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Lors d’un vol de convoyage, Michel Lambert se souvient de sa jeunesse de pilote de chasse pendant la Seconde Guerre mondiale, où il rencontra Maguie, l’amour de sa vie, et où il abattit un pilote allemand qui l’avait épargné. Le remords de cet acte le ronge. L’avion s’écrase, et Lambert se réveille dans un hôpital étrange, dans un pays où l’argent et les conflits n’existent plus. L’infirmière qui le soigne ressemble à Maguie, décédée durant la guerre. Il découvre bientôt que cette société « idéale » repose sur des modifications génétiques, alors que le chaos règne en dehors des villes protégées. Mais ce monde parfait cache-t-il une vérité bien plus sombre ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Christian Blanchard, ancien mécanicien avion dans l’armée de l’air dans les années 70, puis technicien radio et commerçant en électronique et informatique, est actuellement pilote privé, secrétaire et webmaster de l’aéro-club de Montluçon. Passionné d’aviation, il vole dès que ses moyens le lui permettent. Son récit, "Le dernier vol de Maguie", écrit dans sa jeunesse, nous est aujourd’hui présenté avec une vision élargie, transcendant l’aéronautique pour plonger dans l’univers dystopique.
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Seitenzahl: 156
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Christian Blanchard
Le dernier vol de Maguie
Nouvelle
© Lys Bleu Éditions – Christian Blanchard
ISBN : 979-10-422-7181-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
D’un pas assuré, l’homme s’approche, méfiant,
Caresse l’hélice polie d’un geste lent,
Puis semble s’adonner à un rite étrange
Dont amour et défiance sont le mélange.
De la machine assoupie, sa main volage
Épouse chaque profil ou carénage.
Il s’installe, et déjà le ciel est dans ses yeux.
Le métal s’éveille, et le vent dans ses cheveux,
Lui prodigue une merveilleuse caresse :
Celle de la liberté ; comme une promesse !
Enfin, la gorge un peu sèche, il s’élance
Et s’arrache à la terre de toute sa puissance.
Quittant à tire-d’aile le gris de la vie,
Il grimpe, plein d’espoir, vers l’azur infini,
Vers cette trouée éclairant un village :
Comme le regard de dieu perçant les nuages.
La lumière divine de la vérité,
L’aveugle soudain de toute sa clarté !
Le pilote et l’avion ne font plus qu’un oiseau,
Et tout lui semble en place dans son cerveau :
Le ballet des aiguilles confirme ses sens.
Voler… il savoure en riant cette chance,
Et se jette sur des montagnes de vapeur
Qu’il esquive au rythme rapide de son cœur.
Montluçon, avril 1993
Lambert s’éveille soudain, le cœur battant, étouffant dans un souffle le cri d’horreur qu’il poussait en rêve. Encore ce maudit cauchemar, de flammes, de peur et de sang ; ça n’en finira donc jamais…
Il est en sueur, les yeux hagards, l’air hébété. Doucement, la réalité s’insinue en lui ; les sons de l’extérieur lui parviennent peu à peu.
Cette nuit d’été est étouffante et, au loin, l’orage gronde. On ne sait s’il s’approche ou s’éloigne, semblant vouloir prendre la ville dans un étau. Les éclairs illuminent brièvement le visage de Lambert qui devient effrayant. Il se lève, se sert à boire, puis allume une cigarette.
Ce soir-là, comme souvent, il avait retardé le moment où il devrait aller se coucher. Était-ce la peur de rater quelque chose, de perdre en sommeil stérile un peu de cette vie qui s’en allait (il avait dépassé les soixante ans) ou bien tout bonnement la crainte d’affronter à nouveau ce cauchemar ? Il n’aurait pu le dire. Il avait simplement ressenti ce grand vide qui souvent l’habitait, la nuit venue.
Il s’allonge et tire une longue bouffée de sa cigarette. Un grondement amical emplit la chambre et vient le tirer de sa léthargie. Par sa fenêtre, il aperçoit les feux d’un avion, et le vieux pilote ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour l’équipage qui doit affronter cette météo difficile, même si de nos jours l’électronique…
Soudain, la porte claque, et la fenêtre s’ouvre en grand, laissant entrer un grand souffle d’air chaud et humide.
