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Extrait : "Lorsqu'un navire s'éloigne des côtes, il ne tarde pas à se trouver isolé entre la mer vaste, sans rives, et le ciel qui s'appuie de tous côtés sur la plaine monotone des eaux. Il marche, les nuages marchent au-dessus de lui, l'eau se meut au-dessous en courants très irréguliers. Dans cette agitation universelle, comment le marin saura-t-il reconnaître la route qu'il a suivie et la position qu'il occupe sur l'immense étendue des océans ? "
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Seitenzahl: 377
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335086652
©Ligaran 2015
L. SONREL
Le sympathique auteur des Merveilles du Fond de la Mer a été l’une des victimes de la terrible année. Il était du nombre de ceux que les malheurs de la patrie frappent au cœur ; mais c’était aussi l’une de ces âmes bien trempées, qui ont confiance dans les efforts de la volonté. Dès les premiers moments du siège de Paris, Sonrel avait été appelé à faire servir son expérience des instruments d’optique à l’observation des positions et des mouvements de l’ennemi. Il se dévoua à cette mission, avec une ardeur admirable, jusqu’au moment où l’épidémie de la variole l’enleva à ses travaux, à sa famille, à ses espérances en décembre 1870. Il était à peine âgé de trente et un ans.
L. Sonrel, d’origine lorraine, était entré à l’École normale en 1859 ; il en sortit en 1862. Avant de s’élancer dans la grande voie de la science pure, il voulut acquérir un fonds sérieux d’instruction ; doué d’une extraordinaire facilité, d’une assiduité au travail vraiment exceptionnelle, il obtint successivement les diplômes des trois licences, ès sciences mathématiques, physiques et naturelles. Il fut reçu en outre agrégé ès sciences physiques et naturelles, et enfin docteur ès sciences naturelles.
L’étude de la géologie séduisit d’abord le jeune savant. À la fin de sa deuxième année à l’École normale, il avait été chargé d’étudier certaines parties des Alpes savoisiennes. Au commencement de 1864, il entra à l’Observatoire de Paris, où il fut associé aux grandes études météorologiques qui s’y développaient. À peu près à la même époque, il devint secrétaire, puis vice-président de la Société météorologique de France, en même temps qu’il fut attaché à l’Observatoire de Montsouris.
En météorologie, la théorie des bourrasques le préoccupa particulièrement. Cette théorie ne tarda pas à devenir la base et le but de ses recherches sur les aurores boréales. Il s’appliqua en même temps à des observations sur les taches solaires.
« Malgré la diversité des sujets, Sonrel, dit un de ses biographes, regardait comme intimement liées ses recherches de météorologie et celles d’astronomie physique. L’étude attentive des mouvements de l’atmosphère solaire l’aurait conduit à quelques grands résultats sur les mouvements de notre atmosphère terrestre. Sonrel avait les idées larges, et au lieu de disséminer ses forces il le concentra tout entières sur les grands problèmes de la météorologie dynamique. Dans les études d’astronomie physique qui ont tant occupé ses deux dernières années, le point de vue seul était changé. Au fond, c’était toujours la théorie des bourrasques que le jeune savant poursuivait dans l’observation de cette agitation colossale, de ces bouleversements incessants, qui remuent les masses de feu, les éléments dissociés du centre de notre système planétaire. »
Travailleur infatigable, Sonrel consacrait une partie de ses nuits à l’étude, et menait de front des labeurs multiples. Doué d’une remarquable intelligence, d’une puissante conception des phénomènes naturels, d’une mémoire prodigieuse, d’un profond savoir, il était certainement destiné à attacher son nom à de grandes œuvres. Il possédait toutes les qualités de la jeunesse, l’activité, le courage, l’entrain. Comme toutes les natures d’élite, et tout modeste qu’il était, il avait conscience de sa valeur ; aussi se plaisait-il à parler de ses projets, des travaux qu’il méditait, du but qu’il voulait atteindre. Il aimait à fixer ses regards sur l’avenir, comme le voyageur vers le rivage de la patrie. L’horizon de sa vie lui apparaissait riant et paisible ; mais l’infortuné comptait sans les misères de l’invasion et les coups imprévus de la mort.
Le directeur de la Bibliothèque des Merveilles a bien voulu nous confier le soin de revoir la nouvelle édition de l’ouvrage que le lecteur a sous les yeux. Nous n’avons accepté cette mission qu’en souvenir de notre amitié pour l’auteur. Nous avons respecté l’œuvre telle qu’elle a été conçue ; il nous a paru seulement indispensable de tenir l’ouvrage au courant de la science, qui avance sans cesse. C’est ainsi que nous avons fait connaître les récentes explorations sous-marines, celle du Challenger principalement.
Dans un chapitre additionnel, nous avons aussi indiqué et décrit quelques appareils nouveaux, sondes, thermomètre sous-marin, et autres.
GASTON TISSANDIER.
Juillet 1874.
Qu’y a-t-il de plus mystérieux que le fond de la mer ? C’est à peine si toutes les ressources de la science moderne ont permis d’en sonder quelques parties.
Le sujet est vaste, intéressant, mais hérissé de difficultés sans nombre.
L’homme a pu sillonner la surface des océans, voler sur l’aile des vents et les vaincre en leur opposant la vapeur. Il a pu transmettre instantanément sa volonté d’un bout à l’autre du globe, ou s’appuyer sur de légers gaz pour visiter l’empire des oiseaux. Il a pu multiplier à l’infini les traces de sa pensée ; lire dans le ciel les lois qui régissent l’univers ; asservir la lumière, cet élément insaisissable : il n’a pu connaître en son entier la surface de la terre. Nous n’avons acquis, au prix de grands sacrifices, qu’une idée imparfaite des continents et des mers qui les entourent. Le centre de l’Afrique et de l’Asie, l’Australie, les régions polaires ont été visités seulement par quelques hardis explorateurs, et l’on peut enregistrer plus d’une victime parmi ces courageux pionniers de la science et de la civilisation.
