Le Joli Pied - Nicolas Edme Restif de la Bretonne - E-Book

Beschreibung

Deux intrigues érotiques savoureuses par un maître du genre.

POUR UN PUBLIC AVERTI. Dans ce recueil de deux nouvelles, les femmes sont les vraies héroïnes et non de simples souffre-douleurs. Le premier récit est l'occasion pour Restif de La Bretonne d'aborder un thème qui lui est cher, le fétichisme du pied. Le second met en scène deux amants obligés de ruser pour contourner les réticences du père de la jeune fille et parvenir à leurs fins.

Deux nouvelles érotiques, suivant la tradition de volupté et de légèreté initiée par Restif de la Bretonne.

EXTRAIT

Un jeune Inconnu, qui n’était pas de la société qu’on admettait dans la maison, s’éprit pour Victoire, sans la connaître, et presque sans l’avoir vue. Il se nommait De Saintepallaie. C’était un jeune savant, plein de connaissances et de mérite, vivant seul et concentré, quoiqu’il n’eût que vingt-cinq ans, et se promenant presque toujours seul les soirs, après avoir donné la journée à l’étude. Saintepallaie avait des mœurs pures, avec des sens neufs et pleins d’énergie : il aimait beaucoup les femmes ; mais il les craignait et les fuyait, autant faute d’usage, que par sagesse. Il n’y avait peut-être pas d’homme au monde sur qui la beauté fit une impression plus vive ; une belle femme le ravissait ; mais il réfléchissait ensuite aux inconvénients de l’amour et d’une liaison ; il trouvait la force de fuir, sans doute, parce qu’il n’avait pas encore rencontré la femme qui devait le subjuguer.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nicolas Edme Restif, dit Restif de La Bretonne, était destiné à l'Église. Mais, coureur de jupons, il renonça à la prêtrise et devint apprenti typographe puis compagnon-imprimeur. Grâce à ce métier, il rencontra des auteurs tels que Beaumarchais ou Cazotte et se mit lui-même à écrire en 1761. Sa vie personnelle fut compliquée. Bien que fils de riches paysans, il manqua sans cesse d'argent et sembla arrondir ses fins de mois comme indicateur de police. Écrivain prolixe s'essayant à plusieurs genres, il mourut cependant dans la misère. Il détestait Sade, qui le lui rendait bien, et se définissait comme l'anti-Sade.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

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LE JOLI PIED

Dans une maison de Paris, dont une nouvelle précédente a fait l’histoire, il y avait une jeune personne de la plus aimable figure : c’était mademoiselle Victoire De la Grange. Elle avait seize ans, lorsqu’elle lit naître une passion aussi singulière que violente.

***

Un jeune Inconnu, qui n’était pas de la société qu’on admettait dans la maison, s’éprit pour Victoire, sans la connaître, et presque sans l’avoir vue. Il se nommait De Saintepallaie. C’était un jeune savant, plein de connaissances et de mérite, vivant seul et concentré, quoiqu’il n’eût que vingt-cinq ans, et se promenant presque toujours seul les soirs, après avoir donné la journée à l’étude. Saintepallaie avait des mœurs pures, avec des sens neufs et pleins d’énergie : il aimait beaucoup les femmes ; mais il les craignait et les fuyait, autant faute d’usage, que par sagesse. Il n’y avait peut-être pas d’homme au monde sur qui la beauté fit une impression plus vive ; une belle femme le ravissait ; mais il réfléchissait ensuite aux inconvénients de l’amour et d’une liaison ; il trouvait la force de fuir, sans doute, parce qu’il n’avait pas encore rencontré la femme qui devait le subjuguer.

Saintepallaie avait un goût particulier, et tous les charmes ne faisaient pas sur lui une égale impression : une jolie figure, et partout, hors en Espagne, une belle gorge a sou prix : une taille svelte et légère, une belle main flattait son goût : mais le charme auquel il était le plus sensible, celui qui lui causait ce frémissement involontaire et délicieux qui remue toutes les fibres, c’était un joli pied : rien dans la nature ne lui paraissait au-dessus de ce charme séduisant, qui semble en effet annoncer la délicatesse et la perfection de tous les autres appas. D’ailleurs, ce goût n’était pas dans le jeune Saintepallaie un effet du raisonnement ; c’était un instinct qui s’était manifesté dès son enfance : il ne pouvait, sans tressaillir, apercevoir une jolie chaussure de femme ; lorsqu’il en rencontrait quelques-unes qui n’étaient pas jolies, mais chaussées avec goût, il semblait que ce charme seul les rendit aimables.

Un soir d’été, il passait dans la rue Dauphine : une jolie marchande, dont le pied était mignon, et qui le savait à merveille, était assise sur sa porte, les jambes croisées et découvertes jusqu’au dessus de la cheville : elle montrait ainsi le bas d’une jambe fine, terminée par un pied chaussé en blanc, mais si petit, si bien fait, si propre, que les plus indifférents ne pouvaient s’empêcher de l’admirer. Saintepallaie en la voyant, resta immobile de surprise et d’émotion : cependant la réflexion l’ayant rendu honteux, il continua sa route : il ne fut pas à six maisons, qu’il revint : il repassa de la sorte, tant que le joli pied fut visible. La marchande rentra, et le joli pied disparut : mais Saintepallaie en avait été trop frappé pour l’oublier ; il revint tous les soirs, jusqu’à ce qu’un autre objet plus charmant encore l’attirât.

