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Sélène vient d'avoir vingt ans. Comme le veut la tradition, elle s'apprête à vivre la cérémonie de confirmation des mages durant laquelle elle recevra son artefact et la place qu'elle occupera à Opale selon la volonté de la déesse de la lune. Seulement en cette nuit de solstice, rien ne se passe comme prévu. La puissance de la jeune femme suscite des convoitises et la déesse elle-même l'exhorte à fuir l'Académie des mages pour retrouver celui que l'on nomme "le fils de la lune". Sélène parviendra-t-elle à dévoiler les secrets qui l'entourent et à prendre pleinement possession de ses pouvoirs? Sous l'oeil bienveillant de la déesse lunaire elle devra aller au-delà de ses préjugés et d'elle-même pour mener à bien sa quête et déjouer les complots qui menacent la sécurité d'Opale et de ses habitants.
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Seitenzahl: 277
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Images libres de droits : Pixabay
Couverture réalisée par Anieka
À mon mari et nos enfants,
À toutes les femmes de ma famille
Le sablier du temps
Le sable s’égrène, irrémédiablement. Lancinant, insistant, Les grains d'aujourd'hui, s'ajoutent à ceux d'autrefois.
Le sable s'égrène irrémédiablement, Fusionnant imperceptiblement, Il dessine subtilement, les contours d'une vie oubliée.
Le sable s'égrène irrémédiablement, Et le sablier du temps, Une fois retourné, laisse s'envoler nos précieux instants.
Aurélie Swan, poème paru dans la revue numérique Le Capital des mots en 2018 puis en 2022 dans le recueil Maux d'Amour.
À propos du livre
Dédicace
Le sablier du temps
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Bibliographie
- Opale, Duologie Bit-lit, Bod France, 2021
- Dreamcatcher, trilogie fantastique, Bod France, 2022-2023
-Le loup et le phénix, spin-off Opale, Bod France, 2023.
- Chez Amazon Kdp, 2022
- Réédition Orami
- Romances contemporaines
À propos de l’auteur
Elle se contemplait silencieusement dans la psyché. L’image que le miroir lui renvoyait la mettait mal à l’aise. Elle ne reconnaissait pas cette jeune fille aux yeux gris dont la chevelure brune et bouclée était relevée en chignon. Seules quelques mèches s’échappaient de sa coiffure et retombaient délicatement sur ses épaules lui conférant un port de tête altier. Son regard observa plus attentivement ses traits qui lui rappelaient ceux de sa mère dont la présence à cet instant particulier lui manquait cruellement. Sa peau nacrée légèrement rosée par la nervosité qui la gagnait était rehaussée par la robe blanche qu’elle portait. Celle-ci avait des manches évasées et retombait avec élégance jusqu’à ses pieds nus. Ceinturée à la taille par une fine chaîne en or, elle mettait en valeur la silhouette de la jeune fille. Le col rond était parsemé de dentelle et des boutons fermaient la robe en descendant délicatement le long de son dos. Ses épaules et son cou dégagés laissaient apercevoir sa peau claire. Elle expira profondément pour chasser le malaise qu’elle éprouvait avant de reprendre une profonde inspiration. Son regard se fixa un instant sur le croissant de lune tatoué sur son front, qui faisait d’elle une élue dont la destinée allait irrémédiablement basculer en ce jour.
Un léger coup sur sa porte la fit sursauter et rompit cet instant de contemplation et d’introspection. Enora, la gouvernante, entra discrètement afin de parfaire l’habillage de la jeune fille. Voyant le regard attristé de celle-ci, elle ne put s’empêcher de la consoler.
— Voyons, ne soyez pas inquiète, tout va très bien se passer !
— Je n’en suis pas si sûre Enora. J’ai comme un mauvais pressentiment, avoua sa jeune protégée.
La gouvernante l’observa un instant. Connaissant la jeune fille et ses dons, l’inquiétude la gagna à son tour, mais elle n’en montra rien. C’était une journée importante, aussi fallait-il mettre l’élue dans de bonnes dispositions.
— Allons, rassurez-vous, tous les élus ressentent cela le jour de la cérémonie des pierres. C’est un grand événement qui marquera votre entrée dans la société et vous permettra enfin de connaître le rôle que vous y occuperez.