Le fond des mers recèle d’immenses richesses. Tous les ans, de nombreux naufrages ajoutent de nouveaux trésors à ceux qu’il nous a déjà dérobés. Combien de galiotes chargées d’or, de caravelles apportant aux rois d’Espagne et de Portugal, à Venise la magnifique, à la commerçante Albion, les produits des régions les plus lointaines, ont sombré avant d’avoir accompli leur dangereuse mission !
Quelques épaves rejetées sur la plage nous avertissent parfois que l’Océan vient d’exiger un nouveau tribut.
Que de richesses ne nous rend-il pas en échange ! Les nuées de poissons qui le sillonnent en tous sens, le sel extrait de ses eaux, les algues qu’il rejette lui-même sur ses rives, la perle, la nacre, l’ambre, la pourpre des anciens, ne sont-ils pas de brillantes compensations ?
Mais ce n’est pas le seul avantage que nous présente l’Océan. La conquête de la mer a, de tout temps, excité chez les peuples une noble émulation. C’est toujours sur ses bords et par elle que les idées de progrès et de civilisation ont pu se propager sur toute la terre. La vue des eaux sans bornes élève notre âme, et les difficultés de la navigation aiguisent notre intelligence.
« Ce n’est pas seulement comme un fond de ressources inépuisables pour nos besoins matériels, a dit Jonathan Franklin ; c’est aussi comme éducateur du sentiment moral, que nous devons honorer l’Océan. Combien l’intelligence humaine a-t-elle gagné à exploiter la mer ! combien de facultés l’homme a-t-il déployées en luttant avec elle ! combien d’habileté, de force, le puissant et hasardeux abîme des eaux a-t-il exigée de notre race, et cela sous peine de mort ! combien de lumières, d’expériences et de sagesse il nous a fallu acquérir, avant que nous pussions blanchir sa surface de nos voiles déployées, la couper dans toutes les directions avec la quille de nos vaisseaux, explorer les côtes dentelées de criques et de promontoires, franchir les gouffres sans fond, changer l’Atlantique en un chemin de fer ! En vérité, il y a quelque chose de plus beau que la mer elle-même, et cette chose est encore son ouvrage : c’est le génie qu’elle a développé chez ceux qui ont tenté ses vagues, jusqu’au jour où ils ont été à même de poser leur main sur sa crinière, de calculer, comme un problème d’algèbre, le cercle annuel de ses tempêtes, soumises, elles aussi, à un mouvement de rotation, à un ordre, comme les comètes et les astres. »
Si la navigation est périlleuse, que dira-t-on des travaux sous-marins, des pêches, où l’homme descend lui-même dans l’Océan pour lui disputer ses trésors gardés par des monstres plus terribles que ceux de la Fable ?
Ce n’est plus à ciel ouvert, dans un milieu respirable et adapté à notre constitution ; c’est au sein des eaux que se poursuivent les recherches. Et si, appelant la science à notre aide, nous emportons dans cet élément inhospitalier la provision d’air nécessaire à notre respiration, la lumière sans laquelle nos yeux ne sont qu’un ornement superflu, nos explorations sont limitées encore par la difficulté de descendre à une grande profondeur. Pénétrons-nous dans l’air trop raréfié des hautes régions de l’atmosphère, notre sang déborde et sort par tous nos pores, devenus impuissants à le retenir. Descendons-nous à plusieurs dizaines de mètres au-dessous de la surface des mers, le milieu qui nous entoure est bientôt trop comprimé pour nous, et la vie y devient impossible. Dans le vide des espaces planétaires, nous éclatons ; nous serions écrasés sous les énormes pressions du fond des mers.
Malgré toutes ces difficultés, nous avons reconnu les principales inégalités des terres submergées, nous savons que des myriades de petits êtres y travaillent sans relâche à l’édification de nouveaux continents.
Nous avons étudié les mouvements continuels de l’écorce terrestre. Les lois en sont encore inconnues ; ils s’accomplissent en général avec une extrême lenteur, et le déplacement des eaux à la surface du globe est le moyen le plus sûr de les bien constater. Des contrées jadis florissantes sont aujourd’hui submergées ; forêts, prairies, villes, tout a disparu. D’autre part, nous voyons presque partout des traces du séjour de l’Océan. Les montagnes les plus élevées ont retenu sur leurs flancs, sur leur sommet, les débris pétrifiés de poissons et de coquillages marins. Leur présence atteste parfois de grandes révolutions, mais, le plus souvent, des changements survenus avec une extrême lenteur. Les siècles deviennent des minutes, et notre esprit se perd en impuissantes conjectures sur la durée de ces transformations.
Nous n’avons pas la vaine prétention d’épuiser, dans le cours de cet ouvrage, toutes les merveilles du fond de la mer. Une rapide excursion sur les terres submergées ressemble beaucoup à une course d’un instant à travers un vaste musée ou une exposition universelle de tout le globe. Si l’on veut embrasser l’ensemble du tableau, les détails, vus de trop loin, passent inaperçus. Veut-on fouiller dans les recoins les plus obscurs, on est forcé de s’éloigner après avoir soulevé seulement un coin du voile qui cache trop de merveilles.
Nous avons cherché à donner un rapide aperçu. Les détails sont épars dans les divers ouvrages de zoologie et de botanique de notre collection. La Bibliothèque des Merveilles offre l’ensemble des connaissances humaines. Quelques-unes de ses parties semblent, au premier abord, empiéter l’une sur l’autre ; toutes ont forcément des points communs, comme les anneaux d’une longue chaîne. Plusieurs ne sont qu’un tableau réunissant les éléments décrits ailleurs. Devons-nous condamner ces dernières comme inutiles et faisant double emploi ? Non certainement. Là surtout notre intérêt sera vivement soutenu, si l’auteur s’efforce de nous montrer les rapports de phénomènes qu’aucun lien ne semble rattacher à une même cause, et de faire jaillir quelque idée nouvelle d’un rapprochement inattendu.
