La sorcellerie à Belle-Île-en-Mer - Yvonne Lanco - E-Book

La sorcellerie à Belle-Île-en-Mer E-Book

Yvonne Lanco

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Beschreibung

À la découverte du folklore breton

Si donc j'ai écrit ces pages, c'est dans le but de fixer les histoires, les légendes, les contes de mon pays, avant qu'ils ne tombent dans l'oubli.
Que de fois, cherchant un renseignement sur ces héritages du passé, il m'a été répondu : Ah ! Il aurait fallu demander ça aux vieux. Ces vieux-là ne sont plus : j'ai essayé tout de même de me souvenir des choses d'autrefois et de trouver encore auprès de quelques fidèles attachés au folklore de l'île, quelques bribes d'histoires de sorcellerie, de contes et de légendes que j'ai pu reconstituer.

Cet ouvrage publié une première fois en 1958 propose des récits parfois sombres, parfois cocasses, où le vrai se distingue parfois difficilement de l'invraisemblable !

EXTRAIT DE LA MÈRE LE RAT

Sur la route du grand phare, dans une cabane faite de mauvaises planches, vivait une sorcière. Elle était très vieille et, toujours courbée sur son bâton, marchait d’un pas traînant. Sa grosse face large était toute piquée et sa tête recouverte d’un chiffon d’un gris innommable.
Quand vous passiez auprès d’elle, vous l’entendiez murmurer des mots incompréhensibles ; parfois elle s’arrêtait devant vous et traçait des cercles dans l’air, avec son bâton.
Elle allait au cimetière ramasser le bois des vieux cercueils, en faisait du feu dans sa sordide cabane et la fumée qui s’en échappait, répandait, tout autour, une odeur infecte.
Ah ! elle portait bien son nom la mère Le Rat !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Yvonne Lanco (1886 - 1962), originaire de Le Palais, la capitale de Belle-Île-en-Mer, se passionnait pour son île, son histoire. Elle avait réuni de nombreux documents et objets pour animer un petit musée. La Citadelle Vauban est aujourd'hui propriétaire de quelques-uns de ces souvenirs et archives.

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CLAAEFrance

Yvonne Lanco

La sorcellerie à Belle-Île-en-Mer

Légendes, contes et histoires vraies

CLAAE

2016

© CLAAE 1996

© CLAAE 2016

Tous droits réservés. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

EAN eBook : 9782379110429

CLAAE

France

L’auteur Yvonne Lanco (1886-1962), originaire de Le Palais, la capitale de Belle-Île-en-Mer, se passionnait pour son île, son histoire. Elle avait réuni de nombreux documents et objets pour animer un petit musée. La Citadelle Vauban est aujourd’hui propriétaire de quelques-uns de ces souvenirs et archives.

Avant-propos

Connaissant la susceptibilité d’une partie de la population de Belle-Isle pour tout ce qui touche à la sorcellerie dont leur pays avait autrefois la réputation, je tiens à dire, avant qu’on ne lise cette étude et ces histoires, que tout cela n’existe plus depuis bien des années.

Jusqu’au XVIIIe et même XIXe siècle, il n’y avait pas de sorciers qu’à Belle-Isle. On en trouvait en Bretagne, en Auvergne, dans presque toute la France, en Angleterre, en Irlande, en Allemagne et dans les pays du Nord.

Si donc j’ai écrit ces pages, c’est dans le but de fixer les histoires, les légendes, les contes de mon Pays, avant qu’ils ne tombent dans l’oubli.

Que de fois, cherchant un renseignement sur ces héritages du passé, il m’a été répondu : « Ah ! Il aurait fallu demander ça aux vieux !… »

Ces vieux-là ne sont plus ; j’ai essayé tout de même de me souvenir des choses d’autrefois et de trouver encore auprès de quelques fidèles attachés au folklore de l’île, quelques bribes d’histoires de sorcellerie, de contes et de légendes que j’aie pu reconstituer.

J’espère que vous ferez bon accueil à ce petit ouvrage, et que vous aurez plaisir à connaître ce que les vieux racontaient, le soir, autour du feu de lande.