— Oui, je le sais bien. « Les élus de la lune recevront à leur naissance la marque de la déesse et devront alors être envoyés auprès de ceux qui leurs permettront de développer leurs dons. Pour leur vingtième anniversaire, ils se verront révéler leur identité et leur statut. Gardiens, guérisseurs, professeurs, combattants, ils auront pour rôle de protéger les territoires d’Opale, en assurant à chaque être vivant, humain, hybride ou mage, un traitement égal et juste », récita l’apprentie. Oui, je connais le code Enora, mais je ne sais pas. Je ne me sens pas à l’aise dans cette tenue, je ne me sens pas à ma place, je me sens… Incomplète, soupira-t-elle, en reportant son attention sur son reflet.
— Bientôt, tout prendra sens, je vous le promets. En attendant tournez-vous vers moi que j’arrange votre robe. Voilà qui est mieux. Bien, prenez votre cape et allons-y, les prêtresses et l’archimage nous attendent dans la cour royale.
— Attends Enora, est-ce que tu sais si ma mère sera présente ?
— Pour le savoir, il faut y aller ! répondit malicieusement son interlocutrice tout en ouvrant la porte à sa protégée.
Résignée, la jeune fille ne put s’empêcher de regarder avec tendresse la gouvernante avancer dans le couloir. Elle décida de se reprendre, s’empara de sa cape et sortit à son tour d’un pas décidé, prête à affronter son destin.
En parcourant le couloir, elle se remémora avec nostalgie ses dernières années. Du plus loin qu’elle s’en souvenait, elle avait toujours vécu au sein de l’Académie des mages. Elle y avait été déposée conformément à la prophétie puisqu’elle portait la marque de la lune faisant d’elle un être magique. Sa mère, n’avait pu avoir le bonheur de l’élever du fait de ses dons, mais elle avait tout de même pu l’accompagner et la suivre durant son parcours. Elle l’avait vue devenir une jeune fille puis une femme. Toujours présente par le biais de correspondances ou des visites accordées lors des congés mensuels, elle n’avait cependant pas eu le droit de répondre à certaines de ses interrogations. D'où venait-elle ? Qui était son père ? Pourquoi ne venait-il jamais la voir ? Sa mère se contentait de lui sourire tristement en lui promettant qu’un jour elle aurait des réponses. Et ce jour était venu.
À l'occasion du solstice d’été, pour ses vingt ans, son tour était venu d’être instituée de sa fonction au sein de la société d’Opale. À l’instar de ses camarades dont elle n’avait jamais été réellement proche, chacun étant conditionné à ne s’intéresser qu’à sa formation sans jamais quitter les murs de l’Académie auprès de précepteurs triés sur le volet, elle allait vivre un moment unique lors de cette cérémonie qui lui donnerait le plein accès à ses dons qu’elle développait depuis son plus jeune âge. Durant sa formation elle avait appris l’Histoire d’Opale et de ses villes nommées selon la pierre qui façonnait leur sol. L’Académie des mages se situait au sein de la capitale, Azurite, qui regorgeait de ce minerai bleuté, apprécié pour ses capacités à développer les facultés magiques des élus et sa couleur d'un bleu profond qui évoquait la voûte céleste les nuits où la lune était pleine. Elle avait également dû apprendre par cœur le Code qui établissait la place de chaque être au sein de la société qu’il soit ou non doté de pouvoirs magiques.
Trois espèces cohabitaient au sein du territoire : les mages, les humains et les hybrides nés de l’union d’un mage et d’un humain. Si les mariages mixtes étaient autorisés, ils n’étaient pas toujours vus d’un bon œil par une partie des mages plus extrémiste qui voyait dans ces unions contre nature, une perversion du sang pur. Cette pensée la fit frissonner. Si la société d’Azurite reposait sur l’égalité entre les trois espèces, un courant novateur et inquiétant semblait se développer au sein d’une majorité de la congrégation magique. Les élus se faisaient de plus en plus rares à l’Académie. Sur la dernière génération dont elle faisait partie, seulement dix avaient intégré l’école. Certains mages remettaient en cause les unions mixtes en arguant qu’elles pervertissaient les liens magiques. Les hybrides étaient d’ailleurs facilement identifiables d’une part par leur genre : ils étaient automatiquement des garçons et d’autre part par leur capacité à se transformer en loup. On les nommait hybride ou homme-loup. Ils n’avaient pas à proprement parler de dons magiques si ce n’était cette capacité à se transformer en loup et à adopter les facultés de cet animal.