L. SONREL.
Lorsqu’un navire s’éloigne des côtes, il ne tarde pas à se trouver isolé entre la mer vaste, sans rives, et le ciel qui s’appuie de tous côtés sur la plaine monotone des eaux. Il marche, les nuages marchent au-dessus de lui, l’eau se meut au-dessous en courants très irréguliers. Dans cette agitation universelle, comment le marin saura-t-il reconnaître la route qu’il a suivie et la position qu’il occupe sur l’immense étendue des océans ? L’astronomie vient à son secours, elle lui fournit des procédés assez simples et très précis pour déterminer à chaque instant le chemin qu’il a fait, la distance qui le sépare du port ; elle le guide à travers les dangers sans nombre, les écueils et les récifs contre lesquels il se jetterait en aveugle si la science n’éclairait ses pas incertains.
Il arrive souvent que l’observation des corps célestes fait défaut au navigateur, lorsqu’elle pourrait lui rendre les plus grands services. Rappelons seulement les nombreux sinistres causés, en plein calme, par des atterrissages involontaires sur des côtes masquées par un épais rideau de brumes. Dans ce cas et dans d’autres analogues le marin doit abandonner ses lunettes et recourir à de nouveaux instruments.
Le plus universellement employé est la sonde. Veut-on savoir si l’on approche d’une terre ou d’un banc de sable, on jette la sonde à la mer. Dans quelques parages où les écueils abondent, la sonde est l’auxiliaire indispensable de la navigation. Elle indique la profondeur et la nature du fond. Est-ce de la vase, du sable, du gravier ou du rocher ? pourra-t-on jeter l’ancre avec avantage, ou devra-t-on chercher un lieu plus propice ? La sonde se charge de l’apprendre.
Dans sa plus grande simplicité, elle consiste en un cylindre de plomb, dont une base est soutenue par une corde ou ligne. L’autre face, enduite de graisse, est destinée à rapporter quelque échantillon du sol sous-marin.
On laisse tomber la sonde jusqu’à ce qu’elle s’arrête brusquement. La longueur de ligne filée indique la profondeur, le plomb rapporte un échantillon du fond.
On voit, au premier abord, à combien de causes d’erreurs est soumis cet appareil, et combien ses indications doivent être le plus souvent révoquées en doute.
Si la mer est immobile et peu profonde, elles seront suffisantes, à condition que la graisse puisse maintenir assez fortement collés au cylindre les graviers ou la vase qu’elle aura recueillis. Mais combien de fois le plomb ne revient-il pas nu ? La mer, d’un autre côté, n’est-elle pas sans cesse agitée, n’y observe-t-on pas des courants continuels ? Que nous dira la sonde quand plusieurs kilomètres de la ligne auront filé sans que le plomb paraisse arrêté dans sa descente ?
On a cherché à perfectionner la sonde de manière à rapporter sûrement des échantillons des terres sous-marines, à diminuer l’influence des courants, et à faire disparaître l’erreur due à ce qu’une grande longueur de ligne pèse assez pour masquer le choc du plomb contre le sol.
Un des plus ingénieux appareils a été imaginé par Brooke, officier de la marine des États-Unis. Il se compose d’une ligne et d’un cylindre fixé à son extrémité. Pour que la diminution de la vitesse avec laquelle la ligne file soit nettement perceptible à l’instant où le cylindre rencontre le fond, on charge ce dernier d’un poids très lourd, un boulet pesant 29 kilogrammes. Mais, lorsque la profondeur est grande, le poids de la ligne s’ajoutant à celui du boulet pourrait la rompre dans un grand nombre de cas, si une disposition particulière ne permettait au cylindre de remonter seul.
Le boulet est percé de part en part d’un trou dans lequel on engage le cylindre. Ce dernier porte à sa partie supérieure deux pièces mobiles autour d’une charnière commune. Chacune d’elles est suspendue à la ligne, qui se bifurque à son extrémité. Des crochets pratiqués dans ces pièces servent à retenir deux cordes soutenant le boulet.
Tant que la sonde descend, les pièces mobiles sont relevées par la traction de la ligne. Le boulet est soutenu. Dès que la sonde touche le fond, le cylindre cesse de peser sur la ligne ; le boulet pèse toujours, incline les deux pièces mobiles, entraîne avec lui les cordes détachées du cylindre, et devient libre (fig. 2). L’observateur retire la ligne, le boulet reste au fond.
Pour rapporter des échantillons du sol, on a pratiqué dans le cylindre une cavité profonde garnie intérieurement de suif. Dans d’autres appareils, une soupape s’ouvrant de bas en haut ferme l’orifice de la cavité, de manière à permettre l’entrée des sables, de la vase, et à les empêcher de retomber lorsqu’on relève la sonde.
Dans ces dernières années, grâce aux magnifiques travaux des explorateurs anglais, la science des sondages s’est accrue d’un grand nombre de nouveaux engins aussi ingénieux qu’efficaces ; dans les expéditions du navire le Porcupine, dans celles qui s’accomplissent avec le Challenger, M. Wyville Thomson, qui a attaché son nom à l’investigation sous-marine, à très fréquemment employé une drague particulière, à laquelle on doit la prise de magnifiques échantillons. C’est un sac dont l’ouverture métallique, terminée en bizeaux, reste toujours ouverte ; attaché à une longue corde, il traîne au fond de l’Océan, remorqué par le navire, il se remplit ainsi, dans le voyage qu’il exécute, des débris et des êtres vivants qui se rencontrent sur son passage dans les profondeurs de la mer.
M. de Tessan, ingénieur hydrographe de la marine, a indiqué un procédé fort original pour connaître la profondeur. Le principe de sa méthode est le suivant : on laisse tomber à la mer une bombe qui fait explosion en touchant le fond. Le bruit qui en résulte est entendu par le marin, qui note avec soin le temps écoulé depuis que la bombe a commencé de tomber, et conclut aisément de cette observation la distance verticale parcourue, c’est-à-dire la profondeur de la mer.
