La vie inconnue de Jésus-Christ - Nicolas Notovitch - E-Book

La vie inconnue de Jésus-Christ E-Book

Nicolas Notovitch

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Beschreibung

Jésus a-t-il passé une partie de sa vie en Inde, durant ces dix-huit années de son existence -entre 12 et 30 ans- dont la Bible ne fait aucune mention ? Si personne à ce jour n'a jamais été en capacité de vérifier les propos de l'auteur, lui qui dit avoir vu dans un monastère Bouddhiste du Ladakh des parchemins dans lesquels le passage de Jésus en Orient est clairement mentionné, il n'en reste pas moins que la thèse défendue par Notovitch reste des plus intrigantes. Ce sujet fit l'objet maintes fois de vives polémiques au point que la publication de l'ouvrage fut interdite à la fin du XIXe siècle par l'Église catholique. Faut-il dès lors y voir la volonté de cacher une vérité dérangeante ? Et si les documents cités par l'auteur étaient véritables ? Cette probabilité mérite d'autant plus d'être envisagée que d'illustres intellectuels, dont Nicolas Roerich qui fut Prix Nobel de la Paix en 1929, corroborent les propos de Notovitch et témoignent de l'existence de ces fameux parchemins. On imagine avec aisance les implications qu'une telle découverte pourraient avoir...

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Table des matières

PRÉFACE

VOYAGE AU THIBET

LE LADAK

UNE FÊTE

LA VIE DE SAINT ISSA

RÉSUMÉ

NOTES EXPLICATIVES

PRÉFACE

Depuis la guerre de Turquie (1877-1878), j’ai entrepris une série de voyages en Orient. Après avoir visité toutes les localités tant soit peu remarquables de la péninsule des Balkans, je me rendis à travers le Caucase dans l'Asie Centrale et en Perse, et enfin, en 1887, je partis pour l'Inde, pays admirable qui m'attirait depuis mon enfance.

Le but de ce voyage était de connaître et d'étudier sur place les peuples qui habitent l'Inde et leurs mœurs, l'archéologie grandiose et mystérieuse et la nature colossale et pleine de majesté de ce pays. Errant sans plan arrêté d'un endroit à l'autre, je parvins jusqu'à l'Afghanistan montagneux, d'où je regagnai l'Inde par les traversées pittoresques de Bolan et de Guernaï. Puis, je remontai l'Indus jusqu'à Raval Pindi, parcourus le Pendjab, pays des cinq fleuves, visitai le temple d'or d'Amritsa, le tombeau du roi de Pendjab, Randjid-Singh, près de Lahor, et me dirigeai vers le Kachmyr, « vallée du bonheur éternel ». Là, je recommençai mes pérégrinations au gré de ma curiosité jusqu'à ce que j'arrivai au Ladak, d'où j'avais formé l'intention de revenir en Russie par le Karakoroum et le Turkestan chinois.

Un jour, au cours de la visite que je fis à un couvent bouddhiste situé sur ma route, j'appris du lama en chef qu'il existait dans les archives de Lassa des mémoires fort anciens et ayant trait à la vie de Jésus-Christ et aux nations de l'Occident, et que certains grands monastères possédaient des copies et des traductions de ces chroniques.

Comme il était peu probable que je fisse encore un voyage dans ces pays-là, je résolus de remettre à une époque ultérieure mon retour en Europe, et, coûte que coûte, soit de retrouver ces copies dans de grands couvents, soit d'arriver à Lassa, voyage qui est loin d'être aussi dangereux et difficile que l'on se plaît à l'affirmer ; de plus, j'étais si habitué à cette sorte de périls qu'ils ne pouvaient plus me faire reculer d'un pas.

