de libération

Une fois arrivés, Tir et ses amis rencontrent Odessa Silverberg, la cheffe des rebelles, qui persuade le trio désormais recherché de les rejoindre. Après plusieurs missions où le jeune homme assiste encore une fois à la corruption interne de l’Empire, des soldats impériaux dénichent la planque, et Odessa se retrouve mortellement blessée en protégeant un enfant. Elle trouve tout de même la force, dans ses derniers instants, de demander à Tir de rejoindre son frère Mathiu dans un village plus au sud.

Isolés et décidés à garder la mort d’Odessa secrète, Tir et ses compagnons se mettent en route et s’allient au stratège Mathiu Silverberg, qui s’est reconverti en instituteur depuis l’incident de Kalekka. Incapable de continuer à fermer les yeux devant les exactions de l’Empire, le frère d’Odessa demande alors au porteur de la Rune Mangeuse d’âmes de devenir le nouveau chef de l’armée de libération, car le jeune homme semble capable de rassembler et de fédérer de nombreux guerriers autour de sa personne.

Le groupe s’approprie ensuite une forteresse abandonnée au milieu du lac Toran pour en faire le quartier général de cette nouvelle armée. L’astrologue Leknaat – la sœur de Windy et détentrice d’une partie de la Rune de la Porte – intervient peu après l’inauguration du château pour confier au jeune homme deux présents : la Tablette du Destin, où sont inscrits les noms des 108 étoiles que Tir doit rassembler dans son périple, ainsi que les services de Luc, son apprenti mage qui cache la puissance de la Vraie Rune du Vent.

L’armée dirigée dorénavant par Tir a besoin du plus grand nombre d’alliés possible dans son combat contre l’Empire. Lepant, marchand très influent et grand meneur d’hommes, la rejoint lorsque Tir l’aide à sauver sa femme d’un enlèvement par des soldats impériaux. Alors que la base de Toran s’agrandit et que de nombreuses recrues arrivent, Mathiu continue de faire croire qu’Odessa est en mission secrète pour ne pas miner le moral des troupes.

Le sauvetage des non-humains

Un matin, Tir trouve sur les quais un Elfe blessé, Kirkis, venu pour convaincre l’armée de libération d’aider son peuple à combattre l’un des cinq Grands Généraux de l’Empire, Kwanda Rosman. Dans la région tenue par ce dernier se trouvent en effet plusieurs peuples non humains : les Elfes donc, auxquels s’ajoutent les Nains et les Kobolds, tous désormais menacés par les forces impériales, qui voient en ces races des dangers potentiels pour l’Empire. Conscient que les faibles forces de leur armée de bric et de broc – quelques centaines d’hommes tout au plus – se feraient massacrer lors d’une bataille rangée, Mathiu envoie Tir en reconnaissance.

Le héros et ses camarades se rendent au village des Elfes, où ils finissent emprisonnés par l’ancien qui les juge aussi dangereux que l’Empire. Ils partagent ainsi le sort de Valeria, un ancien lieutenant de Kwanda Rosman qui souhaitait prévenir les Elfes du danger du Miroir brûlant, une arme obtenue par l’Empire à partir de schémas volés aux Nains. Une fois libéré, le groupe se dirige chez ces derniers en espérant trouver un moyen de contrer cette arme qui, pendant ce temps, anéantit le village des Elfes. Alors que l’équipe veut se regrouper à Toran, les forces impériales bloquent la route et tout semble perdu. Heureusement, Mathiu a dépêché des renforts venant pour la plupart de l’ancienne armée d’Odessa.

Avec près de 7000 hommes à ses côtés, Tir déclenche la première bataille rangée de la guerre devant le siège du pouvoir de Kwanda Rosman. La nouvelle armée de libération, aidée par les Nains, gagne la bataille et détruit le Miroir brûlant. Tir parvient même à battre Kwanda en combat singulier, avant de se rendre compte que celui-ci était contrôlé par une Rune Noire que Windy lui avait confiée au prétexte de pouvoir invoquer des monstres en combat. Une fois la Rune détruite, Kwanda reprend ses esprits et pense devoir mourir comme un soldat, mais Tir parvient à le convaincre de se battre contre l’Empereur désormais corrompu. Les troupes de Kwanda, ainsi que certains survivants kobolds et elfes, rejoignent ainsi l’armée de libération, qui fait un pas en avant crucial vers son objectif.