On peut trouver étonnant que le bruit de l’explosion se fasse entendre quand la profondeur est de plusieurs milliers de mètres. Or on sait que l’eau transmet très bien le son, et l’observation faite par Colladon sur le lac de Genève est encore plus probante. Ce physicien fit frapper une cloche sous l’eau : le son fut entendu, dans une première expérience, à la distance de quatre lieues. Dans une seconde expérience, on l’entendit à la distance énorme de neuf lieues.
Si, partant du rivage, le marin consulte la sonde pendant tout son voyage, en la retirant ou la laissant filer jusqu’à ce qu’elle touche exactement le fond de la mer, il lui arrivera, dans de grandes proportions, ce qui arriverait au batelier traversant une rivière. La sonde s’enfoncera d’abord jusqu’à une certaine profondeur, elle remontera, s’enfoncera de nouveau, redescendra pour remonter encore, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une île ou un continent la ramène à la surface.
A-t-il noté sans cesse la position qu’il occupait et la longueur de la ligne filée, le marin peut réunir ses observations sur une feuille de papier, de manière à faire comprendre au premier coup d’œil comment a varié la profondeur de la mer sur tout le trajet qu’il a parcouru.
La figure 4, où nous donnons la coupe verticale de l’océan Atlantique du Yucatan au Sénégal, serait le résultat d’un semblable voyage. Le niveau de la mer y est représenté par une ligne droite horizontale. La courbe irrégulière qui la coupe en plusieurs points suit les ondulations du sol. Quand elle est au-dessus de la ligne horizontale, le sol domine les eaux ; il est sous-marin tant que la ligne courbe reste au-dessous de l’horizontale.
Ainsi, en partant des côtes mexicaines, la sonde descendrait d’abord jusqu’à 600 mètres environ pour regagner la surface sur les côtes du Yucatan. Le marin doublerait cette presqu’île et trouverait ensuite une descente rapide du fond, jusqu’à 1 000 mètres environ. Du Yucatan à Cuba cette vallée ne serait interrompue que par une chaîne de collines sous-marines fort peu importante. En contournant Cuba, on se trouverait, entre cette île et Haïti, au-dessus d’un étroit et profond ravin ; on planerait ensuite sur de semblables précipices de 2 000 mètres entre Haïti, Porto Rico et les îles Sous-le-Vent. Au-delà des Petites-Antilles, rien ne gêne plus la marche du navire jusqu’aux îles du cap Vert. La sonde tombe d’abord très vite à 5 500 mètres environ pour remonter subitement à 4 200 mètres, redescendre aussi promptement à 5 000 mètres, osciller entre 5 000 et 3 000 et passer brusquement, près des îles du Cap-Vert, de 4 500 mètres jusqu’au niveau de la mer. Les îles, très étroites, s’élèvent jusqu’à 3 000 mètres au-dessus de la surface des eaux. De profondes tranchées les séparent les unes des autres, et un canal aux rives très escarpées amène le navigateur jusqu’aux côtes africaines.
On a vu plus haut les difficultés que présente l’usage de la sonde. Ce que nous avons dit relativement à cet imparfait instrument montre assez qu’il serait impossible d’obtenir avec lui des indications continues. Il faut laisser tomber la corde chaque fois que l’on veut mesurer une profondeur, et l’arrêter lorsque le plomb est au fond. On ne peut donc avoir qu’une suite de points ; seulement, en répétant souvent l’opération l’on diminuera autant que possible les intervalles entre les points obtenus, et l’on obtiendra une représentation assez exacte du fond de la mer.
Quand on fait le nivellement d’une contrée, c’est-à-dire quand on veut connaître exactement sa forme, on peut, en général, se promener librement sur le terrain que l’on étudie. Les opérations géodésiques donnent avec la plus grande exactitude les positions et les hauteurs d’un aussi grand nombre de points que l’on désire. Supposons que les conditions de notre existence nous maintiennent constamment à 5 000 mètres au-dessus de la surface libre des mers, les opérations acquerraient le même degré de difficulté que nous présente l’étude du sol sous-marin. Quelques sommets de très hautes montagnes pénétreraient seuls dans notre atmosphère. Nous pourrions les explorer directement, tandis que des sondes nous seraient indispensables pour nous faire une idée des régions moins élevées.
C’est ce qui nous arrive lorsque nous voulons faire pénétrer nos regards sous les eaux. La surface des océans présente une régularité qui l’a fait prendre comme point de départ commun pour mesurer la hauteur relative des différents points de la surface terrestre. S’il y avait assez d’eau pour engloutir tous les continents, notre globe serait terminé par une surface uniforme représentant à très peu près une sphère. Bien qu’il n’en soit pas ainsi, les grands océans et toutes les mers communiquant avec eux ont le même niveau.
L’air presse l’océan, la pression qu’il exerce est sensiblement constante en tous les points de cette surface ; elle diminue, quand on s’élève dans l’atmosphère, du poids de toute la couche d’air traversée. Les instruments qui donnent cette indication servent à mesurer l’altitude d’un lieu. C’est même le seul moyen que l’on ait à sa disposition dans un grand nombre de cas. Un procédé analogue serait employé avec avantage pour déterminer les profondeurs de la mer. À mesure qu’on s’enfonce dans l’eau, les couches que l’on a traversées ajoutent leur pression à celle de l’air, et, l’eau étant à peu près 1 300 fois plus lourde que l’air, ce qui est possible pour l’air, le serait a fortiori pour l’eau. Un appareil capable d’indiquer, lorsqu’on l’aurait retiré de l’eau, la plus forte pression qu’il aurait subie pendant son immersion, contrôlerait les résultats donnés par la sonde ordinaire.