Yvonne Lanco

Sur la sorcellerie

Et, si vous allez à Locmaria1,

mettez vos pouces en dedans !

Cette réflexion assez inattendue provoquait, chez le non-initié, un étonnement très compréhensible. Oui, pour ne pas être ensorcelé, il fallait, dès que vous arriviez sur la limite de cette paroisse, mettre vos pouces dans le creux de vos mains et les tenir enfermés dans les autres doigts. C’était une tradition si vieille à Belle-Isle, qu’on ne sait depuis quelle époque elle y était en usage. C’était le moyen de conjurer le mauvais sort.

À Locmaria, deux influences se faisaient sentir. Celle de la terre sacrée de la Vierge, d’où vient son nom : Loc-Maria, et celle de la sorcellerie qui a toujours joué un grand rôle, dans les hameaux des alentours.

Le culte de Notre-Dame-de-Locmaria a été, dans tous les temps, à l’honneur dans l’île. Au Xe siècle, l’église de ce bourg a été ruinée, dit-on, par les Normands. Au XIe siècle, elle fut rebâtie et on trouve, dans le nécrologe de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé dont Belle-Isle dépendait, que cette église fut consacrée, vers 1010, par Guirec (Géran) évêque de Nantes, et frère Benoist, abbé de ladite abbaye et tous deux fils d’Alain Cagnart, comte de Cornouailles. Il est probable qu’en dédiant à la Vierge l’église restaurée en 1010, Guirec ne fit que continuer une tradition.

La seconde influence qui régnait dans ce petit pays était celle de la sorcellerie.

Si de pieux pèlerins, faisant fi de ces pratiques condamnables, chantaient l’Ave Maris Stella en pénétrant sur le territoire de cette paroisse, d’autres, simples promeneurs ou gens attirés là par leurs affaires, mettaient leurs pouces en dedans. Peut-être en étaient-ils qui, tout en chantant leurs cantiques, obéissaient à un vieux réflexe et tenaient, eux aussi, leurs pouces bien serrés dans leurs doigts.

Il serait faux d’écrire que seule la paroisse de Locmaria avait des sorciers. Toutes les parties de l’île en possédaient et vous le constaterez dans le cours de cet ouvrage.

Comment peut-on expliquer la survivance de la sorcellerie à Belle-Isle et que ses pratiques restèrent si longtemps une sorte de religion dans ce pays isolé du continent ? Serait-ce un héritage remontant à la religion des druides ? Serait-elle l’apport des Irlandais qui, chassés au Ve siècle, vinrent se fixer à Vindilis, nom qui désignait Belle-Isle pendant l’occupation romaine et que les Irlandais baptisèrent du nom de Guédel (Guewdel) qui était celui du pays qu’ils abandonnaient ? Tous les ans, en Irlande, à la foire de Puck2 à Killorglin, un bouc est encore couronné roi.

Le dieu des vieilles religions, depuis l’époque paléolithique, était représenté par un animal cornu. À l’âge du bronze cette religion pénètre toute l’Europe et devient unique dans tout le bassin méditerranéen. Puis ce culte est observé dans toutes les Gaules et une réplique du dieu gaulois Cernunnos fut, plus tard, retrouvée sous Notre-Dame-de-Paris.

Mais l’église dénonça l’ancien dieu comme étant le diable et l’interdit. Cependant les régions isolées, montagnes, collines, îles, Guernesey notamment, restent des lieux d’assemblées de sorcières. À Belle-Isle nous avons le village de Bord-Groa (village des fées ou des sorcières) ; dans le Morbihan nous avons aussi l’île de Groix (Groa).

Sans doute les menaces de Childebert et de Charlemagne ne parvinrent pas jusqu’à nos îles ou du moins ne réussirent pas à les soumettre. Elles persistèrent dans le culte défendu qui sacrifiait des humains au dieu cornu. La légende de Saint Marc, à Belle-Isle, serait la démonstration du triomphe du christianisme sur la vieille religion3.

Cependant, Satan continuait toujours la lutte contre Dieu et, l’Église, au Moyen Âge, dut combattre les sorcières et leurs pratiques. Il fallut quelques tolérances pour ne pas brusquer des croyances enracinées depuis des millénaires, même chez les prêtres et les religieux.

