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Extrait : "BAPTISTE, seul ; il est au fond près du mur, et regarde dans la campagne. Quel est ce nuage de poussière ? Serait-ce déjà la voiture de madame Césarine de Rouvres ? On m'en verrait surpris, car il n'est pas midi, et M. Durandin n'attend cette dame qu'à deux heures. Mais ce n'est point une voiture. (Regardant avec plus d'attention.) Des jeunes gens avec de grandes pipes, des jeunes filles avec de grands chapeaux!..."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : • Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. • Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 148
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DURANDIN, homme d’affaires : M. DUSSERT.
RODOLPHE, son neveu, poète : M. P. LABA.
MARCEL, peintre : M. DANTERNY.
SCHAUNARD, musicien : M. CH. PÉREY.
GUSTAVE COLLINE, philosophe : M. MUTÉE.
M. BENOIT, maître d’hôtel : M. BARDOU jeune
BAPTISTE, domestique : M. KOPP.
UN GARÇON DE CAISSE : M. GALLIN.
UN MONSIEUR : M. CHABIER.
UN MÉDECIN : M. RHÉAL.
CÉSARINE DE ROUVRES, jeune veuve : Mlle MARQUET.
MIMI : Mlle THUILLIER.
MUSETTE : Mlle PAGE.
PHÉMIE : Mlle P. POTEL.
UNE DAME : Mlle WILHEM.
UN COMMISSIONNAIRE, DOMESTIQUES DE CÉSARINE, INVITÉS.
Chez Durandin
Une maison de campagne aux environs de Paris. – Un jardin ; au fond, une balustrade donnant sur la campagne. – À gauche, un pavillon avec une fenêtre ouverte en face du public. – À droite, un banc de jardin. – Chaises.
Quel est ce nuage de poussière ? Serait-ce déjà la voiture de madame Césarine de Rouvres ? On m’en verrait surpris, car il n’est pas midi, et M. Durandin n’attend cette dame qu’à deux heures. Mais ce n’est point une voiture. Regardant avec plus d’attention. Des jeunes gens avec de grandes pipes, des jeunes filles avec de grands chapeaux !… Je sais ce que c’est, c’est une caravane. Heureuse jeunesse ! riez, riez, vous qui n’avez pas lu M. de Voltaire… Mais, j’y songe !… quelle imprudence ! Prenant un livre qu’il avait oublié sur le banc. Si M. Durandin, l’homme chiffre, M. Million, enfin, comme dit M. Rodolphe, avait trouvé cet in-octavo, mon extraction était imminente. Voyons, M. Durandin m’a prévenu que l’on prendrait le café dans ce pavillon, que l’on n’a pas ouvert depuis trois mois ; mettons tout en ordre. Il entre dans le pavillon et ouvre les persiennes. – Après réflexion et en sortant. Ou plutôt, non, tout est bien comme il est, a dit M. de Voltaire : grâce à la poussière, ces meubles Louis XV ont un aspect plus vénérable ; je n’y porterai donc point un plumeau profane. Quant à ces populations d’araignées, elles donnent à ce lieu un caractère de vétusté tout à fait artistique ; je n’ôterai donc point ces araignées ; je regrette même qu’il n’y en ait pas davantage. Fermant la porte. Tout est prêt, et maintenant madame de Rouvres peut arriver.
Baptiste, Durandin il a un carnet à la main, il entre par le fond.
« Paris à Rouen de 575 à 555, reste à 560. » Quinze francs de baisse, bravo !… c’est le moment d’acheter. À Baptiste sans se retourner. Baptiste, où est mon neveu ?…
Dans sa chambre, Monsieur.
200 à 5,60, 112 000 ; 280 à 580, hausse probable, 116 000, 4 000 francs de bénéfice net. Se frottant les mains. Où est mon neveu ? Il reprend son journal.
Dans sa chambre, Monsieur.
Hein ? quoi ? ce n’est pas vrai, j’en viens. À propos, elle est dans un joli état sa chambre. Vous n’en prenez donc pas soin ?
Pardonnez-moi, Monsieur, j’en prends au contraire un soin méticuleux : j’ouvre la fenêtre le matin et je la referme le soir.
Et voilà tout ?