Le poison de Milich

Trois mois passent avant que les derniers membres de l’ancienne armée de libération, menés par Flik – le compagnon et ancien second d’Odessa –, arrivent à la base de Toran, qui s’est considérablement développée. Mathiu, Viktor et Tir décident alors de révéler la mort d’Odessa à Flik qui, malgré son chagrin et sa rage, rejoint les rebelles. Toutes ces forces nouvellement réunies permettent à l’armée de commencer à s’étendre vers l’ouest de l’Empire en prenant la forteresse de Garan. Tandis que Mathiu désire que les rebelles prennent leur temps et rassemblent des informations avant de pousser plus loin, Flik et de nombreux guerriers veulent profiter de leur avantage et continuer leur percée occidentale jusqu’à Scarleticia, le château de Milich Oppenheimer, un autre Grand Général de l’Empire. Mal leur en prend, puisque ce dernier garde sa forteresse bien protégée par des roses empoisonnées qui déciment l’armée de libération.

Tir, Gremio, Viktor et Flik partent donc en reconnaissance pour trouver une parade. Après de nombreuses péripéties, ils parviennent à libérer le médecin Liukan d’une prison impériale afin de le convaincre de créer un remède au poison des roses. Le prix à payer est cependant très lourd. Si leur infiltration réussit, Tir et ses compagnons se retrouvent victimes d’un piège manigancé par Milich, qui enferme le groupe dans une salle infestée de spores mangeuses d’hommes. Gremio se sacrifie pour sauver son maître et ses camarades, après une dernière déclaration de loyauté à Tir.

Alors que l’armée de libération fait son deuil, Liukan prépare le remède, et sans les roses empoisonnées, la deuxième bataille de Scarleticia tourne cette fois en faveur des rebelles. Lorsque la fureur des combats s’apaise, Tir s’aperçoit que Milich était lui aussi victime d’une Rune Noire de Windy. Malgré sa peine, il parvient à pardonner au Grand Général endoctriné et le recrute ainsi que ses hommes.

Le père contre le fils

L’armée de libération n’a pas le temps de souffler que la base de Toran se retrouve encerclée par les troupes de Teo McDohl – le père de Tir – revenu de la frontière nord. Sa cavalerie bat à plate couture l’armée de son fils dans une première bataille rangée. Il faut de nouveau trouver une solution, cette fois contre des chevaliers lourdement protégés. Flik évoque alors les lances de feu, des armes qu’Odessa avait secrètement fait développer par des partenaires situés au nord de l’Empire. Une fois en leur possession, l’armée de libération se confronte de nouveau aux forces de McDohl père, qui se révèlent impuissantes face aux lances de feu, de véritables lance-flammes portatifs. Malgré la défaite, Teo lance un défi à Tir sous forme de combat singulier. Le jeune homme remporte alors le duel, mais blesse mortellement son père. Avant de trépasser, Teo demande à Tir de continuer d’emprunter le chemin en lequel il croit. Une fois encore, la tragédie frappe le destin du porteur de la Mangeuse d’âmes, et ce, malgré un incontestable triomphe militaire.

Le vampire Neclord

Toutes ces victoires successives entraînent une grande sympathie envers les rebelles et de nombreuses mutineries se déclarent au sein de l’armée impériale. Obligée de fortifier la capitale Gregminster, celle-ci laisse plusieurs régions sans garnison importante, comme celle de Lorimar, au sud-ouest de Toran. Un objectif manifestement aisé à prendre pour l’armée de libération, qui trouve cependant la forteresse défendant la région vide, avec de nombreuses tombes ouvertes à l’intérieur.

Au village des Guerriers tout proche, le groupe se rend compte que Neclord, allié de Windy et responsable des années plus tôt de la destruction du village natal de Viktor, terrorise les communautés de la région en exigeant des jeunes femmes comme « épouses ». Tengaar, la fille du chef du village des Guerriers, est la suivante sur la liste du monstre. Le groupe essaie de l’affronter, mais ne parvient même pas à le toucher, et Neclord emporte sa promise. C’est alors que Tir et Viktor se mettent en quête d’un moyen de le blesser dans la caverne du Passé. Ils y trouvent l’épée parlante Star Dragon – en vérité l’incarnation de la Rune de la Nuit –, de laquelle Viktor s’empare. Tir et son groupe se rendent ensuite au château du vampire, qui souhaite profiter du « mariage » pour se débarrasser du jeune garçon et donner la Rune Mangeuse d’âmes à Windy. Après un combat très difficile, Viktor pourfend le vampire à l’aide de l’épée Star Dragon, et Tir libère Tengaar. En récompense de leurs actions, le village des Guerriers s’allie à l’armée de libération.

L’alliance avec les Chevaliers Dragons