La jeune fille vouait une secrète admiration à ces hybrides qu’elle n’avait encore jamais eu l’occasion de rencontrer en dehors des livres. Elle leur enviait la liberté qu’ils avaient de pouvoir se métamorphoser en loup et de parcourir les plaines sans rendre de compte à qui que ce soit. Pour sa part, son enfance dorée n’avait été rythmée que par les études, le protocole, les visites de sa mère et la préparation de cette journée. Elle soupira de nouveau en se demandant si le malaise qu’elle ressentait était lié aux révélations qui l’attendaient ou à cette atmosphère étouffante au sein de l’Académie où tant de mages attendaient de savoir quel serait leur statut. Elle faillit percuter Enora qui s’était arrêtée afin de lui ouvrir les portes de la grande salle.
— Encore en train de rêvasser petite mage, dit-elle tendrement. C’est l’heure, ils t’attendent.
La jeune fille comprit brusquement qu’après cette journée elle ne verrait plus sa gouvernante. En effet, si son destin allait se jouer dans quelques instants, sa liberté lui serait également restituée, du moins en partie, et elle partirait enfin de l’Académie pour accomplir sa mission à Azurite ou ailleurs. Elle embrassa la vieille gouvernante avec tendresse, mais ne put prononcer un mot, tant l’émotion lui comprimait la gorge. La vieille femme avait toujours été présente pour elle, malgré l’austérité des autres mages, Enora avait été une figure maternelle, en étant là pour prendre soin d’elle et en lui démontrant de l’affection. La gouvernante avait été touchée dès le premier jour par cette enfant à peine âgée d’un an lorsque sa mère l’avait déposée à l’Académie. Malgré l’interdiction de familiarité, elle n’avait pu se résoudre à laisser le nourrisson à sa solitude et à son désarroi. L’archimage avait accepté qu’elle prenne soin d’elle étant donné le caractère particulier de son admission. En effet, elle était la première élue si jeune à être admise. Les autres n’arrivant que lors de leur douzième anniversaire. Enora lui rendit son étreinte en l’encourageant une dernière fois puis lorsque sa protégée fut prête, elle se recula, essuya furtivement une larme sur sa joue et ouvrit les portes de la grande salle.
La jeune magicienne en eut le souffle coupé tant la beauté de la pièce décorée pour l’occasion était impressionnante. Des guirlandes de fleurs serpentaient le long des colonnes de marbre blanc. Le plafond semi-ouvert de la grande salle laissait filtrer les derniers rayons du soleil et déversait sa lumière sur l’autel devant lequel elle se tiendrait lors de l’ascension de la lune. Elle observa les lieux afin de repérer les hauts dignitaires et son regard avisa un homme sans âge, vêtu d’une longue tunique bleue. Son visage d’apparence jeune avec ses cheveux noirs, ses yeux verts et l’absence d’imperfections ne trompait pourtant pas la jeune fille qui reconnut l’archimage, Arthus, à la tête de l’Académie depuis vingt ans. Personne ne connaissait véritablement l’âge du vénérable. Le regard de ce dernier s’accrocha au sien imperceptiblement si bien qu’elle crut l’avoir imaginé. Elle remarqua ensuite les prêtresses au nombre de six, qui étaient vêtues de la même robe violette qui retombait sur leurs pieds nus. Leurs cheveux étaient simplement réunis en une tresse piquetée de fleurs et chacune portait une pierre différente autour du cou distinguant ainsi leur rôle et leur magie. L’une d’elles avança vers la jeune fille et lui tendit la main.
Celle-ci avait appris le protocole par cœur, aussi elle saisit la main de la prêtresse et se laissa porter par les événements. Elle ne se sentait pas actrice, mais plutôt spectatrice de son destin. Comme si une force plus puissante qu’elle l’emprisonnait et l’empêchait de faire autre chose que ce à quoi on la prédestinait. Le libre arbitre n’avait pas sa place dans sa vie et cela ne la dérangeait pas. Elle savait ce qu’elle avait à faire et pourquoi. Elle était née élue et devait assumer son rôle. Elle suivit la prêtresse auprès d’un bassin dissimulé derrière des paravents visant à préserver son intimité. Afin de la préparer à la cérémonie et en attendant que la lune soit à son zénith, moment où elle ferait face à l’archimage, elle devait d’abord être purifiée.