Si nous ajoutons à l’imperfection des procédés la grande difficulté que présente leur application, nous saurons pourquoi le sujet que nous abordons est encore peu avancé. Des sondages faits par de grandes profondeurs exigent dans un navire un matériel considérable, réservé uniquement à cet usage. Une seule opération dure une journée entière, elle nécessite un temps calme et elle occupe un grand nombre de personnes. Les navires de commerce ne peuvent donc pas, en général, effectuer de grandes sondes : il leur faudrait des câbles de 8 000 mètres au moins de longueur : souvent leur équipage serait insuffisant pour les manœuvrer, ils perdraient énormément à s’arrêter pendant des journées entières, et, si les câbles se cassaient, la dépense serait trop grande pour qu’ils pussent les remplacer.
Des expériences de ce genre ne peuvent être entreprises que par l’initiative des gouvernements, ou par des Compagnies que de puissants intérêts poussent à ce genre d’explorations. La pose des câbles télégraphiques sous-marins a nécessité, depuis quelques années, de nombreux sondages. Chaque jour une sonde s’ajoute aux autres, et nul doute que la multiplication des réseaux télégraphiques sous-océaniens n’accélère le moment où nous aurons une idée assez exacte de la forme de notre terre et des moindres accidents de sa surface.
À l’époque où la figure de la terre était inconnue, la profondeur de la mer était l’objet des suppositions les plus exagérées. On trouve à chaque pas dans les écrits des géographes les expressions de mer sans fond et sans bornes pour désigner l’océan Atlantique.
Les idées modernes sur notre planète et sur sa constitution devaient nécessairement amener la chute de ces croyances absurdes. Mais, si la masse d’eau qui recouvre environ les trois quarts de l’écorce solide de la terre est limitée, quelle est la profondeur des bassins qui la renferment ? L’écorce terrestre est plissée irrégulièrement ; là elle est soulevée, ici elle s’est affaissée ; l’eau s’est retirée dans les endroits les plus bas. La mesure de la plus grande profondeur des mers, jointe à l’altitude des pics les plus élevés, devait donc être considérée comme très utile, en nous apprenant la grandeur des inégalités produites sur l’écorce terrestre par les forces intérieures du globe.
Les voisinages des côtes, les passages très fréquentés et peu profonds étaient connus ; la question était cependant peu avancée quand Maury fit un appel aux marins de toutes les nations. Comme il leur avait demandé leur concours pour noter les courants marins, pour observer les vents et les autres phénomènes météorologiques, il leur demanda de faire une sonde environ à chaque centaine de lieues de leur voyage. Son appel fut entendu.
Au bout de peu d’années, l’Atlantique nord, sillonné par tant de navires appartenant à toutes les nations, avait été sondé en un assez grand nombre de points pour que Maury pût, en réunissant sur une même carte les nombres obtenus, grâce, pour le fond de cet océan, des courbesde niveau, analogues à celles que les géographes dessinent sur la carte d’une contrée dont ils veulent indiquer le relief ; mais, tandis que les courbes de niveau des géographes correspondent à des hauteurs au-dessus de la surface libre des océans, celles de Maury sont des lignes passant par tous les points situés à la même hauteur au-dessous du niveau de la mer. Ces lignes ont été tracées pour des profondeurs variant de 1 800 en 1 800 mètres. Elles donnent donc une idée encore très imparfaite du relief du sol.
La Méditerranée, la mer Noire, la Baltique, la mer du Nord, les parages de la France et des îles Britanniques sont beaucoup mieux connus. Ces mers sont bien moins profondes que l’Océan, et les marines européennes avaient un intérêt trop immédiat à leur étude pour la négliger.
Mais, dans les immenses espaces que laissent dans l’hémisphère sud les continents et les îles de l’Océanie, rarement on a jeté la sonde. On a peu étudié ces vastes et profonds bassins qui séparent l’Asie et l’Afrique de la Nouvelle-Hollande et de l’Amérique ; le navigateur y laisse le vent pousser son navire sans que la crainte de toucher un écueil lui fasse désirer de connaître l’épaisseur de la nappe d’eau qui le supporte. Quelques indications recueillies dans des voyages scientifiques de circumnavigation, pendant un relevé de côtes exécuté par des navires de l’État, sont les seules données que l’on puisse utiliser.
La portion méridionale de l’océan Atlantique est également très pauvre en documents.
On n’a pu tracer encore, pour toutes ces mers, les courbes de niveau qui donnent une idée des bassins des mers européennes.
La plus grande partie du monde submergé est donc encore très mal connue. Si l’on ajoute à cela que les plus vastes surfaces continentales sont désertes ou sauvages, et qu’elles ont été parcourues seulement par quelques hardis voyageurs, on comprendra combien il reste encore de lacunes dans l’étude de la terre et quelle ample moisson de découvertes pourront faire les consciencieux observateurs de la nature.
Malgré leur insuffisance, les résultats acquis aujourd’hui à la science montrent que la profondeur de la mer n’excède pas 9 kilomètres, qu’elle ne dépasse pas celle des plus hautes montagnes.
On trouve cette grande profondeur dans tous les océans ; souvent même des sondes indiquent une épaisseur d’eau de 9 300 mètres ou plus, mais la discussion de ces nombres, de circonstances dans lesquelles ils sont obtenus, montre qu’il ne faut pas y attacher une entière confiance et que, s’ils sont erronés, ils sont trop forts. C’est dans ce cas surtout qu’il conviendrait d’employer l’appareil à pression dont nous avons indiqué le principe.
Le sol sous-marin est la suite immédiate du sol sous-aérien. Le géomètre y trouve les mêmes accidents géographiques : des plaines, des vallées, des ravins, des collines, des escarpements, des déserts de sables, d’immenses étendues de vase molle, des pierres roulées, des rochers menaçants, des sources, des volcans.