Pendant mon séjour à Leh, capitale du Ladak, je visitai le grand couvent Himis, situé dans les environs de la ville ; le lama en chef de ce couvent me déclara que la bibliothèque monastique contenait quelques copies des manuscrits en question. Pour ne pas éveiller les soupçons des autorités sur l'objet de ma visite au couvent et ne pas trouver d'obstacles, en ma qualité de Russe, dans un voyage ultérieur au Thibet, je fis savoir, de retour à Leh, que je repartais aux Indes, et je quittai à nouveau la capitale du Ladak. Une chute malheureuse à la suite de laquelle je me brisai la jambe me fournit d'une façon absolument inattendue un prétexte pour retourner dans le monastère, où l'on me donna les premiers secours médicaux. Je profitai de mon court séjour parmi les lamas pour obtenir le consentement du lama en chef à ce qu'on me fît apporter de la bibliothèque les manuscrits relatifs à Jésus-Christ, et, aidé de mon interprète qui me traduisait la langue thibétaine, je notai soigneusement sur mon carnet ce que le lama me lisait.

Ne doutant aucunement de l'authenticité de cette chronique, rédigée avec beaucoup d'exactitude par des historiens brahmines et surtout bouddhistes de l'Inde et du Nepal, je voulus, de retour en Europe, en publier la traduction. Dans ce but, je m'adressai à plusieurs ecclésiastiques universellement connus, en les priant de réviser mes notes et de me dire ce qu'ils en pensaient.

Mgr Platon, célèbre métropolitain de Kiew, fut d'avis que cette trouvaille était d'une grande importance. Cependant, il me dissuada de faire paraître les mémoires, croyant que leur publication ne pouvait que me nuire. Pourquoi ?... C'est ce que le vénérable prélat se refusa à me dire d'une façon plus explicite. Toutefois, notre conversation ayant eu lieu en Russie, où la censure aurait mis son veto sur un pareil ouvrage, je pris le parti d'attendre.

Un an après, je me trouvais à Rome. J'y fis voir mon manuscrit à un cardinal qui est au mieux avec le Saint-Père et qui me répondit textuellement ce qui suit : « À quoi bon faire imprimer cela ? Personne n'y attachera une grande importance, et vous vous créerez une foule d'ennemis. Cependant, vous êtes encore bien jeune ! Si c'est une question d'argent qui vous intéresse, je pourrais demander pour vous une récompense pour vos notes, récompense qui vous dédommagerait des dépenses faites et du temps perdu. » Naturellement, je refusai.

À Paris, je parlai de mon projet au cardinal Rotelli, avec qui j'avais fait connaissance à Constantinople. Lui aussi s'opposait à ce que j'imprimasse mon travail, sous prétexte que ç'eût été prématuré. « L'Église, ajouta-t-il, souffre trop du nouveau courant d'idées athéistes, et vous ne ferez que donner une nouvelle pâture aux calomniateurs et aux détracteurs de la doctrine évangélique. Je vous le dis dans l'intérêt de toutes les églises chrétiennes. » Ensuite, j'allai voir M. Jules Simon. Il trouva que ma communication était très intéressante et me recommanda de demander l'avis de M. Renan sur le meilleur moyen de publier ces mémoires.

Dès le lendemain, j'étais assis dans le cabinet du grand philosophe. À la fin de notre entretien, M. Renan me proposa de lui confier les mémoires en question afin qu'il en pût faire un rapport à l'Académie. Cette proposition était, comme on comprend bien, très alléchante et flattait mon amour-propre ; cependant j'emportai l'ouvrage, sous prétexte de le réviser encore une fois. Je prévoyais, en effet, que si j'acceptais cette combinaison, je n'aurais que l'honneur d'avoir trouvé la chronique, tandis que l'illustre auteur de la Vie de Jésus aurait toute la gloire de la publication et des commentaires. Or, je me croyais assez bien préparé pour publier moi-même la traduction de la chronique, en l'accompagnant de mes notes, et je déclinai l'offre très gracieuse qui m'avait été faîte. Mais, pour ne pas froisser la susceptibilité du grand maître que je respectais profondément, je résolus d'attendre sa mort, événement fatal qui ne devait pas tarder, à en juger d'après la faiblesse générale de M. Renan. Peu de temps après la mort de M. Renan, j'écrivis à M. Jules Simon pour lui demander son avis. Il me répondit que c'était à moi de juger de l'opportunité qu'il y avait à faire paraître les mémoires.