Toujours silencieuse, la prêtresse portant la pierre de jade dévêtit l’élue et l’invita à immerger son corps dans le bassin. Confiante, elle s’exécuta et la chaleur de l’eau, d’où s’élevait un agréable parfum de lavande, chassa ses appréhensions. Ses muscles se détendirent et elle ferma les yeux un instant. La prêtresse entonna alors une mélodie relayée de l’autre côté du paravent par ses sœurs, puis entreprit de laver le corps de l’élue avec un onguent spécialement concocté pour la cérémonie. Ainsi purifiée, elle l’invita à s’immerger à nouveau puis elle lui tendit un drap pour qu’elle puisse se sécher avant de repasser sa robe. La prêtresse la conduisit ensuite au centre de la pièce et l’élue se retrouva alors au milieu des six prêtresses. Ces dernières formèrent un cercle et enjoignirent l’élue à s’agenouiller en son centre. Elles commencèrent à tourner autour d’elle en psalmodiant des bénédictions et l’élue vit alors les pierres des prêtresses scintiller avant de briller d’une lumière plus puissante et de s’élever en un seul et même faisceau vers la lune qui commençait son ascension. Jade, Agate, Ambre, Grenat, Œil de tigre et Azurite se rejoignaient pour sacrer l’élue.
Celle-ci, émerveillée par la magie, sentit la sienne s’éveiller en écho à celle des prêtresses. Elle ferma les yeux et laissa son don former des ondes autour d’elle. Les prêtresses poursuivirent leurs bénédictions puis cessèrent progressivement leur mélopée. Le faisceau s’éteignit et la porteuse de l’agate, aida l’élue à se relever. Elle était prête. Son corps et son esprit étaient purifiés, sa magie activée. Il était temps pour elle de rejoindre l’archimage devant l’autel.
Ce ne fut que lorsqu’elle se tint face à lui, que l’élue remarqua que les autres membres de l’Académie se tenaient de l’autre côté de la salle, selon la répartition traditionnelle : à gauche les aspirants et à droite les confirmés. Leurs visages impassibles étaient tournés vers la jeune fille qui se décida enfin à affronter le regard de l’archimage. Le silence revint dans l’assemblée puis le mage prit la parole.
— Ma chère enfant, nous voici à présent réunis pour cette cérémonie où tu vas enfin atteindre la plénitude. Je ne compte plus les élus ainsi sacrés par la magie de la lune et la mienne au service du territoire d’Opale. Vois-tu cette coupe devant toi ?
L’élue hocha la tête, mais n’émit aucun mot de peur de briser la solennité du moment où de faire un faux pas. L’archimage l’impressionnait par son charisme, mais elle ne s’y trompait pas. Sous son charme se cachait une puissance que tous pouvaient sentir et malgré le fait qu’il soit un homme de bien, elle ne souhaitait en aucun cas déclencher un quelconque sentiment négatif chez lui.
— Cette coupe contient de l’hydromel et te révélera l’identité de ton père. Bois-la et délivre-nous son message.
Tremblante, elle saisit la coupe en or incrustée de gemmes et la porta à ses lèvres. L’espace d’un instant, elle pensa déceler chez l’archimage de la défiance, mais il reprit son masque impassible si vite qu’elle crût s’être fourvoyée.
Chassant ses inquiétudes, elle but à la coupe et sentit le liquide sucré descendre dans sa gorge. Elle reposa le calice et sous l’influence de l’enchantement de celui-ci, elle se mit à révéler elle-même son identité.
— Je me nomme Sélène Moonwave, fille d’Eilin, humaine du village d’Azurite et d’Aedan, archimage banni de la capitale pour trahison.
Lorsqu’elle prit conscience de ce qu’elle venait de dire et de ce que cela signifiait, Sélène eut un hoquet de stupeur. L’assemblée retint son souffle, attendant la réaction de l’archimage. Celui-ci ne cilla pas et poursuivit.
— Sélène d’Azurite, promettez-vous de suivre la voie pour laquelle vous êtes venue au monde en faisant fi de votre passé ? De mettre tout en œuvre pour exécuter les volontés de la déesse et de vous montrer digne du pouvoir qu’elle vous transmettra par le biais d’un réceptacle choisit par elle-même ?
— Je le promets, répondit mécaniquement Sélène, l’esprit embrumé par l’encens qui embaumait la pièce.
— À présent, ouvrez ce coffret en argent placé juste à côté de la coupe.
Sélène prit une nouvelle inspiration et s’exécuta. Le métal froid du coffret lui permit de reprendre contact avec la réalité. Elle l’ouvrit lentement et sentit son pouvoir affluer à mesure qu’elle découvrait son totem.