Et voilà tout, Monsieur. Je suis à la lettre les instructions qui m’ont été données par M. Rodolphe. M. votre neveu m’a dit, en venant habiter ce logement : « Baptiste, tu me plais infiniment ; mais si tu tiens à conserver mon estime, tu ne toucheras jamais à rien chez moi. Si tu avais l’imprudence de remettre mes affaires à leur place, il me serait impossible de les retrouver. »
C’est donc pour cela que j’ai aperçu une paire de bottes sur la cheminée, et la pendule dans un placard ?
Je ne me rends pas bien compte du motif qui a fait assigner cette place à la paire de bottes. Mais quant à la pendule, c’est différent, et cela s’explique. À Durandin, qui prend des notes. Vous ne m’écoutez pas, Monsieur ?
Et si, imbécile.
Je continue : la première fois que M. Rodolphe a vu la pendule en question, il voulait la jeter par la fenêtre.
Par la… une pendule de quatre cents francs, en cuivre doré, avec un bronze représentant Malek-Adel !…
Oui, Monsieur, je le sais bien, Malek-Adel, par madame Cottin. Mais la pendule avait un défaut.
Lequel ?
Elle marquait l’heure.
Eh bien ?
Mon Dieu ! je sais qu’elle ne faisait que son devoir ; mais M. Rodolphe en juge autrement. Il ne veut pas, dit-il, de ce tyran domestique qui lui compte son existence minute par minute, dont les aiguilles s’allongent jusqu’à son lit et viennent le piquer le matin ; de cet instrument de torture, enfin, dans le voisinage duquel la nonchalance et la rêverie sont impossibles.
Qu’est-ce que c’est que toutes ces divagations-là ? Il passe à droite. Oh !… ça ne peut durer plus longtemps ; M. mon neveu me rendrait fou comme lui… Heureusement madame de Rouvres arrive aujourd’hui ; elle est veuve, riche, elle est femme…
C’est son plus beau titre.
Je ne te parle pas… Elle est femme, et ce que femme veut… Il faudra bien que M. Rodolphe redescende sur la terre pour signer au contrat. Il doit être dans le jardin à rêvasser à ses niaiseries ; va me le chercher.
J’y cours, Monsieur. Il s’éloigne par le fond à gauche, et au moment de sortir, il ouvre son Voltaire et continue sa lecture.
M. mon neveu est bien le fils de mon frère. C’est le même désordre d’esprit. La vocation ! l’art ! le génie ! et le père est mort en laissant des dettes que le fils s’apprête à doubler. Les arts ! les arts ! voilà-t-il pas une belle histoire et un joli métier ?… Mais je suis là… et bientôt j’aurai notre charmante auxiliaire flanquée de ses quarante mille livres de rentes, et j’espère bien… mais si, au contraire, M. le poète, le rêveur, résiste ; s’il refuse son bonheur, tant pis pour lui ! qu’il aille au diable !…
Durandin, Rodolphe, entrant par le fond à gauche ; mise négligée, excentrique.
Est-ce que c’est pour ça que vous me faites venir, mon oncle ?
Ah ! te voilà, cerveau brûlé.
Bonjour, mon oncle Million ; vous êtes de mauvaise humeur, je vais vous dire un sonnet… gaillard, ça vous déri… dera…
Veux-tu parler raison une minute ?
Une minute ? volontiers, mon oncle, mais pas davantage, entendez-vous bien ? La minute est écoulée, parlons d’autre chose.
C’est un parti pris, n’est-ce pas ? tu ne veux rien entendre ?
Mon oncle, je n’entends rien aux affaires ; faites-en, vous, faites-en beaucoup… je ne vous en empêche pas.
En vérité ? et tu feras, toi, des odes à la lune, n’est-ce pas ? et tu maudiras le siècle égoïste qui refusera de te nourrir à ne rien faire ?
Erreur, mon oncle, grave erreur ! Je ne m’assois pas au banquet de la vie avec l’intention de maudire les convives au dessert ; au dessert je roule sous la table ; et ma muse, une bonne grosse fille à l’œil insolent, au nez retroussé, me ramasse, me reconduit au logis en trébuchant, et nous passons la nuit à rire ensemble de ceux qui nous ont payé à dîner. C’est de l’ingratitude si vous voulez, mais c’est amusant.
Et qu’est-ce que ça te rapporte ça ?
Ce que ça me rapporte ?… absolument rien, pour le moment ; mais ça me rapportera plus tard. Vous avez étudié les hommes, et vous spéculez sur les télégraphes ; vous vivez de votre expérience, moi je veux vivre de mon imagination ; je ferai tout ce qu’on voudra : du triste, du gai, du plaisant, du sévère ; je ferai du sentiment à jeun et de la gaudriole après le dîner. Se frappant le front. Mes capitaux sont là. Une entreprise superbe sous la raison Piochage et compagnie. Capital social : courage, esprit et gaieté.