Un autre jour, sur les onze heures, il passait par la rue Saint-Denis : une jeune dame qui sortait de chez elle pour aller à l’église du Sépulcre, parut jolie à Saintepallaie : après un coup d’œil rapide donné au minois le plus séduisant, le jeune homme chercha des yeux l’appas favori. La nature s’était épuisée en faveur de madame Lev… : dans une jolie mule brodée en argent, était un petit pied qui paraissait celui d’une poupée : celle à laquelle il appartenait avait une marche légère et voluptueuse : Saintepallaie ébloui, enchanté, ravi, suivit la Déesse ; il ne put l’abandonner, mais enfin elle rentra chez elle. Il remarqua sa demeure, et ne manqua pas de revenir tous les jours pour voir ce pied vainqueur. Enchanté, sans être amoureux, il fit une pièce de vers que je n’ai pu me procurer : c’était une jolie parodie d’une ancienne Épître de M. Arnauld au C. de M., qu’il envoya sans se nommer. Cette Épître fut mal reçue de la part d’un inconnu ; et Saintepallaie se sentit un peu refroidi.

Une autre fois ayant affaire pour une commission fort de son goût, chez un cordonnier de la rue des Vieux-Augustins, il y vit une chaussure si agréable, si bien faite, qu’il s’informa pour qui elle était ? On lui répondit que c’était pour la Marquise de M-gnl. Saintepallaie n’eut pas repos qu’il n’eût vu cette dame : il la trouva charmante, mais elle était mariée, et le jeune homme, naturellement vertueux, ne voulait s’attacher qu’à une personne qu’il pût épouser. Cependant, par une petite faiblesse humaine, il revint prier le cordonnier de lui faire un plaisir ; c’était de rendre la chaussure à la belle dame, et de la rapporter après qu’elle l’aurait essayée, sous prétexte de quelque chose à y faire. Saintepallaie l’accompagna en garçon, pour être sûr de l’inauguration de la jolie chaussure ; il la paya ensuite généreusement, et le cordonnier en refit une pareille. Saintepallaie conserva précieusement ces reliques.

Un soir, passant dans la rue de l’Arbre-Sec, il aperçut une jeune et jolie personne, à peu près dans la situation de la marchande de la rue Dauphine. C’était une mule qu’elle avait, et son joli pied passait absolument en dehors. Saintepallaie s’arrêta sur la porte d’à côté sans être vu : au bout de quelques minutes de contemplation, il passa pour voir la jolie personne : elle sommeillait, nonchalamment étendue sur sa chaise. Pour le coup, il fut tenté de s’emparer du séduisant bijou qui s’offrait à sa vue : Il avança la main adroitement, et tira la mule du joli pied ; il serra aussitôt ce trésor, et s’éloigna de quelques pas. La belle s’éveilla : elle chercha du pied la mule qui lui manquait, et, ne la trouvant pas, elle fit un petit cri de surprise et d’effroi. Elle appela sa maman.

— Qu’est-ce ?…

— On m’a pris…

— Quoi ?

— Ma mule.

— Qui ?

— Je ne sais.

— À votre pied ?

— Eh oui, maman Voilà une grande insolence !

La maman gronda sa fille, parce qu’enfin il fallait bien gronder quelqu’un. Le lendemain, Saintepallaie repassa dans la journée pour voir la belle : il la trouva charmante.

Si je l’épousais ? pensa-t-il : je ferais son bonheur, à ce qu’il me semble, en faisant le mien ? Elle me parait bien élevée, quoique d’une condition commune ; elle est pétrie de grâces. Voyons cela… Il réfléchit en effet tout le jour. Le soir, à la même heure que la veille, il revint dans le quartier, et s’approcha de la porte de la jeune beauté. Elle y vint un instant après, et s’assit, dans la même attitude que la veille.

— Mettez-vous là, Julien, dit-elle à un garçon de boutique ; nous verrons s’il reviendra.

Saintepallaie, qui s’était caché dans l’allée voisine, entendait ce discours. Au bout d’un moment, M. Julien répondit :

— Ce ne peut-être qu’un rival, mademoiselle Agathe : je ne trouve pas mauvais qu’on vous aime ; vous êtes si aimable, qu’on ne saurait s’en empêcher ; mais je tremble que celui qui a pris votre mule, n’ait été encouragé…

— Vous êtes un visionnaire, un jaloux ; quand je vous dis que je ne le connais pas, et que je ne l’ai jamais vu !… Je dormais à demi : j’ai bien senti quelque chose ; mais je n’allais pas imaginer…

— Il fallait donc crier tout de suite !

— Que savais-je, moi ? J’ai d’abord pensé que c’était le voisin.