Un médaillon reposait dans le coffret. Il était composé de sept pierres : les mêmes que les six prêtresses et au milieu la pierre de lune. La pierre de l’archimage. C’était impossible. Personne ne pouvait posséder un tel pouvoir. Réunir les pierres en un seul et même artefact était invraisemblable. L’archimage eut un temps d’arrêt, son regard s’assombrit, mais il ne put émettre une parole, car la lune avait atteint son zénith et la voix de la déesse résonna dans la grande salle :
— Fille de lune, Sélène, voici ton présent. Conserve ce médaillon et protège-le comme lui te protégera. Ne le quitte jamais car il est le réceptacle de ton pouvoir. Tu es désormais la gardienne d’Azurite. Tu devras libérer Opale de la corruption qui rampe dans l’ombre et de la haine sournoise qui se dissimule derrière les plus beaux atours.
Le médaillon s’éleva puis vint se poser dans le cou de Sélène. Le fermoir en or se clipsa sur sa nuque et Sélène sentit sa magie remonter dans son corps pour rejoindre le réceptacle. Elle comprenait enfin le sens du mot plénitude. Elle était désormais complète, entière. Elle possédait l’étendue de sa magie et avait retrouvé son identité. Elle voulut s’adresser à l’archimage, mais le regard qu’il posa sur elle lui glaça le sang. De la haine et de la convoitise se mêlaient dans ses yeux. Un frisson d’horreur lui parcourut l’échine lorsqu’elle comprit que tous ceux présents dans la salle : mages, élus, prêtresses et archimage étaient comme paralysés. Puis la voix de la lune se fit entendre une dernière fois, mais seulement pour elle, glaçante et implacable.
— Maintenant fuis. Pars, tu es en danger. Retrouve celui qui fut banni et libère Opale de la corruption. Ils voudront ton pouvoir. Ne leur fais pas confiance. Je les retiendrai le temps que tu sortes de l’Académie, après il ne te faudra compter que sur toi. Retrouve mon fils, il t’aidera.
La voix se tut laissant Sélène complètement désemparée. Abasourdie, elle ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer. Que devait-elle faire ? Avait-elle rêvé cette voix ? La cérémonie n’aurait pas dû se dérouler ainsi. Habituée à suivre le protocole, elle ne savait pas comment réagir. Le médaillon brilla soudain et Sélène vit la main de l’archimage lutter contre la paralysie pour se diriger vers elle. La voix retentit à nouveau, avec autorité.
— Cours !
Sélène sortit brusquement de sa torpeur et se jeta au sol pour éviter un arc de feu émanant de l’archimage qui luttait pour reprendre le contrôle de son corps. Éperdue, elle se mit à courir vers la porte restée ouverte et s’enfuit, pieds nus, à travers les dédales de l’Académie. Elle n’avait pas le temps de se diriger vers la sortie principale aussi choisit-elle de prendre celle des serviteurs en passant par les cuisines. Elle fut surprise de les voir endormis, mais en s’approchant de sa gouvernante pour un dernier adieu elle fut horrifiée par le contact de sa peau. Elle était glacée. Avec horreur elle comprit qu’ils étaient morts. Tous.
Sélène porta la main à sa bouche pour ne pas hurler et alors qu’elle reculait pour poursuivre sa route, elle vit un symbole gravé sur le mur. Le symbole de la lune rouge entrelacé de deux croissants. Des bruits de pas la ramenèrent brutalement à la réalité et sans plus réfléchir elle se précipita vers la porte de service.
La porte de service donnait sur l’arrière-cour de l’Académie ce qui offrait une sortie discrète à la jeune magicienne. Enfin, aussi discrète qu’elle pouvait l’être en robe de cérémonie, essoufflée et dont le visage trahissait une peur évidente. Heureusement la nuit était de son côté en dissimulant sa présence aux éventuels badauds nocturnes. Elle longea le mur de la cour extérieure. Elle n’était jamais sortie de l’Académie mis à part pour se rendre dans le jardin attenant pour y retrouver sa mère. Sa mère… Elle pourrait sûrement l’aider à comprendre ce qu’il se passait, ce qu’elle avait découvert ! Mais comment la rejoindre ? Sélène était désemparée, ne sachant où aller. Elle choisit de se diriger vers le parc et vit avec soulagement que celui-ci menait aux quartiers commerçants de la ville par le chemin que devaient emprunter les serviteurs. Elle poursuivit sa descente, refusant de se retourner pour voir si elle était suivie. Dans l’affolement elle ne pensa pas à relever son bouclier pour dissimuler sa présence. Une seule chose l’importait à ce moment-là : fuir.