Je mis donc de l'ordre dans mes notes, et je les publie à présent en me réservant le droit d'affirmer l'authenticité de ces chroniques. Je développe dans mes commentaires les arguments qui nous doivent convaincre de la sincérité et de la bonne foi des compilateurs bouddhistes. J'ajoute, qu'avant de critiquer ma communication, les sociétés savantes pourront, sans beaucoup de frais, équiper une expédition scientifique qui aurait pour mission d'étudier ces manuscrits sur place et d'en vérifier ainsi la valeur historique.

Nicolas NOTOVITCH.

P.-S. — Au cours de mon voyage, j'ai tiré beaucoup de photographies très curieuses, mais lorsque de retour aux Indes j'ai examiné les négatives, il s'est trouvé qu'elles étaient toutes abîmées.

C'est pourquoi j'ai dû, pour illustrer mon livre, avoir recours à l'extrême obligeance de mon ami M. d'Auvergne qui avait fait un voyage aux Himalaya et qui m'a gracieusement offert quelquesunes de ses photographies.

VOYAGE AU THIBET

Pendant mon séjour aux Indes, j'eus souvent l'occasion de m'entretenir avec des bouddhistes, et les récits qu'ils me firent sur le Thibet eurent le don d'exciter tellement ma curiosité que je résolus de faire un voyage dans ce pays encore peu connu. Dans ce but, je choisis une route qui se dirigeait à travers le pays de Kachmyr, — que je me proposais de visiter depuis longtemps.

Le 14 octobre 1887, je montai dans un compartiment de chemin de fer, absolument bondé de militaires, et me rendis de Lahore à Raval-Pindi, où j'arrivai le lendemain, vers midi. Après avoir pris quelque repos et visité la ville à qui sa garnison permanente donne l'aspect d'un camp de guerre, je fus acheter les objets qui m'étaient nécessaires sur une route où, au lieu d'une voie ferrée, on emploie encore le mode de traction des chevaux. Aidé de mon serviteur, nègre de Pondichéry, j'emballai tout mon bagage, louai une tonga (sorte de véhicule à deux roues tiré par deux chevaux) et, m'étant installé sur la banquette d'arrière, commençai à parcourir la pittoresque route qui mène du côté du Kachmyr.

Notre tonga prit bientôt une allure très rapide sur cette magnifique route ; il nous fallut louvoyer avec beaucoup d'adresse au milieu d'une grande caravane formée par un convoi militaire et dont les bagages, portés à dos de chameaux, faisaient partie d'un détachement qui, du camp, rentrait en ville. La vallée du Pendjab finit bientôt, et, en grimpant un chemin aux sinuosités infinies, nous nous engageâmes dans les contreforts de l'Himalaya. Les pentes devinrent de plus en plus abruptes ; derrière nous, se déroula le panorama délicieux de la région que nous venions de traverser et qui s'abîmait de plus en plus à nos pieds. Le soleil venait d'embraser d'un dernier regard lassé les cimes des montagnes quand notre tonga sortit gaiement des zigzags qu'elle dessinait sur la crête d'une montagne boisée au pied de laquelle s'est si confortablement installée la petite ville de Muré ; c'est là, qu'en été, des familles entières de fonctionnaires anglais viennent chercher un peu d'ombre et de fraîcheur.

Ordinairement, on peut aller en tonga de Muré jusqu'à Srinagar ; mais, à l'approche de l'hiver, saison où tous les Européens désertent le Kachmyr, le service des tongas est suspendu. J'entrepris précisément mon voyage au moment où la vie commençait à se ralentir un peu, ce qui eut le don d'étonner fortement les Anglais qui me rencontrèrent sur leur route en s'en revenant aux Indes ; ils firent de vains efforts pour deviner le but de mon voyage au Kachmyr.