Le grain se rapproche, se dit-il, scrutant le ciel d’un air soucieux, j’espère que la météo ne s’est pas plantée : ils ont prévu une accalmie pour la matinée.
Le vol prévu pour le lendemain occupe un instant son esprit : il se remémore les caps, les balises, et surtout les terrains possibles pour un déroutement. Il sait par expérience qu’un vol sans problèmes est un vol bien préparé et il a toujours appliqué ce principe avec minutie.
Ce vol lui tient particulièrement à cœur, car il doit le mener à Saint Brieux, sa ville natale ; il se fait une joie de serrer dans ses bras Jeanne, sa sœur cadette, qu’il n’a pas vue depuis deux ans. Pensant à la petite jeannette, complice de son enfance, il s’apaise et se rendort. Rendez-vous était pris à l’aérodrome de Saint-Brieuc, le lendemain à quinze heures.
L’orage de nouveau semble s’éloigner et une pluie bienfaisante rafraîchit l’atmosphère.
Le soleil vient à peine d’envahir l’horizon, et l’aérodrome d’Aulnat est silencieux. Michel Lambert et Tony Lopez, chargés de gros sacs, se dirigent à grands pas sur le tarmac, vers un vieux bimoteur, anachronique dans cet univers moderne.
Ils parlent bas, comme on le fait toujours à l’aube, craignant de réveiller ceux qui dorment encore.
Malgré son âge, l’appareil, un M.D.312 « Flamant », étincelle sous le soleil de juillet, les flammes de tissu rouge indiquant les sécurités se balançant doucement sous la brise matinale. Sa silhouette démodée, bien qu’un peu pataude, reste très élégante.
Arrivés à quelques mètres, les deux hommes, clignant des yeux, détaillent l’ensemble de la machine d’un regard méfiant. Par la porte arrière, déjà ouverte, ils jettent leur sac. Avisant les jambes qui dépassent du compartiment de train principal gauche, Lambert, s’exclame :
— Salut, Jean, tout est O.K. pour toi ?
Jean, une lampe de poche à la main, s’accroupit et sort en évitant avec souplesse le piège de la trappe de train. Son visage détendu et son sourire rayonnant suffisent à Lambert pour comprendre que tout est en ordre.
— Je crois qu’il va en faire une bonne, dit Lambert, regardant le ciel.
— S’il fait aussi chaud qu’hier, ça ne va pas être du gâteau, lui répond Tony.
— Qu’est-ce qu’ils disent à la météo ?
— Ils prévoient l’arrivée d’un front sur la Bretagne vers neuf heures T.U ; à part ça, c’est bon.
— Bon, alors faut pas traîner si on veut arriver avant son passage.
Les deux hommes se séparent : Lopez monte à bord pendant que Lambert s’occupe de la visite pré-vol.
Après avoir consciencieusement fait le tour de l’appareil, vérifiant tout, ouvrant même les capots des deux moteurs Renault cachant douze cylindres en V, il s’arc-boute sur une pale d’hélice pour brasser la mécanique et évacuer l’huile qui stagne dans les têtes de cylindres. Il passe plusieurs compressions, s’essouffle très vite, et doit se reposer un instant sur le nez de l’avion. Sur celui-ci un prénom peint en rouge vif se détache : « MAGUIE ».
Jean arrive en riant.
— Laisse faire les jeunes. À soixante ans on ne devrait plus piloter que des jets ! Je vais brasser le droit, va.
Un sourire un peu triste éclaire un instant le visage de Lambert. La tête de Tony apparaît à la glace latérale du cockpit.
— Allez, les gars, faut y aller !
Lambert s’installe en place gauche. Déjà, Tony, son vieux compagnon, a mis les contacts et les gyroscopes tournent bruyamment. Des voyants s’allument çà et là à mesure que Maguie prend vie.