Mais en vérité je suis bien bon de t’écouter. Madame de Rouvres arrive aujourd’hui, dans une heure.
Vous faites bien de me prévenir, mon oncle. Je m’en vais tout de suite. Il remonte.
Un pas de plus, et je te déshérite.
Fichtre ! je demande à m’asseoir.
Écoute, mon garçon : autrefois, tu as fait la cour à madame de Rouvres, tu as été empressé, assidu auprès d’elle tout un hiver…
Je ne puis le nier, mon oncle…
Au printemps, nous avons passé un mois à sa campagne, et entre nous ces promenades dans les allées solitaires du parc…
Chut !… soyez aussi discret que moi, mon oncle.
Je ne te fais pas de reproches, au contraire, tu as bien fait, c’était un coup de maître ; car elle est très riche, et elle t’aime.
Elle m’aime ?
J’en suis sûr.
C’est une femme d’esprit, elle comprendra que je ne veuille pas l’épouser.
Tu ne veux pas l’épouser ?
Je ne l’ai pas promis.
Promis… Ce garçon-là est d’une outrecuidance…
Mais, non, mon oncle, je veux rester garçon, voilà tout.
Mais, malheureux, madame de Rouvres est jolie !
Je le sais, mon oncle.
Eh bien ?
Eh bien ! tant pis pour les autres.
En l’épousant, tu aurais, du côté de ta femme seulement, quarante mille livres de rentes… Tu aurais une position calme, tranquille, tu aurais des enfants.
Oui, c’est ça, beaucoup d’enfants et des lapins ; merci, ça ne peut pas m’aller. Il me faut de l’air, de la liberté, une vie accidentée, orageuse si vous voulez… quitte à ne pas dîner tous les jours, ça m’est égal. Les jours de bombance, je mangerai pour un mois.
Tu ne feras jamais rien de ta vie, tu suivras les traces de ton père.
Ah ! mon oncle, ne parlons pas de ça, ne remuons pas les cendres…
C’est très bien ; mais il n’en est pas moins vrai que mon frère aussi n’a voulu en faire qu’à sa tête, et lorsqu’il est mort, il devait à tout le monde.
Excepté à vous, mon oncle.
Il fallait peut-être me saigner aux quatre veines pour soutenir un fou ?
Non, mon oncle, vous avez bien fait. Après tout, mon père m’a laissé un nom honorable, un nom que l’on répète, et des tableaux que l’on admire ; mais encore une fois ne parlons pas de ça.
Soit ! d’ailleurs, il faut que je te quitte pour aller au-devant de madame de Rouvres ; j’espère qu’à mon retour je te trouverai dans de meilleures idées.
Il ne faut jurer de rien, mon oncle. Il n’y a rien d’immuable sous le soleil.
Réfléchis, et, si tu deviens raisonnable, tu ne t’en repentiras pas.
Air : Polka de la Vivandière.
Durandin sort par le fond à droite.
Ils sont étonnants les oncles : s’il fallait épouser toutes les femmes auxquelles on a juré un amour éternel au clair de la lune, mais on aurait un sérail de femmes légitimes… Moi, épouser madame Césarine de Rouvres, la femme la plus coquette et la plus impérieuse de la terre, qui vous ordonne de l’aimer, pour ainsi dire ! Pas si fou ! Dès demain je prends mon vol, je fuis cette villa insipide et monotone que ne visite jamais le hasard ni l’imprévu.
Air nouveau de M. J. NARGEOT.
Qu’est-ce que c’est que ça ? Serait-ce l’imprévu demandé ? Il va au fond. Des artistes et des grisettes sans doute… Ils se disposent à déjeuner sur l’herbe… bon appétit ! Voilà le bonheur comme je le comprends. Des promenades sans gants et des dîners sans fourchettes… Tiens, ils me saluent ! Il salue. – Redescendant un peu. J’ai presque envie de m’élancer au milieu de leur pâté et de m’inviter moi-même. Au fait, pourquoi pas ?
Rodolphe, Marcel, paraissant au-dessus de la balustrade.
Monsieur !… Monsieur !…
Qu’est-ce qui m’appelle ?
Je vous demande pardon, Monsieur ; vous ne pourriez pas, par hasard, nous prêter des assiettes et quelques couverts également en argent ?