La chaussée n'étant pas encore entièrement construite au moment où je me mis en route, je louai des chevaux de selle et ce, au prix de beaucoup de difficultés ; le soir était déjà venu quand nous commençâmes à descendre de Muré, qui est à 5 000 pieds d'altitude. Notre voyage n'avait rien de folâtre, sur une route noire et creusée d'ornières par les dernières pluies ; nos chevaux la devinaient plutôt qu'ils ne la voyaient réellement ; bientôt, la nuit se fit complète, une pluie d'orage vint nous surprendre en pleine campagne, et, grâce aux chênes touffus et plus que centenaires qui bordaient notre route, nous fûmes bientôt plongés dans d'insondables ténèbres ; aussi, pour ne point courir le risque de nous perdre l'un l'autre, nous appelâmes-nous à haute voix tout le temps que dura notre course. Dans cette obscurité impénétrable, nous devinions de lourdes masses de roc presque au-dessus de nos têtes ; à gauche de la route, mugissait un torrent dont l'eau formait une cascade que les arbres nous dérobaient.

Il y avait environ deux heures que nous pataugions dans la boue et que la pluie glacée nous transperçait jusqu'aux mœlles, quand nous aperçûmes de loin un petit feu qui surexcita nos forces. Mais que ces feux-là sont trompeurs au milieu des montagnes ! On croit le voir brûler tout près de soi et il disparaît tout d'un coup pour réapparaître de nouveau, tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de vous, comme s'il prenait plaisir à se jouer du voyageur harassé. Pendant ce temps, le chemin fait mille détours et zigzague de çà de là, et le feu, immobile, semble être animé d'un mouvement continuel ; l'obscurité nous empêche, en effet, de reconnaître que nous-mêmes modifions notre direction à chaque instant.

J'avais déjà abandonné tout espoir de m'approcher de ce feu tant désiré, quand il apparut de nouveau et, cette fois, si près de nous que nos chevaux s'arrêtèrent d'eux-mêmes.

Il me faut ici remercier très sincèrement les Anglais pour la prévoyance dont ils ont fait preuve en bâtissant sur toutes les routes de petits bengalows (sorte de maison composée d'un rez-de-chaussée et destinée à abriter les voyageurs). Il est vrai qu'il ne faut point exiger de confort dans ces sortes d'hôtels ; c'est là une chose à laquelle un voyageur brisé de fatigue ne pense d'ailleurs même pas, et il est au comble du bonheur en trouvant à sa disposition une chambre propre et sèche.

Sans doute, les Indous ne s'attendaient pas à voir arriver un voyageur à cette heure avancée de la nuit et dans une pareille saison, car ils avaient emporté les clefs du bengalow dont il nous fallut forcer la porte. Je me précipitai sur le lit qu'on venait de me préparerait qui se composait d'un oreiller et d'un tapis trempés d'eau, et je m'endormis presque aussitôt. À la pointe du jour, après avoir pris du thé et un peu de conserves, nous reprîmes notre route, bai-gnés dans les rayons brûlants du soleil. De temps à autre, nous rencontrions des villages, d'abord dans un défilé superbe, puis le long de la route qui serpente au sein des montagnes. Nous descendîmes enfin jusqu'à la rivière Dje-loum dont les eaux coulent avec grâce au milieu de rochers dont son cours est obstrué, entre deux gorges dont les cimes, en plusieurs endroits, atteignent presque la voûte azurée du ciel de l'Himalaya, ciel qui se montre ici remarquablement pur et serein.

Vers midi, nous arrivions à un hameau appelé Tongue, situé au bord de la rivière et qui présente une unique rangée de cabanes, faisant l'effet de caisses ouvertes sur la façade ; on y vend des comestibles et toutes sortes de marchandises de détail. Les Indous y pullulent, portant au front les insignes diversement coloriées de leurs castes ; on y voit aussi de beaux Kachmyriens vêtus de longues chemises blanches et de turbans également blancs.