Dieu qu’il aime cette atmosphère, ces bruits familiers avant que les deux Renault de 600 chevaux ne déchaînent leur fureur, cette odeur mêlée d’huile, de liquide hydraulique, et celle du cuir éculé des sièges ! C’est comme une drogue ; tant qu’il aura un souffle de vie, il volera.
Injections, magnétos sur 1+2, un peu de gaz, hélice au petit pas, démarreur. Ces gestes, si souvent répétés, qui sont comme les prémices de l’amour !
L’hélice gauche tourne lentement, semble hésiter, puis un hoquet de fumée noire apparaît à l’échappement, suivi d’une grande flamme, aussitôt soufflée. Le bruit, chaotique au départ, devient régulier. Maguie vibre et son aile gauche frémit de plaisir sous le vent de l’hélice.
Le moteur droit, démarré, est mis au ralenti, afin que Jean puisse ouvrir la porte soumise à la tempête pour monter à bord : Maguie est réveillée !
— Fox Bravo Lima, bonjour !
— Bravo Lima, bonjour.
— Pour un vol de présentation au meeting de Saint-Brieuc, consignes de roulage.
— La 27 en service, le vent du 230 quatre nœuds, QNH1 mille vingt-cinq. Rappelez point d’attente.
Maguie roule sur le taxiway. Quel destin que le sien ! Après de nombreuses années de loyaux services dans l’armée de l’air comme bonne à tout faire, la voici promue au rang d’artiste. Achetée et restaurée par une poignée de passionnés réunis en association, elle est classée avion de collection et présentée en meeting comme faisant partie du patrimoine aéronautique national. On aurait les cocardes enflées pour bien moins !
Le « Flamant » arrivé au point d’attente, les deux pilotes entament une longue litanie où Lambert semble répondre aux questions de Tony par un geste ou une affirmation : la sacro-sainte « check-list » où il est question de température et de pression d’huile, de pression admission, de tours de moteur, etc. Tout est en ordre.
— Bravo Lima, au point d’attente pour s’aligner.
— Bravo Lima, vous êtes autorisé à décoller. Le vent du 230 cinq nœuds. Rappelez sortie de zone. Pas de trafic à vous signaler.
Lambert aligne avec soin l’appareil sur la ligne blanche médiane et contemple un instant ce ruban de béton de trois kilomètres qui s’étire devant lui. Une rampe de lancement vers l’azur, pense-t-il en déchaînant la furie de ses 1200 chevaux à pleine admission. Tout à bord se met à vibrer dans un bruit d’enfer ; l’accélération, tout d’abord modérée, pousse maintenant le dos des pilotes au fond de leurs sièges. Insensiblement les cahots s’estompent et, tout à coup, Maguie semble s’asseoir sur ses longues ailes. Elle hésite un peu, cherchant ses marques, puis, décidée, grimpe vers son domaine : le ciel. Lambert manœuvre une manette sur le tableau de bord : trois lampes rouges s’allument.
— Train rentré, confirme Lopez.
Clermont-Ferrand s’étale maintenant sous l’appareil, alors que devant eux, le Puy-de-Dôme semble les défier. La visibilité est exceptionnelle : sur la droite, la vallée de la Limagne s’étend à perte de vue, tandis qu’à gauche, le relief tourmenté des monts d’Auvergne barre l’horizon.
— Bravo Lima, sortie de zone pour quitter.
— Bravo Lima, sept heures trente-quatre au revoir monsieur.
Le « Flamant », parvenu à son altitude de croisière, file sur son cap à 270 kilomètres à l’heure. La charge de travail ayant diminué, c’est l’instant où l’équipage se détend : le lent défilement du sol de France incite à la rêverie. Le vacarme étourdissant de la machine isole les hommes et, malgré l’interphone, ils ne se disent que des choses essentielles ou techniques. Ce bruit ambiant enferme chacun en lui-même, prisonnier de sa pensée, de ses rêves et de ses souvenirs.