Monsieur, si vous voulez attendre que je sonne, j’irai chercher une sonnette… Vous êtes artiste, Monsieur ?
Oui, Monsieur.
Peintre ?
C’est vous qui l’avez dit.
De quelle école ?
De la mienne.
Je vous en félicite.
Et moi aussi, Monsieur.
Vous vous nommez ?
Marcel, pour vous servir.
Et moi, Rodolphe, pour vous être agréable.
Ce nid vous appartient ?
Pas le moins du monde… Je ne suis que le neveu du nid. Donnez-vous donc la peine de tomber par ici.
Cela ne vous dérange pas ?
Aucunement.
Permettez-moi de vous offrir la main, c’est tout ce que j’ai sur moi.
Volontiers… mais à la condition que vous la tendrez aussi à ces jolies personnes qui chantent si bien.
Je n’ai rien à vous refuser, Monsieur… Appelant. Eh ! Musette ! tu es invitée à entrer avec escalade… Musique à l’orchestre.
Me voilà ! En relevant sa robe elle montre un peu sa jambe.
Parbleu ! voilà une jolie jambe, il faut que je lui offre mon bras.
Monsieur vend des madrigaux ?
Oui, Madame.
Et on vous les paye ?
Comptant.
Permettez-moi de vous la présenter plus officiellement : Mademoiselle Musette, vingt-deux ans…
Moins six semaines.
Une fille charmante, qui n’a que le défaut de laisser trop souvent la clef sur la porte de son cœur. Au reste, je ne m’en plains pas… c’est comme ça que j’y suis entré un jour qu’il pleuvait.
Il est gentil !
Elle vous trouve gentil ; c’est le commencement, on ne peut pas savoir où ça s’arrêtera ! Rodolphe offre une chaise à Musette. – Schaunard paraît sur l’appui de la balustrade.
Eh ! Marcel ! je ne retrouve plus Musette, je crois qu’elle est tombée dans son verre.
Rassure-toi, ami fidèle, et enjambe… Schaunard entre. Monsieur Schaunard, orphelin par vocation, peintre par goût, musicien pour faire quelque chose… et poète pour ne rien faire… Passant une moitié de sa vie à chercher de l’argent pour payer ses créanciers, et l’autre moitié à fuir ses créanciers quand il a trouvé de l’argent.
Le programme est fidèle comme un caniche… Mais vous ne voyez qu’une moitié de moi-même ; permettez-moi de vous présenter l’autre… Phémie !… Phémie paraît ; il l’aide à descendre.
Mademoiselle Phémie, femme de dévouement quand elle a dîné.
Mademoiselle…
Bien reconnaissante, Monsieur, je ne suis pas encore éreintée. Elle s’assied près de Musette.
Phémie ! Veuillez l’excuser, Monsieur, elle arrive d’Amérique… Je l’ai rencontrée dans une forêt…
Vierge ? Schaunard éternue.
Ne vous effrayez pas, Monsieur ; nous sommes complets… Monsieur Gustave Colline, philosophe… le trésorier de la société : une sinécure… Ils redescendent tous.
Rodolphe, Marcel, Musette, Schaunard, Colline, Phémie.
Mesdames et Messieurs…
Écoutons !
Veuillez croire à mes sympathies.
Et…
Le discours est clos.
Bravo !
C’est de très bon goût, ça n’est pas long.
Pardon, Monsieur, j’ai un renseignement à vous demander.
Parlez, Monsieur.
Pourriez-vous me dire où on met le tabac dans cette maison ?…
Ici, Monsieur… Il montre sa poche et offre du tabac à Schaunard qui bourre sa pipe. Vous avez une jolie pipe, monsieur Schaunard !
J’en ai une plus belle pour aller dans le monde.
Monsieur, serait-ce indiscret de vous demander la permission de visiter ce jardin et de cueillir quelques fleurs ?…
Et quelques abricots ?
Comment donc… Les dames remontent.
Si vous le permettez, Monsieur, j’accompagnerai ces dames pour faire un peu de botanique… Les dames redescendent et mettent toutes leurs affaires sur les bras de Colline.
Ça va peut-être vous embarrasser ?…
Oh ! non, je vous assure… Il va près d’un banc et dépose gravement tout ce qu’il tient au pied d’un arbre. Voyons un peu. Il fouille dans ses poches, tire des livres de sa poche et en prend un après avoir mis les autres sur le banc.