Le peintre et moi - Monique Richard - E-Book

Le peintre et moi E-Book

Monique Richard

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Beschreibung

Peintre amateur, elle décide de copier l’autoportrait de Picasso. Une relation intense et passionnée naît de ce face-à-face avec le maître. « Je ne pensais pas qu’une telle relation pouvait naître d’un portrait. Je me trouve ridicule, mais j’accepte ce ridicule. J’étais certainement à la recherche de sensations nouvelles. Et il ne m’a pas été difficile de tomber dans le piège d’une relation amoureuse. Le besoin était là, l’occasion a été ce visage et surtout ce regard profond. » Sa toile terminée, elle se retrouve face à un immense vide et l’écriture lui permet d’explorer cet attachement dans « Le maître des cœurs » et de se libérer de sa souffrance dans « Le voleur de mots ».


À PROPOS DE L'AUTEUR


Monique Richard est l’auteure de plusieurs ouvrages publiés en 2021 par Edilivre sous le pseudonyme de Mike Barri, parmi lesquels "La petite fille d’horloger" et "Lulu". "Après L’homme du train", "Le peintre et moi" est son quatrième roman paru aux éditions Le Lys Bleu.

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Monique Richard

Le peintre et moi

Roman

© Lys Bleu Éditions – Monique Richard

ISBN : 979-10-422-1860-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Merci à tous ceux qui m’encouragent, à tous ceux qui m’inspirent.

L’imagination est essentielle dans un récit, mais l’imagination se nourrit du réel.

Merci à mes fidèles correcteurs qui ne ménagent ni leur peine ni leur temps pour rendre mes textes les plus parfaits possibles.

Livre 1

Le maître des cœurs

Cette histoire commence de façon banale. Comme beaucoup d’histoires, elle part de peu de choses, suit lentement son chemin, et peu à peu s’emballe, se différencie des autres, et elle devient unique. Elle s’écrit seule, elle devient indépendante, et comme a dit Lacan, on finit toujours par devenir le personnage de sa propre histoire.

Est-ce mon histoire ? Suis-je le personnage principal de ce récit inachevé ?

L’atelier peinture

Rien ne peut être fait dans la solitude.

Pablo Picasso

Chaque mois de septembre, la course aux inscriptions commence. Après avoir déterminé les activités que je désirais faire tout au long de l’année scolaire, je recherche les associations qui me les proposent. Vous me direz que je pourrais très bien m’inscrire dans des ateliers privés et je serais peut-être ou certainement satisfaite, mais je ne m’appelle pas « Rothschild », comme aurait dit ma maman. Je dois donc me débrouiller avec des associations qui proposent des activités à des prix qui correspondent mieux à mon budget.

Ainsi, cette année-là, j’ai sélectionné un atelier de peinture à proximité de ma maison. Je suis très heureuse d’apprendre que le nombre de candidates (Oui, il n’y a que des femmes…) n’est pas atteint et que je peux venir rejoindre les peintres en devenir pour cette année. Je suis un peu étonnée puisque les années précédentes, je n’avais pas pu m’inscrire.

Mais après avoir étudié plus précisément les propositions de cet atelier, j’ai compris qu’il y avait eu un changement d’intervenant, et que c’était la raison du manque d’inscriptions. On s’attache vite à quelqu’un et il est difficile d’accepter les changements en général. Enfin, cette situation m’arrangeait bien.

Avec une énergie nouvelle, je décide donc de reprendre une activité délaissée depuis quelques années. Il est toujours difficile de retrouver le même niveau de compétences après avoir abandonné la peinture. Je savais donc qu’il me faudrait une énergie double pour arriver à produire des toiles correctes. Mais le principal était de me faire plaisir.

Dans cet atelier, pas de sujet proposé, pas de travail collectif, mais un choix individuel de toile de maître à copier. Cette façon de travailler ne me convenait pas vraiment. J’aimais la création et la copie n’en est pas une, sauf si je décidais d’interpréter et de réaliser une copie non conforme. Ce n’était pas le souhait du professeur, mais il lui était difficile d’imposer une règle à un public de femmes qui pouvaient être des mères ou même des grands-mères pour lui. À 65 ans, je n’étais pas encline à me plier à des injonctions, alors que durant toute ma longue vie, je m’étais battue pour résister à la domination, quelle qu’elle soit, mais surtout masculine.

La recherche de mon modèle fut rapide. Depuis quelque temps, je m’intéressais à Picasso. Je ne le connaissais pas vraiment, mais après avoir assisté à une conférence sur la période bleu et rose, je regardais avec un œil nouveau ses peintures et j’avais envie de le connaître mieux, pas seulement son œuvre, mais ce personnage aimé et adulé par certains, ou détesté par les amateurs d’une peinture plus conventionnelle.

J’avais déjà tenté une copie de sa toile peinte en 1909 « Pains et compotier aux fruits sur une table », actuellement au Kunstmuseum à Bâle. J’avais été attirée par cette nature morte et ses formes géométriques que j’imaginais simples à reproduire. Mais c’était avant de poser les premiers repaires sur ma toile blanche. Les objets posés sur cette table étaient vus à partir d’angles de vue différents. Le compotier semblait être vu depuis le haut, alors que le pain était peint de face. Le bol renversé ne me permettait pas d’en voir le fond. Ce manque de perspective centrale déstabilisa la copiste que je souhaitais être.

Mais ce premier long contact m’avait rapproché de lui. J’aimais ses couleurs et la simplicité de ses traits. Après un rapide coup d’œil aux ouvrages que je possédais, je me laissai emporter par un regard noir, qui me fixait et qui semblait me mettre au défi de me confronter à lui.