Michel Lambert sait qu’à son âge il ne pourra bientôt plus piloter. À quoi bon se révolter ! Il se trouvera toujours un copain pour l’emmener et jusqu’à la fin de sa vie, il traînera sa carcasse près des machines volantes.
— Mets-toi au 320, la dérive est plus forte que prévu !
Qu’y a-t-il de si merveilleux, penserait un profane, à maintenir un cap, une altitude, des aiguilles sur des repères ? Où sont l’aventure, la poésie dans cette technologie aride et froide ? Pourtant, cette mécanique est vivante : par le biais des commandes de vol, elle transmet au pilote qui la guide, des sensations. Mieux que toute autre machine, l’avion restitue physiquement à son pilote, la trajectoire pensée par celui-ci. Et puis surtout, il permet d’échapper à ce monde médiocre, de respirer, de ne plus voir que les beautés de notre planète. Enfin, il donne la possibilité de pénétrer dans l’éther inexploré, royaume des dieux, là où le ciel et ses éléments fomentent les vents et les tempêtes.
Il y a plus d’une heure que le « Flamant » a pris son envol et le relief s’est estompé pour ne laisser qu’une mosaïque de champs multicolores. Déjà, on aperçoit les méandres majestueux de la Loire ou le soleil semble se mirer avec délice.
— Michel, regarde, des cirrus !
— Ouais, il se pourrait bien que le front avance plus vite que prévu !
Insensiblement, la lumière solaire, si crue à leur départ, est comme diluée par ces nuages de haute altitude.
Nullement impressionné par cette clarté laiteuse, Lambert retourne à ses pensées. Il est vrai qu’il peut laisser son esprit vagabonder, Tony faisant office de navigateur et lui indiquant un cap en fonction des balises de radionavigation.
Il se souvient de ce qui a motivé sa vocation de pilote, de son enthousiasme d’adolescent. C’était l’époque des biplans torpédo, écharpe de soie blanche au vent, des champs d’aviation, et des demoiselles qui se pâmaient pour ces chevaliers du ciel.
Pour ses quinze ans, son père lui offrit un baptême de l’air : ce fut le déclic ! Il ne parla plus que d’avions, de records, de performances, ne dessina plus que des aéronefs plus révolutionnaires les uns que les autres, et se mit en tête de devenir pilote. Ses études en souffrirent tant que ses parents s’inquiétèrent.
— Quoi, tu veux devenir aviateur, mais ce n’est pas un métier !
Pendant quelques mois le climat fut plutôt orageux chez les Lambert.
Le jeune Michel passait tout son temps libre au terrain d’aviation, ne rechignant pas à donner un coup de main pour manœuvrer les appareils ou pour nettoyer quelque pièce. L’ambiance bon enfant de l’aéro-club, sans hiérarchie palpable ni conformisme, lui convenait à merveille. On lui confia des tâches de plus en plus importantes, et parfois, trop rarement à son gré, un pilote le prenait à bord. Il revenait alors avec du ciel plein les yeux, des histoires plein la tête qu’il racontait à sa complice de toujours, la petite Jeannette qui avait alors douze ans. Elle écarquillait les yeux d’effroi quand il lui parlait de glissades, de vrilles ou de tonneaux. Bien sûr, il en rajoutait un peu, ravi de l’effet produit, mais il fallait qu’il partage ce bonheur avec quelqu’un.
Quand vînt la guerre, il était déjà breveté et avait à son actif, une soixantaine d’heures de vol pour lesquelles il s’était endetté.
Il se retrouva donc tout naturellement dans l’armée de l’air où, après une courte formation, il obtint le macaron de pilote de chasse sur Morane Saulnier 406.
C’est ainsi qu’il apprit que l’avion, objet de plaisir et de liberté, était aussi une machine de guerre : une machine à tuer.
Dans une indescriptible pagaille, la bataille de France touchait déjà à sa fin. Il n’y rencontra l’ennemi qu’une seule fois. L’évocation de ce souvenir lui donnait encore la chair de poule…
Son groupe escortait des avions de reconnaissance quand, soudain, ils furent pris en tenaille par deux formations de chasseurs allemands. L’une, beaucoup plus haut et dans le soleil, fondait sur eux à une vitesse vertigineuse, tandis que l’autre, plus bas, guettait ceux qui pensaient trouver le salut en piqué.