La scène est bien différente pour le physicien. À une faible distance de la surface, la lumière ne parvient qu’avec peine ; aux plantes terrestres se substituent les algues, flottant comme de longs rubans aux vives couleurs, ou se dressant légèrement et finement découpées comme les arbres de nos montagnes. Des animaux aux formes lourdes et arrondies se meuvent dans un élément grossier si on le compare à notre atmosphère ; les sources d’eau douce, au lieu de couler sur le sol, s’élèvent comme font dans l’air des colonnes de vapeur ou de fumée. Les volcans eux-mêmes ne vomissent pas de la même manière les produits de leurs éruptions.
Cependant le fond du bassin est, pour le géomètre, en tout point semblable à ses bords.
Faisons un instant abstraction de l’eau pour mieux voir l’ensemble de l’écorce terrestre, ses plissements qui se croisent dans tous les sens, ses inégalités, qui nous semblent si considérables, et qui sont si peu de chose lorsqu’on les compare à la grandeur de notre planète.
Supposons la terre réduite à l’état où paraît se trouver la lune, c’est-à-dire sans atmosphère et sans eau. Nous verrions des rugosités dont l’épaisseur totale atteindrait de 16 à 17 kilomètres. La plus grande correspondrait à l’ancien continent ; son point culminant serait la chaîne de l’Himalaya. Tout autour, un sillon la séparerait de la gibbosité formée par les deux Amériques, de la proéminence dont les sommets sont l’Australie et les îles voisines, et du grand continent austral presque entièrement enseveli sous les glaces.
Les points culminants et les points les plus bas des bassins sont souvent peu éloignés les uns des autres. Le sommet de l’Himalaya est voisin du fond du bassin indien, les Montagnes-Rocheuses, du fond de l’océan Pacifique septentrional, les monts Alleghanys, du point le plus bas de l’océan Atlantique nord, le massif du mont Blanc, du fond du bassin méditerranéen occidental. Cette remarque est générale ; on peut y ajouter que si, d’un côté, le sommet de la gibbosité touche presque le sommet de la dépression, du côté opposé il en est assez éloigné, comme si tous les plissements auxquels est dû le relief actuel de l’écorce terrestre étaient dissymétriques et avaient produit d’un côté une pente douce, de l’autre un escarpement.
Nous voyons, dans la partie aérienne de la terre, de vastes plateaux à des altitudes souvent considérables. Les plateaux sous-marins sont tout aussi fréquents. Ils séparent deux bassins dont les bords voisins ne se sont pas assez élevés pour sortir des eaux. C’est ainsi que, dans l’océan Atlantique septentrional, un vaste plateau s’étend de l’Islande aux Açores et aux Antilles ; les Açores correspondent à quelques pics volcaniques se dressant sur cette chaîne de montagnes sous-marines.
Un autre plateau s’étend au nord, à l’est et un peu au sud de Terre-Neuve. À la latitude de New-York, ce plateau se termine brusquement par une falaise abrupte devant laquelle coule le célèbre Gulf-Stream ; près de là nous trouvons le centre d’un bassin ; la différence de niveau est, pour une distance de quelques lieues, de 8 000 mètres.
D’autres fois le plateau porte des pics nombreux dont les sommets pénètrent dans l’atmosphère. Les îles des archipels océaniens sont les points culminants de chaînes implantées sur un plateau submergé. Si l’Amérique était recouverte d’eau jusqu’à la hauteur de 2 000 mètres, on verrait à sa place des archipels correspondant à ses Montagnes-Rocheuses, à ses Andes, aux montagnes brésiliennes, à quelques pics des Antilles et des Alleghanys. La sonde indiquerait sous les eaux de grandes vallées séparées par des collines, des plateaux ou des montagnes aux pentes assez douces en général, mais abruptes près du rivage, surtout sur le versant occidental qui regarde le grand Océan.
Le fond de la mer ne peut être complètement assimilé, comme on le fait souvent, au lit d’une rivière. Ce dernier (fig. 5) a la forme d’une gouttière. Un lac d’une faible étendue ne nous donne pas davantage la forme du sol sous-marin. Le bassin du lac est une cavité quelquefois très profonde. En joignant deux rives opposées par une ligne droite, cette dernière sera complètement au-dessus du fond du lac ; elle se confondra sensiblement avec sa surface. Il n’en est plus de même si nous considérons une mer d’une certaine étendue. La terre est ronde, la surface libre des océans est à peu près sphérique, et c’est à partir de cette surface que doit être comptée la profondeur.
Unissons, par exemple, Paris à Terre-Neuve (fig. 6) par un tunnel rectiligne. Ce tunnel ne rencontrera pas l’Océan ; il passera bien au-dessous. Son ouverture à Paris ne sera ni verticale ni horizontale ; il s’enfoncera sous la Manche, sous l’Océan, dont il s’éloignera d’abord malgré l’augmentation de profondeur de ce dernier, s’en rapprochera vers Terre-Neuve et regagnera la surface de la terre à Terre-Neuve, obliquement, comme il l’avait quittée à Paris. Cette remarque, qui s’applique à toutes les vastes mers, tient, comme nous l’avons dit, à la forme sphérique de la terre ; le fond des océans, loin d’être une cavité, est, en général, convexe.
Nous ne croyons pouvoir mieux faire, pour donner une idée exacte de l’épaisseur relative de la croûte solide, de son enveloppe liquide et de son atmosphère gazeuse, que de présenter la coupe (fig. 7) de la terre suivant son équateur. Au centre, est la matière ignée incandescente, dont on ne préjuge la nature que d’après les produits des éruptions volcaniques. Une enveloppe solide, relativement très mince, entoure le noyau fluide et repose sur lui comme un radeau sur les flots. Quand la mer interne s’agite, ses palpitations nous sont révélées par des ressauts brusques, des déchirements de cette fragile écorce sur laquelle reposent toutes nos espérances.
Une double atmosphère entoure la couche solide. La portion inférieure, aqueuse, nous est fermée. Nous ne pouvons que planer à sa surface. Elle est comme déchirée par la terre qui a pénétré dans la portion gazeuse, la seule appropriée à notre nature.