Lorsqu’elle arriva enfin dans une ruelle, elle s’adossa un instant dans le recoin offert par une porte voûtée et tenta de reprendre son souffle. Elle refusa de céder davantage à la panique et chercha à se remémorer les paroles de la déesse. Trouver son fils. Voilà qui était léger comme indice si l’on partait du principe que tous les élus étaient ses fils et filles. Il y avait également les hybrides, mi-hommes, mi-loups, qui étaient considérés comme étant sa progéniture. Sélène changea d’objectif. Retrouver sa mère lui paraissait être la priorité en cet instant. Elle devait l’avertir qu’elle était en danger elle aussi. La peur revint brusquement. Après la révélation de son identité, l’archimage se rendrait sûrement chez Eilin ! Il fallait qu’elle la trouve au plus vite tant que le pouvoir de la lune agissait et ralentissait les autres mages.
Ne sachant pas où sa mère vivait, elle sentit le désespoir la gagner. Son médaillon se rappela alors à elle en scintillant. Réalisant qu’elle avait sa magie et que désormais elle pouvait s’en servir librement, elle avisa une pierre relativement aiguisée et s’entailla la paume afin de procéder à un rituel du sang. La magie des pierres s’activa et elle lança l’appel vers Eilin. Fermant les yeux, elle laissa sa magie se déverser par ondes autour d’elle. La chaleur réconfortante de son don la rassura et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle eut la surprise de se trouver devant une chaumière. En regardant autour d’elle, Sélène constata qu’elle était située en dehors de la ville. Il s’agissait plus précisément d’une ferme de taille modeste, mais très bien entretenue. Hésitante, ne sachant comment agir, elle fut tentée d’opérer un demi-tour quand une voix l’interpella.
— Sélène ? Est-ce bien toi ?
La jeune femme sursauta en reconnaissant le timbre doux et familier de sa mère. Elle se retourna les larmes aux yeux et courut dans les bras d'Eilin qui lâcha le seau d’eau qu’elle portait pour réconforter sa fille.
— Que s’est-il passé ? Pourquoi es-tu ici ? Et dans quel état es-tu ?
Dépassée par les questions de sa mère, elle ne put dire un mot et se contenta de la regarder éperdue. Voyant la détresse de la jeune femme, Eilin prit les choses en main.
— Rentrons, nous verrons tout ça une fois que nous serons autour d’un bon chocolat chaud. Cela te fera du bien.
Épuisée, Sélène n’eut pas la force de protester et entra à la suite de sa mère dans la chaumière accueillante.
Eilin s’affaira à faire repartir le feu dans l’âtre, après avoir installé Sélène dans un fauteuil. Elle posa la casserole de lait au-dessus du feu et partit dans une autre pièce. Elle en revint les bras chargés de vêtements et du nécessaire pour prendre soin de sa fille. Avec douceur, elle l’aida à retirer sa robe de cérémonie souillée par la terre puis elle lui remit un pantalon en coton beige, des sous-vêtements, un corset et une chemise grenat. Elle la laissa nettoyer ses pieds et s’occupa de brosser ses cheveux et de les lui tresser. Sélène profita de ces instants auprès de sa mère. Malgré ses vingt ans, elle n’avait jamais pu bénéficier de ses soins aussi elle savourait ce moment en s’efforçant de rassembler ses esprits. Malgré l’urgence qu’elle ressentait à la prévenir et à obtenir des réponses, elle profita de chaque seconde à ses côtés. Une fois réchauffée et rassérénée, elle prit la tasse que lui tendait sa mère pendant que celle-ci s’installait près d’elle. Elle savoura la chaleur du breuvage puis se lança.
— Je suis désolée de débarquer ainsi à l’improviste. D’autant que je risque de te mettre en danger. Il s’est passé quelque chose d’étrange durant la cérémonie.
— Ainsi elle a bien eu lieu, murmura sa mère.
— Oui. J’ai bu à la coupe pour connaître mon identité et j’ai obtenu mon artefact, mais je ne comprends pas le message de la déesse, ce médaillon… Tout a changé en une fraction de seconde et les serviteurs morts… bafouilla-t-elle la tête emplie des souvenirs des corps gisants dans les cuisines de l'Académie.
Le regard confus de sa mère lui fit réaliser que ses explications n’étaient pas claires aussi elle inspira puis se concentra pour lui relater les derniers événements avec plus de précision.