Dans le livre The God of the Witches, que Margaret Alice Murray, docteure ès lettres, a publié à Londres4, on peut lire : En 1282, le prêtre d’Inverkeithing organise une danse païenne de la fertilité autour de son église. En 1303, l’évêque de Coventry en personne, accompagné de plusieurs membres de son diocèse, rend hommage à une divinité animale. ll est accusé devant le pape d’être un sectateur du démon ; mais l’événement est d’autant plus remarquable qu’il échappe au châtiment.

En 1453, le prieur de Saint-Germain-en-Laye sacrifie au même culte. Maints exemples, pris au Moyen Âge, prouvent que des prêtres et des dignitaires servaient en même temps et le Dieu de l’Église et quelque divinité païenne.

Lorsque les rites païens qui sacrifiaient des humains au dieu cornu commencèrent de disparaître, les sorciers employèrent d’autres pratiques soit sur les animaux soit sur les gens et ce sont les seules qui survivaient il y a encore quelques années.

À l’occasion des fêtes du Rosaire, du mois d’octobre 1953, le révérend père Panici, dans une des conférences qu’il fit à Vannes, dans la salle de la nef, prit comme sujet la magie et ses mystères – les procès de sorcellerie.

Bien qu’une foule d’histoires soit fausse, dit-il, on peut montrer de façon rigoureuse qu’il existe une action démoniaque, liée à l’activité d’initiés qu’on nomme magiciens ou sorciers. Il démontre que les sorciers causaient toutes sortes de maux par la magie, surtout par les maléfices et les envoûtements ; qu’au Moyen Âge on se servait de la magie pour perdre des gens qu’on voulait supprimer, parfois tout à fait injustement. Ce fut le cas des Templiers et de sainte Jeanne d’Arc.

Au XVIIIesiècle les procès de sorcellerie cessèrent, mais le démonisme ne s’arrêta pas5.

En octobre 1954, à Lorient, le révérend père Panici faisant, de nouveau, une conférence sur le même sujet, disait : Magie, sortilèges, charmes, maléfices existent bel et bien, et si dix-neuf témoignages sur vingt doivent être considérés comme étant le produit d’imaginations détraquées, un très grand nombre de faits troublants, incontestables et vérifiés, n’en démontre pas moins l’indéniable existence de forces occultes ne pouvant absolument pas être attribuées à des phénomènes physiques ou chimiques, et que seules peuvent expliquer des interventions démoniaques et sataniques.

*

La paroisse de Locmaria est belle. Sa campagne, ses vallons profonds, ses côtes superbes, ses plages et ses ports accueillants font d’elle un coin rêvé.

Sa population d’origine celtique est différente de celle des trois autres paroisses de l’île.

Dans le bourg il n’était pas question de sorcellerie mais, dans certains villages, ses pratiques se transmettaient de génération en génération dans les familles.

C’est en arrivant sur ce territoire par la route en dedans (elle aussi), celle qui part de Palais et passe par Tibin, qu’on arrive au pays sorcier. Déjà, en descendant le vallon de ce village, le paysage impressionne et, si vous le traversez vers le soir, l’ombre vous y étreint plus que partout ailleurs, instinctivement, vous mettez vos pouces en dedans en les serrant bien fort.

Les recteurs de Locmaria recevaient sans doute, avec le troisième ordre mineur, l’autorisation spéciale d’exorciser.

Croyait-on une personne possédée par le démon, atteinte du haut-mal6 ou de quelque maladie inexplicable, on la conduisait à l’église du bourg où le recteur exorciste récitait les prières qui chassaient les démons et délivraient les pauvres malades de leurs maux.

*

Vers l’âge de huit à neuf ans, mon enfance a été impressionnée par les histoires que me racontait mademoiselle Mélanie.

Mes parents avaient une grande maison dont ils habitaient le premier étage. Le troisième était composé de chambres mansardées et l’une d’elles, servant de lingerie, était le domaine de mademoiselle Mélanie qui, deux ou trois jours par semaine, venait s’occuper du linge. Ces jours-là, après l’école, je n’avais rien de plus pressé que de monter la rejoindre.