Quand Lambert prit conscience du danger, son ailier droit, déjà en feu, vacillait, comme ivre. Des balles traçantes fusèrent sur sa droite ; il bascula le Morane à gauche de toutes ses forces. Sa tête lui sembla entrer entre ses épaules, et une chape de plomb s’abattit sur lui. Pendant un court instant, à la limite de la perte de conscience, il perdit la vue : le fameux voile noir. L’appareil partit en tonneaux déclenchés sur la gauche puis se mit en vrille.
L’allemand, surpris par la violence de la manœuvre, le dépassa et entama une demi-boucle pour revenir. Lambert ne le vit pas, trop occupé à reprendre le contrôle de sa machine. Sa respiration était haletante, ses mains moites, et il avait dans la bouche le goût amer de la peur, une peur proche de la panique. Ses gestes étaient mécaniques, ceux appris à l’entraînement, mais son cerveau ne parvenait plus à raisonner.
Des avions s’entrecroisaient en tous sens ; le risque de collision semblait primer celui d’être abattu. L’espace d’un instant, il aperçut le Messerschmitt 109, luisant au soleil, qui achevait sa boucle2 pour piquer à nouveau sur lui. Il bascula encore son avion sur la gauche, mais cette fois plus calmement.
Puis, sur le dos, s’engagea dans un piqué vertigineux. Déjà, les plans courts et le capot du chasseur allemand se zébraient d’éclairs volages. Le Morane gémit sous les coups de boutoir assénés par la rafale. La verrière vola en éclats ; quelque chose se détacha de son aile droite. Il n’avait aucune chance, il le savait, car le ME 109 était beaucoup plus rapide.
C’est alors qu’un miracle se produisit : telle une boule de feu, un Morane 406, en vrille, passa entre eux, traînant un lourd panache de fumée noire. L’allemand, surpris, dégagea brutalement, et Lambert en profita pour s’éclipser en chandelle vers la couche nuageuse toute proche.
Quand il reprit ses esprits, ses mains, et surtout ses jambes tremblaient. Les palonniers transmettaient ces vibrations à tout l’avion.
Il ne sut jamais comment il était rentré à sa base : dans un état semi-comateux, il ne reprit vraiment conscience qu’une fois au sol. À cette époque, les débutants avaient peu de chance de survivre face aux vétérans de la Luftwaffe.
Ce jour-là, Dieu, le destin, ou la chance avaient décidé qu’il devait vivre. Lambert était fataliste : il pensait que chacun suit une route tracée d’avance et que les chemins de traverse sont rares.
Par la suite, il avait échappé une seconde fois de justesse à la mort ; cela l’avait conduit à rencontrer la femme de sa vie. Comment ne pas croire à la destinée...
Après l’armistice, il retourna dans sa Bretagne natale. Quand Philippe Pétain évinça l’assemblée et prit les pleins pouvoirs, le démocrate de gauche qui était en lui s’inquiéta. Pétain représentait tout ce qu’il détestait : une vieille ganache de militaire alliée à la bourgeoisie dans sa peur du communisme. Lambert n’était pas un militant, simplement un homme épris de justice sociale, de justice, tout simplement.
Quand il s’aperçût de la dérive collaborationniste du gouvernement de Vichy, il voulut quitter le pays. On parlait beaucoup d’un certain de Gaulle et de forces françaises libres. Le fait que de Gaulle soit encore un militaire ne l’enthousiasmait pas, mais il lui fallait prendre une décision. Ce choix, il ne le fit pas uniquement par patriotisme, mais aussi par goût de l’aventure et parce qu’il voulait voler à nouveau pour prendre sa revanche sur cette peur qu’il avait éprouvée au combat.
Breton de naissance, il ne lui fut pas difficile de traverser le « Channel », sur le chalutier d’un ami.