— Calme-toi, l’apaisa sa mère lorsqu’elle eut terminé, en posant une main réconfortante sur la sienne. Je suis désolée que tu aies eu à vivre tout ça seule.
— Que… pourquoi ce que je te dis n’a pas l’air de te surprendre ? se redressa soudain Sélène avec méfiance.
— Ne te méprends pas, je suis ta mère et je connaissais l’identité de ton père, je me doutais donc de certaines choses, mais avant de t’expliquer ce que je sais, parle-moi des serviteurs, comment ça, ils sont morts ?
— Je… Je ne sais pas, je me suis enfuie par la porte de service qui était plus proche que l’entrée principale et ils étaient étendus, morts. Je pensais qu’ils dormaient et j’ai voulu m’approcher d’Enora, mais elle…
Sélène ne put retenir un sanglot, sa mère serra sa main pour lui montrer son soutien. La jeune fille se sentit misérable d’agir ainsi alors qu’elle aurait dû être sûre d’elle en ce jour. Son jour. Elle reprit avec amertume.
— Il y avait un symbole peint sur le mur des cuisines, une lune rouge entrelacée de deux croissants. Je ne l’avais jamais vu auparavant.
Eilin regarda sa fille avec compassion, puis se leva et se rapprocha de l’âtre. Elle poussa un soupir avant de se tourner de nouveau vers Sélène.
— Ce que tu as vécu ce soir est une véritable épreuve, mais malheureusement ce ne sera pas la dernière.
— Quoi ? Mais enfin…
— Laisse-moi t’expliquer depuis le commencement. Lorsque j’ai rencontré ton père, Aedan, il était un mage brillant et émérite, reconnu par ses pairs et admiré par tous les citoyens d’Azurite. Il était pressenti pour devenir archimage et donc en compétition avec Arthus. Ils étaient amis jusqu’au jour où ton père me rencontra et décida de m’épouser. Arthus n’était pas favorable à notre union mixte.
— Tu veux dire que l’archimage approuve les délires des extrémistes concernant le sang pur ?
— Disons qu’à l’époque il s’inquiétait de voir la magie disparaître à force d’unions entre humains et mages. L’augmentation du nombre d’hybrides et la diminution de celui des élus ne faisaient qu’accroître sa défiance. Ses premières intentions n’étaient pas perverties néanmoins lorsque Aedan a été désigné en tant que favori pour le poste d’archimage, Arthus s’est renfermé. Il est devenu plus taciturne, secret. Certains disaient qu’il s’adonnait à la magie occulte pour augmenter ses pouvoirs dans le but de détrôner Aedan.
— Mais si mon père devait devenir archimage, pourquoi n’est-il plus là aujourd’hui ? Pourquoi l’accuse-t-on de traîtrise ?
— Arthus avait réuni autour de lui un groupe de sympathisants partageant ses idées sur le sang pur et la pérennité de la magie. Ils ont fomenté un complot pour le destituer en le faisant passer pour un traître.
— Mais comment ? insista Sélène, perplexe.
Eilin eut un sourire las, puis elle se rapprocha et s’agenouilla devant sa fille.
— Lorsque tu es venue au monde, nous nous attendions à ce que tu sois un garçon, un hybride…
Cette réalité la frappa soudainement. Comment n’avait-elle pas pu faire le rapprochement plus tôt ? Certes, elle n’avait pris conscience de son identité que cette nuit, mais elle aurait pu faire le lien. Et les autres mages ? Étaient-ils au courant qu’elle était une… Une monstruosité ?
— Arthus était le seul à savoir pour toi. Quand nous avons vu que tu portais la marque de la lune, Arthus voulut nous dénoncer et te tuer.
Incapable de répondre, Sélène accusa le coup, attendant la suite de ses explications sur un passé qu’elle ne souhaitait plus vraiment connaître.
— Il était devenu de puissance égale à celle de ton père en usant des forces de la magie noire. Nous avons donc passé un pacte, il te laissait vivre et Aedan lui laissait la place d’archimage. Il a bien entendu accepté, mais il nous a trahis. Il nous dénonça et t’enleva pour t’emmener à l’Académie. Aedan l’affronta dans un duel, mais il disparut sans que l’on sache comment. Je ne l’ai jamais revu depuis, je ne sais même pas s’il est encore en vie…
— Mais les autres mages semblaient ignorer mon identité ?