Je louai ici, moyennant un bon prix, le cabriolet indou d'un Kachmyrien ; cet équipage est construit de telle sorte que pour s'y tenir assis, il faut croiser les jambes à la turque ; le siège en est si petit que c'est tout juste si deux personnes peuvent s'y installer. L'absence d'un dossier rend ce mode de locomotion très dangereux. Néanmoins, je préférai cette sorte de table circulaire montée sur roues à un cheval, désireux que j'étais d'atteindre le plus vite possible le but de mon voyage. À peine avais-je parcouru un demikilomètre que je regrettai sérieusement le cheval que j'avais délaissé, tant j'éprouvais de fatigue à tenir les jambes croisées et à observer l'équilibre. Malheureusement, il se faisait déjà tard. Le soir tombait, quand je m'approchai du village Hori, brisé de fatigue, meurtri par les cahots incessants, les jambes comme envahies par des millions de fourmis et complètement incapable de jouir du pittoresque paysage qui s'étendait devant nos yeux à mesure que nous avancions le long du Djeloum, dont les rives sont bordées d'un côté de rochers escarpés et de l'autre de montagnes entièrement boisées. À Hori, je fis rencontre d'une caravane de pèlerins qui revenaient de la Mecque. Se figurant que j'étais médecin et apprenant la hâte que j'avais d'arriver dans le Ladak, ils me prièrent de m'associer à eux, ce que je leur promis de faire après Srinagar que, dès l'aube, je gagnai à cheval.

J'avais passé toute ma nuit assis sur le lit, une torche enflammée à la main, sans fermer les yeux et craignant la morsure d'un scorpion ou d'un millepieds qui pullulent dans tous les bengalows. J'avais parfois honte de la crainte que m'inspirait une pareille bestiole, et pourtant je ne pus m'endormir. Où est, à vrai dire, chez l'homme, la frontière qui sépare le courage de la poltronnerie ? Je ne me vanterais pas de ma bravoure par fanfaronnade, je ne suis pas non plus poltron, et cependant, la peur insurmontable que m'inspirait cette engeance de petits animaux malfaisants chassa le sommeil de mes paupières, malgré mon extrême fatigue...

Nos chevaux s'avançaient au pas dans une vallée plate, encadrée de hautes montagnes. Baigné que j'étais dans les rayons du soleil, je ne tardai pas à m'endormir en selle. Une fraîcheur subite qui me pénétrait intimement me réveilla, je vis que nous commencions déjà à gravir un sentier de montagne, au milieu d'une vaste forêt qui, tantôt s'entr'ouvrait et me permettait alors d'admirer à loisir le rivage magnifique d'un torrent impétueux et qui tantôt dérobait à nos yeux les montagnes, le ciel, le paysage entier, nous laissant entendre en revanche le chant d'une foule d'oiseaux au plumage bigarré. Nous sortîmes de la forêt vers midi, descendîmes jusqu'à un petit hameau qui se trouve au bord de la rivière et poursuivîmes notre voyage après nous être réconfortés par un goûter froid. Je m'en fus au bazar et tentai d'y acheter un verre de lait chaud à un Indou qui se tenait accroupi devant une grande chaudière pleine de lait bouillant ; quelle ne fut pas ma surprise quand il me proposa d'emporter la chaudière avec son contenu, affirmant que j'avais souillé le lait qu'elle renfermait.

« J'ai besoin d'un verre de lait et non de la chaudière ellemême » fis-je à l'Indou. — « D'après nos lois, me répondit ce marchand, si quelqu'un qui ne fait pas partie de notre caste a longtemps fixé un de nos objets ou bien un aliment, il nous faut laver celui-là et jeter celui-ci à la rue. Toi, ô Saab, tu as souillé mon lait, et personne n'en boira plus, car, non seulement tu ne t'es pas contenté de le fixer, mais tu l'as encore montré du doigt. »

En effet, j'avais longtemps examiné sa marchandise pour être sûr que ce fût vraiment du lait et j'avais indiqué du doigt au marchand de quel côté je voulais qu'il m'en puisât.

Plein de respect pour les lois et coutumes des peuples étrangers, je payai sans disputer une roupie, prix de tout le lait que le marchand avait répandu à terre, bien que je n'en eusse pris qu'un verre. Voilà qui m'apprit à ne pas fixer dorénavant mes yeux sur la nourriture des Indous.