Comme de nombreux peintres, cet autoportrait de sa jeunesse lui permettait d’avoir un modèle gratuit. Je ne pense pas que ce soit un acte narcissique que de se représenter sur la toile, mais un acte désespéré de l’artiste maudit, qui peine à vivre de son art. J’avais tenté quelques fois de me placer devant un miroir pour peindre celle que je voyais, ce double dont je n’étais pas particulièrement satisfaite, mais je voulais ressentir les mêmes sensations, peut-être, que les peintres qui avaient réalisé de nombreux autoportraits. Je pensais ainsi à Van Gogh que j’avais tenté de copier en utilisant des méthodes similaires aux siennes. J’avais pris un réel plaisir à déposer des pointes de couleur, pour recréer son regard, son visage, son chapeau.

En revanche, mes autoportraits que j’avais tenté de peindre dévoilaient une mégère, au regard noir, aux traits crispés, au sourire inexistant. Tous les défauts que je détestais en moi ressortaient très clairement sur mes peintures. J’étais moche, antipathique, et je n’aurais pas eu envie de me rencontrer, alors je pouvais imaginer ce que les autres pouvaient ressentir en me voyant.

Cette image de soi, mise à nu dans les tableaux, montre certainement l’aspect physique d’un peintre, mais aussi son moi intime, sa personnalité, son estime de lui. J’imaginais que des études avaient été faites, mais vu la laideur de mes autoportraits, je préférais ne pas savoir ce qui se tramait en mon for intérieur. Je préférais faire l’autruche plutôt que de me pencher sur mes bobos intimes.

Ce Picasso, qui me toisait, me plaisait. Il ne semblait pas commode, mais je voulais essayer de l’apprivoiser, de me l’approprier. Le dompter serait une utopie, étant donné le vécu du peintre, il ne semblait pas accepter les contraintes.

Après quelques hésitations sur le format de la toile que j’utiliserais, je décidai que le moment était venu de prendre les pinceaux et ma palette de peinture. J’étais angoissée à l’idée de me mesurer à ce personnage qui ne me laissait pas indifférente. Cette toile blanche me semblait indigne de servir de support à cet autoportrait. Je me sentais petite, illégitime dans cet essai. Enfin, je me disais que je pourrais toujours le détruire si le résultat était vraiment mauvais.

La rencontre

Un tableau ne vit que par celui qui le regarde.

Pablo Picasso

Comment commencer ? Je n’aimais pas me sentir dépendante, dans aucune des situations de ma vie, et donc même si je souhaitais rester la plus fidèle possible à l’original, je ne me résolus pas à quadriller ma toile pour reproduire cette figure qui continuait à regarder avec insistance. J’avais besoin de liberté et d’indépendance. Je dessinerais donc ce visage sans l’aide technique du quadrillage. Tant pis, si Mr Picasso ne ressemblait pas à son portrait, il aurait un peu de moi dans la peinture que je lui imposerais.

Je contemplai ce visage, dont les contours étaient très marqués par des lignes noires, qui déterminaient ainsi les grandes lignes. Je me dis alors que cette simplicité serait facile à recopier. Mais, je me rendis vite compte que la simplicité était loin d’être évidente. D’une part, je devais faire attention aux épaisseurs des traits et bien comprendre que c’étaient eux qui structuraient l’ensemble de la toile.

En dessinant ainsi, les yeux happés par le portrait, puis concentrés sur le dessin, je ressentis une étrange sensation, une présence auprès de moi. Je me retournai, un peu mal à l’aise, mais personne ne s’était approché de moi, ce qui me semblait normal étant donné que j’étais seule dans la maison, et qu’à aucun moment, je n’avais entendu un bruit, ni celui d’une porte qu’on ouvre, ni le frottement de pas sur le sol. Non, le silence était total, la musique s’était arrêtée, Elvis ne m’accompagnait plus, c’était bien un silence profond qui régnait dans ma maison.

Je me remis donc à mon ouvrage, me concentrant à nouveau dans cette recherche d’un bon usage de l’espace. J’effaçai ce trait trop large, le déplaçai sur la gauche. Et à nouveau, je m’arrêtai, de nouveau avec la sensation d’être observée. C’était une impression étrange, je sentais comme un frôlement auprès de moi, comme un souffle dans ma nuque. Je me retournai et observai autour de moi le vide, regardai par la fenêtre, l’ouvris et inspectai les alentours, mais nous étions en milieu de journée, les enfants étaient à l’école, les parents au travail, et moi, unique retraitée de la rue, le seul bruit, que je pouvais produire, était celui du crayon que je posais sur la table pour l’échanger contre une pointe de mine plus grasse, ou de la gomme que j’utilisais afin d’effacer quelque trait mal positionné. Je pensai donc que j’avais quelques hallucinations dues à ma concentration trop intense dans mon travail.

Je décidai alors de m’installer confortablement dans ce fauteuil qui me tendait ses bras, et me laissai emporter dans un doux rêve dans le monde de Picasso. Je me voyais, jeune fille brune, aux longs cheveux noirs, admirant le maître dans son atelier. Il me regardait avec beaucoup d’indulgence pour mes premières tentatives dans le monde de l’art. J’étais une novice, mais il avait une patience que je ne lui connaissais pas. J’étais dans un cocon, mais cet instant magique fut, en fait, de très courte durée, car j’entendis la porte du garage s’ouvrir et vis arriver mon conjoint. Pour moi, plus question de continuer mon travail, je savais que je serais interrompue régulièrement, et décidai de ranger mon matériel jusqu’au lendemain.