— La majorité oui. En vérité, seuls les disciples d’Arthus faisaient partie de ce complot. Ils s’étaient réunis sous le nom de l’orbe rouge en référence à l’auréole sanglante qui entoure la lune les nuits de Samhain.
— Mais pourquoi n’as-tu rien fait ?
— Enfin Sélène qu’aurai-je pu faire ? Une simple humaine face à un archimage ? Une femme de surcroît ! Je… J’aurais aimé te soustraire de son influence, mais sans Aedan j’étais perdue. Et puis il y avait Enora.
— Ma gouvernante ?
— Elle était plus que cela, elle était ma tante. Elle m’avait promis de veiller sur toi, de te protéger de l’intérieur et elle a convaincu Arthus de me laisser te voir à condition que je garde le silence.
Sélène eut besoin d’un instant pour faire le tri dans ces informations. C’était plus que ce qu’elle avait eu en vingt ans ! Toutes ces années passées dans l’ignorance de son identité, de sa condition, à apprendre des protocoles, des codes. Des mensonges. Tous, ils lui avaient tous menti, même sa fidèle Enora… Elle sécha ses larmes et interrogea sa mère sur une question qui lui vrillait les entrailles.
— Pourquoi Arthus m’a-t-il gardée toutes ces années en sachant très bien quel monstre je suis ?
— Ne dis pas ça ! s’exclama Eilin. Tu n’es pas un monstre ! Au contraire tu es une chance inespérée pour les mages et les hybrides. Nous pensions que les unions mixtes ne pouvaient pas enfanter un être magique et tu es la preuve du contraire ! Arthus a dû vouloir te garder pour…
— M’étudier ? cracha Sélène le cœur au bord des lèvres. Pourquoi attendre jusqu’à aujourd’hui pour me menacer ?
— Sélène, quel est ton artefact ? demanda doucement sa mère.
— Mon artefact…
La jeune femme toucha son médaillon du bout des doigts. Eilin connaissait la réponse, mais attendait qu’elle fasse le lien elle-même. La magicienne comprit alors.
— Il voulait se servir de moi pour accéder au médaillon…
— Il ne pouvait pas savoir quelle forme ton artefact prendrait, mais il savait qu’il serait plus puissant qu’aucun autre
auparavant. Tu es spéciale Sélène. Tu n’as rien d’un monstre au contraire, tu es celle qui unifiera pour de bon notre société.
— La lune a fait de moi une gardienne. J’ai juré de respecter mon vœu auprès d’Arthus. Je ne peux revenir sur ma parole et renier mon serment !
— Qu’as-tu promis exactement ?
— De protéger les citoyens d’Opale, d’assumer mon rôle de gardienne de l’équilibre et de purifier nos terres de la corruption.
Sélène réalisa alors le double sens des mots. Jamais jusqu’à aujourd’hui elle n’avait réalisé qu’ils avaient tant de pouvoirs. Son serment, elle l’avait prêté à la déesse, non à Arthus. Soulagée, elle se laissa retomber sur le dossier de sa chaise tandis que sa mère attisait le feu. Chacune en silence, laissait le temps à l’autre de prendre conscience des derniers événements.
Eilin culpabilisait de n’avoir pu soustraire sa fille des mains d’Arthus. La peine se lisait sur ses traits et Sélène eut honte d’avoir été véhémente envers elle. Soudain son ventre se serra à l’idée que l’archimage puisse s’en prendre à Eilin.
— Nous ne pouvons pas rester ici. Tu es en danger, ils doivent me traquer à présent, la déesse m’a dit qu’elle les retiendrait le temps que je m’échappe de l’Académie mais…
— Ne t’inquiète pas nous sommes en sécurité ici, Aedan y a veillé, répondit calmement Eilin.
— Quoi, mais je croyais qu’il avait disparu ?
— Avant d’affronter Arthus et de disparaître, il est venu ici et a posé des runes protectrices qu’il est le seul à pouvoir retirer. La maison est hors de portée de nos ennemis. Il souhaitait te ramener ici auprès de moi et nous protéger ainsi en attendant de pouvoir nous emmener ailleurs.
— Il voulait quitter Azurite ?
— Oui. Il rêvait de parcourir le continent, notamment les montagnes d’obsidienne. En fin de compte, il n’a jamais voulu devenir archimage, il aimait sa liberté, expliqua tendrement Eilin.
Sélène fût touchée par l’amour qu’elle percevait à travers les propos de sa mère. Toutes ces années elle avait attendu son époux. Elle se souvint des paroles de la déesse.