Il n'y a pas de croyance religieuse plus embrouillée par une foule de cérémonies, lois et commentaires que ne l'est le brahmanisme. Tandis que chacune des religions principales n'a qu'une Bible, qu'un Evangile et qu'un Coran, livres où puisent leur foi les Hébreux, les Chrétiens et les Musulmans, les Indous brahmes possèdent un si grand nombre de commentaires in-folio que le brahmine le plus savant a eu à peine le temps d'aller jusqu'au dixième. En laissant de côté les quatre livres des Védas, les Pouranas, écrits en langue sanscrite et composés de 18 volumes contenant 400 000 strophes qui traitent du droit, de la théogonie, de la médecine, de la création, de la destruction et de la régénération du monde, etc. ; les vastes Chastras, qui traitent des mathématiques, de la grammaire, etc. ; les Oupovedas, Oupanichadas, Oupopouranas, qui servent d'explication aux Pouranas, et une foule d'autres commentaires en plusieurs volumes, il reste encore les douze vastes livres qui contiennent les lois de Manou, petit-fils de Brahma, livres qui s'occupent non seulement du droit civil et pénal, mais encore des règles canoniques, règles qui imposent à leurs adeptes un nombre de cérémonies tellement considérable qu'on se surprend à admirer l'inaltérable patience qu'apportent les Indous dans l'observation des préceptes dictés par saint Manou. Manou était incontestablement un grand législateur et un grand penseur, mais il a tant écrit qu'il lui arrive parfois de se contredire dans le courant d'une même page. Les brahmines ne se donnent pas la peine de le remarquer, et les pauvres Indous, dont le labeur nourrit la caste des brahmines, obéissent servilement à leur clergé, dont les prescriptions leur enjoignent de ne jamais toucher à un homme qui n'appartiendra pas à leur caste et qui, d'un autre côté, défendent absolument à un étranger de fixer son attention sur ce qui appartient à l'Indou. En s'en tenant au strict sens de cette loi, l'Indou s'imagine que ses aliments sont souillés s'ils ont été, de la part d'un étranger, l'objet d'une attention un peu trop soutenue. Et cependant, le brahmanisme a été, au commencement même de sa seconde naissance, une religion purement monothéiste, ne reconnaissant qu'un Dieu infini et indivisible. Ainsi qu'il en est arrivé de tout temps et dans toutes les religions, le clergé abusa de la situation privilégiée qui le plaçait au-dessus de la foule des ignorants et confectionna hâtivement différentes formes extérieures du culte et quelques lois, pensant agir ainsi sur les masses. Les choses en vinrent bientôt là que le principe du monothéisme, dont les Védas nous ont donné une conception si claire, alla pour ainsi dire se fondre en une série absurde et illimitée de dieux et de déesses, demi-dieux, génies, anges et diables que représentaient des idoles de formes très variées, mais horribles quand même. Le peuple, jadis glorieux comme sa religion était autrefois grande et pure, glisse maintenant à une complète idiotie ; c'est à peine si sa journée lui suffit pour accomplir toutes les prescriptions de ses canons.

On peut dire, d'une façon positive, que les Indous ne subsistent que pour faire vivre la secte principale des brahmines, qui ont pris en main le pouvoir temporel que possédaient jadis des souverains indépendants du peuple. Tout en gouvernant l'Inde, les Anglais ne se mêlent pas de ce côté de la vie publique, aussi les brahmines en profitent-ils pour soutenir dans la nation l'espoir d'un avenir meilleur.

Le soleil se coucha bientôt derrière le haut faîte d'une montagne, et les ténèbres de la nuit envahirent en un moment le pittoresque paysage que nous traversions. Bientôt l'étroite vallée le long de laquelle coule le Djeloum s'endormit aussi ; notre route, serpentant le long d'une corniche étroite de rochers à pic, se déroba insensiblement à notre vue, montagnes et arbres se confondirent en une seule masse sombre, et les étoiles, aux rayons changeants, étincelèrent sur la voûte céleste. Il nous fallut mettre pied à terre et marcher à tâtons le long de la montagne, de peur de devenir la proie de l'abîme qui s'ouvrirait sous nos pieds. À une heure avancée de la nuit, nous