L’épaisseur de la terre ferme, est probablement assez variable ; elle ne peut pas dépasser, ni même atteindre 100 kilomètres, c’est-à-dire la quinzième partie du rayon de notre globe. Elle doit être beaucoup moindre en quelques points. Et même, dans le voisinage des volcans, elle devient assez faible pour que les matières ignées puissent être rejetées par les fissures dont ces montagnes sont criblées.
La plus grande profondeur de la couche liquide est inférieure à 10 kilomètres, et la portion respirable de l’atmosphère gazeuse ne s’étend pas à plus de 8 à 9 kilomètres au-dessus de la surface des eaux.
C’est dans cette zone mince, de 18 à 20 kilomètres d’épaisseur, que s’accomplissent tous les phénomènes de la vie. Qu’elle est faible, si on la compare à la grosseur du globe terrestre, dont le rayon est environ de 6 369 kilomètres, et qui n’est lui-même qu’un atome errant dans l’immensité de l’univers !
Le fond du Grand Océan équinoxial et celui de la mer des Indes ont été indiqués en pointillé, les documents étant trop rares pour les déterminer avec précision.
La coupe équatoriale représentée figure 7 rencontre la portion nord de l’Amérique méridionale et passe par le volcan Pichincha ; elle touche aux îles Galápagos, séparées du continent par un profond bras de mer. Après avoir traversé la partie moyenne de l’océan Pacifique, elle coupe l’archipel des îles Scarborough. Plus loin, ce sont les Moluques, Bornéo, Sumatra, avec l’un de ses volcans, le mont Ophir, diamétralement opposé au Pichincha ; puis l’océan Indien, l’Afrique et son immense plateau, l’île Saint-Thomas et l’océan Atlantique. N’a-t-on pas lieu d’être frappé de la régularité de ce vaste circuit ? La surface externe de l’écorce terrestre est presque exactement figurée par un cercle : c’est à peine si elle forme une ligne très légèrement ondulée, dont nous sommes forcés d’exagérer les sinuosités pour les rendre perceptibles à l’œil.
L’océan Atlantique a la forme d’un grand canal dirigé moyennement du nord au sud, en inclinant vers l’est dans sa portion septentrionale. La carte de Maury nous aidera beaucoup à comprendre le relief de cette dernière partie.
Les courbes de niveau y ont été tracées de 1 700 mètres en 1 800 mètres. De sorte que, pour tous les points situés entre le rivage et la courbe la plus voisine, la profondeur de la mer est comprise entre 0 mètre et 1 800 mètres, et qu’elle augmente, en général, à mesure qu’on s’éloigne du rivage pour s’approcher de la courbe. Entre la première courbe et la seconde, la profondeur est comprise entre 1 800 et 3 600 mètres, et ainsi de suite.
On remarque d’abord sur la carte (fig. 8), que les plus grandes profondeurs sont entre le banc de Terre-Neuve et les Bermudes, sur le trajet du Gulf-Stream. La sonde y descend à plus de 9 000 mètres. On trouve, à l’ouest des îles Canaries, un autre point très profond, où la sonde indique 6 000 mètres environ.
Une zone, où la profondeur est comprise entre 5 400 et 7 000 mètres, s’étend au sud de Terre-Neuve, environne le pic des Bermudes, suit à peu près la direction de la côte américaine, jusqu’à la hauteur de la Floride, se rejette alors vers le sud-est en restant à une certaine distance des Antilles, et s’arrête près de l’extrémité nord-est de cet archipel.
Non loin de là commence une seconde excavation. Elle est séparée de la première par une chaîne sous-marine ; semblable à une gouttière allongée, elle se prolonge du nord-ouest au sud-est, jusqu’au sud de l’équateur en se tenant plus près des côtes brésiliennes que de l’Afrique.
Autour de ces régions, les plus basses de l’Océan, le sol s’élève inégalement. Rapide du côté de l’Amérique et des Antilles, la pente est douce du côté de l’Europe et de l’Afrique. Nous voyons, en effet, les courbes très rapprochées les unes des autres à l’ouest, très espacées à l’est de la dépression la plus grande. De ce côté, la vallée se partage en deux autres, séparées par un immense plateau qui, descendant de l’Islande, passe aux Açores et s’étend jusqu’au sud-est des Bermudes. La partie méridionale, limitée par la courbe de niveau de 3 600 mètres, occupe en partie la place indiquée par la mer de Sargasse. Entre ce plateau et l’Europe, une longue vallée court presque du nord au sud et rejoint, près des îles du Cap-Vert, la dépression limitée par l’Amérique, l’Afrique et le plateau sous-océanien.
La profondeur, dans cette vallée, n’est jamais supérieure à 5 400 mètres ; elle est surtout assez uniforme dans le nord, entre les îles Britanniques et Terre-Neuve. C’est pourquoi, lorsqu’on voulut installer un câble télégraphique, destiné à relier l’ancien monde et le nouveau, le fond de la mer sembla, grâce à ce plateau, disposé à souhait pour recevoir le conducteur de la pensée humaine, d’où le nom de Plateau télégraphique.
Vers les Açores, la profondeur est, dans un rayon assez étendu, inférieure à 1 800 mètres. Il en est de même d’une région assez circonscrite, que l’on remarque à peu près à moitié chemin entre les Açores et Terre-Neuve. De l’Espagne aux Açores, de ces îles à Terre-Neuve, nulle part la profondeur n’atteint 5 400 mètres. C’est encore un trajet sur lequel on a voulu poser un câble transatlantique.
Le sol sous-marin remonte beaucoup lorsqu’on suit la côte du Brésil et de la Guyane. Si le grand courant marin équatorial qui porte les eaux de l’est vers l’ouest occupait une grande épaisseur de la mer, il ne serait pas étonnant de voir sa vitesse s’accroître en s’approchant de ces côtes à cause du resserrement de son lit.
Le sol redescend ensuite ; il présente une cavité dont le point le plus bas est peu éloigné de l’isthme de Panama, et qui s’étend jusqu’à Haïti et Saint-Domingue. Mais le fond ne tarde pas à s’exhausser de nouveau pour rester relativement très élevé dans tout le golfe du Mexique, l’archipel des grandes Antilles et le voisinage des États-Unis.
Une grande étendue de mer peu profonde se remarque également de la Nouvelle-Écosse à l’est du banc de Terre-Neuve et aux côtes du Labrador. C’est par là, on le sait, que les glaces polaires descendent vers le Gulfstream, courant chaud qui achève de les fondre, et sur le bord duquel elles déposent les derniers débris des continents arctiques auxquels elles ont été arrachées.
La Méditerranée et la mer Noire sont peu profondes. La sonde n’y atteint généralement pas 3 000 mètres ; et même, dans la plus grande étendue de ces bassins, elle ne descend pas à plus de 1 800 mètres.
Les eaux de la Méditerranée recouvrent plusieurs grandes vallées. La plus basse est entourée par la régence de Tripoli, la Grèce et l’Italie. Elle est séparée, par une étroite chaîne de montagnes, d’une autre grande vallée qui occupe l’espace compris entre l’Archipel grec, l’Asie Mineure, les côtes syriennes et l’Égypte.
Si nous pénétrons dans cette mer par le détroit de Gibraltar, nous voyons d’abord le sol sous-océanien s’élever près des côtes espagnoles et marocaines. Il n’est plus, dans la partie occidentale du détroit, qu’à 300 ou 400 mètres de la surface. À mesure qu’on s’avance vers l’est, la profondeur augmente rapidement. Elle devient supérieure à 3 600 mètres au sud-est de Malaga. Bientôt le fond se relève : il n’est plus, au nord de Melilla, qu’à 360 mètres environ ; c’est une véritable chaîne sous-marine, qui limite à l’est une sorte de petit bassin compris entre la Sierra Nevada et les montagnes marocaines réunies sous la mer au détroit de Gibraltar.
En continuant sa route vers l’est, l’explorateur descendrait dans une autre vallée presque aussi profonde, et communiquant avec la grande dépression par un col de la chaîne qui s’étend, sous les eaux, d’Oran au cap de Gates.
Après avoir franchi ce passage, on pénètre, en marchant vers l’est-nord-est, dans la grande dépression qui, d’abord étroite, s’élargit petit à petit et devient une vaste plaine terminée aux îles Baléares, à la Sardaigne et aux côtes algériennes. La pente à gravir, pour sortir de ce bassin, fermé de toutes parts, est assez rapide sur son versant nord-ouest, par lequel nous arrivons à un long plateau couvert de quelques pics. Les îles Baléares en sont les principaux.
Le plateau s’interrompt à peine de Carthagène et de Valence aux Baléares et à la Corse. Il devient étroit entre ces îles, et nous trouvons au nord une autre cavité irrégulière occupant l’espace compris entre Majorque et la côte d’Espagne, les golfes du Lion et de Gênes. La profondeur de la mer n’y est pas supérieure à 1 800 mètres, et nous y voyons un pic isolé à l’entrée du golfe du Lion.
En sortant de la dépression algérienne par son versant oriental, nous aurions dû éviter les escarpements qui règnent près de la Sardaigne, et descendre vers la province de Tunis pour trouver une pente facile à gravir.
Tout autour de la Sardaigne et de la Corse, la profondeur de la mer est faible ; le bassin formé par la mer Tyrrhénienne offre lui-même seulement deux ravins étroits et allongés, l’un de l’ouest à l’est en contournant les îles Lipari, l’autre du nord-ouest au sud-est, parallèlement aux côtes napolitaines.
Le banc Aventure, les roches de Skerki forment, près de la régence de Tunis et de la Sicile, un plateau ondulé par lequel nous arrivons au bassin méditerranéen oriental. Une descente escarpée nous conduit de Malte, l’un des points culminants du plateau, au fond de la dépression que limitent l’Italie, la Grèce, la Turquie d’Asie et l’Afrique. C’est près de Malte qu’on trouve la plus grande profondeur. La sonde y descend à 4 500 mètres, c’est-à-dire plus bas qu’en tout autre point de la Méditerranée.
Les montagnes de la Grèce et de Candie se prolongeant sous les eaux, partagent en deux parties à peu près égales la grande cavité que nous étudions.
La portion occidentale offre quelques pentes rapides : mais, en général, le terrain s’élève petit à petit jusqu’aux bas-fonds qui bordent l’Afrique et jusqu’à la mer Adriatique. On ne trouve dans cette mer qu’un petit bassin de 1 200 mètres de profondeur, et la sonde ne descend pas même à 200 mètres dans tous ses autres points.
La portion orientale, ou bassin gréco-égyptien, se prolonge, dans la partie méridionale de l’Archipel, jusqu’aux côtes de la Grèce. Les îles de Candie, Kaso, Karpatho, Rhodes, Chypre sont implantées sur ses bords. Les alluvions du Nil tendent à la combler vers le sud, et l’on peut voir sur la carte cette influence indiquée par les courbes de niveau. Ces courbes sont d’abord assez espacées près du Delta égyptien. Si l’on marche vers le nord, on arrive, après avoir descendu une pente assez douce, à un talus, au-delà duquel la sonde indique jusqu’à près de 3 000 mètres de profondeur. Les courants marins marchent, près des bouches du Nil, de l’ouest vers l’est ; ils entraînent les alluvions avec eux. C’est pourquoi les bas-fonds s’étendent plus loin des côtes à l’est du Delta qu’à l’ouest.
Lorsqu’on remonte vers le nord-ouest on parvient, en s’engageant dans les gorges sinueuses dominées par Candie et Karpatho, à un plateau irrégulier, siège d’une grande activité volcanique, et dont les pics principaux constituent l’Archipel grec.